mercredi 10 octobre 2012

Grandes puissances 04 - 10 (cours 3)


 Drapeau blanc


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On a un système international qui est plutôt hétérogène où pourtant les régimes se prétendent tous populaires, même si à bien des égards cela reste contestable (séparation des pouvoirs, …). D’où ce système hétérogène où les idées défendues dans les grands régimes sont parfois contradictoires, mais pas si unipolaire qu’on ne le pense. Contrairement à la Guerre Froide, où deux pôles bataillaient de toutes leurs forces, on a dorénavant plusieurs petits pôles régionaux qui viennent contrebalancer les analyses unipolaires dominantes (où les USA seraient la seule puissance à projection mondiale sur tous les plans). Les analyses bipolaires sont rares puisque la Chine se projette dans le monde sur le seul plan économique et commercial, parfois militairement mais cela reste sporadique. Ces pôles régionaux, ces BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont une cohérence entre eux selon les économistes. C’est donc une expression liée à une interprétation économique seulement. D’ailleurs, les BRICS sont bien incomparables. Brésil et Chine ont des relations très différentes avec les USA. Le Brésil est assez autonome des USA mais reste son fidèle allié, tandis que la Chine a un aspect polémique avec les USA. Les Chinois envisagent dans leurs esprits une guerre mais pas physique, uniquement économique et de puissance. Il y a d’ailleurs sur le plan politique des oppositions presque systématique vis-à-vis des USA. De même, que la Chine et la Russie connaissent des tensions depuis les conflits entre la Chine maoïste et la Russie soviétique. Donc les BRICS sont loin de former un groupe effectif, qui existe en tant que tel.

Ce qui est spécifique aux relations internationales est une double intervention : il n’y a pas d’autorité supérieure suprême, uniquement des puissances. On a donc un risque permanent de guerres même si entre les grandes puissances, cela est à peine envisageable. Dans les relations internationales, la guerre est une donnée intrinsèque. L’Union Européenne s’est fondée sur le désir de ne plus se faire la guerre. C’est donc le phénomène prégnant de ces relations internationales qui a façonné les rapports entre les acteurs. Puisque la guerre est le fruit de barbares, alors le politique la refuse et s’il s’y retrouve, il parlera non pas de guerres mais de conflits armés, d’interventions militaires, … De plus, parler de guerre, c’est la plupart du temps devoir obtenir l’aval de son Parlement.

En analysant la guerre à distance, on peut réfléchir plus posément à cette question. Machiavel et Klauswitz théorisent la guerre seulement quand ils sont à distance de celle-ci.

