dimanche 14 octobre 2012

Chine 10 - 10 (cours 2)

La photo de Mao dans le Fleuve Jaune




Le rituel du ming tang était aussi associé à la théorie du mandat. Ce rituel doit assurer la paix dans l’Empire. C’est un temple à base carrée, pour illustrer la terre, et à toit rond, représentant le ciel. La base du temple est composée d’un grand carré lui-même divisé en 9 carrés représentant les 9 provinces de la Chine fondées par Yü le Grand. Au sein du temple, un rituel compliqué s’y déroulait. Selon la saison, un prêtre vivait dans l’un des quatre bords du grand carré (celui qui est divisé en 9 : un schéma rapide). De plus, les couleurs de ses vêtements variaient selon la saison (noir en hiver, …) et il ne pouvait toucher que certains objets (de couleurs noirs, composés de métal, …). On trouvait dans ce temple, toutes les couleurs, toutes les musiques, tous les nombres, … Donc l’objectif était de représenter dans le temple, tout le monde. C’est un trait typiquement chinois, la politique va de paire avec la globalité du monde. Le palais du ming tang doit représenter un monde en miniature. Si le rituel est bien effectué, tout ira bien sinon tout ira mal. C’est un registre de nouveau chamanique, pré-rationnel.
  
4.      Pouvoir et régulation du monde

Ancestralement, le roi est régulateur, il tient l’ordre cosmique, mais ne l’ordonne pas. Le roi a ce rôle de régulateur qui tient aux difficultés naturelles d’implantation de ses souverains. La première se fit le long d’un affluent du fleuve Jaune, puis autour de ce fleuve ensuite. Dans l’écriture chinoise, le symbole de l’eau est un radical récurrent dans le vocabulaire chinois (pour dire gouverner ou soigner, le radical est le mot « eau »).
En effet, le fleuve Jaune est très important puisque son écoulement d’autrefois le faisait déboucher au Sud de la péninsule du Shandong, alors qu’aujourd’hui il débouche sur le Nord dans cette péninsule. Le rôle des Empereurs fut donc de réguler le flux de ce fleuve et prévoir ses crues. Cela devait empêcher la perte des récoltes, la mort par noyades de villages anciens, … Tout cela poussa les empereurs à instaurer des administrations de manière très précoce pour instaurer l’eau. D’où le fait que pour les chinois, il y a un lien entre le contrôle des éléments naturels et le pouvoir. Certains historiens voient le même phénomène dans l’Egypte antique.
Selon l’historien Karl August Wittfogel, qui a écrit Le despotisme Oriental, on constate que le fondement du despotisme était lié aux grands travaux pour réguler les fleuves. Il fut critiqué sur le fait que pour lui, dans le monde des despotismes, il y avait un style de despotisme oriental. En revanche, sa conception de monarchie hydraulique, ou le fait qu’il y ait un rapport entre les grandes administrations et la régulation des crues des fleuves, reste une conception prégnante.

Plus tard, l’empereur sera appelé le Grand Ancêtre, il s’inscrit dans une lignée et un raisonnement généalogique. Mais à l’époque archaïque dans laquelle porte ce cours, nous n’avons guère de certitudes.


