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mardi 19 février 2013

Brésil 18 - 02 (cours 5, fin)


 Rocinha, la plus vaste favela d'Amérique du Sud



VI.                   L’après Seconde Guerre Mondiale, une parenthèse démocratique ? : 1946 – 1964

1.      La vie politique

Face au ??? on trouve un parti de droite libérale l’Union Démocratique Nationale (UDN) et le Parti Communiste Brésilien (PCB), qui est réautorisé temporairement. Ces partis organisent une vie démocratique malgré une forte instabilité. En effet, les successions démocratiques entre Présidents n’arrivent qu’à deux reprises sur 1945 – 1964. Avec un coup d’État, un suicide politique ou encore l’empêchement d’une succession, ce genre de succession est la règle plus que l’exception. Cette période libérale, démocratique mais très instable politiquement va créer une préoccupation très forte dans la classe politique pour maintenir la continuité politique. Une obsession du légalisme domine aussi, il faut maintenir la légalité de la constitution.
On peut aussi souligner l’importance de la présence des militaires, trois quarts des candidats de l’époque sont les militaires. Cela montre bien que le coup d’État de 1964 n’est pas la première ni la seule intervention des militaires en politique. Au contraire, ils sont présents en politique depuis bien longtemps. Leur coup d’État, ce sera pour la première fois l’exercice du pouvoir par les seuls militaires.

2.      Le gouvernement de Juscelino Kubitschek

Juscelino Kubitschek c’est le gouvernement particulièrement stable de l’époque. Héritier proclamé de Vargas, membre du PSD, il va peiner à obtenir son mandat. En effet, face à lui se trouve l’opposition anti-gétuliste qui rejette radicalement l’héritage de Getulio Vargas. Les militaires proches de Kubitschek vont lui assurer l’arrivée au pouvoir.

Une période de prospérité économique va alors en découler portée par un discours moderniste et progressiste. Le Brésil se présente comme un pays émergent avant l’heure. Kubischek a pour slogan « 50 ans en 5 ans ». Les investissements étrangers sont beaucoup plus importants et l’État ne se désengage pas réellement, les deux techniques se cumulent. On a donc une modernisation accélérée avec un développement considérable des infrastructures, des nouvelles industries (dont l’automobile avec l’implantation de Volkswagen). Symbole de ce succès, la construction de la nouvelle capitale : Brasilia en 1961.

3.      La ville au Brésil

La première urbanisation au Brésil date de l’époque coloniale mais n’est pas suivi d’un exode rural. Ce sont des immigrants qui peuplent ces nouvelles villes. Cette croissance est modérée et continue jusqu’à la fin du XIX° siècle quand elle s’accélère nettement. En effet, à cette époque la population urbaine brésilienne passe de 10 millions à 14 millions d’habitants. Néanmoins les trois quarts des habitants sont encore ruraux.

C’est dans les années 1930 que les villes s’accroissent au détriment des campagnes. En effet, c’est l’époque du début de l’industrialisation du pays. Cette logique s’accentue de manière continue dans les années 1940, 1950 et 1960. Les ouvriers vont peupler les villes et viennent de la campagne et plus généralement du Nordeste. Ainsi Lula suivra cette trajectoire, il quitte à 8 ans le Nordeste pour tenter de trouver du travail dans São Paulo. Aujourd’hui 85% de la population brésilienne est urbaine selon les autorités du pays. On y considère comme ville tout centre de municipalité.
Certaines villes sont créées ex nihilo, dans une optique d’aménagement du territoire, pour créer de l’urbain près de certaines richesses, pour désengorger des capitales qui avaient du mal à accueillir de la population (comme Belo Horizonte qui récupère l’excédent des villes du Minas Gerais), … La plus importante étant Brasilia, construite selon le plan d’Oscar Niemeyer. Le but était de fluidifier les circulations au sein de la ville. On y a ajouté une logique de rationalisation de l’espace avec des rues à thématique de boutiques (boutiques pour homme, boutiques pour femme, boulangeries, boucheries, …). Entretemps, Brasilia s’est agrandie et les villes périphériques représentent aujourd’hui plus des trois-quarts de la population de la zone. Brasilia ne produit que moins de 3% du PIB du Brésil, elle vit surtout des institutions fédérales et bénéficie d’une population de fonctionnaires qui lui assure une bonne redistribution des fonds étatiques.

Ultime sujet sur la ville au Brésil, le développement des favelas. Dans l’entre deux guerres, les favelas explosent partout dans le pays. Ces bidonvilles construits sans aménagement urbain, sans plan d’occupation des sols, accompagnent le développement des villes et contribuent à son alimentation. Deux regards vont interprétés et intervenir sur les favelas. Dans un premier temps, on y voit un lieu de crimes, de maladies et de dangers politiques. L’obsession est alors d’éradiquer les favelas. Dans un second temps, vers les années 1920, on regarde les favelas plutôt comme un lieu où des artistes et des politiques vont y chercher le travailleur brésilien authentique et honnête. Les deux points de vue se rencontrent et vont mitiger ce point de vue sur les favelas. La valorisation de la culture des favelas va aboutir à l’apparition de la Samba, comme danse indépendante. La Samba devient une véritable danse brésilienne et par la suite entre dans la culture nationale universelle. Cela devient intergénérationnel et interclasse. La Samba est dans l’imaginaire brésilien de manière très nette. Si on dévalorise les favelas, on entre plus dans un imaginaire d’éradication des favelas. Brasilia a chaque année un plan d’éradication des favelas. Dans les années des militaires, ces politiques d’éradication des favelas vont s’intensifier et faire l’objet de résistances de gens qui ne veulent pas être relogés en particulier parce que leurs nouveaux habitats sont dans les lointaines périphéries de la ville. Après cette période, la démocratie rétablie a abandonné le projet à partir des années 1990 pour se lancer dans une politique d’urbanisation des favelas, une politique de légalisation du bâti avec des infrastructures urbaines en construction (égouts, eau, électricité, …). Ainsi la plus grande favela d’Amérique du Sud, Rocinha à Rio a été intégralement urbanisée.
Le second problème des favelas est celui du trafic de drogue apparu à la fin des années 1970, conjointement à l’explosion des ventes d’armes en Amérique Latine. Les vendeurs étaient plutôt les classes populaires et les consommateurs des classes moyennes de centre ville. Depuis 2010, a été mis en place une politique dite de « pacification urbaine » avec de nouvelles unités policières (unités policières de pacification) qui sont des unités policières militaires et qui ont la caractéristique d’être à résidence dans une favela. L’aspect positif c’est que la criminalité a considérablement baissée dans les favelas où l’on trouve ces unités. Les aspects négatifs, c’est que d’une certaine manière, la criminalité s’est déplacée dans les périphéries de la ville, et de plus, l’installation de ces unités a pour conséquence l’apparition de mafia locale dans les favelas (prélèvement de taxes, rançons, …).



