dimanche 28 octobre 2012

Grandes puissances 25 - 10 (cours 9)





Alors que Smith nous renvoyait à Clausewitz, beaucoup d’observateurs le renvoyait aux oubliettes. L’atout de Clausewitz est de considérer la guerre comme un tout et non pas comme des séquences classiques d’évènements distincts. Selon Clausewitz, une guerre doit être considérée dans son ensemble pour réussir la mission portant sur cette guerre. Il place sa conception dans un cadre particulier, l’utilité de la force. Cette utilité de la force continue d’être prédominante sur des budgets, des matériels, … Cette utilité de la force, qui doit primer sur tout le reste, c’est la possibilité dans un contexte donné de mesurer dans quelle mesure le but de guerre (aussi but politique) visé peut être atteint de préférence avec l’usage de la force physique. Ainsi en Irak, le gouvernement américain à focaliser son attention sur un aspect, Saddam Hussein aurait caché des armes de destruction massive. Le but était donc de le désarmer. Idem lors de la crise de Cuba, Kennedy a questionné son État major sur une frappe aérienne, sur un usage de la force. C’est donc aussi un usage de la pertinence que cet usage de la force. Cette pertinence passe alors par l’outil diplomatique.
On a donc dans l’ouvrage de Smith ces deux opinions : un rethéorisation de la guerre et une critique assez acerbe de la politique de George Bush qui ne s’est pas questionné sur le sens de la guerre. C’est là que Clausewitz revient avec « La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ou avec le mélange d’autres moyens. ». La guerre est un instrument subordonné du politique. Il faut par conséquent lui donner un sens et une direction. En lui donnant un sens politique, la guerre devient alors une vision plus lointaine à tel point qu’on peut empêcher qu’elle ne s’achève en guerre totale ou guerre hyperbolique, où la violence devient en elle-même. L’action sur la scène internationale n’est pas seulement stratégique mais aussi diplomatico-stratégique. Il faut prendre en compte les institutions internationales et savoir en user.

La politique étrangère à la fin du premier mandat de Barack Obama se caractérise par deux aspects. Tout d’abord, il y a une continuité avec la deuxième partie du second mandat de George Bush. A cette époque, Bush avait mis en place la doctrine nationale de sécurité. Datée de 2006, elle s’appelait la diplomatie transformationnelle. Moment où l’on substituait la diplomatie à la stratégie, le gouvernement américain était alors désigné comme gouvernement militariste. Il s’agissait de transformer des régions entières en outil militaire. Condolezza Rice (qui n’était pas une néoconservatrice) a réussi à convaincre le gouvernement de changer de nombreux termes dans les documents officiels, d’où cette nouvelle notion de diplomatie transformationnelle. C’était alors un tournant aux contraintes nouvelles. Depuis les années 1970, l’idée prédominante de la stratégie des USA était que ce pays devait pouvoir mener deux guerres et demi pour préserver leurs intérêts nationaux. Or au cours de la Seconde partie du mandat de George Bush, les réalistes du gouvernement (Rice et Powell) en dépit de leur loyauté au gouvernement, renvoyait à une toute nouvelle conception extérieure. C’est ce que Barack Obama va reprendre pour transformer la scène internationale. Dorénavant, l’outil militaire ne sera plus jugé comme un outil normal dans les relations internationales comme l’avait fait Bush. C’est donc un changement en 2006 qui se prolonge avec Obama.
Obama va vouloir accélérer le retrait d’Irak mais réalise que cela n’est pas nécessairement applicable rapidement. En conséquence, voyant la fragilité et la menace d’un retrait trop rapide, Obama va envoyer 30 000 hommes supplémentaires pour faciliter ce départ. Il fait là une erreur. Obama est un grand communiquant sur le plan international mais il fait l’annonce de ces 30 000 hommes supplémentaires en public. Déclarant publiquement le retrait des troupes à une date fixée, il informe l’ennemi qui sait dorénavant qu’il n’y a plus de raisons de négocier avec les Américains qui finiront par partir. De plus, la politique extérieure joue peu dans les élections américaines.
L’autre aspect c’est la différence entre la volonté d’Obama et les actes mis réellement en place par rapport à son discours. Après son talent de communiquant fait qu’il peut y avoir des impacts indirects difficilement mesurable. De même lors de l’intervention en Libye où les Américains étaient présents mais comme soutien des Français et des Britanniques. Là encore, il est dur de mesurer l’implication et les apports de cette participation. Les USA sont intervenus comme soutien certes des Occidentaux mais qui eux-mêmes étaient des soutiens de la population libyenne qui désirait un changement politique. Obama est revenu au multilatéralisme ce qui est propre à cet Américain « de la périphérie », c'est-à-dire qu’il a retourné ce qui correspondait à des défauts, en avantages (naissance entre un femme blanche et un immigré kenyan donc non afro-américain).





