mercredi 24 octobre 2012

Sociologie politique 23 - 10 (cours 5)

Une socialisation politique primaire précoce ou une manipulation parentale ?



Merci à Eve pour son aide !



La socialisation politique


Par socialisation politique, on entend l’intégration de normes et de valeurs politiques, processus qui se déroule depuis l’enfance et tout au long de la vie. Bien entendu, aucune socialisation n’est deux fois la même. On a des gens de droite traditionnelle, des gauchistes invétérés, … Il y a donc plusieurs formes de socialisation politique.


Les structures principales de la socialisation politique

I.                   Théories

1.      Compétences, apprentissage et création de groupes

La socialisation c’est l’intégration de normes, de coutumes et de valeurs politiques. Plus particulièrement en politique, c’est l’apprentissage de codes politiques (abréviations, tendances des journaux, …). Ce genre de socialisation conserve une tendance très nationale puisque tous ces codes ne prennent pas sens forcément dans les autres pays. Ainsi en France, tout le monde ne sait pas forcément que l’Espagne a un roi, en Espagne, c’est de notoriété publique. Ainsi, même un citoyen peu politisé à un certain niveau de compétences politiques.


En démocratie c’est le problème principal, selon Daniel Gaxie dans Le cens caché, si nous avons tous une certaine compétence théorique en politique, la différence entre les citoyens sur cette compétence est parfois phénoménale. Certains lisent Le Monde tous les jours, regardent des chaînes parlementaires, … D’autres en revanche, se renseignent seulement en regardant le journal télévisé. Du coup, la compétence politique est inégalement répartie dans la population. Le différentiel de compétence politique entre en contradiction avec le vote universel. Certains votent avec toutes les compétences sur la politique, d’autres n’ont que quelques clés mais votent tout de même.

Sur le plan théorique, la socialisation part de l’individu mais permet de former des groupes politiques, groupes qui dépendent de plusieurs critères : le genre (et non le sexe), l’âge, le capital social, le capital culturel, le capital économique et le patrimoine, la religion, … On a certaines variables lourdes et d’autres plus légères dans cette liste. Le patrimoine est une variable assez lourde, les propriétaires votent bien différemment des non-propriétaires.

1.      La socialisation dans l’enfance

Annick Percheron, La sociologie politique et La socialisation politique des enfants, se questionne sur le commencement de cette socialisation dans l’enfance. Elle constate que dès l’âge de 10 ans, les enfants expriment une préférence partisane. Aux USA, cela monte à deux tiers des enfants.
Cela pose un problème, cet ancrage politique dès l’enfance pèse beaucoup lors de l’évolution des individus sur le plan politique. On est rarement indifférent, même enfant.
Percheron constate que les enfants perçoivent plus les hommes politiques, moins bien les partis politiques, moins bien encore les notions politiques. Enfin, troisième particularité de ces enfants, ils préfèrent les institutions aux individus : le président est mieux perçu que si on propose Valérie Giscard d’Estaing.
Les enfants font preuve d’un certain conservatisme dans leurs réponses, ils redoutent les extrêmes. Ainsi si la notion de divorce les effraye, celle de Révolution ou de manifestation aussi. Les notions de violence et de conflits inquiètent énormément les enfants.

L’apprentissage de la politique se fait réellement entre 10 et 14 ans que ce soit en France ou aux USA ; Mais il existe des grandes différences entre les deux pays. Aux USA, les jeunes soutiennent totalement le régime mais perçoivent la communauté nationale comme fragmentée, notamment avec des critères ethniques. En France en revanche ce fut longtemps l’inverse, on percevait de manière unitaire le peuple français et ses valeurs, par contre on critiquait le régime élitiste, avec un résidu monarchiste, …

L’histoire familiale est donc prépondérante dans la socialisation politique des enfants. Bourdieu souligne que notre avis politique dépend autant de notre trajectoire familiale passée que de notre trajectoire sociale individuelle. C’est donc un espace de position, dans le sens où nous ne sommes pas forcément statiques dans cet espace.
Bourdieu va essayer de cartographier cet espace de position en fonction de l’importance du capital économique et du capital culturel. Cela ne veut pas dire qu’un gros industriel n’a aucune culture, juste il en a moins que des professions d’enseignement supérieur. Ceci dit, être dans une profession libérale ne veut pas dire qu’on va forcément lire Le Figaro, uniquement que la probabilité de lecture du Figaro sera plus élevé que Le Monde ou L’humanité.


