Alors
que Smith nous renvoyait à Clausewitz, beaucoup d’observateurs le renvoyait aux
oubliettes. L’atout de Clausewitz est de considérer la guerre comme un
tout et non pas comme des séquences classiques d’évènements distincts.
Selon Clausewitz, une guerre doit être considérée dans son ensemble pour
réussir la mission portant sur cette guerre. Il place sa conception dans un cadre particulier, l’utilité de la
force. Cette utilité de la force continue d’être prédominante sur des
budgets, des matériels, … Cette utilité
de la force, qui doit primer sur tout le reste, c’est la possibilité dans un
contexte donné de mesurer dans quelle mesure le but de guerre (aussi but
politique) visé peut être atteint de préférence avec l’usage de la force
physique. Ainsi en Irak, le gouvernement américain à focaliser son
attention sur un aspect, Saddam Hussein
aurait caché des armes de destruction massive. Le but était donc de le
désarmer. Idem lors de la crise de Cuba, Kennedy
a questionné son État major sur une frappe aérienne, sur un usage de la force. C’est donc aussi un usage de la pertinence
que cet usage de la force. Cette pertinence passe alors par l’outil
diplomatique.
On a donc dans
l’ouvrage de Smith ces deux opinions :
un rethéorisation de la guerre et une critique assez acerbe de la politique de George Bush qui ne s’est pas questionné sur le
sens de la guerre.
C’est là que Clausewitz
revient avec « La guerre est la
continuation de la politique par d’autres moyens ou avec le mélange d’autres
moyens. ». La guerre est un instrument subordonné du politique. Il
faut par conséquent lui donner un sens et une direction. En lui donnant un sens
politique, la guerre devient alors une vision plus lointaine à tel point qu’on
peut empêcher qu’elle ne s’achève en guerre totale ou guerre hyperbolique,
où la violence devient en elle-même. L’action sur la scène internationale n’est
pas seulement stratégique mais aussi diplomatico-stratégique. Il faut prendre
en compte les institutions internationales et savoir en user.
La politique
étrangère à la fin du premier mandat de Barack
Obama se caractérise par deux aspects. Tout d’abord, il y a une
continuité avec la deuxième partie du second mandat de George
Bush. A cette époque, Bush avait mis
en place la doctrine nationale de sécurité. Datée de 2006, elle s’appelait la
diplomatie transformationnelle.
Moment où l’on substituait la diplomatie à la stratégie, le gouvernement
américain était alors désigné comme gouvernement militariste. Il s’agissait de
transformer des régions entières en outil militaire. Condolezza
Rice (qui n’était pas une néoconservatrice) a réussi à convaincre le
gouvernement de changer de nombreux termes dans les documents officiels, d’où
cette nouvelle notion de diplomatie transformationnelle. C’était alors un
tournant aux contraintes nouvelles. Depuis
les années 1970, l’idée prédominante de la
stratégie des USA était que ce pays devait pouvoir mener deux guerres et demi
pour préserver leurs intérêts nationaux. Or au cours de la Seconde partie
du mandat de George Bush, les réalistes du gouvernement (Rice et Powell)
en dépit de leur loyauté au gouvernement, renvoyait à une toute nouvelle
conception extérieure. C’est ce que Barack Obama va reprendre pour transformer
la scène internationale. Dorénavant,
l’outil militaire ne sera plus jugé comme un outil normal dans les relations
internationales comme l’avait fait Bush.
C’est donc un changement en 2006 qui se
prolonge avec Obama.
Obama
va vouloir accélérer le retrait d’Irak mais réalise que cela n’est pas
nécessairement applicable rapidement. En conséquence, voyant la fragilité et la
menace d’un retrait trop rapide, Obama va envoyer 30 000 hommes
supplémentaires pour faciliter ce départ. Il fait là une erreur. Obama est un
grand communiquant sur le plan international mais il fait l’annonce de ces
30 000 hommes supplémentaires en public. Déclarant publiquement le retrait
des troupes à une date fixée, il informe l’ennemi qui sait dorénavant qu’il n’y
a plus de raisons de négocier avec les Américains qui finiront par partir. De
plus, la politique extérieure joue peu dans les élections américaines.
L’autre aspect
c’est la différence entre la volonté d’Obama
et les actes mis réellement en place par rapport à son discours. Après son talent de communiquant
fait qu’il peut y avoir des impacts indirects difficilement mesurable. De même
lors de l’intervention en Libye où les Américains étaient présents mais comme
soutien des Français et des Britanniques. Là encore, il est dur de mesurer
l’implication et les apports de cette participation. Les USA sont intervenus
comme soutien certes des Occidentaux mais qui eux-mêmes étaient des soutiens de
la population libyenne qui désirait un changement politique. Obama
est revenu au multilatéralisme ce qui est propre à cet Américain « de
la périphérie », c'est-à-dire qu’il a retourné ce qui correspondait à des
défauts, en avantages (naissance entre un femme blanche et un immigré kenyan
donc non afro-américain).