 
Le droit international dans le concert dans puissances


Ce thème très répandu laisse penser que le droit doit réguler les relations internationales dans un ordre international, transnational voire mondial. Sous le mandat du Président Bush (père), ce thème devient prégnant. Lors de la première guerre du Golfe, il parle du NOM, le Nouvel Ordre Mondial. C’était alors un thème récurrent que celui du NOM. L’invasion du Koweït par l’Irak allait être sanctionné par la communauté internationale, sous l’intervention d’une coalition militaire menée par les USA mais qui se présentait comme une force de police internationale contre un État délinquant, appelé Rogue State par les États-Unis. C’est un terme formé par Anthony Lake, conseiller de Bill Clinton.
C’est surtout le changement de paradigme des évènements récents, dans les discours actuels qui nous intéresse. Ce changement de paradigme a des conséquences internationales, quelques nouvelles esquisses que nous allons cerner.

Depuis les années 1990, on suppose de plus en plus que les États peuvent être motivés à l’action, voire à l’action militaire par un pur respect du droit. On espère alors que l’action militaire est conduite comme une action de police internationale : que ceux qui mènent cette action n’ont pas d’intérêt propre et particulier dans leurs agissements. On espère alors que ces États sont désintéressés dans leurs actes. On peut imaginer que les États seront de plus en plus susceptibles de se conduire selon ce droit international que comme des acteurs à l’intérêt particulier comme lors de la guerre froide. Dans des affaires comme celles du Kosovo, de Libye, … On peut considérer que les Américains et leurs alliés n’ont fait que revêtir le langage du droit international pour voiler et mettre en secondaire les intérêts qui les motivaient réellement. Si le langage juridique est un leurre international, dans ce cas, ces interventions continuent l’action classique des États sur le plan international en arguant du droit international.

Il y a certaines situations d’intervention au nom du droit international qu’on peut toujours nuancer par des intérêts étatiques. Ainsi même si la Guerre du Golfe est menée au nom du droit international et encadrée par des résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU, on peut tenter d’y voir une reconfiguration volontaire des rapports régionaux en vue d’une mainmise d’une partie du pétrole et de ses moyens de transport. Dans le cadre du Kosovo en revanche, on n’en voit presque aucun, de même en Libye. On ne peut en revanche jamais sous-estimer ces intérêts chez les acteurs quelques soient les conflits. Pour réaliser nos intérêts, on n’a pas besoin d’avoir une représentation du monde et vice-versa, nos représentations ne sont pas déterminées par nos seuls intérêts. Cela donne l’idée que l’humanité est virtuellement unifiée comme représentation du monde qui nous fait agir.
Cette idée d’une humanité unifiée s’oppose donc toujours au dilemme de la sécurité. Si un État craint pour sa sécurité, il se renforce, s’arme et effrayant son voisin, le pousse à s’armer aussi.

Le terme de droit dans l’humanité occidentale n’a eu de sens assuré qu’à l’intérieur des corps politiques. Celui-ci règle la vie commune donc trouve son sens essentiellement dans le cadre de la vie commune (la cité, la res publica). Mais depuis longtemps a circulé en Europe une expression une notion venue des romains, le jus gentium, le droit des gens. Cette expression désigne confusément tous les droits qui n’appartiennent pas au jus civile, le droit intérieur à la cité. Ce jus gentium désigne parfois simultanément parfois séparément ce que les modernes appellent le droit des gens. Cette expression à 4 aspects. C’est tout d’abord le droit international. On voit venir ensuite le droit le droit des êtres humains indépendamment de leurs appartenances politiques. C’est aussi une expression qui a servi à désigner le droit qui relève des institutions communes à tous les peuples. Par exemple, le droit général de la famille qui est une sorte de droit transnational, où il est interdit de séparer les enfants de leurs parents, … On trouve aussi le droit commun à tous les êtres inanimés, cela intègre certaines espèces d’animaux. On a donc un flottement de cette notion de droit des gens. Cela inclut donc toutes les formes de droit qui ne sont pas comprises dans le droit civil, celui des cités.
On a alors un droit des gens dont la définition est négative. Cela confirme la primauté du droit intérieur, sa centralité comme droit dur. N’ayant pas d’institutions fortes ou d’autorité suprême pour sanctionner à la contrevenance des droits internationaux, c’est un droit mou, creux.

Il y a donc une dualité de droits, de sens du droit avec une certaine dissymétrie de celui-ci qui apparait dans le droit public européen du milieu du XVII° siècle. Le droit public européen fut étudié par Carl Schmitt dans Le nomos de la terre. Son idée est que ce droit va à l’encontre de l’idée que le droit international est réalisable, car l’Homme est méchant par nature.
De plus, cet analyste éminent et nostalgique de ce droit public européen, met en évidence la fin de ce droit qui était pourtant extraordinaire et qui fut mis à bat par les USA pour y substituer un droit américain déterritorialisé, un droit commercial et économique. Ce droit public européen fut substitué comme droit intérieur aux États, un droit civil et politique, d’autant plus que ces États se jugeaient souverains et égaux en souveraineté. Ils scindaient le droit à l’intérieur et celui de l’extérieur. De même que celui des Américains.

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