mercredi 10 octobre 2012

Sociologie politique 25 - 09 (cours 1)


 Les grands empires en 1918


L’ordre international, un ordre construit, stato-centré et post-impérial


Puisque l’on vit dans un système international, il faut avoir une vision claire de cet ordre international.


I.                   Un ordre international construit

On peut classer l’ordre international en quatre grands systèmes : les approches réalistes et néoréalistes, les approches libérales, les approches marxistes et les approches constructivistes.

Pour les approches réalistes, la structure au centre de l’ordre mondial est la guerre. Selon Hobbes puis Locke, l’homme est un loup pour l’homme. On a donc des approches soulignant le critère militaire comme le souligne Lausewitz. C’est une vision classique de la politique qu’on retrouve de Machiavel à Weber, et qui perdure dans bien des analyses contemporaines. La Russie possède essentiellement un angle d’analyse de ce type, mais pas seulement. Les néo-réalistes ont une approche un peu plus raffinée s’appuyant sur l’intérêt des États, le monde est une course à la puissance. Morgenthau est l’auteur le plus connu de cette analyse. Les acteurs luttent entre eux pour acquérir et conserver leur puissance. Ce genre d’analyse peut se retrouver dans les analyses de certains des acteurs chinois. Cette lutte pour la puissance assure alors un équilibre des États forts. Ainsi, la puissance atomique est analysée ainsi, un équilibre des puissances atomiques, empêchant des guerres directes. Bien évidemment, la critique de cette analyse souligne que les guerres peuvent être indirectes. L’ordre stable par concurrence entre les États pour la puissance, assure donc un équilibre des forces. Cela mène à l’analyse récente et en plein essor d’un G2 : les USA et la Chine se partagent le monde en conservant une forme d’équilibre entre eux.
Le paradigme libéral, aussi appelé idéalisme, nous est venu de Kant. Son application politique la plus connu est sous Wilson. L’ordre international n’est pas fondé sur la guerre mais sur des acteurs qui vont trouver leur intérêt en coopérant. L’avantage est qu’on peut alors prendre en compte les régimes politiques internes à chaque pays. Ainsi, les Révolutions Arabes ont été vues comme une chance, entre autre parce que ces pays deviendraient des démocraties sur qui assurerait de meilleures coopérations entre les États. Dans cette analyse, la Chine pose plus de soucis que dans l’analyse réaliste (Tibet, droits de l’homme, parti communiste omniprésent, …). Autre atout, on prend en compte davantage d’acteurs : ONG, associations, multinationales, … Bertrand Badie par est un contemporain de cette analyse. C’est une analyse fortement présente en France ou aux USA. Rosenau, prenant en compte tout les acteurs, vient à en dire que les États dans le monde international sont en baisse de pouvoir.
Les approches marxistes ou structuralistes soulignent que le conflit de la lutte des classes est simplement transposé à l’échelle internationale. Un auteur néo-marxiste comme Wallenstein nuance davantage, il oppose des États centraux et des États périphériques ou semi-périphériques (par exemple le G7 contre les autres pays). Ces analyses sont très présentes dans les milieux diplomatiques. Ce sont des approches critiques évidemment.
Les approches « constructivistes » lisent le monde de différentes façons. Les intérêts des États ne sont en fait que des construits subjectifs. C’est l’idée que la culture est un construit par l’État qui en vient donc à l’imposer au reste de la société. Par exemple, l’idée d’union européenne est une pure construction des États membres. Huntington, pourtant très critiqué dans son ouvrage, The clash of civilization, pose l’idée que les huit cultures religieuses provoqueront les guerres d’avenirs.


II.                Un ordre international stato-centré

L’idée est que l’ordre international est véritablement caractérisé par son caractère centré sur les États. Cela date de 1648 avec le traité de Westphalie où l’on passe d’un ordre monarchique et dynastique à un ordre plus étatique. Depuis cette période, on a alors une forme de continuité. L’État devient donc l’acteur principal de cet ordre et ce de plus en plus. En effet, le nombre d’États à explosé ces dernières années, les ambassades et consulats se sont multipliés. Au Mali, le conflit en cour vient d’un État faible avec des frontières floues et poreuses. Cet État défaillant montre bien que l’ordre international repose sur les États puisque celui-ci en danger, il devient un problème majeur. On peut aussi opérer des distinctions entre les États plus ou moins forts.
Ainsi, Weber décrit l’État comme « une entreprise politique à caractère institutionnel qui revendique avec succès le monopole de la contrainte physique (violence) légitime » (Économie et société). Au Mali, l’État revendique sans succès ce monopole de la contrainte physique légitime. De plus, les islamistes ont déclaré l’État de l’Azawad au Nord-Est du Mali, État très contrôlé mais pas plus solide. Il n’y a pas de représentant, pas d’interlocuteurs, …
Au contraire de l’État wébérien représenté par le Mali, on a les États somalisés où l’État de Somalie n’existe plus puisqu’il ne revendique pas cette contrainte physique. Il ne contrôle donc ni la population, ni le territoire, c’est un État fantoche. Cette construction wébérienne de l’État peut s’appliquer partout : en Libye ou l’État souhaite contrôler sans succès son territoire, en Afghanistan, un pays semi-somalisé, une Syrie divisé en deux États en lutte, … Mais ces analyses restent donc entièrement fondées sur une analyse en termes d’États.