II.                   La socialisation primaire

Ce terme est inventé par les sociologues britanniques, qualifie l’ensemble des normes et des valeurs que l’on intègre avant même d’entrer à l’école. Berger et Luckmann ont théorisé cette notion.Dans la socialisation primaire, on apprend certains schémas et la socialisation secondaire (école, médias, groupes d’amis, …) va modifier ce qu’on a appris auparavant lors de la socialisation primaire. On a donc parfois des situations de conflits entre la socialisation primaire et la socialisation secondaire. Les catégories de perception des enfants s’y forme par la transmission à l’école des repères politiques importants, comme la division droite / gauche, et la transmission des préférences politiques. Les attitudes politiques des enfants restent, en général, selon Anne Muxel, très proches des attitudes politiques parentales en dépit d’autres influences.


On peut donc signifier sur cette socialisation politique secondaire des différences nationales importantes : aux USA, l’influence parentale est beaucoup plus importante qu’en France. Les stratégies parentales sont de contrôler la socialisation politique secondaire d’où l’auto-éducation et la popularité des écoles privées très élitistes. Il y a des différences entre le privé et le public à l’intérieur même des pays, et entre les départements eux-mêmes (près de 40% des étudiants de l’académie de Rennes vont dans le privé, contrairement aux étudiants du Nord Pas de Calais).

1.       La socialisation politique secondaire

La conclusion que tirent Bourdieu et Passeron de leur ouvrageLes héritiers est que l’école ne corrige pas les effets de la socialisation primaire, ni les inégalités en général. Au contraire, l’école renforce les inégalités de départ entre les catégories sociales. Par exemple, le cas des langues est flagrant. L’école valorise le fait de parler plusieurs langues, mais ne l’enseigne qu’assez peu. Du coup, cette pratique linguistique revient aux frais de la famille et donc de la catégorie sociale.

La socialisation secondaire passe donc certes par l’école et la scolarisation, mais d’autres institutions ont pu jouer ailleurs et à d’autres époques. Par exemple, la guerre ou plutôt le service militaire est un cadre de socialisation secondaire parfois important (en particulier pour Israël qui oblige jusqu’aux femmes juives avant qu’elles ne fassent leurs études). Enfin, les études secondaires sont aussi un cadre de socialisation bien qu’avec une influence assez faible sur les convictions politiques.

2.      Les mutations contemporaines

Aujourd’hui, on considère que les médias sont une nouvelle institution de socialisation secondaire. Leur rôle est cependant contradictoire puisque leur influence est très indirecte. On parle souvent d’effets limités parce que les repères politiques sont souvent déjà choisis.

La seconde évolution est la mutation de la socialisation primaire avec des familles éclatées, recomposées, … On a donc une profonde mutation de la cellule familiale, ce qui peut jouer par la suite.

Troisième évolution, la dépolitisation des individus. Ainsi, les syndicats perdent des adhérents, l’Eglise encadre moins ses fidèles et s’est distinguée de l’État, … En conséquence, l’intérêt politique est plus faible et on constate un relatif détachement de la population vis-à-vis de l’implication politique. On a de grandes vagues d’abstention, les réponses « non concerné » dans les sondages sont plus courantes. La sécularisation a eu un fort impact sur nos sociétés.

Enfin il y a une relative déconflictualisation politique. On se fait moins la guerre entre tendances politiques. Certes les médias accentuent le trait, mais malgré tout les oppositions sont relativement policées. Les clivages entre partis se sont modérés.

La question de l’Europe intervient aussi. On constate une internationalisation des rapports, une européanisation aussi en France. Tout cela, joue aussi sur la société puisque l’anglais devient prégnant dans les études quand les générations antérieures n’y voyaient qu’un petit avantage. Cette conception plus ouverte sur le monde fut un des traits de la socialisation récente. Plusieurs générations restent encore dans un schéma national.

L’importance de cette socialisation se retrouve ensuite dans les organisations politiques pour se rapprocher au plus près de ses clients.

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