II.                   Applications et répercussions de ces conceptions anciennes

1.      La Chine et les pays feudataires

La Chine a donc étendu ses relations avec les pays alentours au fil de l’histoire. Ces voisins allaient du Népal, vers les Philippines, la Malaisie, Le Ryukyu, … Tout ces pays reconnaissaient la supériorité de l’empereur et lui étaient donc feudataires. En diplomatie, tous les 5 ans, les représentants des pays voisins les plus proches se faisaient envoyer une lettre, récupéraient un laisser passer, amenaient des cadeaux, … La Chine, pour montrer sa puissance, rendait en cadeaux et en argent au moins l’équivalent des cadeaux amener par le souverain feudataire. La Chine ne supporte pas d’être en dette et se débrouille avant tout pour mettre en dette le parti avec qui elle traite. Cela se ressent toujours dans certaines mentalités asiatiques où les gens se font des cadeaux entre eux tantôt pour instaurer une dette avec autrui, tantôt pour rembourser leurs dettes. On parle donc de civilisations de la dette. Le but n’est pas d’humilier les civilisations en ambassades chez elle. Il s’agit surtout de montrer sa place dans le système de l’époque. Ces ambassadeurs étaient pressés de questions par l’administration chinoise qui s’enrichissait culturellement de ces contacts.
La Chine s’est toujours sentie supérieure à ses voisins et l’a affirmé. Mais certains de ces pays se sont sentis surtout égaux de la Chine, par exemple le japon qui a beaucoup emprunté à la Chine, qui écrivait à l’empereur comme un égal (ce qui n’était pas le cas). De même pour la Corée qui a adopté le confucianisme, et où les mariages entre élites chinoises et élites coréennes étaient courants. Le seul racisme vraiment prégnant est entre les peuples du Nord de la Chine et ceux du Sud (Coréens / Cambodgiens). Enfin, l’écriture chinoise fut adoptée en Corée du IV° siècle au XV° siècle avant que le pays ne prenne son propre alphabet. Au Japon, les caractères chinois furent importés via la Corée, au IV° siècle et demeurent toujours. D’ailleurs dans le vocabulaire politique, Chine et Japon sont très proches. Enfin le Vietnam a aussi utilisé les caractères chinois entre le XIII° et le XVIII° siècle. David Kang, historien auteur d’East Asia before the West, se demande si la Chine possède toujours la capacité d’être innovante. Aujourd’hui quand la Chine intervient, disons au Vietnam, elle se sent d’une certaine manière chez elle et en droit d’intervenir, du fait de ce passé feudataire.

2.      Une forte personnalisation du pouvoir

Que l’empereur soit le garant de l’ordre entre ciel et terre, cela continue de ricocher sur la sphère contemporaine. Ainsi ces représentations mentales qui ont la vie très longue, font de nombreux dirigeants chinois contemporains des proches, voir des équivalents d’empereurs. Le 9 septembre 1976, Mao décède. Si c’est un autocrate pour les Occidentaux, c’est pour les Chinois un homme qui a rendu sa fierté à son pays en le remettant en place sur la scène internationale, en lui rendant son indépendance. C’est aussi celui qui a fait quitter ce pays de son époque du féodalisme (refonte du mariage avec le divorce dorénavant autorisé, offre de terres aux paysans même si ce fut temporaire, …). En conséquence, en dépit des erreurs de parcours, Mao a vu ses volontés respectées. Sa femme et ses enfants lui ont fait construire un mausolée dans lequel il fut enterré. Là où la pratique courante est l’incinération, ce traitement est un honneur et plonge ses références dans la culture asiatique impériale (contrairement au style décoratif du mausolée, d’inspiration communiste). D’ailleurs, le mausolée de Mao est dans l’axe de la cité impériale.
Idem pour Deng Xiaoping décédé en février 1997, qu’on a qualifié de « dernier empereur ». L’homme fort est très proche d’une image impériale. Ainsi Zhu Rongji, premier ministre après le décès de Deng Xiaoping, fut celui qui récupèra Taïwan dans la Chine. Celui qu’on pensait être un technocrate effacé fait une conférence au FMI et s’en sort très bien. Le lendemain dans la presse chinoise, on lit « Un Gorbatchev chinois », Rongji passe sur le plateau d’une émission télé où la présentatrice l’adule. Il passe l’émission à se défendre d’être le meilleur car le président Jiang Zemin est forcément mieux que lui. Le Premier Ministre ne doit pas se sentir supérieur à son Président.

3.      Les dirigeants et l’ordre des éléments naturels

En juillet 1911, d’énormes crues ont lieu dans le fleuve Bleu. On déplore 100 000 morts. L’Empire est en déliquescence et la population condamne l’Empire Mandchoue qui serait corrompu et autocrate. De plus, des mouvements nationalistes ont lieu en Chine depuis le XIX° siècle. Les trois facteurs combinés étaient des preuves que l’empereur avait perdu le mandat céleste. L’année suivante la République est proclamée, l’empereur a perdu la partie et sera le dernier véritable empereur. C’est bien la preuve que cette conception prégnante dans la population a été un coup de pouce dans la chute de l’Empire.
Pareil, un mois avant la mort de Mao, un séisme terrible touche une partie de la Chine. Pour les Chinois cela annonçait une terrible catastrophe qui fut révélée un mois plus tard avec la mort de Mao. Le pouvoir politique doit constamment se renforcer pour éviter le soulèvement, les paniques de la population. Aujourd’hui cette fortification du pouvoir en place passe par le contrôle des médias pour le gouvernement.