 Les années de plomb ... Ce plomb là ?



VII.                Les généraux au pouvoir : 1964 – 1985

En 1964, on a un coup d’État militaire qui renverse le Président en place, João Goulart. Au terme d’une escalade politique entre la droite populiste et la gauche révolutionnaire, les militaires interviennent, ils ne prétendent pas faire un régime militaire, le général Branco veut uniquement organiser une « opération nettoyage » épuration de la classe politique et de la population pour annihiler la subversion et la corruption. Si la classe politique est toujours considérée corrompue, l’anticommunisme va lui connaître un nouvel essor. Mais cette subversion n’est pas évidente à éradiquer. Alors qu’en 1964, on n’a pas d’extrême gauche armée, la résistance à la dictature va pousser les générations à entrer en masse dans les guérillas communistes. A partir de 1970, ces mouvements de guérillas urbaines vont clairement s’exprimer et cela va pousser les militaires à conserver le pouvoir. De plus, cela se double du sentiment des militaires d’être la classe la plus organisée et en conséquence la plus à même de garder le pouvoir.

En termes d’autoritarisme et de répression, cela est inégal. Le régime va progressivement abandonner les garanties démocratiques pour se militariser. Il se transformera alors en régime répressif affirmé alors qu’au départ ce n’est pas si net. Le moment clé de ce retournement, c’est en 1968 avec la promulgation de l’acte institutionnel numéro 5, un acte qui émane de l’exécutif et est applicable immédiatement. Le 5° acte en 1968 fait suite aux manifestations gauchistes qui prennent lieu dans le monde entier y compris au Brésil, il ferme le congrès, supprime les élections d’États, rend légal les décrets de l’exécutif, … Entre 1969 et 1974, on parle des années de plombs avec une hausse des assassinats et des disparitions politiques.
Après 1974, le général Ernesto Geisel estime que pour maintenir les militaires au pouvoir, il faut garder une forme de distance avec la population. Il prône une ouverture contrôlée, lente et graduelle. Mais cela va lui échapper en deux grandes étapes. D’abord la renaissance du mouvement étudiant et ouvrier de la fin des années 1970, d’où émerge Lula. En 1983, un second grand mouvement populaire exige les élections directes pour la présidence du pays.

On doit tout de même noter que ce régime militaire a tué bien moins de monde que d’autres régimes de la même époque. Au Chili, sur la même époque, 3 000 morts sont dénombrés. En Argentine entre 1976 et 1982, on dénombre 30 000 morts. Pourtant le Brésil a inventé les techniques répressives reprises ailleurs puisque c’est la première des dictatures répressives de la région à apparaître. Ainsi, les militaires furent formés par les Français et mirent sur pied l’opération Condor (dont le but est de rattraper les dissidents en Amérique du Sud). On parle donc d’une « dictamolle » au Brésil, peu de morts malgré l’importance de celle-ci dans les esprits brésiliens.

La question de la participation civile, au sens d’un appui de cette population, révèle que les années de plomb étaient les années où le régime était le plus populaire auprès des gens non-concernés par la répression (comme sous la présidence de Emilio Médici entre 1969 et 1974). Ainsi, les concernés par la répression en ont un souvenir très noir quand au même moment, les gens non-concernés étaient gagnés par l’euphorie de cette époque (dont la troisième victoire de la coupe du monde de football en 1970 très utilisée par Médici).



Mais oui, Lula c'est notre pote ... Tchek Gros !


VIII.             La stabilisation politique et les chemins de la puissance : 1985 – 2013

Cette période est nommée la Nouvelle République (1985 – 2013). Elle est marquée par 11 ans de transition et d’ouverture politique organisée par les militaires eux-mêmes qui finalement en 1985 sont évincés du pouvoir par des élections indirectes (le mouvement des élections directes avait pourtant échoué), un Président civil est élu. Mais cet homme, Tancredo Neves, meurt une semaine avant son investiture et c’est à son vice-président de prendre sa suite. José Sarney devient donc Président alors qu’il est un civil qui a toujours soutenu le coup d’État. C’est alors une période sombre qui commence au Brésil, non pas des restes d’une forme dictatoriale puisque le régime devient une vraie démocratie avec une constitution libérale et appliquée, mais du fait d’une situation économique dramatique : croissance faible et hyper inflation. De plus, d’énormes scandales politiques tombent, notamment le successeur de Sarney, Fernando Collor de Mello en 1990, qui empêtrés dans une lourde affaire sera sur pression populaire conduit à une procédure d’impeachment en 1992.
Fernando Enrique Cardoso parviendra à rétablir la stabilité politique en stabilisant l’économie. Il va notamment changer la monnaie (on passe au Real). Cet ancien sociologue, qui fut ministre de l’économie, assure donc une nouvelle période de croissance économique avec une forte libéralisation de l’économie. S’en suit une énorme croissance des inégalités dans la société brésilienne qui aboutit in fine à l’émergence d’un leader politique déjà dans la route depuis longtemps : Luis Ignacio Da Silva (Lula). Un militant syndical socialiste qui se présentait depuis longtemps aux élections sans succès, avant de nuancer son discours socialiste devenant plus social-démocrate. Il est élu en 2002.

mercredi 13 février 2013

Brésil 11 - 02 (cours 4)

 L'orixa Lemanja, divinité mère de tous les êtres vivants,
qui a fusionné au Brésil avec différentes saintes, notamment la Vierge Marie.



