Le Mayflower, lieu de la première transposition civile de la congrégation
Mayflower in Plymouth Harbor, William Halsall
???
La création de
la République Américaine,
Gordon S. Wood, Belin.
Il s’agit d’aborder
la question de la naissance de la République américaine ainsi que ses sources. Il y a une multiplicité de
points de vue sur cette question, mais on se concentrera sur la représentation
politique. Ce n’est pas forcément le point de vue le plus important, il a
cependant joué dans la Révolution Américaine et aussi dans son indépendance. Un
concept nouveau de la représentation politique est apparu à ce moment là.
On se cible aussi
dans le temps avec les deux Révolutions anglaises : 1641 – 1649 et 1689 –
1690, ainsi que jusqu’à la rédaction de la Constitution américaine en 1787 – 1788 qui est toujours en place
actuellement.
On adopte le point
de vue de l’histoire des idées politiques, c'est-à-dire qu’on part du principe
qu’on sait ce qu’est une idée politique et qu’on regarde sa naissance et son
évolution dans son contexte historique. Lorsqu’on met en comparaison la démocratie
athénienne et la démocratie française, on a de nombreux traits identiques, dans
la naissance, dans les problèmes qui en découlent, … Et pourtant, sous de
nombreuses analyses, on voit qu’il n’y a aucun rapport entre les deux, quitte à
leur donner deux noms totalement différents. Ainsi, le totalitarisme a une
définition selon Hannah Arendt, mais son
utilisation est abusive et aujourd’hui un autoritarisme ou une dictature sont
vite qualifiées de totalitarisme. De même pour la tyrannie. L’angle uniquement philosophique a donc ses
limites. L’angle historique aussi. En effet, s’il n’y a aucun rapport entre
l’Athènes antique et la France actuelle, alors ces sociétés n’ont pas
d’histoires et en conséquence il n’y aurait pas de liens entre eux. Or il y a
des connections entre eux.
On est donc très
loin de cette Athènes passée mais il n’empêche qu’il y a un lien direct entre
les Athéniens et nous : l’histoire du transport de l’idée de démocratie,
depuis Athènes jusqu’à nous, ainsi que ses transformations. Quand les Américains élaborent
leur Constitution, ils ont une conception inédite de la souveraineté qui est
même intenable à leurs yeux. Leurs sources premières sont inspirées de
l’Angleterre, puisqu’ils sont des sujets britanniques, mais elles seront si
bien transformées que les principes de bases anglais deviennent
méconnaissables. Si cela va très vite, on a tout de même en ce laps de temps
très court, l’ensemble de la transformation d’une idée.
Alors
certes il y a une logique interne dans la réflexion d’une idée. Des fois, on va
au bout de son raisonnement, des fois on évite de finaliser cette réflexion.
Pourtant, ce n’est pas cette logique de raisonnement qui va donner naissance à
l’idée. Ce sont plus souvent les
rapports de force, les conflits dans lesquels les gens sont pris qui vont faire
émerger l’idée sous sa forme neuve.
Une
idée politique ça se dépose quelque part, souvent dans des textes, des fois
dans des discours, et parfois dans des actes. Décapiter un roi, c’est une idée
politique, pas vraiment théorisée, mais qui en dit long tout de même. Dans les textes, les idées y sont souvent
inscrites. Mais qui écrit ces textes ? Quel est leur nature ? Leur
contexte de production ? … Les Révolutions anglaises et américaines furent
le moment d’une gigantesque production de pamphlets. Ces pamphlets ne sont
pas ce que nous connaissons, il s’agit de choses allant d’un tract jusqu’à une
petite brochure. Leur point commun,
c’est qu’ils sont peu cher à produire, peuvent se faire sans autorisations, ils
se lisent parfois en public et peu importe quel public, … Le pamphlet se produit rapidement et se diffuse très facilement
puisqu’il n’a pas de style particulier. La production et la diffusion d’idées par
les pamphlets a alors son mouvement propre. Ces pamphlets font même
apparaître des auteurs de textes qui vont saisir l’occasion de se faire
entendre et publier (les femmes notamment).
Le contexte est
aussi important, il est parfois le fondement d’un discours et d’une idée
politique comme
l’absence de Lords pour témoigner contre le roi, ce qui obligea les Commons à
expliquer qu’ils étaient eux-mêmes la source du pouvoir représentatif, donc en
droit de juger le roi seuls, sans les Lords, et de se former en Haute-Cour.
Ainsi, la pression des circonstances joue pour beaucoup. James Madison, un des
artisans de la Constitution américaine avait une admiration effrénée pour la
monarchie britannique. Il était convaincu de la nécessité d’avoir une monarchie
aux USA, mais il vota pour la démocratie, pour abolir la monarchie car les
circonstances l’y contraignaient.