Les photos :
L’association de l’empereur et de l’eau se perçoit dans le coup de pub de Mao qui se baigne dans le fleuve Bleu. Les inondations violentes dans le Sud de la Chine en général (quoiqu’en 2012 ce fut au Nord de Pékin, dans le Fangshan) sont l’occasion d’autres messages. Les infrastructures sont détruites, des milliers de morts ont lieu à chaque inondation. L’armée est alors envoyée systématiquement, tente de sauver les gens et de réduire les inondations. Les hommes politiques viennent aussi pour dire à quel point ils se soucient de ces inondations. Ainsi Hu Jintao vient sur les bords d’un fleuve forme une chaîne humaine avec des soldats pour faire comprendre qu’il maîtrise les éléments. La presse abonde le lendemain avec de jeunes soldats sauvant des civils.
Mais depuis cet été, avec l’inondation du Fangshan, l’opinion publique s’est affirmée et critiquant des autorités inefficaces, les méthodes inadaptées, … La polémique est venue du China Daily, journal vexant les Chinois car toujours lu par les étrangers. Le ministre de la propagande a alors demandé aux journaux de se concentrer sur les actes héroïques des héros du régime plutôt que sur les défaillances.


Clairement le pouvoir politique a toujours été inquiet de son peuple que ce soit à la mort de Mao, celle de Deng Xiaoping, une grande inondation, … Le pouvoir agit toujours pour se préserver et se renforcer. Quoiqu’il en soit dans cette culture populaire et politique, il semble impossible qu’un journaliste s’en prenne à critiquer un représentant sans être inquiété. Autre impossibilité, une femme à la tête du pays, nos États avec des femmes parfois chefs d’État (comme Angela Merkel) sont perçues comme des représentants non pas du pays mais d’autres aspects (représentante de l’industrie allemande, …).



Le ren, notion chère à Confucius




Le confucianisme et la politique


I.                   L’homme et son œuvre

1.      Le contexte politique et les conditions d’élaboration de l’œuvre

Confucius est un homme de l’antiquité, né en 551 avant JC et mort en 479 avant JC. C’est une figure controversée souvent mal utilisée et manipulée par les différents camps. Il vivait dans l’actuelle province du Shandong dans la zone de Qufu qui fait de Confucius son attrape-touriste. Il mourra dans une période de guerres et de luttes entre États dont certains ont de forts appétits militaires et hégémoniques. C’est l’époque des rois et non des empereurs, c’est encore une féodalité, les territoires sont inégaux entre grands territoires et plus petits autres.

Confucius est conscient de la fragilité du territoire royal et de l’appétit des États voisins. Sa tentative était de poser des principes dans un contexte politique qu’il estimait plus que chaotique. Il souhaitait guider ceux qui voulaient être guidés. On est assez proche d’un Socrate sur l’époque et sur la démarche. Sa pensée est connue au travers d’un ouvrage intitulé Les Entretiens. C’est un texte qui se présente comme une suite apparemment décousu de petites phrases et de questions de ses élèves. Ce sont les écrits de ses élèves qu’on a retrouvé, ils étaient souvent de bonnes familles et les cours que dispensait Confucius étaient selon les origines des élèves plus ou moins payants. Ce sont des questions d’actualité de l’époque dont traite Confucius. Nombre d’entre eux eurent des positions politiques élevées par la suite. Confucius a lui-même voyagé passant dans plusieurs provinces pour voir si ses paroles pouvaient être entendues ailleurs.
Ses entretiens sont au nombre de 20 chapitres, 9 sont très probablement vrais, le reste est encore débattu, peut être des élèves qui auraient donné des propos similaires à ceux du maître. Confucius ne fut jamais reconnu de son temps. C’est au II° avant JC que ses propos deviennent une philosophie associée au régime. Il n’est ni gourou, ni doctrinaire. Il semble avoir vécu de manière correcte voire aisée. Confucius face aux États armés jusqu’aux dents contre le pouvoir royal, a un avis plutôt pessimiste sur la société. Il donnait des conseils sans jamais pour autant avoir été ministre, sauf peut être dans un extrait non-officiel des Entretiens.

