mercredi 10 octobre 2012

Sociologie politique 02 - 10 (cours 2)





La multilatéralisation onusienne du système international


I.                   Le système onusien

1.      L’évolution de 1918 à 2013

Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, il faut des organisations internationales sectorielles pour coordonner les politiques des différents pays et leurs systèmes. Mais ce qui nous intéresse avant tout, c’est une organisation internationale commune. En 1918, c’est donc la Société Des Nations (SDN), qui doit trancher les litiges internationaux, organiser des forums, … Pourtant, c’est un exemple typique de l’échec de ce genre d’organisations. Cela est du à deux grands facteurs : l’invasion japonaise en Mandchourie tout juste condamnée par la SDN qui n’a pas les moyens d’intervenir ou de sanctionner le Japon et en 1935, l’invasion italienne de l’Éthiopie. La SDN reste toujours une vague spectatrice qui peut seulement se contenter d’exclure des membres de son conseil quand ils outrepassent leurs droits.

La SDN a avant tout une fonction symbolique mais pas législative ni militaire. De plus, dans un système fonctionnant sur la souveraineté internationale, la SDN n’était pas à sa place. En effet, pourquoi condamner la Japon envahissant la Mandchourie ou l’Allemagne se remilitarisant, quand des membres comme la France et l’Angleterre sont fortement armés et possèdent de nombreuses colonies.

En 1945, l’ONU est créée lors de la charte de San Francisco et doit pouvoir éviter l’échec de la SDN. Ainsi, l’ONU peut utiliser le chapitre 6 de sa charte pour contraindre par un embargo, un pays à obéir. En cas d’extrême difficulté, les sous chapitres 7 prévoient des formes d’intervention militaire. L’ONU peut donc employer la force pour restaurer la paix. Le cadre juridique et politique existe et est justifié en 1945. A cette date, on a seulement 45 États fondateurs mais avec les décolonisations, cela grimpa très vite. Les derniers pays en date étant le Timor-Leste en 2001, la Suisse en 2002, le Montenegro en 2006 et le Soudan du Sud en 2011. Rares sont les États non-membres de l’ONU (Kosovo, Palestine, Vatican, …). Il y a donc eu une universalisation géographique. Lorsqu’on n’est pas membre de l’ONU, le pays n’est pas vraiment un pays indépendant. C’est le cas du Kosovo reconnu par la majorité des autres pays, mais pas tous. Avec le cas du Soudan du Sud, on voit même l’ONU devenir le pilier d’une véritable indépendance, puisque ce pays avant d’achever son conflit avec le Soudan a cherché à être membre de l’ONU.

Cependant, entre 1947 et 1990, on a tendance à considérer que l’ONU est bloquée par son conseil de sécurité. C’est la période de la Guerre Froide où les deux blocs par leur droit de véto empêchaient les vraies décisions. Pourtant, l’ONU est intervenue lors de la guerre de Corée. En effet, la Chine de l’époque est encore une Chine de Taïwan, sous influence anglaise et alliée des USA. Donc elle soutenait le bloc américain. L’URSS de son coté, s’était abstenue de voter. Excepté ce cas particulier, l’ONU fut bloquée.
En 1990, avec l’effondrement de l’URSS au profit de la Russie, ce pays décide au cas par cas, de ne pas mettre son véto. L’ONU est débloquée et certaines décisions seront votées unanimement : la résolution 678 lors de la Première Guerre d’Irak en août 1990, la résolution 945 qui envoie une autorité provisoire de l’ONU avec des troupes au Cambodge en 1992.
On passe du « peace keeping » au « peace building ».

Mais dés 1993, on a de nouveaux blocages et dissensions dans ses agissements : l’intervention en Somalie (cf La chute du faucon noir, de Ridley Scott) entre 1992 et 1999 avec de multiples scandales, le blocage russe en Yougoslavie, …
Dans les années 2000, avec les Tribunaux pénaux internationaux qui se multiplient, l’ONU est devenue avant tout une organisation juridique qui agit plus après coup que sur le moment. Cette lenteur juridique est souvent la critique associée à l’ONU et pourrait être associée à la SDN. Il faut pourtant se garder de tout déterminisme sur cet organe. Quand l’ONU fonctionne, on l’accuse d’ingérence et quand elle n’y arrive pas, on l’accuse d’inefficacité (comme l’ONU dans les pays arabes et en Syrie).

