La photo de Mao dans le Fleuve Jaune
Le rituel du ming tang était aussi associé à la
théorie du mandat. Ce rituel doit assurer la paix dans l’Empire. C’est un temple à base carrée,
pour illustrer la terre, et à toit rond, représentant le ciel. La base du
temple est composée d’un grand carré lui-même divisé en 9 carrés représentant
les 9 provinces de la Chine fondées par Yü le Grand. Au sein du temple, un
rituel compliqué s’y déroulait. Selon la saison, un prêtre vivait dans l’un des
quatre bords du grand carré (celui qui est divisé en 9 : un schéma rapide). De plus, les couleurs
de ses vêtements variaient selon la saison (noir en hiver, …) et il ne pouvait
toucher que certains objets (de couleurs noirs, composés de métal, …). On
trouvait dans ce temple, toutes les couleurs, toutes les musiques, tous les
nombres, … Donc l’objectif était de représenter dans le temple, tout le monde. C’est un trait typiquement chinois, la
politique va de paire avec la globalité du monde. Le palais du ming tang doit représenter un monde en
miniature. Si le rituel est bien effectué, tout ira bien sinon tout ira
mal. C’est un registre de nouveau chamanique, pré-rationnel.
4.
Pouvoir et régulation du monde
Ancestralement, le
roi est régulateur, il tient l’ordre cosmique, mais ne l’ordonne pas. Le roi a ce rôle de régulateur qui tient aux difficultés naturelles
d’implantation de ses souverains. La première se fit le long d’un affluent
du fleuve Jaune, puis autour de ce fleuve ensuite. Dans l’écriture chinoise, le
symbole de l’eau est un radical récurrent dans le vocabulaire chinois (pour
dire gouverner ou soigner, le radical est le mot « eau »).
En
effet, le fleuve Jaune est très
important puisque son écoulement d’autrefois le faisait déboucher au Sud de la
péninsule du Shandong, alors qu’aujourd’hui il débouche sur le Nord dans cette
péninsule. Le rôle des Empereurs fut
donc de réguler le flux de ce fleuve et prévoir ses crues. Cela devait empêcher
la perte des récoltes, la mort par noyades de villages anciens, … Tout cela
poussa les empereurs à instaurer des administrations de manière très précoce
pour instaurer l’eau. D’où le fait que pour les chinois, il y a un lien
entre le contrôle des éléments naturels et le pouvoir. Certains historiens
voient le même phénomène dans l’Egypte antique.
Selon
l’historien Karl
August Wittfogel, qui a écrit Le
despotisme Oriental, on constate que le fondement du despotisme était
lié aux grands travaux pour réguler les fleuves. Il fut critiqué sur le fait
que pour lui, dans le monde des despotismes, il y avait un style de despotisme
oriental. En revanche, sa conception de
monarchie hydraulique, ou le fait qu’il y ait un rapport entre les grandes
administrations et la régulation des crues des fleuves, reste une conception
prégnante.
Plus
tard, l’empereur sera appelé le Grand Ancêtre, il s’inscrit dans une lignée et
un raisonnement généalogique. Mais à l’époque archaïque dans laquelle porte ce
cours, nous n’avons guère de certitudes.
II.
Applications et
répercussions de ces conceptions anciennes
1.
La Chine et les pays feudataires
La Chine a donc
étendu ses relations avec les pays alentours au fil de l’histoire. Ces voisins allaient du Népal,
vers les Philippines, la Malaisie, Le Ryukyu, … Tout ces pays reconnaissaient
la supériorité de l’empereur et lui étaient donc feudataires. En diplomatie, tous
les 5 ans, les représentants des pays voisins les plus proches se faisaient
envoyer une lettre, récupéraient un laisser passer, amenaient des cadeaux, … La Chine, pour montrer sa puissance,
rendait en cadeaux et en argent au moins l’équivalent des cadeaux amener par le
souverain feudataire. La Chine ne supporte pas d’être en dette et se débrouille
avant tout pour mettre en dette le parti avec qui elle traite. Cela se
ressent toujours dans certaines mentalités asiatiques où les gens se font des
cadeaux entre eux tantôt pour instaurer une dette avec autrui, tantôt pour
rembourser leurs dettes. On parle donc
de civilisations de la dette. Le but n’est pas d’humilier les civilisations
en ambassades chez elle. Il s’agit surtout de montrer sa place dans le système
de l’époque. Ces ambassadeurs étaient
pressés de questions par l’administration chinoise qui s’enrichissait culturellement
de ces contacts.
La Chine s’est
toujours sentie supérieure à ses voisins et l’a affirmé. Mais certains de ces
pays se sont sentis surtout égaux de la Chine, par exemple le japon qui a beaucoup emprunté à la
Chine, qui écrivait à l’empereur comme un égal (ce qui n’était pas le cas). De
même pour la Corée qui a adopté le confucianisme, et où les mariages entre
élites chinoises et élites coréennes étaient courants. Le seul racisme vraiment
prégnant est entre les peuples du Nord de la Chine et ceux du Sud (Coréens /
Cambodgiens). Enfin, l’écriture chinoise fut adoptée en Corée du IV° siècle au
XV° siècle avant que le pays ne prenne son propre alphabet. Au Japon, les
caractères chinois furent importés via la Corée, au IV° siècle et demeurent
toujours. D’ailleurs dans le vocabulaire politique, Chine et Japon sont très
proches. Enfin le Vietnam a aussi utilisé les caractères chinois entre le XIII°
et le XVIII° siècle. David Kang, historien auteur d’East Asia before the West, se
demande si la Chine possède toujours la capacité d’être innovante. Aujourd’hui quand la Chine intervient,
disons au Vietnam, elle se sent d’une certaine manière chez elle et en droit
d’intervenir, du fait de ce passé feudataire.
2.
Une forte personnalisation du pouvoir
Que l’empereur soit
le garant de l’ordre entre ciel et terre, cela continue de ricocher sur la
sphère contemporaine. Ainsi ces représentations mentales qui ont la vie très
longue, font de nombreux dirigeants chinois contemporains des proches, voir des
équivalents d’empereurs. Le
9 septembre 1976, Mao
décède. Si c’est un autocrate pour les Occidentaux, c’est pour les Chinois
un homme qui a rendu sa fierté à son pays en le remettant en place sur la
scène internationale, en lui rendant son indépendance. C’est aussi celui qui a
fait quitter ce pays de son époque du féodalisme (refonte du mariage avec le
divorce dorénavant autorisé, offre de terres aux paysans même si ce fut
temporaire, …). En conséquence, en dépit des erreurs de parcours, Mao a vu ses
volontés respectées. Sa femme et ses enfants lui ont fait construire un
mausolée dans lequel il fut enterré. Là où la pratique courante est
l’incinération, ce traitement est un honneur et plonge ses références dans la
culture asiatique impériale (contrairement au style décoratif du mausolée, d’inspiration
communiste). D’ailleurs, le mausolée de Mao est dans l’axe de la cité
impériale.
Idem
pour Deng Xiaoping décédé en février 1997,
qu’on a qualifié de « dernier empereur ». L’homme fort est très
proche d’une image impériale. Ainsi Zhu Rongji, premier ministre après le décès
de Deng Xiaoping, fut celui qui récupèra Taïwan dans la Chine. Celui qu’on
pensait être un technocrate effacé fait une conférence au FMI et s’en sort très
bien. Le lendemain dans la presse chinoise, on lit « Un Gorbatchev
chinois », Rongji passe sur le plateau d’une émission télé où la
présentatrice l’adule. Il passe l’émission à se défendre d’être le meilleur car
le président Jiang Zemin est forcément mieux que lui. Le Premier Ministre ne
doit pas se sentir supérieur à son Président.
3.
Les dirigeants et l’ordre des éléments naturels
En juillet 1911, d’énormes crues ont lieu dans le
fleuve Bleu. On déplore 100 000 morts. L’Empire est en déliquescence et la
population condamne l’Empire Mandchoue qui serait corrompu et autocrate. De plus, des mouvements
nationalistes ont lieu en Chine depuis le XIX° siècle. Les trois facteurs
combinés étaient des preuves que
l’empereur avait perdu le mandat céleste. L’année suivante la République
est proclamée, l’empereur a perdu la partie et sera le dernier véritable
empereur. C’est bien la preuve que cette
conception prégnante dans la population a été un coup de pouce dans la chute de
l’Empire.