2.      Le message

La pensée part toujours de l’actualité et cherche à dégager des valeurs, à trouver un moyen de révolutionner les esprits. Il est foncièrement contre le cynisme en politique et juge que les Princes en place à son époque n’ont plus le mandat céleste.

A.     Une idéalisation du passé

Comme beaucoup d’auteur antique, il pense que la situation était bien mieux avant. Il idéalise les souverains qui ont fait du bien à l’Empire (comme Yu le Grand). Dans les dynasties passées, il a pioché quelques souverains qui lui plaisent comme le duc de Zhou qui a instauré la structure féodale en Chine. Selon lui, ce duc a réussi à combiner structure politique et structure familiale. D’autres rois lui ont plut, ceux qui souvent représentent un âge d’or et se montraient cultivés. Selon lui, il faut s’inspirer des souverains anciens.

B.     Etre un messager

Il se sent comme un messager et se compare à un gong. Il met en avant la notion de voix, de progrès en direction de la vertu. On constate d’ailleurs dans ses écrits qu’il a l’impression d’avoir un mandat. Cela va rebondir aujourd’hui chez les intellectuels chinois du XX° et su XXI° siècle. Ceux-ci puisent  dans le modèle de Confucius pour se placer comme des intellectuels Romantiques (comme au XIX° siècle), engagés dans la société, se mettent en avant, veulent changer la société par leurs actions et leurs écrits. Ces intellectuels sont très visibles dans la société chinoise, ils se distinguent par leurs vêtements, leur consommation excessive de cigarettes, leurs études supérieures qui sont très exigeantes et difficiles d’accès, … Cette figure de Confucius prend sens dans les mentalités chinoises.

C.     Un humaniste

Confucius forme un concept, l’homme de bien, junzi. A cette époque, junzi, dans le dictionnaire désigne un aristocrate, un prince. Il s’oppose au xiaoren, le paysan, homme sans qualité. Pour sa part, Confucius fait de ce terme l’homme qui a une rectitude morale. Le junzi est l’homme de bien parce qu’il est droit dans son caractère. En conséquence, xiaoren devient avant tout un homme de petite vertu, un minable corrompu.
Comme Confucius est agnostique, il tire cette division entre le mal et le bien, non pas de la religion, mais de son esprit. La politique trouve alors ses fondements dans les hommes doués d’un esprit moral. De là, il en tire la notion de Souverain Bien, le ren, dont le symbole chinois associe le symbole de l’homme et celui du chiffre deux. Confucius est aussi un créateur. Le ren, ce souverain bien c’est une inventtion dans l’idée et dans le caractère qu’il a crée. Le junzi est aussi une de ses créations. En fait, le ren est un homme qui est en bonne relation avec un second homme. C’est qualifié par certains auteurs comme la vertu d’humanité ou la mansuétude. Confucius dira « Ce que tu ne voulais pas qu’on te fasse, ne l’inflige pas aux autres ». Avec une introspection, on part de ses capacités pour juger ce que l’on pourrait faire aux autres. On est dans une gymnastique spirituelle journalière typiquement chinoise, qui a pour notion centrale l’entraide. Par ailleurs, la vie civile et quotidienne fonctionne sous forme de groupes, non pas sur la centralité de la famille comme en Europe. L’entraide est intrinsèque à la dette, il n’y a pas réellement de séparation nette. Confucius met aussi en avant la loyauté, la confiance (xin), le discernement et le courage qu’il utilise de manière complémentaire (l’une pour la réflexion et l’intellect, l’autre pour l’usage martial) ou encore l’honnêteté.

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