3.      La révolte des Canudos

De 1893 à 1897, la Grande Révolte des Canudos est une révolte fondatrice de l’imaginaire brésilien, type la Commune en France. Ce fut une révolte réprimée au nom de l’ordre et contre les classes populaires. Il s’agit d’une révolte paysanne qui se déroule dans le Nordeste, plus spécifiquement dans la zone la plus aride du Nordeste, le Sertão. C’est la grande région de canne à sucre qui reste une zone de pâturage habitée par une population de paysans pauvres, sans terre. Dans les années 1880 - 1890, ces paysans souffrent de sècheresses accrues et longues. La population en plus de paysans est constituée d’Indiens, d’esclaves affranchis récemment, … Tous ces Sertanejos (habitants du Sertão) vont se rallier à un prophète : Antonio Conselheiro. Cet homme est issu de l’Eglise mais s’en démarque un peu et a une forte conviction sociale de redistribution. Il va réunir autour de lui jusqu’à 30 000 personnes et s’installer dans un village pour réaliser un régime social et religieux idéal. La culture religieuse est catholique mais côtoie de nombreuses variantes. Ainsi, dans le cas de Conselheiro, le sébastiannisme est très fort. Sébastien était un roi portugais très aimé qui était censé revenir sur Terre et apporter le bonheur. C’est une forme de millénarisme propre au Brésil. Les Canudos sont donc catholiques, essentiellement sébastiannistes, mais aussi contre la république et de tendance monarchiste. Cette communauté religieuse inquiétant les autorités, l’armée brésilienne y sera envoyée. Il ne faudra pas moins de trois campagnes militaires pour en venir à bout, l’armée brésilienne étant peu professionnelle. Cette communauté sera dans les journaux présentée comme fortement menaçante. La dernière campagne fera 20 000 morts chez les Canudos contre 5 000 militaires. Cette répression va profondément marquée l’imaginaire brésilien : la République agit dans le sang et présente des peuples exclus composés d’Indiens, de métisses, de pauvres gens, … Territorialement et racialement exclus, cette répression montre la République comme conservatrice et élitiste.
Un journaliste de l’époque, Euclides da Cunha va rédiger un ouvrage de son expérience, Les Sertões, premier grand livre brésilien qui traite des exclus du Nordeste.

4.      Le pays de l’inventivité religieuse

Le Brésil est donc un pays catholique a plus des 4/5 de sa population jusqu’au début des années 2000. Le reste, ce sont surtout les Protestants et les cultes amérindiens. Par contre, la pratique de la religiosité brésilienne est qu’elle est peu orthodoxe et surtout, peu exclusive. A coté du catholicisme, on a une vraie vigueur des cultes afro-brésiliens dont les plus connus sont l’Umbanba et le Candomblé. Ces deux cultes viennent des esclaves africains et sont des cultes animistes. Ils ont été entretenus par les esclaves qui devaient cacher leurs pratiques en les masquant sous un aspect catholique. A force de mélanger les deux courants pendant des siècles, il y a réellement eu fusion entre catholicisme et cultes animistes. Ainsi la Capoeira, cette danse qui reproduit des mouvements de combat, a permis de dissimuler une entrainement au combat en se présentant comme une danse. Le culte brésilien associe donc les divinités animistes et les saints catholiques.
Les deux courants animistes souvent confondus sont pourtant distincts. La confusion vient que tout deux se sont développés dans les Nordeste, récupérant les coutumes vestimentaires de la région et se fondant sur la transritualité. Le Candomblé est donc une religion africaine qui honore les orixas, des dieux associés à des éléments naturels, révérés dans des maisons d’habitation avec une prêtresse qui y vit, la « mère du saint ». Il y a un total de 8 orixas qui sont révérés de différentes manières selon le groupe ethnique auquel on appartient. Toutes ces divinités ont sur le long terme été associées à des saints catholiques. Les deux imaginaires se sont mélangés, d’où le syncrétisme religieux. L’Umbanda est en revanche né au Brésil vers 1910 et mélange des aspects du protestantisme, du bouddhisme, du spiritisme et de l’Islam. On a 3 millions de personnes exclusivement dans ces religions animistes, 6 millions cumulent ces religions animistes avec d’autres religions à coté. Ces religions sont totalement intégrées à la vie brésilienne. N’importe qui peut aller dans ces maisons des saints pour se purifier. C’est l’exemple type du syncrétisme religieux, mais c’est loin d’être le seul.

Le Kardécisme, venu d’Allan Kardec, un français, est un spiritisme. Cet homme a fondé une religiosité sur la survie des âmes et inspiré du positivisme avec une forme de scientisme, et un progressisme dans sa perception de l’humanité. Cette pratique est très commune puisqu’on dénombre 1 million d’adeptes au Brésil, soit plus de 90% des kardécistes du monde.

A partir des années 1970, le catholicisme a été remis en question. On a vu une hausse du protestantisme doublé des religions évangélistes. Du coup, on a moins de 60% de gens qui se déclarent catholiques dans les sondages. Ce problème pour l’Eglise a poussé à développé d’autres formes de catholicisme pour lutter contre le protestantisme.

5.      Le centre du progrès économique et social

Situé au Sud de Sao Paulo et de Rio, on constate au tournant du siècle de nets progrès économiques et sociaux. Dorénavant, le Brésil exporte beaucoup plus et l’administration étatique est en construction. On voit une classe de fonctionnaires émerger. Cela crée des classes urbaines bourgeoises, qui vont-elles-mêmes donner un nouvel aspect aux villes. On en exclue les pauvres qu’on relègue dans des quartiers périphériques : les favelas.
Favela vient du nom d’une colline où l’on a envoyé des militaires démobilisés des Canudos. Ils ne sont pas retournés dans leurs régions mais on construit des logements de fortunes sur la colline de la Favela, près de Rio.  Lorsque la bourgeoisie de classe moyenne veut donner une bonne image de sa ville, celle-ci exclue les pauvres dans des favelas. On a donc un double effet : augmentation des favelas et de la pauvreté tandis que le centre des villes s’embellit, se modernise et s’enrichit. Ainsi, à la même époque, toutes les villes de Paris à Buenos Aires et Rio vont se moderniser. Haussmann à Paris possède son équivalent brésilien Pereira Passos pour Rio. Il s’agit de faire de grands espaces à double vocation : permettre de meilleures circulations automobiles ou de tramways, éviter des foyers épidémiques et aussi éviter les barricades qui pullulent lors des révoltes urbaines. On va aussi voir des collines de Rio être rasées car les villes modernes sont plates.