Face à tous ces États somalisés, on trouve les États forts qui se démarquent souvent par des États possédant une multiplicité d’ambassades. La France est passée de 16 ambassades en 1939 à 156 en 2012. Les enjeux des États émergents étant d’ailleurs l’ouverture d’ambassades dans le monde. De plus, les États continuent à naître. En juillet 2011, l’ONU a reconnu l’État du Soudan du Sud, 193 État à l’ONU. C’est cette institution qui orchestre le jeu des États.


III.             Un ordre international « post-impérial »

Le legs postcolonial peut avoir une influence forte sur l’apparition ou le fonctionnement des États. Cette trace passe soit sur les ??? de la colonisation, soit sur les frontières laissées à l’État, soit par la décolonisation parfois bien peu maîtrisée ou encore lorsque l’on est en situation du post-colonialisme, c'est-à-dire que l’ancien pays colonial a gardé une influence sur le nouvel État indépendant (ces nouveaux États étant parfois indépendants de nom, mais dépendant économiquement de leur métropole). Mbembé a beaucoup travaillé sur cette question des États postcoloniaux qui sont d’ailleurs les plus nombreux dans le monde (Afrique, Orient, Océanie, Amérique du Sud). Mieux vaut parler d’État post-impérial, le terme est plus large que postcolonial.
Pour caractériser cet ordre post-impérial, on peut distinguer les empires centraux et les empires secondaires.

1.      Les empires principaux

A.     L’empire britannique

Cet empire était universel, il s’étendait sur plusieurs continents. On parle aussi d’un empire indirect, on s’appuyait sur les élites locales pour les préparer à gouverner le pays ensuite. Enfin, on évoque aussi une thalassocratie pour qualifier cet empire, puisqu’il s’étend essentiellement sur des mers contrôlant de nombreux détroits et îles. C’est aussi un empire très ancien puisqu’il était déjà un empire sous l’occupation des USA.


Ayant été la métropole de nombreuses contrées, l’empire britannique garde encore des traces de ce passé : le Commonwealth dont la reine d’Angleterre est toujours la chef de ces États, la trace linguistique, ou encore les liens forts, bien qu’indirects, entre les anciennes colonies britanniques et les USA, alliés proches de leur ancienne métropole.

La décolonisation britannique peut se découper en 5 phases. La toute première est celle des dominions (Australie, Canada, Afrique du Sud, …) décolonisés depuis les USA en 1776 jusqu’à l’Irlande en 1922. La deuxième phase se centre davantage sur l’Asie ou l’empire britannique avait de nombreuses possessions. Entre 1947 et 1948, les indépendances de l’Inde, du Pakistan, d’Israël, de la Jordanie, de la Birmanie, … Cette décolonisation très rapide n’est pas sans laisser des traces négatives, des effets d’abandon (conflit du Cachemire entre l’Afghanistan et le Pakistan, conflit autour du Pakistan orientale devenu Bengladesh, …). La troisième phase eu lieu vers 1955 (Soudan) – 1968 (Lesotho) avec la décolonisation progressive de la région africaine (Ghana, Ouganda, Kenya, Zanzibar, Zambie, …). A cette même époque la thalassocratie britannique se détache aussi (Malte, péninsule arabique, Chypre, …). La quatrième phase s’étale de 1968 à 1997 (Hong-Kong) et touche des territoires bien plus restreints (Papouasie Nouvelle-Guinée en 1975, Vanuatu en 1980, Bruneï en 1983, …). Enfin la cinquième phase est actuelle avec la question de savoir que faire des territoires restant (Iles Caïman, Les Bermudes, Iles vierges britanniques, …). Essentiellement des petits territoires situés dans des lieux ponctuels avec un lot plus important dans les Caraïbes.

B.     L’empire colonial français

Cet empire se caractérise par une administration directe avec des gouverneurs, préfets, gendarmes, départements français, … Cet empire se construit sur une politique volontariste de civilisation des colonies (écoles, infrastructures, institutions, …). Il s’agit aussi d’un empire moins universel que l’empire britannique et bien plus centré sur l’Afrique avec la conquête de l’Algérie en 1830. Auparavant, la France fut peu présente dans les conquêtes des Amériques en perdant les guerres face aux britanniques. C’est aussi un empire dont la décolonisation est légèrement plus tardive que l’empire britannique avec un poids du néocolonialisme qui a retardé ces indépendances. Enfin, la décolonisation de cet empire s’est fait souvent par des guerres coloniales qui posent plus d’un problème pour les pays récemment indépendants (problème de morts, du travail de mémoire, du coût financier, du désarmement, de la présence de l’armée, …).

La décolonisation de cet empire colonial français s’est faite en seulement trois phases. Tout d’abord entre 1945 – 1946 avec le Liban et la Syrie qui étaient aussi des mandats de l’ONU avec une colonisation assez faible, d’où des liens plus faibles voire tendus avec la France. On a aussi à la même époque les indépendances d’Indochine et des protectorats (Maroc et Tunisie). La deuxième phase de 1948 – 1952 se centre sur les pays d’Afrique avec l’Afrique Occidentale Française (AOF) et l’Afrique Equatoriale Française (AEF). Du coup, ces indépendances se retrouvent dans les votes à l’ONU où la France est souvent suivie de ses anciennes colonies. En contrepartie, en cas de difficultés dans ces anciennes colonies, la France se doit d’intervenir d’une manière ou d’une autre, ainsi plusieurs contingents de l’armée française stationnent dans certains de ces pays qu’ils soient en guerre ou non. Seul cas à part, celui de l’Algérie où la décolonisation fut très difficile. En plus de ces anciennes colonies, la France est aussi présente dans les États anciennement colonisés par la Belgique, en particulier le Congo. Troisième phase, de 1975 à 2018, il ne reste plus beaucoup de territoires si ce n’est les Comores, Djibouti (1977) et quelques États insulaires de l’Océan Indien et d’autres de l’Océan Pacifique (Vanuatu en 198 ), la Nouvelle-Calédonie (peut être en 2018), … Il reste encore de nombreux territoires insulaires à la France : Départements et Régions d’Outre-Mers (DROM), Pays d’Outre-Mers (POM), …

Ces anciennes colonies sont à la fois des ressources en termes d’alliés ou de soutiens linguistiques pour leurs anciennes métropoles  puisqu’elles assurent ainsi un réseau (Commonwealth, Organisation Internationale Française OIF, …). Ceci dit, il y a des contreparties, les interventions de ces anciens empires sur leurs anciennes colonies est souvent une évidence en politique (intervention de la France au Mali est une évidence pour des pays comme les USA ou la Chine).


2.      Les empires secondaires

Au nombre de 6 environ, ces empires sont caractérisés par leur attitude centrée sur une région particulière avec une exploitation directe de leurs territoires. Leur réseau est alors assez proche des États en développement. On trouve parmi ces empires. :
·         L’empire Allemand qui a certes disparu rapidement, mais il y eu des partages avec d’autres empires plus puissants après la Première Guerre Mondiale (notamment la France et le Royaume-Uni). C’est parce qu’on trouve de nombreux empires dans l’Union Européenne que l’on considère cette zone comme une zone puissante avec une forte influence.
·         L’empire Italien était plutôt réduit mais possédait des territoires (Libye, Somalie, …). La décolonisation fut rapide, les liens faibles mais les conséquences plutôt négatives.
·         L’empire Néerlandais qui se centrait uniquement sur les Indes Néerlandaises (aujourd’hui Indonésie) avec une exploitation forestière brutale et des massacres de population terribles. Leur première indépendance en 1949 fut suivie par ??? en ???, le Surinam en 1982, Aruba en 1996. Mais des territoires demeurent en partenariat avec d’autres pays.
·         L’empire Belge avait des traces aussi en Afrique avec le Congo ou République Démocratique du Congo (RDC). Par effet de substitution, la France et l’Union Européenne gèrent ce territoire avec des relations tendues vis-à-vis du Rwanda (qui a coupé ses relations avec la France pendant quelques années).
·         L’empire Espagnol a eu une décolonisation très ancienne en Amérique du Sud et en Amérique centrale dés 1810 jusqu’à 1898 avec Cuba. A cette époque, on a défini l’uti possidetis juris, terme législatif qui assure que quand un État devient indépendant les frontières de la décolonisation perdurent et sont intangibles. Cela est censé éviter les conflits multiples sur les frontières. Seuls quelques cas rares rompent les limites coloniales comme le Soudan Sud qui s’est détaché et à donné une nouvelle frontière. La Guinée équatoriale, indépendante en 19) est une de seules colonies espagnoles en Afrique avec le Sahara Occidental en 1975, non-reconnu de l’ONU.
·         L’empire Portugais, historiquement centré sur le Brésil, il s’est ensuite attaché à quelques territoires essentiellement en Afrique ainsi que Goa en Inde, Macao en Chine ou le Timor (devenu Timor-Leste). Ces colonies portugaises en Afrique furent touchées par de violentes guerres coloniales (Guinée-Bissau et Cap-Vert), puis de violentes guerres postcoloniales comme en Angola et au Mozambique. Les traces se voient par une migration forte des peuples de ces contrées ravagées, au Portugal.

Beaucoup des États africains sont donc pressés par ce passé colonial qui joue dans les crises en les provoquant ou en les réglant. Ce poids passé joue énormément sur l’ordre mondial et en particulier sur l’ONU.

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