Le
droit international dans le concert dans puissances
Ce thème très
répandu laisse penser que le droit doit réguler les relations internationales
dans un ordre international, transnational voire mondial. Sous le mandat du Président Bush (père), ce thème devient prégnant. Lors de la première guerre du Golfe, il parle du NOM, le Nouvel Ordre
Mondial. C’était alors un thème récurrent que celui du NOM. L’invasion du
Koweït par l’Irak allait être sanctionné par la communauté internationale, sous
l’intervention d’une coalition militaire menée par les USA mais qui se présentait
comme une force de police internationale contre un État délinquant, appelé Rogue
State par les États-Unis. C’est un terme formé par Anthony
Lake, conseiller de Bill Clinton.
C’est surtout le
changement de paradigme des évènements récents, dans les discours actuels qui
nous intéresse. Ce changement de paradigme a des conséquences internationales,
quelques nouvelles esquisses que nous allons cerner.
Depuis les années 1990, on suppose de plus en plus que les États
peuvent être motivés à l’action, voire à l’action militaire par un pur respect
du droit. On
espère alors que l’action militaire est conduite comme une action de police
internationale : que ceux qui mènent cette action n’ont pas d’intérêt
propre et particulier dans leurs agissements. On espère alors que ces États sont désintéressés dans leurs actes.
On peut imaginer que les États seront de plus en plus susceptibles de se
conduire selon ce droit international que comme des acteurs à l’intérêt
particulier comme lors de la guerre froide. Dans des affaires comme celles du
Kosovo, de Libye, … On peut considérer que les Américains et leurs alliés n’ont
fait que revêtir le langage du droit international pour voiler et mettre en
secondaire les intérêts qui les motivaient réellement. Si le langage juridique est un leurre international, dans ce cas, ces
interventions continuent l’action classique des États sur le plan international
en arguant du droit international.
Il y a certaines
situations d’intervention au nom du droit international qu’on peut toujours
nuancer par des intérêts étatiques. Ainsi
même si la Guerre du Golfe est menée au nom du droit international et encadrée
par des résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU, on peut tenter d’y voir
une reconfiguration volontaire des rapports régionaux en vue d’une mainmise
d’une partie du pétrole et de ses moyens de transport. Dans le cadre du Kosovo
en revanche, on n’en voit presque aucun, de même en Libye. On ne peut en revanche jamais sous-estimer ces intérêts chez les
acteurs quelques soient les conflits. Pour réaliser nos intérêts, on n’a pas
besoin d’avoir une représentation du monde et vice-versa, nos représentations
ne sont pas déterminées par nos seuls intérêts. Cela donne l’idée que l’humanité est virtuellement unifiée comme
représentation du monde qui nous fait agir.
Cette idée d’une
humanité unifiée s’oppose donc toujours au dilemme de la sécurité. Si un État
craint pour sa sécurité, il se renforce, s’arme et effrayant son voisin, le
pousse à s’armer aussi.
Le terme de droit
dans l’humanité occidentale n’a eu de sens assuré qu’à l’intérieur des corps
politiques. Celui-ci règle la vie commune donc trouve son sens essentiellement
dans le cadre de la vie commune (la cité, la res publica). Mais depuis longtemps a circulé en Europe une
expression une notion venue des romains, le jus
gentium, le droit des gens. Cette expression désigne confusément tous les
droits qui n’appartiennent pas au jus
civile, le droit intérieur à la cité. Ce jus
gentium désigne parfois simultanément parfois séparément ce que les
modernes appellent le droit des gens. Cette
expression à 4 aspects. C’est tout d’abord le droit international. On voit venir ensuite le
droit le droit des êtres humains
indépendamment de leurs appartenances politiques. C’est aussi une expression
qui a servi à désigner le droit qui relève des institutions communes à tous les
peuples. Par exemple, le droit général de la famille qui est une sorte de
droit transnational, où il est interdit de séparer les enfants de leurs
parents, … On trouve aussi le droit
commun à tous les êtres inanimés, cela intègre certaines espèces d’animaux. On
a donc un flottement de cette notion de droit des gens. Cela inclut donc toutes
les formes de droit qui ne sont pas comprises dans le droit civil, celui des
cités.
On a alors un droit
des gens dont la définition est négative. Cela confirme la primauté du droit
intérieur, sa centralité comme droit dur. N’ayant pas d’institutions fortes ou
d’autorité suprême pour sanctionner à la contrevenance des droits
internationaux, c’est un droit mou, creux.
Il y a donc une
dualité de droits, de sens du droit avec une certaine dissymétrie de celui-ci
qui apparait dans le droit public européen du milieu
du XVII° siècle. Le droit public européen fut étudié par Carl Schmitt dans Le nomos de la terre. Son idée est que ce droit va à
l’encontre de l’idée que le droit international est réalisable, car l’Homme est
méchant par nature.
De plus, cet
analyste éminent et nostalgique de ce droit public européen, met en évidence la
fin de ce droit qui était pourtant extraordinaire et qui fut mis à bat par les
USA pour y substituer un droit américain déterritorialisé, un droit commercial
et économique.
Ce droit public européen fut substitué comme droit intérieur aux États, un
droit civil et politique, d’autant plus que ces États se jugeaient souverains
et égaux en souveraineté. Ils scindaient le droit à l’intérieur et celui de
l’extérieur. De même que celui des Américains.
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