2.      L’organe central de l’ONU : le conseil de sécurité

Ce conseil de sécurité est composé de 15 États membres divisé en 5 membres permanents : la fédération de Russie (car héritière de l’URSS), les États-Unis d’Amérique (vainqueur de la Seconde Guerre Mondiale et de la Guerre Froide), La République populaire de Chine (qui s’est longtemps abstenue dans ses votes car elle était surtout préoccupée par ses relations intérieures), le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et la République Française (deux « vainqueurs » de la Seconde Guerre Mondiale, autrefois grandes puissances avec un royaume colonial).
Les 10 autres membres sont non-permanents et sont renouvelés tout les ans. Ils siègent 2 ans, et 5 sont renouvelés chaque année. Les 5 membres de 2011 à 2012 qui partiront le 31 décembre 2012 sont l’Afrique du Sud, l’Allemagne, la Colombie, l’Inde et le Portugal. Les 5 membres de 2012 à 2013 sont l’Azerbaïdjan, le Guatemala, le Maroc, le Pakistan et le Togo. La logique est assez géographique, elle joue sur la puissance de certains pays (puissances régionales) et sur le réseau entre ambassades.

Avec une quarantaine d’États en Europe et une cinquantaine en Afrique, en s’unissant, l’Europe et l’Afrique peuvent caser en membres non-permanents, un à deux pays de leur continent. Ces États sont nommés par l’Assemblée Générale qui se réunit tout les automnes pour nommer 5 membres. Celle-ci débute avec la réunion des chefs d’État qui dure deux jours avant que les 193 ambassadeurs restent et organisent les élections.
Notons encore l’inégalité de ce conseil puisque les 5 membres permanents en plus de leur permanence ont un droit de véto. 14 États pour et un contre, cela doit bloquer la résolution (comme les USA lors de la Guerre du Vietnam, la France lors de la Guerre d’Algérie). Mais en général, les États sont souvent alliés entre eux (USA – Royaume-Uni – France / Russie – Chine … Mais ces positions sont variables selon les sujets).
Notons que tout les mois, un ambassadeur de l’ONU est nommé. En juin 2012, c’était la Chine, en juillet c’était la Colombie, en août c’était la France, en septembre 2012 c’était l’Allemagne, en octobre c’est le Guatemala, en novembre ce sera l’Inde et en décembre ce sera le Maroc, … Tout cela peut jouer malgré tout dans les négociations. On a donc une combinaison d’hyper stabilité post Seconde Guerre Mondiale et une hyper instabilité.

Textes de résolutions de l’ONU étudiés en cours :
La résolution 2059 fut, si ce n’est votée par tous, sans véto. Il fallait une majorité de 9 voix sans véto pour que cette résolution passe. Ce fut voté à l’unanimité car le texte est assez minimaliste. Mais on sent l’intervention de certains pays. Les partisans des rebelles ont du pousser à la seconde phrase de l’alinéa 2.
La résolution 1973 représente une vraie décision avec des actions concrètes de l’ONU.


II.                Les limites du multilatéralisme

Au-delà des crises locales, on peut considérer qu’il y a un certain nombre de faiblesses onusiennes. Il y a une multitude de problèmes locaux mais aussi des problèmes généraux : les États voyous, les génocides et la question du nucléaire.

1.      Les « États voyous »

Lorsqu’un pays se coupe de l’ordre international et donc de l’ONU, l’institution ne peut agir et pour les ultralibéraux, c’est la raison d’une intervention extérieure, c’est à dire pas par l’ONU. Ces États voyous étaient l’Iran, l’Irak, la Libye, l’Afghanistan, le Pakistan, la Corée du Nord et plus ou moins la Syrie. Pour les USA, Afghanistan et Irak n’en sont plus après l’intervention militaire, de même pour le Pakistan qui s’est rallié aux USA dans sa guerre contre l’Afghanistan. Bloquée, l’ONU ne peut agir immédiatement en cas de danger, les USA s’en chargeaient. C’est ce qui se passa avec les attentats du 11 septembre 2001 et l’Afghanistan. Ce dernier pays, pas forcément un véritable État voyou, fut attaqué très brutalement par les USA.
La contre théorie des États voyous existe aussi. La Syrie longtemps considérée comme un faible État voyou est aujourd’hui fortement diabolisée.
Des organisations mondiales spécialisées s’occupent parfois de ces États voyous. La Corée du Nord est regardée par l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA), une branche de l’ONU qui se concentre sur la question, tout aussi problématique, du nucléaire.