Il existe aussi des classes populaires urbaines dont l’importance va s’accroitre du fait des industries urbaines qui se développent. Ces industries sont surtout liées à l’agro-exportation (moudre le café, transformer le lait en fromage, construction navales, …). Cet artisanat est composé d’une main d’œuvre immigrée venue du Sud Européen (Portugal et Italie essentiellement). Cette immigration est encouragée par les pouvoirs publics du Brésil, il s’agit de blanchir la population dans leur esprit. Mais ils n’ont pas mesuré les conséquences qui découleraient de cette immigration particulière. En effet, l’immigration italienne à la caractéristique d’être particulièrement politisée. Ces Italiens socialistes et anarchistes essentiellement, vont influencer les populations brésiliennes et être à la source des premiers syndicats. Si l’Argentine est caractéristique de cet effet, au Brésil ça ne donnera jamais de mouvement révolutionnaire, il s’agit surtout de revendications sociales (limiter la journée de travail, assouplir les conditions de nuit, …).

La République sera surtout déstabilisée du fait d’autres acteurs : les militaires. Vers 1922, les militaires vont enchaîner des séries de révoltes aux impacts retentissants. Cette année là, Copa Cabana (encore un fort militaire), 18 jeunes tenentes (lieutenants) séquestrent leurs supérieurs et s’en vont réclamer la chute de la République, on parle du mouvement de tenentismo. Au départ, inspiré de revendications corporatistes (soldes à augmenter, …), cela va devenir une revendication politique plus large en critiquant une République oligarchique. Les élites civiles sont corrompues, conservent tous les privilèges, empêchent le développement du pays par leur incapacité à diriger le pays, … L’armée en revanche demeure, n’est pas fragmentée et en tant que tel, réclame le pouvoir.
Les tenentes commencent donc une longue marche pendant 3 ans dans le pays pour prêcher leur bonne parole révolutionnaire et écraser les armées fédérales au passage. La plus connue de ces colonnes militaires est menée par Luis Carlos Prestes, futur leader brésilien du Parti Communiste Brésilien de 1922 à 2000. Ces jeunes hommes urbains découvrent à cette occasion la campagne et la pauvreté endémique qui y règne. Ils vont alors être très préoccupés pour agir dans un sens social. Prestes va finalement quitter le tenentismo car il le juge insuffisant sur le plan social, il va alors créer le parti communiste brésilien. Le tenentismo se scinde donc entre une tendance socialiste et une autre (majoritaire), plus conservatrice et avec une vision autoritaire du pays.

La république « café au lait » reposait avant tout sur un accord tacite entre les différents États du Brésil. Mais en 1930, São Paulo rompt la règle de l’équilibre interne en présentant un candidat ???. Du coup, le Rio Grande Do Sul s’allie au Minas Gerais pour protester contre Saint Paul. Ce d’autant plus, que ces États n’ont pas réussi à faire passer leur représentant : Getulio Vargas.



 Getulio Vargas, en tenue protocolaire présidentielle.



V.                   L’avènement des masses en politique : 1930 – 1945

1.      La Révolution de 1930

La Révolution de 1930 va vraiment révolutionner le pays, mais à l’époque, cela est surtout perçu comme des agitations d’un petit politicien du Sud. A l’époque on parle tout de même de « Révolution », mot populaire et positif mais sans les conséquences qu’on lui prête aujourd’hui. Le mot sous-entend « démocratie » et « bien être du peuple », en dépit de l’image de la Révolution russe.



Getulio Vargas (1882 – 1954) est un propriétaire terrien du Sud. En 1930, il incarne les revendications des nouvelles classes sociales, en particulier les classes moyennes, qui refusent les persistances de la Vieille République et s’allient aux idées des tenentes. Il va devenir le personnage central de la vie politique brésilienne. Il est au pouvoir deux fois (1930 – 1945 ; 1951 – 1954) et sera adulé par une grande partie de la population. Il conserve aujourd’hui encore une grande aura en dépit de ses tendances dictatoriales. Il définit aujourd’hui encore les identités politiques du pays. Cela est assez spécifique à l’Amérique du Sud (les Perón en Argentine, …) d’avoir eu un pouvoir fort, autoritaire et nationaliste.

Incarnant les tendances qui luttent contre la Vieille République, le Président Washington Luis est renversé par le coup d’État. C’est Vargas qui est propulsé à sa tête sans élection et sans respect strict de la Constitution. Son exercice fort du pouvoir va susciter des oppositions, en particulier celle de l’État de São Paulo, qui a perdu les élections et, de plus, São Paulo est de loin la plus grande ville du XX° siècle avec une culture politique forte sans être le lieu d’affirmation du pouvoir. Cette opposition se constate par une guerre civile en 1932, qui prend le nom de Révolution constitutionnaliste. L’État de São Paulo qui représente un tiers du PIB du Brésil est un problème pour tout le pays. Pendant un an, il y a cette guerre civile mais c’est Vargas qui va finir par écraser São Paulo. Le prestige de Vargas n’en sera que plus accru.

Par la suite, Vargas va développer une nette centralisation du pouvoir, les assemblées des États sont suspendues et les autorités exécutives des États sont remplacées par des interventores, des agents du pouvoir central qui doivent gouverner les États. La politique est aussi nationaliste avec une limitation de l’immigration des travailleurs pauvres et la promesse de nationalisation des richesses du sol et du sous-sol. Enfin il y a un primat de l’exécutif, par exemple, Vargas retardera la création d’une Assemblée.
Vargas ne souhaitant pas que les tenentes le surveillent, dans son dos, il en achète quelques uns en leur donnant une place dans son gouvernement et réprime les autres. Le club du 3 octobre 1930, qui devait le soutenir, disparaît alors.
Il va finalement en 1933 laisser apparaître une Assemblée qui promulgue en 1934 une constitution plutôt libérale avec entre autres : un vote secret aux élections. Dès 1935, Vargas amendera la Constitution et la suspendra par la suite au nom de la loi de sécurité nationale. En 1937, Vargas fait un coup d’État où il supprime l’Assemblée et change de constitution et forme ainsi l’Estado Novo qui durera de 1937 à 1945. Ce coup d’État repose sur l’agitation, par Vargas, de la menace communiste. Il sera aidé en cela par une tentative du Komintern de faire un coup d’État révolutionnaire et communiste en 1935.