La question de la guerre en Europe commence avant tout par la question de la fin de la guerre. La guerre est inhérente à la fondation l’UE, nous l’avons vu. Cette construction se développe à partir de la passion puissante du mépris pour les frontières. Les frontières sont issues historiquement des traités de paix des nations européennes. Cela est donc lié à la conception de la guerre qui prédomine puisque les Européens pensent en général que la guerre est immorale, inhumaine et carrément absurde. La guerre est donc la fille du territoire. En poussant plus loin, la guerre illustre donc un rejet du passé, d’une politique passée que les Européens actuels considèrent désormais révolue. Cette confirmation est extrêmement expressive dans la chute du mur de Berlin, la séparation nette qu’est ce mur est haïe des populations. Sa chute marque la fin d’une guerre de 30 ans. C’est donc lorsqu’on remet en cause la géopolitique traditionnelle qu’on assiste à une volonté d’abolir la guerre. La guerre n’est dorénavant plus une continuation de la politique comme a pu le décrire Clausewitz. L’esprit commun ne va plus dans ce sens, ce qui efface la guerre du vocabulaire officiel et partagé. On a donc cette idée que la guerre est absurde et archaïque.
N’étant plus la continuation de la politique, ce diagnostic ne serait-il pas prématuré quand on sait qu’il y a eu des guerres en Europe. N’y a-t-il pas une vue eurocentrée, au sens où on fait du modèle européen une modèle universel ? C’est une analyse proche de celle de Jurgen Habermas et de son disciple français Jean-Marc Ferry. Pour eux, le modèle européen est commercialisable. La guerre a disparu entre les membres de l’UE, même si auparavant nous détenions le record du nombre de morts dans les deux guerres mondiales. Pourtant récemment encore, dans les années 1990, nous avons vu le Sud-Est européen touché par la guerre. Le risque d’une guerre y est encore vivace, pareil en Géorgie depuis la crise de 2008. Raymond Aron évoquait en 1987, une polymorphie de la violence qui se répandait sur tous les continents. Dans les guerres, on a des armées, des milices, des guérillas, … La forme de conflit traditionnel opposant des armées s’est arrêté au cours du XX° siècle, les acteurs des nouveaux conflits ont multipliés les formes de guerres. L’Organisation du Traité Atlantique-Nord (OTAN) a du développer des moyens très perfectionnés pour intervenir au Kosovo. Ce n’est qu’en 2000, avec la destitution de Slobodan Milosevic, qu’on a obtenu une interruption de cette guerre de destruction. En revanche, des troupes stationnent toujours sur place. Le Monténégro est fragilisé, la Macédoine en bisbille avec un nom revendiqué par la Grèce, la Bosnie et le Kosovo restent sous protectorat étranger et seule la Serbie et la Croatie semblent à peu près stabilisées. Les Européens avaient explicitement considérés qu’ils agissaient sous une impulsion humanitaire. S’il y avait bien des actes de violences jugés cruels sur le terrain, d’autant plus violents qu’ils étaient commis par des gens qui avaient jusqu’alors vécu de manière pacifique, on a tout de même vu un des phénomènes les plus terribles de la guerre intervenir : la guerre civile. Si cette guerre civile était condamnée de tous les pays, les désaccords tenaient sur la portée politique de cette catastrophe. Pour certains, ces soubresauts n’étaient que périphériques et ne s’étendraient pas au reste de l’Europe. Pour d’autres observateurs, c’était une menace tangible pour l’Europe et en conséquence, cela pouvait donner lieu à un effritement de la constitution européenne. Comment intervenir militairement pour évacuer la guerre ? Pour Pétersberg, il fallait intervenir militairement pour aider à résoudre le conflit pas pour relancer la guerre.
Sarajevo, ville qui lance la Première Guerre Mondiale avec la mort de Franz Ferdinand, elle représente depuis quelques années la tentative de réunification des peuples qui se sont déchirés auparavant. Peut-on alors espérer que ces conflits périphériques ne nous atteignent jamais au sein de l’UE ? Certains optimistes annoncent que oui, d’autres plus pessimistes ne peuvent pas l’envisager. Il y a des limites à la contagion de la crise. Si cette crise ne nous a pas touchée, il y a eu une contamination subtile par les effets politiques. En effet, il y a eu un corps expéditionnaire envoyé sur place. Le problème de ce qu’on imagine être une future grande puissance, est de savoir si on peut obtenir une capacité européenne politico-militaire capable de maintenir l’ordre autour de l’UE. Le problème vient de la culture européenne qui rejette cette guerre mais qui doit mettre en place un moyen pour l’éviter.
Sous Edmund Schmidt et Valérie Giscard d’Estaing, Raymond Aron déclarait ceci « Qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est ni la monnaie, ni l’énergie, qui constitue le test de la volonté européenne, c’est la défense. ». La question est donc de savoir tant que l’UE n’a pas d’armée au sens strict du terme, les USA assureront-ils longtemps la sécurité de l’ordre européen ? Pour l’instant, ce que réclame souvent l’Europe, c’est le partenariat avec les USA en mettant en valeur la richesse de l’Europe, son système économique qui lui assurait une certaine puissance. Cela reste à relativiser (l’euro n’est pas une monnaie acceptée partout dans le monde contrairement au dollar). Le Kosovo a donc révélé cette inquiétude.
En Côte d’Ivoire, le conflit était latent depuis 10 ans, il fallait intervenir et ce n’est pas l’UE qui est intervenu si loin de ses territoires, même pour ses ressortissants. C’est uniquement l’armée française qui s’est déplacée. En Lybie, pour aider les rebelles, c’est de nouveau la France qui est intervenue avec un soutien anglais, pas l’UE.
Toutes ces crises prouvent qu’il est difficile d’instaurer un ordre politique acceptable sans utiliser des moyens militaires dans un certain nombre de situations. Ces moyens  ne sont pas des outils de maintien de la paix ou de secours humanitaire, mais des outils de guerre. Il est possible d’affirmer que pour notre cas de l’UE, la guerre n’est pas finie et constitue encore un sujet de préoccupation de premier ordre.

La guerre débute quand une fois qu’un des deux partis a agressé et que le second réplique. C’est la posture du second qui va déterminer la guerre.

Dans certains exemples récents, sans utiliser le mot guerre, on a mené des actions qui pour un politologue sont des guerres. Ainsi l’appellation pose souvent des problèmes (« maintien de la paix », « intervention humanitaire », « frappe chirurgicale », …).

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