2.      Le nucléaire

A l’époque de sa création, l’ONU fut tout de suite saisie de cette question du nucléaire. L’Allemagne nazie allait s’en saisir et on se demande alors depuis 1945 comment faire si cette situation se représentait ? On a alors décidé de limiter cette puissance à certains États (1945 : USA, 1949 : URSS, 1954 : Royaume-Uni, 1960 : France, 1964 : Chine, …) ceux-ci en étant responsables et les autres ne devraient pas l’avoir. Après un bref monopole américain, on a un équilibre avec l’acquisition de l’arme nucléaire par l’URSS. Mais ensuite, cela se propage au Royaume-Uni, peut être aidé par les USA, puis le Canada, la Suède et la France. Le Canada et la Suède ont vite arrêtés leurs recherches, pas la France qui l’acquière toute seule en 1960. Le club est tout de même restreint dans les années 1960. La Chine va l’acquérir en 1964. On retrouve là les 5 membres permanents de l’ONU.
On a eu des frayeurs sur l’Indonésie dans les années 1960, le mythe perdure aujourd’hui avec la question de l’Iran. En 1968, le Traité de Non Prolifération signé par toutes les puissances concernées doit restreindre et limiter l’usage de la science atomique. La surveillance passe par l’AIEA.

Aujourd’hui, il existe 4 types d’États : les États détenant l’arme nucléaire, dits États TNP ; les États hors-TNP (Inde en 1974, Pakistan en 1978, Israël vers 1980 et la Corée du Nord en 2006) soient alliés des USA, soit alliés à la Chine, dans tout les cas, une puissance tutélaire les restreint dans leurs usages ; les États du seuil qui sont sur le point d’acquérir l’arme nucléaire, ils sont une dizaine soit potentiels, soit avérés, souvent ils cristallisent les paranoïas (Égypte, Turquie, Lybie, Allemagne, Japon, Australie, Brésil, Argentine, …) en particulier l’Iran depuis 2005 et 2006, le seul précédent équivalent est l’Irak avec la centrale Osirak construite par la France que les Israéliens ont bombardé ; les États qui ont été potentiellement nucléaires et qui ne le sont plus, notamment les pays issus de l’URSS qui avaient des armes atomiques dans leur espace mais qui ont démilitarisé en théorie leurs territoires.

L’ONU est un véritable spectateur de cette situation et on voit mal comment elle pourrait s’impliquer dans cette question.
                                      
3.      Les génocides

Là encore, l’ONU se retrouve dans bien des situations dépourvue de moyens d’action. Le génocide rwandais de 1994 fut l’exemple premier et symptomatique. Le président rwandais fut assassiné et sans chef, les ethnies se sont affrontées avec les Hutus contre les Tutsis. Face aux 800 000 morts d’un pays de 5 millions d’habitants, l’ONU a envoyé des forces internationales sous son commandement. Ce génocide a mis en évidence l’incapacité d’action de ces armées face à des génocides qui s’interposaient mais sans pouvoir attaquer. La fin du conflit est arrivée quand les Tutsis sont intervenus pour arrêter eux-mêmes le génocide. C’est un gros échec de l’ONU.
Sur les conflits interétatiques, pas de soucis, l’ONU peut intervenir sur ces situations. En revanche, au sein d’un pays, quand la guerre tourne au génocide dans un pays, l’ONU n’arrive pas à intervenir. Au Darfour entre 2003 et 2007, on a eu aussi une situation génocidaire allant sur environ 1,5 millions de morts. De nouveau, l’ONU a mis en place des organisations, des forums, … Sans succès. C’est la position américaine qui a stabilisé la situation.
Enfin, la Syrie actuelle est un exemple plus récent qui est en cours de devenir un génocide. Actuellement, on estime à 30 000 ou 40 000 morts en Syrie. Le conflit est multiple (religieux, politique, clanique, …) et on ne sait comment l’ONU peut intervenir. C’est le risque du syndrome yougoslave, une intervention ne risque-t-elle pas de stopper le principal conflit mais d’en provoquer de nombreux plus petits ? Cela va-t-il faire naître plein de nouveaux petits pays ?

Au final, l’ONU intervient mais dans un rôle d’accompagnement : aider les réfugiés, assurer l’alimentation, … Souvent après les conflits, l’ONU laisse une armée en place pendant plusieurs dizaines d’années pour stabiliser les régions.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire