mercredi 10 octobre 2012

Histoire des idées politiques 24 - 09 (cours 1)


Le dictateur, Charlie Chaplin

Introduction


Le XX° siècle fut marqué par un certain nombre de gouvernements monstrueux. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils sont apparus uniquement au XX°. On en retrouve des traces très loin dans le passé, chez les Romains qui ont rasé Carthage, des peuples aux animaux, en passant par la végétation, chez les Grecs et au-delà. Au XX° siècle, ce fut peut être pire encore. On trouve en effet, une terreur institutionnelle légitimée par des théories et instaurée par la technique. La mort industrielle de la Seconde Guerre Mondiale en Allemagne ou les goulags soviets, sont assez éloignés des massacres antiques.

Au XX° siècle, on rencontre des excès indignes et ce d’autant plus que nous avions le sentiment que nous étions dans des démocraties, que nous jugions très civilisées, et pourtant, des preuves nous montrent que nous ne sommes pas si civilisés que nous le pensions. Le XX° siècle fait des abominations sans noms, remettant en cause notre civilité. Des auteurs quand Switerblack (???) estimant qu’on n’a pas besoin de lire Goethe pour en arriver là. Cette époque est un séisme dans les esprits de nos civilisations. Cela se produit dans des sociétés qui se pensaient vaccinées contre cela. Les crimes sont massifs, organisés par les gouvernants au nom de leur peuple. Le plus terrible étant que l’oppression d’état ne vise pas tant la conquête que de réaliser un système de pensée théorique. Une théorie que l’on juge bonne mène alors à des massacres terribles que son meurtrier juge bien ou nécessaire pour sa vision du bien. Ces jugements moraux posent alors de vrais soucis comme au tribunal de Nuremberg. Les théories et les systèmes de pensée cherchent une société parfaite et en cela sont terribles. Ces idées prométhéennes (régénération du monde), ce messianisme laïcisé (sans lien direct avec la religion) mène le monde à sa perte en dépit de leur attachement à une perfection qui leur est personnelle.

Pour commettre tout ces crimes, il faut commencer par se débarrasser du statut humain chez ceux qu’on veut éliminer (les Juifs en Allemagne). On se retrouve dans une abstraction qui laisse tout à découvert. Epoque inhumaine puisque l’on sort les individus de leur statut humain. Il y a eu méprise entre les espoirs des gens pour une société parfaite, suivie d’une déception des peuples face à l’oppression parfaite. La politique au lieu de tout libérer, à en fait, tout soumis. Cet espoir a duré très longtemps et perdure en certains endroits. Le soviétisme fut le plus grand espoir du XX° siècle, espoir de justice et d’égalité juste. Or il n’en fut rien au final, on se demande encore les acquis positifs du soviétisme. C’est une performance dans l’échec que représente le XX° siècle et ses régimes totalitaires. Ces régimes ont révélé une méconnaissance totale de l’humanité, des gens avec des opinions personnelles, des liens avec les autres, des propriétés privés, des questions qui nous angoissent, … Les régimes totalitaires se sont appliqués à détruire tout cela. Nulle époque ne fut si loin de la réalité humaine. Si l’on fixe la vérité comme telle, et qu’une majorité d’individus le croit, on a une transformation de la vérité. La vérité n’est alors plus le lien entre une personne et la réalité parfaite mais davantage entre le discours  du pouvoir et ce qui est promis pour demain.

Cette époque ne se limite pas aux deux totalitarismes connus. Le XX° siècle a engendré d’autres formes inquiétantes de la pensée. Moins terrifiantes mais tout aussi déplaisantes, on trouve les fascismes corporatifs (Mussolini + Salazar + Ortiz + Hitler) qui ont touché tout les régimes d’Europe.




