La
multilatéralisation onusienne du système international
I.
Le système onusien
1.
L’évolution de 1918 à 2013
Au
sortir de la Seconde Guerre Mondiale, il faut des organisations internationales
sectorielles pour coordonner les politiques des différents pays et leurs systèmes. Mais ce qui nous
intéresse avant tout, c’est une
organisation internationale commune. En 1918, c’est donc la Société Des Nations
(SDN), qui doit trancher les litiges internationaux, organiser des forums, …
Pourtant, c’est un exemple typique de l’échec de ce genre d’organisations.
Cela est du à deux grands facteurs : l’invasion japonaise en Mandchourie
tout juste condamnée par la SDN qui n’a pas les moyens d’intervenir ou de
sanctionner le Japon et en 1935, l’invasion italienne de l’Éthiopie. La SDN reste toujours une vague spectatrice
qui peut seulement se contenter d’exclure des membres de son conseil quand ils
outrepassent leurs droits.
La SDN a avant tout
une fonction symbolique mais pas législative ni militaire. De plus, dans un système
fonctionnant sur la souveraineté internationale, la SDN n’était pas à sa place.
En effet, pourquoi condamner la Japon envahissant la Mandchourie ou l’Allemagne
se remilitarisant, quand des membres comme la France et l’Angleterre sont
fortement armés et possèdent de nombreuses colonies.
En 1945, l’ONU est créée lors de la charte de San Francisco
et doit pouvoir éviter l’échec de la SDN. Ainsi, l’ONU peut utiliser le chapitre 6 de sa
charte pour contraindre par un embargo, un pays à obéir. En cas d’extrême
difficulté, les sous chapitres 7 prévoient des formes d’intervention militaire.
L’ONU peut donc employer la force pour
restaurer la paix. Le cadre
juridique et politique existe et est justifié en 1945.
A cette date, on a seulement 45 États fondateurs mais avec les décolonisations,
cela grimpa très vite. Les derniers pays en date étant le Timor-Leste en
2001, la Suisse en 2002, le Montenegro en 2006 et le Soudan du Sud en
2011. Rares sont les États non-membres de l’ONU (Kosovo, Palestine, Vatican,
…). Il y a donc eu une universalisation géographique. Lorsqu’on n’est pas
membre de l’ONU, le pays n’est pas vraiment un pays indépendant. C’est le
cas du Kosovo reconnu par la majorité des autres pays, mais pas tous. Avec le cas du Soudan du Sud, on voit même
l’ONU devenir le pilier d’une véritable indépendance, puisque ce pays avant
d’achever son conflit avec le Soudan a cherché à être membre de l’ONU.
Cependant, entre 1947 et 1990,
on a tendance à considérer que l’ONU est bloquée par son conseil de sécurité.
C’est la période de la Guerre Froide
où les deux blocs par leur droit de véto
empêchaient les vraies décisions. Pourtant, l’ONU est intervenue lors de la
guerre de Corée. En effet, la Chine de l’époque est encore une Chine de Taïwan,
sous influence anglaise et alliée des USA. Donc elle soutenait le bloc
américain. L’URSS de son coté, s’était abstenue de voter. Excepté ce cas
particulier, l’ONU fut bloquée.
En 1990, avec l’effondrement de l’URSS au profit de
la Russie, ce pays décide au cas par cas, de ne pas mettre son véto. L’ONU est
débloquée et certaines décisions seront votées unanimement : la résolution 678 lors de
la Première Guerre d’Irak en août 1990, la résolution 945 qui envoie une
autorité provisoire de l’ONU avec des troupes au Cambodge en 1992.
On passe
du « peace keeping » au « peace building ».
Mais dés 1993, on a de nouveaux blocages et dissensions
dans ses agissements
: l’intervention en Somalie (cf La
chute du faucon noir, de Ridley Scott) entre 1992 et 1999 avec de
multiples scandales, le blocage russe en Yougoslavie, …
Dans les années
2000, avec les Tribunaux pénaux internationaux qui se multiplient, l’ONU est
devenue avant tout une organisation juridique qui agit plus après coup que sur le
moment. Cette lenteur juridique est souvent la
critique associée à l’ONU et pourrait être associée à la SDN. Il faut pourtant
se garder de tout déterminisme sur cet organe. Quand l’ONU fonctionne, on
l’accuse d’ingérence et quand elle n’y arrive pas, on l’accuse d’inefficacité
(comme l’ONU dans les pays arabes et en Syrie).
2.
L’organe central de l’ONU : le conseil de sécurité
Ce conseil de
sécurité est composé de 15 États membres divisé en 5 membres permanents :
la fédération de Russie
(car héritière de l’URSS), les États-Unis
d’Amérique (vainqueur de la Seconde Guerre Mondiale et de la Guerre Froide), La République populaire de Chine (qui
s’est longtemps abstenue dans ses votes car elle était surtout préoccupée par
ses relations intérieures), le
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et la République Française
(deux « vainqueurs » de la Seconde Guerre Mondiale, autrefois grandes
puissances avec un royaume colonial).
Les 10 autres
membres sont non-permanents et sont renouvelés tout les ans. Ils siègent 2 ans,
et 5 sont renouvelés chaque année.
Les 5 membres de 2011 à 2012 qui partiront le 31 décembre 2012 sont l’Afrique
du Sud, l’Allemagne, la Colombie, l’Inde et le Portugal. Les 5 membres de 2012
à 2013 sont l’Azerbaïdjan, le Guatemala, le Maroc, le Pakistan et le Togo.
La logique est assez géographique, elle
joue sur la puissance de certains pays (puissances régionales) et sur le réseau
entre ambassades.
Avec
une quarantaine d’États en Europe et une cinquantaine en Afrique, en
s’unissant, l’Europe et l’Afrique peuvent caser en membres non-permanents, un à
deux pays de leur continent. Ces États
sont nommés par l’Assemblée Générale qui se réunit tout les automnes pour
nommer 5 membres. Celle-ci débute avec la réunion des chefs d’État qui dure
deux jours avant que les 193 ambassadeurs restent et organisent les élections.
Notons encore
l’inégalité de ce conseil puisque les 5 membres permanents en plus de leur
permanence ont un droit de véto.
14 États pour et un contre, cela doit bloquer la résolution (comme les USA lors
de la Guerre du Vietnam, la France lors de la Guerre d’Algérie). Mais en
général, les États sont souvent alliés entre eux (USA – Royaume-Uni – France /
Russie – Chine … Mais ces positions sont variables selon les sujets).
Notons que tout les
mois, un ambassadeur de l’ONU est nommé. En juin 2012, c’était la Chine, en juillet c’était
la Colombie, en août c’était la France, en septembre 2012 c’était l’Allemagne,
en octobre c’est le Guatemala, en novembre ce sera l’Inde et en décembre ce
sera le Maroc, … Tout cela peut jouer malgré tout dans les négociations. On a donc une combinaison d’hyper stabilité
post Seconde Guerre Mondiale et une hyper instabilité.
Textes
de résolutions de l’ONU étudiés en cours :
La
résolution 2059 fut, si ce n’est votée par tous, sans véto. Il fallait une
majorité de 9 voix sans véto pour que cette résolution passe. Ce fut voté à
l’unanimité car le texte est assez minimaliste. Mais on sent l’intervention de
certains pays. Les partisans des rebelles ont du pousser à la seconde phrase de
l’alinéa 2.
La
résolution 1973 représente une vraie décision avec des actions concrètes de l’ONU.
II.
Les limites du
multilatéralisme
Au-delà des crises
locales, on peut considérer qu’il y a un certain nombre de faiblesses
onusiennes. Il y
a une multitude de problèmes locaux mais aussi des problèmes généraux :
les États voyous, les génocides et la question du nucléaire.
1.
Les « États voyous »
Lorsqu’un pays se
coupe de l’ordre international et donc de l’ONU, l’institution ne peut agir et
pour les ultralibéraux, c’est la raison d’une intervention extérieure, c’est à
dire pas par l’ONU.
Ces États voyous étaient l’Iran,
l’Irak, la Libye, l’Afghanistan, le Pakistan, la Corée du Nord et plus ou moins
la Syrie. Pour les USA, Afghanistan et Irak n’en sont plus après l’intervention
militaire, de même pour le Pakistan qui s’est rallié aux USA dans sa guerre
contre l’Afghanistan. Bloquée, l’ONU ne peut agir immédiatement en cas de
danger, les USA s’en chargeaient. C’est ce qui se passa avec les attentats du
11 septembre 2001 et l’Afghanistan. Ce dernier pays, pas forcément un véritable
État voyou, fut attaqué très brutalement par les USA.
La contre théorie
des États voyous existe aussi. La Syrie longtemps considérée comme un faible État
voyou est aujourd’hui fortement diabolisée.
Des
organisations mondiales spécialisées s’occupent parfois de ces États voyous. La
Corée du Nord est regardée par l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique
(AIEA), une branche de l’ONU qui se concentre sur la question, tout aussi
problématique, du nucléaire.