Dans l’histoire des
idées politiques, il y a temps long qui doit être pris en compte (certains révolutionnaires
déclament du Cicéron par exemple) de
même qu’un temps court (les soldats anglais tirent sur les Américains et
tuent 6 personnes donnant la condition à certains groupes pour s’engager plus
avant dans des idées).
Repères
temporels :
Le moment initial
est celui d’un changement de dynastie à la mort d’Elizabeth I, c’est Jacques I d’Ecosse qui monte sur le trône. 3 ans plus tard, sous le
privilège du roi d’Angleterre, des
aventuriers fondent la communauté de Virginie sur la côte d’un nouveau
continent. La Virginie est pilotée depuis Londres, c’est la première colonie à
charte. Les entrepreneurs fondant cette colonie veulent se garantir une
sécurité, en se plaçant sous la domination anglaise pour pouvoir garantir des
prix d’exportations.
Pendant ce temps
là, se passe en Angleterre une première friction quand le roi, Jacques I,
cherche à écarter de l’Eglise d’Angleterre des représentants éminents d’un
courant calviniste plutôt radical, les Puritains. A cette occasion, un certain
nombre de membres Puritains demandent une charte royale et vont s’installer en
petit nombre sur les côtes de Virginie (c’est l’épisode du Mayflower). Symboliquement, c’est très fort, on a des
colons qui sur leurs navires décident de passer un contrat mutuel. Ce contrat
est politique et religieux car une caractéristique du puritanisme, c’est son
contractualisme exacerbé (jusqu’à des contrats au sein de la Sainte trinité
où le père a passé un contrat avec le fils). La grâce est une forme de contrat,
la congrégation en est une autre. La congrégation c’est bien sur passer un
pacte avec Dieu d’une part, mais avec les autres membres de la congrégation
d’autre part. Sur le Mayflower, c’est ce qui se passe, ils cherchent à se donner une institution commune grâce à une charte royale
qui leur laisse une grande autonomie dans le choix de leur fonctionnement
interne. Du coup, ces colons puritains fondent une institution qu’ils
connaissent tous : une congrégation. C’est la transposition civile de la
congrégation.
En
1629, Charles I qui n’obtenait pas de son Parlement
les taxes qu’il souhaitait, décide de
dissoudre le Parlement anglais et ce, pendant 11 ans. Il lève alors des taxes
sans l’accord du Parlement durant cette période. Au même moment, il entame une
profonde réforme religieuse de l’Eglise d’Angleterre (cultes, sermons, …). Cette réforme est jugée par tout les
courants calvinistes stricts comme purement hérétique. Il veut rétablir le
catholicisme en Angleterre et cela a une signification chez les Anglais. Une
reine l’avait déjà tenté en faisant venir l’inquisition en Angleterre, sans
succès. Face à cette fronde calviniste,
Charles I lance une répression très forte contre eux. Les Puritains lui rendent
bien. Des marchands, des aristocrates anglais qui sont puritains avaient
déjà en projet d’installer sur les colonies des pêcheries. Ils avaient déjà
envoyé quelques éclaireurs et fait quelques tests mais sans succès. Profitant du fait que ces marchands et
aristocrates puritains ne peuvent pas avoir leur véritable religion, ils
décident de tourner leur projet de pêcherie de manière plus vaste. Ils décident
donc de partir sur les côtes américaines et le roi leur offre une charte
qui leur permet de partir. Bien évidemment, cela l’arrange que les Puritains
partent.
Sur cette charte
royale de la colonisation de la baie du Massachussetts, on découvre que la communauté
sera dirigée par un gouverneur élu, accompagné d’un vice-gouverneur élu lui
aussi par tous les membres mâles de la communauté, ceux qui sont membres de
l’Eglise. Le gouverneur sera nommé pour un an et il sera assisté par une cour
générale, une Assemblée qui aura la charge de produire les lois locales. Elle
nommera aussi un conseil d’administration local présidé par le gouverneur. A ces colons puritains est donc accordée une
autonomie considérable. Ils vont la perdre vers 1675. En 1630, du coup, plusieurs
vaisseaux armés de milliers de Puritains vont débarqués au Massachussetts. Le projet
initialement commercial mais aussi religieux est de fonder une nouvelle
Jérusalem. De nombreuses métaphores auront lieu : nouvelle Jérusalem,
Océan Atlantique est la Mer Rouge, ils sont le peuple de Moïse, … L’idée est
que l’Angleterre est perdue et qu’en partant en Amérique, on pourra transformer
cette contrée en nouvel Éden.
Pendant quelques
dizaines d’années et profitant de la guerre civile, de la chute de la royauté,
… Les Puritains sont partiellement au pouvoir en Angleterre. Durant la restauration, la colonie
du Massachussetts va prendre son essor démographique avec un faible taux de
mortalité, peu de massacres d’Indiens au début, un apport constant de nouveaux
colons, … C’est une immigration familiale. L’autonomie est quasi-totale et le
terrain d’expérimentation est fertile. John Winthrop, premier gouverneur, devait
gouverner la colonie depuis l’Angleterre, il va pourtant s’embarquer et
s’installer sur place. De plus, en partant, il emporte avec lui le document de
la charte royale. Or pour modifier les conditions de vie dans le
Massachussetts, le roi doit modifier l’original de la charte, mais celle-ci est
maintenant dans les colonies. Lorsqu’il voudra la modifier, Charles I
enverra un gouverneur nommé sur sa décision pour récupérer sa charte.
Ensuite l’arrivée des migrants non-puritains va poser des soucis quand à savoir
s’ils pourront ou non participer à la vie politique locale. Pour ne pas
ressembler à la situation anglaise, où le roi ne voulant plus de Parlement,
gouverne avec ses évêques, ils seront
acceptés en dépit de leur religion différente. Pour renforcer la chose, il va
décider de séparer la vie religieuse et la vie civile, mais ce n’est pas
accepter la tolérance religieuse. C’est seulement dire que l’interférence
des membres du clergé dans les affaires civiles les contraint à faire cette
séparation. C’est en quelque sorte pour des raisons de pureté religieuse que
s’est instauré un système de séparation de l’État et des Églises.
Peu à peu les
colons du Massachussetts, en viennent à produire un texte très original
intitulé Les droits et libertés de la
colonie du Massachussetts.
Ce texte est le premier à pouvoir être mis en parallèle de la déclaration
d’indépendance qui aura lieu plus tard. On y trouve tout les droits et les
libertés dans la justice et en politique. Présenté
comme un dictionnaire, il est mis à disposition de toute la population. C’est
un texte de tout : droits fondamentaux, habeas corpus, limitation
drastique de la peine capitale, limitation de la torture dans les
interrogatoires, les règles du droit de vote, ce qu’il faut faire en cas
de conflit avec le voisin sur des haies, des animaux, … C’est un pot pourri juridique très complet où on trouve clairement les
pouvoirs respectifs des juges, de l’Assemblée, du gouverneur et du conseil
d’administration de la colonie : donc le législatif, l’exécutif et le
judiciaire. De manière pratique, on
voit aussi clairement, comment un des trois pouvoirs pourra être contrebalancé
par un autre. Ce jeu de « Checks
and Balances » va donner un texte célèbre débutant sur une anecdote.
Une riche veuve avait perdu une truie et demandait par des affiches qu’on la
lui ramène moyennant de l’argent. Un marchand en bisbille avec son Église
(alcoolique et abusant ses clients sur ses tarifs) trouve une truie qu’il met
dans son enclos avec ses cochons et par voie d’affiches dit qu’il l’a trouvé et
que son propriétaire peut venir la rechercher. La veuve ne vient pas le voir.
Mais un jour une truie du marchand meurt et la veuve accuse le marchand d’avoir
tué sa truie et demande une énorme compensation. Le procès débute avec des
indemnités faramineuses demandées par la veuve au marchand. Le procès dure,
passe d’appels en appels et finit devant la Cour Générale. Le jury vote et
tombe à 50/50 sur le parti à prendre. Le gouverneur tranche alors au nom de la
prérogative du maintien de l’ordre public. Lésée, la veuve lance l’idée que le
Gouverneur, représentant le pouvoir exécutif, prend l’ascendant sur
l’Assemblée, qui représente le pouvoir judiciaire. Elle lance un débat
politique sur qui des deux organes à quel pouvoir. Pour régler les conflits qui tournent à la bataille électorale, il est
créé un groupe de juristes qui doivent établir un ensemble de textes qui
règlent les rapports entre les trois pouvoirs. Ce sera le premier texte de lois
du Massachussetts.
Au même moment, la
guerre civile en Angleterre est définitivement perdue par les troupes royales.
Les Puritains récupère la personne du roi mais ne veulent pas négocier avec lui
et ne savent que faire de lui. Au moment où le Massachussetts établit ses lois,
les Puritains semblent gagner et c’est le chaos dans la métropole, donc
l’autonomie est très vaste au Massachussetts. Même si les Puritains d’Angleterre nourrissent de
grandes aspirations d’autonomie, ils sont partagés dés le départ avec leur
branche religieuse installée au Massachussetts.
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