 Capitalism can suck it, Kapalsky, deviantart



Le marxisme – léninisme


Comment  ce système de pensée qui se voue à libérer l’humanité et à supprimer l’État, est-il parvenu à engendrer l’État le plus monstrueux que l’on ait vu depuis longtemps ? Par monstrueux, on sous-entend surtout les comparaisons avec les mêmes systèmes antérieurs qui n’avaient pas la technologie. Comment un gouvernement et un peuple ont-ils pu laisser commettre une extermination aussi systématique ? Comment des valeurs éthiques voire spiritualistes ont-elles été dévoyées jusqu’à produire des dictatures violentes, fières d’elles-mêmes, parfois antisémites (Roumanie) ?
Pourquoi est-ce que la Révolution égalitaire n’a pas eu lieu, alors qu’elle fut portée pendant des années et soutenue par beaucoup de peuples ? Comment se fait-il que cette pensée pluraliste s’est imposée face à des adversaires plus forts qu’elle (les totalitarismes) ?

Au XX° siècle, il y a une tentative de réaliser par la Terreur des utopies assez anciennes (Thomas More). Les idéologies modernes traduisent toutes, un choc lié à l’acceptation de la modernité, un regret de l’ancienne société communautaire qui n’avait ni individualisme, ni libéralisme économique, … La technique est aussi responsable avec des textes de philosophes soulignant son rôle. Ce genre de mal être se retrouve à de nombreuses époques mais en revanche, on n’est jamais arrivé à des systèmes si monstrueux.

L’existence de ces totalitarismes fut rendu possible par deux conditions. D’une part, la philosophie moderne a rendu possibles les idéologies modernes. Ces philosophies sont enracinées dans une forme de subjectivisme qui rend tout possible. De plus, les grandes certitudes morales, souvent issues du christianisme, s’effondrent toutes, ce qui amène à revoir ces certitudes brisées (les Juifs sont-ils vraiment des hommes ?). D’autre part, il faut un certain niveau de technique pour accompagner ces idéologies.

Pour Arendt, qui revient sur les termes grecs, on trouve deux modes de « faire » : praxis et poéisis. La poéisis, c’est crée une œuvre qui est alors votre, c’est l’invention. La praxis, c’est aussi un mode d’invention, mais il s’agit d’accompagner quelque chose qui au départ possède son propre fond. Les totalitaires font alors de la politique comme si c’était de la poéisis au lieu de praxis. Du coup, en créant de toutes pièces une société, on fabrique de manière quasi systématique de la Terreur.

La théorie politico-économique du marxisme – léninisme vient de la crise sociale du XIX° siècle. Cette crise vient avec le libéralisme économique, la fin des corporations (loi Le Chapelier) qui est apparue comme une perte de sécurité pour les populations. Hors au XIX° siècle, les ouvriers européens vivent dans des conditions de vie très difficiles et très précaires (pas d’assurances sociales, pas de repos nets, pas de vacances, …). Le marxisme-léninisme naît alors de cette crise et de son orateur, Karl Marx. Ce philosophe moderne est très marqué par le subjectivisme, l’époque de Friedrich Nietzsche.
Les pays d’Occident sont restés marxistes très longtemps (France, Espagne, Belgique, …) jusqu’à la chute de l’URSS qui a révélé les défauts de la société. La Révolution russe de 1917 a eu une influence extraordinaire sur les autres pays d’Europe. Cette Révolution a engendré de nombreux autres régimes apparentés de par le monde. On a eu les régimes assimilés et d’autres régimes serfs. Dans la seconde moitié des années 1970, on avait chaque année un nouveau pays qui tombait dans les mains des marxistes. Seule la région australienne fut épargnée. Quand l’URSS ne parvient pas à prendre le pays, elle pose un parti qui récupère l’intelligentsia locale. En France, le Parti Communiste Français (PCF) recevait des fonds de l’URSS pour son financement, avait des liens très forts, ….


La Révolution de Lénine avait provoqué un espoir très fort dans la population. A la fin du siècle, en regardant le bilan des pays de ce genre, on constate que les chiffres de la Terreur ne sont pas divulgués, les catastrophes écologiques masquées, les peuples hébétés, … Globalement le bilan est désastreux et le pays vit dans un mensonge permanent. En conséquence, la déception provoquée est énorme. La solution apportée immédiatement, le tournant brutal du libéralisme n’est pas non plus la bonne solution et fut assez néfaste.

Lénine (né Vladimir Ilitch Oulianov) et Léon Trotski sont eux deux personnages brillants. Lénine est l’héritier de Marx, il s’en réclame, mais aussi, de Engels ainsi que de Tchernytchevski. Marx souhaite libérer l’homme de sa condition (de son imperfection physique et mentale, mais aussi parce que nous sommes finis, nous devons mourir un jour). Cette condition de l’homme est plutôt mélancolique et l’homme est d’ailleurs de nature malheureuse. Marx veut faire une Révolution pour changer l’homme. Il veut nous libérer de notre condition. Il faut donc bouleverser les racines du système de l’homme. Quant il cherche la souffrance de l’individu, Marx arrive à la conclusion que nous sommes divisés au fond de nous-mêmes. Nous sommes en théorie libre mais nous restons liés à notre communauté d’appartenance, ce qui nous impose de parfois nous sacrifier pour eux. Cette déchirure entre ce que nous voulons être et ce que nous sommes réellement nous fait donc souffrir.
Marx effectue un déplacement pour trouver une solution à ce déchirement. Ce déplacement vient déjà de Rousseau. Pour les deux philosophes, le malheur de l’homme est apparu à un temps donné. L’homme était bon à l’état de nature et a, un jour, fixé la propriété privé, source de tout les malheurs. Pour Marx, il faut donc détruire tout ce qui a fait le malheur des hommes depuis le jour où ce malheur est apparu. La Révolution doit donc supprimer non pas seulement la religion judéo-chrétienne, l’État monarchiste, la bourgeoisie, … Il faut détruire la religion en générale, l’État en général, l’économie en général, la société en général, ... Le héros de Marx qui va faire cela, c’est Prométhée. Prométhée incarne la transformation du monde (comme Faust et Frankenstein après lui), c’est la volonté de Marx, qui veut une forme de rédemption. En recréant cette époque heureuse, on ne subira plus cette déchirure. En conséquence, le but de la Révolution est de transformer les choses en profondeur. Pour changer l’homme en profondeur, soit Rousseau avait raison et on peut revenir en arrière, soit il avait tort et dans ce cas en créant une Révolution, on va mener une Terreur. Si une religion nous obligeait à devenir des anges, il faudrait nous terroriser, mais cela ne marcherait pas plus. Les héritiers de Marx ont vu tout de suite le problème que cela posait, ça en valait la peine mais ce serait difficile.

Marx pensait que la lutte des classes avait toujours eu lieu. En remontant jusqu’à l’antiquité grec on voit 10% de citoyens et 90% d’esclaves et de métèques, forme de lutte des classes selon Marx. Et cela revient ensuite : chez les Romains ce sont les patriciens contre les plébéiens, chez les Carolingiens, les nobles et aristocrates s’opposent à la paysannerie, au XIX° siècle, la bourgeoisie lutte contre le prolétariat. Donc pour Marx, toute l’histoire s’analyse comme une lutte des classes incessantes. Le pouvoir politique est alors toujours tenu en main par la classe supérieure. En supprimant la lutte des classes, en les mettant sur un pied d’égalité, on a une harmonie entre les hommes. Pour supprimer la lutte des classes, il faut commencer par supprimer l’État qu’on supprime en annihilant les classes et la propriété privée.

A la même époque, Marx lit John Stuart Mill. Marx y découvre une société étrange présente en Orient qui est appelé despotisme (pouvoir très puissant, très centralisé qui avait tous ses sujets sous sa coupe). Ce mot venu de Montesquieu qualifie uniquement les régimes orientaux, notamment l’Egypte des pharaons. Mill reprend le mot et montre comment l’État est une forme de despotisme qui tient tous les individus, supprimant ainsi l’idée de classe. Sous l’État, on n’a pas vraiment de classes mais l’État ne disparait pas, il devient tentaculaire. Marx réalise alors que le despotisme ignore la lutte des classes avec une micro élite qui dirige tout et un peuple taillable et corvéable à merci. Marx voit sa théorie buter sur ce despotisme. Dedans, pas de classes sociales, pas de propriété privée, … Une égalité totale mais un État tentaculaire. Marx prend conscience du risque qu’il y a dans sa théorie.

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