2.
Le nucléaire
A l’époque de sa
création, l’ONU fut tout de suite saisie de cette question du nucléaire.
L’Allemagne nazie allait s’en saisir et on se demande alors depuis 1945 comment
faire si cette situation se représentait ? On a alors décidé de limiter
cette puissance à certains États
(1945 : USA, 1949 :
URSS, 1954 : Royaume-Uni, 1960 : France, 1964 :
Chine, …) ceux-ci en étant responsables et les autres ne devraient pas l’avoir.
Après un bref monopole américain, on a un équilibre avec l’acquisition de
l’arme nucléaire par l’URSS. Mais ensuite, cela se propage au Royaume-Uni, peut
être aidé par les USA, puis le Canada, la Suède et la France. Le Canada et la
Suède ont vite arrêtés leurs recherches, pas la France qui l’acquière toute
seule en 1960. Le club est tout de même restreint dans les années 1960. La
Chine va l’acquérir en 1964. On retrouve là les 5 membres permanents de l’ONU.
On
a eu des frayeurs sur l’Indonésie dans les années 1960, le mythe perdure
aujourd’hui avec la question de l’Iran. En
1968, le Traité de Non Prolifération signé
par toutes les puissances concernées doit restreindre et limiter l’usage de la
science atomique. La surveillance passe par l’AIEA.
Aujourd’hui, il
existe 4 types d’États : les États détenant l’arme nucléaire, dits États
TNP ; les États hors-TNP (Inde en 1974, Pakistan en 1978,
Israël vers 1980 et la Corée du Nord en 2006) soient alliés des USA, soit alliés à la
Chine, dans tout les cas, une puissance tutélaire les restreint dans leurs
usages ; les États du seuil qui sont
sur le point d’acquérir l’arme nucléaire, ils sont une dizaine soit potentiels,
soit avérés, souvent ils cristallisent les paranoïas (Égypte, Turquie, Lybie,
Allemagne, Japon, Australie, Brésil, Argentine, …) en particulier l’Iran depuis
2005 et 2006, le seul précédent équivalent est l’Irak avec la centrale Osirak
construite par la France que les Israéliens ont bombardé ; les États qui ont été potentiellement
nucléaires et qui ne le sont plus, notamment les pays issus de l’URSS qui
avaient des armes atomiques dans leur espace mais qui ont démilitarisé en
théorie leurs territoires.
L’ONU est un
véritable spectateur de cette situation et on voit mal comment elle pourrait
s’impliquer dans cette question.
3.
Les génocides
Là encore, l’ONU se
retrouve dans bien des situations dépourvue de moyens d’action. Le génocide rwandais
de 1994 fut l’exemple premier et
symptomatique.
Le président rwandais fut assassiné et sans chef, les ethnies se sont affrontées
avec les Hutus contre les Tutsis.
Face aux 800 000 morts d’un pays de 5 millions d’habitants, l’ONU a envoyé
des forces internationales sous son commandement. Ce génocide a mis en évidence
l’incapacité d’action de ces armées face à des génocides qui s’interposaient
mais sans pouvoir attaquer. La fin du conflit est arrivée quand les Tutsis sont
intervenus pour arrêter eux-mêmes le génocide. C’est un gros échec de l’ONU.
Sur les conflits
interétatiques, pas de soucis, l’ONU peut intervenir sur ces situations. En
revanche, au sein d’un pays, quand la guerre tourne au génocide dans un pays,
l’ONU n’arrive pas à intervenir. Au Darfour entre 2003 et 2007, on a eu aussi une situation
génocidaire allant sur environ 1,5 millions de morts. De nouveau, l’ONU a mis
en place des organisations, des forums, … Sans succès. C’est la position
américaine qui a stabilisé la situation.
Enfin, la Syrie
actuelle est un exemple plus récent qui est en cours de devenir un génocide. Actuellement, on estime à
30 000 ou 40 000 morts en Syrie. Le conflit est multiple (religieux,
politique, clanique, …) et on ne sait comment l’ONU peut intervenir. C’est le risque
du syndrome yougoslave, une intervention ne risque-t-elle pas de stopper le
principal conflit mais d’en provoquer de nombreux plus petits ? Cela
va-t-il faire naître plein de nouveaux petits pays ?
Au final, l’ONU
intervient mais dans un rôle d’accompagnement : aider les réfugiés,
assurer l’alimentation, … Souvent après les conflits, l’ONU laisse une armée en
place pendant plusieurs dizaines d’années pour stabiliser les régions.
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