Pareil,
un mois avant la mort de Mao, un séisme terrible touche une partie de la Chine.
Pour les Chinois cela annonçait une terrible catastrophe qui fut révélée un
mois plus tard avec la mort de Mao. Le
pouvoir politique doit constamment se renforcer pour éviter le soulèvement, les
paniques de la population. Aujourd’hui cette fortification du pouvoir en place
passe par le contrôle des médias pour le gouvernement.
Les
photos :
L’association de
l’empereur et de l’eau se perçoit dans le coup de pub de Mao qui se baigne dans
le fleuve Bleu.
Les inondations violentes dans le Sud de la Chine en général (quoiqu’en 2012 ce
fut au Nord de Pékin, dans le Fangshan) sont l’occasion d’autres messages. Les
infrastructures sont détruites, des milliers de morts ont lieu à chaque
inondation. L’armée est alors envoyée systématiquement, tente de sauver les
gens et de réduire les inondations. Les hommes politiques viennent aussi pour
dire à quel point ils se soucient de ces inondations. Ainsi Hu Jintao vient sur
les bords d’un fleuve forme une chaîne humaine avec des soldats pour faire
comprendre qu’il maîtrise les éléments. La presse abonde le lendemain avec de
jeunes soldats sauvant des civils.
Mais
depuis cet été, avec l’inondation du Fangshan, l’opinion publique s’est
affirmée et critiquant des autorités inefficaces, les méthodes inadaptées, … La
polémique est venue du China Daily,
journal vexant les Chinois car toujours lu par les étrangers. Le ministre de la
propagande a alors demandé aux journaux de se concentrer sur les actes
héroïques des héros du régime plutôt que sur les défaillances.
Clairement le
pouvoir politique a toujours été inquiet de son peuple que ce soit à la mort de
Mao, celle de Deng Xiaoping, une grande inondation, … Le pouvoir agit toujours
pour se préserver et se renforcer. Quoiqu’il en soit dans cette culture
populaire et politique, il semble impossible qu’un journaliste s’en prenne à
critiquer un représentant sans être inquiété. Autre impossibilité, une femme à
la tête du pays,
nos États avec des femmes parfois chefs d’État (comme Angela Merkel) sont
perçues comme des représentants non pas du pays mais d’autres aspects
(représentante de l’industrie allemande, …).
Le ren, notion chère à Confucius
Le
confucianisme et la politique
I.
L’homme et son
œuvre
1.
Le contexte politique et les conditions d’élaboration de l’œuvre
Confucius est un homme de l’antiquité, né
en 551 avant JC et mort en 479 avant JC. C’est une figure controversée
souvent mal utilisée et manipulée par les différents camps. Il vivait dans
l’actuelle province du Shandong dans la zone de Qufu qui fait de Confucius son
attrape-touriste. Il mourra dans une période de guerres et de luttes entre États
dont certains ont de forts appétits militaires et hégémoniques. C’est l’époque
des rois et non des empereurs, c’est encore une féodalité, les territoires sont
inégaux entre grands territoires et plus petits autres.
Confucius est
conscient de la fragilité du territoire royal et de l’appétit des États
voisins. Sa tentative était de poser des principes dans un contexte politique
qu’il estimait plus que chaotique. Il souhaitait guider ceux qui voulaient être
guidés. On est
assez proche d’un Socrate sur l’époque et sur la démarche. Sa pensée est connue
au travers d’un ouvrage intitulé Les Entretiens. C’est un
texte qui se présente comme une suite apparemment décousu de petites phrases et
de questions de ses élèves. Ce sont les écrits de ses élèves qu’on a retrouvé,
ils étaient souvent de bonnes familles et les cours que dispensait Confucius étaient selon les origines des
élèves plus ou moins payants. Ce sont des questions d’actualité de l’époque
dont traite Confucius. Nombre d’entre eux eurent des positions politiques
élevées par la suite. Confucius a lui-même voyagé passant dans plusieurs
provinces pour voir si ses paroles pouvaient être entendues ailleurs.