2.      L’Estado Novo

En 1921, la III° Internationale décide de fixer les 21 conditions nécessaires pour qu’un parti entre dans cette III° Internationale. Au Brésil, c’est donc le Parti Communiste Brésilien (PCB), qui est minoritaire à sa création en 1922.
En 1934 avec Prestes à sa tête, le PCB décide d’une alliance large avec la gauche et les différents partis, le front d’alliance libératrice nationale avec 200 000 membres qui le suivent. Cette alliance réformiste convainc le Komintern de la possibilité d’une révolution communiste au Brésil. Le Komintern envoie des agents exprès pour tenter cette révolution. Au Brésil, cela est prénommé l’Intentona, la tentative. La chef de la délégation du Komintern, Olga Benario, juive allemande communiste deviendra la femme de Prestes.
Cette révolte va échouer en dépit de ses atouts pour réussir. Malgré ses chances, la révolte est écrasée et va servir pour nourrir l’anticommunisme d’État qui lui-même justifiera tous les tournants autoritaires des dizaines d’années qui vont suivre. Pour mettre en œuvre le coup d’État de 1937, les militaires putschistes vont inventer un plan judéo-communiste : le plan Cohen. Cela est fondé sur un faux document créé par les militaires putschistes, démontrant une nouvelle tentative de coup d’État communiste.

Cette évolution autoritaire des années 1930, présente à bien des points de vue, un pays influencé par l’Occident : le front populaire organisée par le PCB, la tendance autoritaire du chef de l’État, … Un autre exemple plus concret, c’est le mouvement intégraliste des années 1929 – 1930 qui devient l’Alliance Intégraliste Brésilienne (AIB), un parti fasciste original. Inspiré de Mussolini, on y reprend la symbolique fasciste : des chemises vertes, le symbole Σ (sigma) rappelant la croix gammée, antisémitisme, … Mais en revanche, l’intégralisme n’est pas du tout un adepte de la race pure, le métissage est la norme de ce courant, on y vante le mérite du mélange des races qui serait un atout pour le Brésil.

La première décennie de l’ère de Vargas est aussi marquée par la crise économique de 1929 et cela va beaucoup influencer les politiques économiques mises en place. En effet, l’Europe à court d’argent, n’achète plus les produits brésiliens. Le Brésil sans rentrée d’argent ne peut acheter des produits manufacturés européens et décide donc de développer sa propre industrie. Il y a donc une industrialisation du pays par la politique d’Industrialisation par Substitution aux Importations (ISI) qui doit développer l’industrialisation et le marché national.

Demeure alors toujours la propagande nationaliste, la politique de développement économique et l’industrialisation du pays et la répression politique. Ce qui va changer en 1937, c’est l’abandon total du libéralisme (plus de partis politiques, fin des élections, …), le système politique va alors se personnaliser autour de la figure de Vargas. On va assister à une réforme du calendrier civique : le 10 novembre devient jour de la fête nationale et début du nouveau calendrier. Enfin, il y a un contrôle total de la population par le pouvoir, en particulier de tous les aspects des générations successives (organisations pour les enfants, les femmes, …).

Et pourtant, le régime de 1937 n’est pas fasciste. En plus de la différence majeure concernant le concept de métissage, il n’y a pas de pouvoir qui repose sur un parti unique puisqu’il n’y a aucun parti au Brésil, pas même un parti de Vargas. De plus, Vargas se place coté allié lors de la Seconde Guerre Mondiale pour des raisons économiques et des alliances avec les USA. En 1943, le Brésil s’engage en guerre et enverra des troupes en Italie.
Enfin ce qui caractérise l’Estado Novo, c’est l’approfondissement par Vargas d’un État social. Si cela a débuté dès 1930 avec un ministère du travail, c’est approfondit par la suite (journée de 8 heures en 1932, …). Sous cette dictature, les mesures vont véritablement constituer un code du travail et un système de protection sociale à peu près inchangé jusqu’à aujourd’hui. Certes utilisées par la propagande d’État, ces nouvelles mesures n’en sont pas moins très importantes. En revanche, les travailleurs sont privés de toute liberté politique (pas de liberté syndicale, …). Les travailleurs doivent attendre les gestes du pouvoir mais ne peuvent s’organiser pour les réclamer. Le pouvoir ne s’appuie pas sur un mouvement ouvrier. Vargas devient alors extrêmement populaire dans ces classes populaires.

En 1945, ce mouvement se ferme. D’une part les dictatures perdent de leur prestige à l’époque dans le monde entier et Vargas n’y échappe pas. Il sera renversé par les militaires qui le jugent trop comme le « père des Pauvres » et soutiennent alors les élites qui se défient de lui. Malgré le mouvement du queremismo réclamant le retour de Vargas, il ne pourra pas rester.

3.      Le second mandat de Vargas

Vargas va alors continuer en politique en se présentant comme sénateur de son État de naissance. Le général opposant qui est au pouvoir ne lui interdit pas de se représenter aux élections présidentielles de 1950. En conséquence, Vargas se représente et est réélu. Il revient donc au pouvoir en 1951.
Elu démocratiquement dans un État démocratique avec une nouvelle constitution qui fait régner l’État de droit, il ne peut se reposer sur l’embrigadement de la population. De plus, la crise économique touche le Brésil et face à lui, se trouve une violente opposition de droite qui dénonce son populisme et le critique de manière particulièrement virulente. Le but de la violence de l’opposition est clairement de le faire tomber. La propagande sera conséquente et finalement, il se suicidera en août 1954, d’un coup de pistolet dans le cœur, non sans avoir rédiger une lettre qui achèvera de le faire entrer dans la légende brésilienne. Cette lettre largement diffusée dans le pays va avoir de multiples conséquences : vague de suicides pour l’imiter, oubli de ses tendances dictatoriales, mystification du personnage dans l’idéal de gauche brésilienne, foule phénoménale lors de son enterrement, … De plus, la haine présente dans la droite opposée à Vargas n’en sera que plus décuplée et plus que jamais il sera haï par ce courant.

mardi 5 février 2013

Brésil 04 - 02 (cours 2)


Le Brésil métissé : Dilma Roussef (Présidente du Brésil) et Joaquim Barbosa
(Président de la cour suprême du Brésil, premier noir à la tête de cette institution)


Cette politique reprise des Jésuites mais laïcisée débouche en 1910 sur la création du Service de Protection des Indiens (SPI). Ils créent des postes indigènes, dont le but est de faire entrer les Indiens dans la civilisation occidentale. Grâce aux photos, on obtient les premiers clichés des Indiens. Les objectifs recherchés sont la pacification, assurer la survie des Indiens et leur faire adopter un mode de vie civilisé pour favoriser leur insertion sur le marché du travail, notamment pour en faire des travailleurs agricoles. Enfin on cherche aussi à leur faire entrer dans l’esprit la conception nationale plus que celle de leur groupe d’appartenance. Homogénéisation des peuples indigènes qui se fait sous l’égide de l’État. Parallèlement, de manière un peu contradictoire, la littérature exalte les origines indigènes faisant ressortir les cultures indiennes pour les inclure dans le mythe national. C’est la que le tupiniquim en tant que « véritable brésilien » est créé. Cette contradiction entre valoriser une culture et en même temps la faire disparaître a une signification particulière.
A partir des années 1940, une politique parallèle doit protéger les cultures indiennes via la FUNAI (FUndação NAcional do Índio) qui est moins assimilationniste puisqu’il s’agit de conserver leurs cultures. C’est à cette époque que l’explosion des anthropologues fait qu’ils envahissent ces instituts dont Claude Lévi-Strauss. Cependant, la victoire des différences sur l’homogénéisation nationale ne se fait que tardivement dans la constitution de 1988 qui reconnait le droit à la différence culturelle et qui reconnait les espaces indiens comme des espaces usufruits exclusifs (ils n’en sont pas propriétaires mais s’en servent comme ils en veulent et n’ont pas d’autorités de tutelle).En revanche, le passage de ??? à des réserves, a provoqué une transition de délimitation des réserves. Celle-ci n’est toujours pas terminée. Depuis la fin des années 1980 à nos jours, il y a de nombreux conflits sur les terres indigènes : soit qu’elles soient de réserves en nom mais pas en fait, soit que cette réserve n’est pas respectée. Actuellement, l’État est en conflit avec les indigènes autour des barrages hydroélectriques en construction. Le chef Raoni est la figure la plus médiatisée de ces cultures indigènes. Aujourd’hui, le barrage de Belo Monte en cours de construction est l’actuel conflit majeur : il n’inondera pas une réserve indienne, mais bien les terres alentours dont les indigènes se servent pour leurs cultures. Tout le Brésil fut concerné par ce projet, chacun avait un avis et beaucoup de monde était impliqué dedans.

1.      Le Brésil métissé

L’exploitation du Brésil a longtemps été très réduite avec une limite proche du littoral. A cette époque, le pays est administré par des capitaineries héréditaires attribuées par la couronne à certains individus. Ce qui va véritablement changé, c’est le passage du bois au sucre. Le sucre étant un matériau de conservation important. Sous l’exploitation du sucre, le pays va véritablement évoluer. Des micro-sociétés s’organisent autour de ces plantations de canne à sucre. Il faut des champs, du bétail, de la main d’œuvre, de l’alimentation pour nourrir ces forces (nouveaux champs et potagers), des petites industries pour extraire le sucre ou encore un système commercial d’exportation du sucre. Ces sociétés de plantation nécessitant beaucoup de main d’œuvre, cela développe l’esclavage dès 1580 avec le commerce triangulaire. Assez rapidement, les négriers africains récupèrent du sucre faisant à la fin du XVII° siècle, un commerce bilatéral avec le Brésil : sucre contre esclaves. En effet, les anciens esclaves affranchis du Brésil se spécialisent pour certains dans la traite négrière en revenant en Afrique. L’esclavage en constant augmentation fait de cette époque l’une des plus difficiles de la traite.

La traite des esclaves africains s’élève à 10 millions de personnes dont 4 millions furent envoyés au Brésil. La majeure partie fut envoyée dans le Nordeste puis dans le Sud. Du coup, c’est la première caractéristique du Brésil concernant l’esclavage, toutes les régions du pays furent rapidement remplies d’esclaves noirs, contrairement aux USA où seul le Sud est concerné par exemple. De plus, c’est dans ce pays que l’abolition est la plus tardive (1888), soit un demi-siècle après la plupart des autres pays.
L’autre caractéristique, c’est que bien qu’employés dans des plantations, les esclaves sont si nombreux qu’ils intègrent tous les domaines de travail tant à la campagne qu’à la ville. L’esclavage est aussi un phénomène urbain puisque tout le monde possède des domestiques noirs. Rio comporte la plus grande concentration d’esclaves en ville. Ainsi les constructions des maisons de l’époque étaient divisées entre des entrées principales et d’autres de service réservées aux esclaves. Cela existe toujours aujourd’hui avec des entrées principales et d’autres de service. Idem, on trouve toujours des pièces réservées aux domestiques, quand bien même il n’y a pas de domestiques.
Le nombre d’affranchissements est aussi plus nombreux au Brésil qu’ailleurs du fait du grand nombre d’esclaves par rapport à la population blanche. L’affranchissement devient un commerce, on fait payer son affranchissement à l’esclave pour ensuite en racheter de nouveaux.
Le tout va avec un très fort métissage entre les populations blanches et noires, donnant naissance à des métisses prénommés les mulâtres : de sang masculin blanc et de sang féminin noir (en théorie). En 1872, 42% de la population brésilienne est considérée mulâtre. Cette importance des affranchissements et des métissages a construit l’idée d’un esclavage plus doux au Brésil qu’ailleurs. Depuis, les travaux historiques ont révélé qu’il s’agit évidemment d’un mythe (le métissage est le résultat de viols, les traitements étaient aussi durs, …). D’ailleurs, on a retrouvé des traces de nombreuses révoltes d’esclaves. Malgré cet esclavage massif et tardif, le mythe du pays métissé a finit par annihilé l’essentiel des conceptions racistes.

Deux grands moteurs abolitionnistes émergent à cette époque : les révolutions et les Anglais (le commerce triangulaire ne leur profitait nullement). Si l’abolitionnisme courant dans les révolutions ne se fait pas au Brésil, c’est qu’il n’y a pas de révolutions dans le pays lui-même. De plus, le Brésil a une dette héritée de la monarchie portugaise vis-à-vis de l’Angleterre et le Brésil explique aux Britanniques que l’esclavage rembourse en majeure partie cette dette, d’où les incitations limitées du Royaume-Uni concernant l’abolition de l’esclavage au Brésil.

Dans l’imaginaire nationale, le Brésil va d’abord nier les apports des populations noires au pays. L’esclave noir ou anciens esclaves noirs, ont un sang noir, mais pas de culture. Du coup, l’angoisse de l’ « africanisation du Brésil » est très présente chez les élites brésiliennes de cette époque. Mais en même temps, entre 1860 et 1870, 3,5 millions d’Européens blancs arrivent au Brésil, ce qui rétablit l’équilibre pour les élites. Le blanchiment de la population brésilienne va se faire mais reste limité par des lois : les immigrations des Africains et des Asiatiques sont interdites successivement en 1890 et en 1921. Cette politique du blanchiment doit rattraper racialement la situation héritée de l’esclavage.
Ce mythe de la démocratie raciale va vraiment apparaître dans les années 1930, sous la plume d’un sociologue brésilien, Gilberto Freyre. Il écrit en 1933, Maîtres et esclaves, dans lequel il développe la théorie particulière que les Brésiliens sont le résultat de la fusion des trois races : blanches, noires et indiennes. Cependant, cette fusion est hiérarchisée, le blanc amène la raison et l’organisation, le noir apporte la force de travail et l’indien développe la passion, l’instinct et le rapport à la nature. Cette vision pour l’époque progressiste est favorable au métissage quand l’Europe au contraire diffuse, au même moment, l’idée que le métissage est une forme de corruption du sang. Cette théorie fonde véritablement la notion d’un Brésil métissé.



L’idée d’un esclavage plus doux qu’ailleurs, la fusion biologique des trois races dans le sang brésilien va créer le mythe d’une société mélangée où il y a peu de rapports raciaux donc pas de ségrégation, ni d’inégalités, … Cet imaginaire se complète à celui des Brésiliens doux et cordiaux développé à la même époque par Buarque même si celui n’est pas essentialiste. Cet imaginaire s’est renforcé du fait de régimes politiques qui ont appuyé ce mythe des trois races. Dans les années 1930, la dictature de l’Estado Novo, va exalter l’idée d’une nation métisse. Les fascistes brésiliens exalteront aussi le métissage par la suite. Bref, tout du long du XX° siècle, cette notion de métissage va empêcher le développement des droits des noirs au Brésil et va masquer les véritables inégalités raciales qui demeurent dans la société brésilienne.
En 2010, la répartition brésilienne c’est 47% de population qui se dit blanche, 43% de la population se déclare métisse, 7% se disent noirs, 1% se revendique asiatique et 0,5% se présentent comme indien. Or les noirs et les métisses gagnent aujourd’hui encore deux fois moins d’argent que les blancs. Il y a donc une réalité du métissage biologique, du métissage culturel, en revanche le métissage social est beaucoup moins performant. 70% des personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté dans le Brésil sont noires. Cette réalité, depuis 20 ans, a abouti il y a 6 mois à des quotas raciaux dans les universités, dans les concours publics, … Bien évidemment, cela fut un des débats les plus importants notamment en 2012. Le Brésil a donc mis en place ce genre de politique en s’inspirant des USA où les couleurs de peau se sont peu mélangées. Sauf qu’au Brésil le métissage fut trop fort pour que ce soit efficace comme les USA, selon les contestataires des méthodes de discrimination positive.

2.      Le cycle de l’or

A la frontière des capitaineries de Sao Paulo et de Rio, on trouve des mines d’or qui vont donner un nouvel élan à l’économie au début du XVIII° siècle. Les Minais Gerais deviennent un moteur d’exploitation du pays où l’on construit de grandes villes coloniales. Certes cela accroit la traite, mais plus encore, cela pousse à la création de villes minières où les affranchis vont faire fortune ainsi que les Européens lors de la fin du XVIII° siècle. Cette société particulière fait d’affranchis et d’immigrés va produire des mécontents, des gens hostiles aux taxes de la couronne et par extension à la couronne elle-même. Dans les années 1780, une grande révolte éclate qui se nomme la conjuration du Minas, menée par Tiradentes pour renverser la couronne, sans succès. Dans l’imaginaire religieux du Brésil, il est un peu associé à une forme christique comme on le voit sur le tableau de Tiradentes supplicié de Pedro Américo.

Tournant des années 1900, il y aura un nouveau cycle économique fondé sur le caoutchouc plutôt dans la région de l’Amazonias, auparavant on a aussi vu le cycle du café vers Sao paulo. Il n’y a pas de développement harmonieux du pays et cela explique partiellement les inégalités entre territoires. Aujourd’hui encore puisqu’en 1983, on a trouvé de l’or dans une région de l’Amazonie, la Sierra Pelada. Une vague massive d’immigrés du Brésil sont venus dans ce cratère pour trouver de l’or. Cela dénote véritablement la forte inégalité de développement de cette région.

Le XVIII° siècle est donc celui de l’or mais ne va pas induire une démocratisation comme d’autres pays d’Amérique Latine. Suite aux évènements en Péninsule Ibérique après l’arrivée de Napoléon, le roi portugais vient s’installer au Brésil en 1808 et permet la survie de l’Empire en déplaçant la métropole. Cela ne va pas faire tout de suite du Brésil une République, au contraire. La monarchie portugaise est donc toujours là mais a changé son lieu de résidence et il n’y a pas de républicains qui le conteste. De plus, le roi portugais au Brésil permet que le pays ne se morcelle pas en différentes nations. Si Napoléon quitte le Portugal en 1811, une Révolution libérale a lieu au Portugal qui ne veut plus de monarchie, c’est la Révolution de Porto en 1820. Ils instaurent donc une République mais demandent au roi de venir au Portugal reconnaître la République, lequel le fait. En revanche, le Prince reste au Brésil et quand les élites républicaines lui demanderont de revenir, il refusera et déclarera l’indépendance du Brésil.
Ce prince se déclare donc Pedro I, empereur du Brésil.



 Le drapeau du Brésil, quand il était impérial.



III.                   Le Brésil impérial : 1822 - 1889

Pierre I établit une assemblée constituante puisqu’il a besoin de l’appui de toutes les élites créoles. Certaines sont franchement monarchistes, d’autres plus républicaines. Dans tous les cas, l’assemblée est dissoute dés qu’il proclame son Empire et qu’il fixe de lui-même une charte. Dans un contexte sud-américain où la monarchie constitutionnelle est plutôt décriée, Pedro I est poussé à l’abdication en 1831. Son fils, trop jeune pour régner, va donc laisser sa place à une régence. A 14 ans, il devient Pedro II en 1841. La régence (1831 – 1841) et le Second Empire (1841 – 1889) sont des régimes de réelles monarchies constitutionnelles avec des suffrages certes restreints mais existants. Des monarchies constitutionnelles modernisatrices qui vont développer le pays autour de l’exportation agricole, notamment le café. Infrastructures, chemins de fer, banques, … Autant d’éléments qui construisent un appareil d’État moderne tout en conservant son régime esclavagiste énorme et peu remis en cause. Cela est d’autant plus surprenant que Pedro II est plutôt abolitionniste, mais pas les élites qui l’entourent.

Ce régime sera finalement déstabilisé par le seul gros conflit dans lequel le Brésil est impliqué : la guerre du Paraguay (1865 – 1870). Cette guerre porte donc sur des limites territoriales et le Paraguay se retrouve confronté au Brésil, à l’Argentine et à l’Uruguay qui extermineront la moitié de la population du pays et essentiellement des hommes. Le Brésil perd quelques troupes mais cela aura pas mal de conséquences.
D’une part, les esclaves noirs dans la nation se sont engagés dans les troupes, puisque l’État assurait l’affranchissement aux esclaves d’État s’ils allaient se battre et incitaient les maîtres à faire de même avec leurs esclaves privés. De voir ces armées noires se battre pour le pays, cela va modifier l’imaginaire des Brésiliens, ainsi que celle de l’Armée en général. Tirant profit de sa victoire, l’Armée va accroître un esprit de corps particulier en son sein. L’Armée devient un noyau de modernisme d’intelligence, de progrès et de modernisme dans une société plutôt attardée. Les militaires imaginent devoir mener le pays vers la modernisation.
Dans les années 1880, la modification du perçu des esclaves noirs va pousser l’empereur à prononcer l’abolition de l’esclavage (sans compensation pour les maîtres). Du coup, les élites abandonnent le roi et les militaires en profitent pour faire chuter l’Empire le 15 novembre 1889 pour ensuite proclamer la République. Ici, le modèle de la France de la III° République va devenir l’imaginaire des élites de l’époque. C’est surtout l’entrée des militaires en politique. Ils y resteront jusqu’en 1988.



 Au Brésil, les politiciens sont-ils plus "Tous pourris !" qu'en France ?



IV.                La construction de la République : 1889 – 1930

1.      Quelques traits de la I° République

Le Brésil accède enfin à la république un peu tardivement par rapport au reste du continent. Aujourd’hui on parle de la « Vieille République » puisqu’elle se clôt par une révolution en 1930 qui la dénigre en la surnommant ainsi.
C’est une République fédérative, les États-Unis du Brésil, partagée entre états et dotée d’une Constitution libérale promulguée en 1891. La symbolique française est très forte, surtout concernant la symbolique. En effet, le contenu de cette République est plus Nord-Américain (fédération, passé esclavagiste, …). Les USA sont alors le grand voisin du Nord dont toute l’Amérique Latine s’inspire. Cette République est oligarchique, le pouvoir est restreint, non pas censitaire mais capacitaire (limité aux hommes qui ont certaines capacités : lire et écrire, soit seulement 35% de la population) et exclue les soldats, les vagabonds et les religieux. Le vote n’étant pas secret, une grande fraude d’achat de vote aura lieu. Enfin l’oligarchisme se voit aussi au travers du groupe restreint qui ??? Au Minas, on a une grande zone de culture de lait de vache, donnant son nom de « République café au lait ».



2.      Fédéralisme, élites provinciales et pouvoir central

Il existe des provinces révoltées contre le pouvoir central dès le XIX° siècle. Pourtant ce n’est qu’avec la I° République que le fédéralisme et le centralisme s’affrontent. Les militaires veulent une République centralisatrice, les élites préférant un fédéralisme laissant une grande autonomie aux États. Cette opposition va caractériser tout le Brésil du XX° siècle.

Les partisans de l’autonomie des États vont avoir un argumentaire où on parle de ne pas fragmenter l’intérêt collectif du peuple au nom des intérêts de chaque États. La vision centraliste va véritablement construire un discours hostile à la politique locale caractérisée par son clientélisme, sa corruption en politique, … Cette critique d’une politique trop locale va donc perdurer tout le XX° siècle. Cela va mener coronelismo. Les Colonels sont le nom donné aux individus localement puissants. Ils ont acheté un grade d’officier et se font élire localement pour avoir un titre. Ce coronelismo c’est la mainmise locale et politique de ces chefs sur la population locale qui travaille pour eux et auprès de qui ils achètent leurs votes. Le Brésil va alors évoquer ce coronelismo pour critiquer une politique, sous-entendant la conception de corruption des élites politiques. C’est une conception très militaire.

Tous les grands évènements politiques du XX° siècle seront marqués par le discours militaire qui veut éliminer la puissance des élites intéressées et corrompues. Les deux principales ruptures seront portées par ce discours. La révolution de 1930, mouvement civile dont la force de frappe sera des jeunes militaires, met à bas la Vieille République avec un discours fondamentalement centralisateur et hostile aux élites. En 1937, quand le régime brésilien devient une vraie dictature, les drapeaux des États sont interdits et sont brulés. L’autre moment charnière, c’est le coup d’État militaire de 1964 qui sera anticommuniste mais aussi centralisateur et hostile à cette classe politique civile. Le slogan de ces militaires putchistes est « Contre la subversion et la corruption » (respectivement les Communistes et les élites politiques).
Le débat au Brésil en 2009 portait sur l’idée d’une classe politique brésilienne comme étant la plus corrompue au monde. Cet imaginaire est si fort qu’il déstabilise souvent les gouvernements en place. Le dernier scandale en date étant celui des Mensualités (le escândalo do Mensalão) où le parti de Lula payait les votes de la moitié de l’Assemblée. C’est devenu un argument de la droite brésilienne pour décrier le parti au pouvoir. Cette droite brésilienne organisait de grandes huées dans de vastes stades (dont le Maracaña, le troisième plus grand stade du monde) pour huer le gouvernement et les élites corrompues.
Là encore, peu d’études ont portées sur la réalité des pratiques de corruption. L’imaginaire est très fort mais la réalité reste à vérifier.