Ses
entretiens sont au nombre de 20 chapitres, 9 sont très probablement vrais, le
reste est encore débattu, peut être des élèves qui auraient donné des propos
similaires à ceux du maître. Confucius
ne fut jamais reconnu de son temps. C’est au II°
avant JC que ses propos deviennent une philosophie associée au régime.
Il n’est ni gourou, ni doctrinaire. Il semble avoir vécu de manière
correcte voire aisée. Confucius face aux États armés jusqu’aux dents contre le
pouvoir royal, a un avis plutôt pessimiste sur la société. Il donnait des
conseils sans jamais pour autant avoir été ministre, sauf peut être dans un
extrait non-officiel des Entretiens.
2.
Le message
La pensée part
toujours de l’actualité et cherche à dégager des valeurs, à trouver un moyen de
révolutionner les esprits. Il est foncièrement contre le cynisme en politique
et juge que les Princes en place à son époque n’ont plus le mandat céleste.
A.
Une idéalisation du passé
Comme beaucoup
d’auteur antique, il pense que la situation était bien mieux avant. Il idéalise
les souverains qui ont fait du bien à l’Empire (comme Yu le Grand). Dans les
dynasties passées, il a pioché quelques souverains qui lui plaisent comme le
duc de Zhou qui a instauré la structure féodale en Chine. Selon lui, ce duc a
réussi à combiner structure politique et structure familiale. D’autres rois lui
ont plut, ceux qui souvent représentent un âge d’or et se montraient cultivés. Selon lui, il faut s’inspirer des
souverains anciens.
B.
Etre un messager
Il se sent comme un
messager et se
compare à un gong. Il met en avant la
notion de voix, de progrès en direction de la vertu. On constate d’ailleurs
dans ses écrits qu’il a l’impression d’avoir un mandat. Cela va rebondir aujourd’hui chez les intellectuels chinois
du XX° et su XXI° siècle. Ceux-ci puisent dans le modèle de Confucius pour se placer
comme des intellectuels Romantiques (comme au XIX° siècle), engagés dans la société, se mettent en
avant, veulent changer la société par leurs actions et leurs écrits. Ces
intellectuels sont très visibles dans la société chinoise, ils se distinguent
par leurs vêtements, leur consommation excessive de cigarettes, leurs études
supérieures qui sont très exigeantes et difficiles d’accès, … Cette figure de
Confucius prend sens dans les mentalités chinoises.
C.
Un humaniste
Confucius forme un
concept, l’homme de bien, junzi. A
cette époque, junzi, dans le
dictionnaire désigne un aristocrate, un prince. Il s’oppose au xiaoren, le paysan, homme sans qualité.
Pour sa part, Confucius fait de ce terme l’homme qui a une rectitude morale. Le junzi est l’homme de bien parce qu’il est droit dans son caractère.
En conséquence, xiaoren devient avant
tout un homme de petite vertu, un minable corrompu.
Comme Confucius est
agnostique, il tire cette division entre le mal et le bien, non pas de la
religion, mais de son esprit. La politique trouve alors ses fondements dans les
hommes doués d’un esprit moral. De là, il en tire la notion de Souverain Bien,
le ren, dont le symbole chinois associe
le symbole de l’homme et celui du chiffre deux. Confucius est aussi un
créateur. Le ren, ce souverain bien c’est
une inventtion dans l’idée et dans le caractère qu’il a crée. Le junzi est aussi une de ses créations. En
fait, le ren est un homme qui est en
bonne relation avec un second homme. C’est qualifié par certains auteurs comme
la vertu d’humanité ou la mansuétude. Confucius dira « Ce que tu ne voulais pas qu’on te fasse, ne
l’inflige pas aux autres ». Avec
une introspection, on part de ses capacités pour juger ce que l’on pourrait
faire aux autres. On est dans une gymnastique spirituelle journalière
typiquement chinoise, qui a pour notion centrale l’entraide. Par ailleurs,
la vie civile et quotidienne fonctionne sous forme de groupes, non pas sur la
centralité de la famille comme en Europe. L’entraide est intrinsèque à la
dette, il n’y a pas réellement de séparation nette. Confucius met aussi en avant la loyauté, la confiance (xin),
le discernement et le courage qu’il utilise de manière complémentaire (l’une
pour la réflexion et l’intellect, l’autre pour l’usage martial) ou encore l’honnêteté.
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