mercredi 17 octobre 2012

Grandes puissances 15 - 10 (cours 5)

 Le tour de France par deux enfants, l'ouvrage nationaliste français du XIX° au XX° siècle


Ici, il me manque les 25 premières minutes du cours où je suis arrivé à labours. Quelqu'un peu m'aider ... nous aider tous ?
??? (25 minutes)

Ces guerres seraient une rechute dans la barbarie. Cette conception est plutôt ancienne, on la retrouve dès le XVIII° siècle sous la forme la plus achevée de ces idées avec Auguste Comte qui estime que la société industrielle va inévitablement suivre la société de guerrière. Dans son cours de philosophie politique, il décrit « l’époque est enfin venue ou la guerre sérieuse et durable doit totalement disparaître chez l’élite de l’humanité.». Cette orientation inéluctable vers la paix était très partagée depuis la Seconde Guerre Mondiale par les philosophes et les politiques. Ainsi Schumpeter analysa la guerre de 1914 – 1918 comme la manifestation de traces profondes de l’esprit militaire. Ces traces ne sont pas encore effacées et s’expriment dans la culture impériale du II° Reich. Un autre auteur libéral, Benjamin Constant, est inspiré par l’école optimiste qui imprègne la culture politique européenne et européaniste. Constant assiste aux guerres de la Révolution et de l’Empire, guerres provoquées par la France qui semblent contredire les espérances des Lumières et contrecarrent la paix perpétuelle. Cet homme nourri par l’espérance de la paix perpétuelle, affirme alors que la guerre est un anachronisme, fruit d’une usurpation (celle de Bonaparte) et qu’en conséquence, la guerre ne saurait être plus longue que le règne de Bonaparte. Dans De l’esprit de conquête et de l’usurpation dans leurs rapports avec la civilisation européenne, il écrit « La guerre et le commerce ne sont que deux moyens différents d’arriver au même but : celui de posséder ce que l’on désire ». Constant résume une histoire nécessaire et inéluctable, vision déterministe qu’on retrouvera ensuite chez les Saint-Simoniens, les marxistes, … Les hommes ne veulent que posséder ce qu’ils désirent et pour se faire vont historiquement commencer par la guerre, moyen brutal à effet immédiat mais incertain, puis le commerce, moyen plus doux et plus sur. Or Constant nous décrit la transition d’une époque à une autre. Il rapproche les deux époques avec l’explication que l’homme cherche dans les deux cas à acquérir ce qu’il désire. Il pacifie la guerre et brutalise le commerce avec de tels propos. Klauswitz prendra la même position distinguant le passage du commerce à la guerre dès qu’il y a du sang qui coule.
Dans le texte de Constant, on a donc la guerre présentée mais réduite à de simples buts matériels. Or elle contient aussi un élément moral qui est en l’occurrence le désir ou la volonté de vaincre l’ennemi. Constant prend pour évidence ce qu’on va nommer l’individualisme positif, psychologie bourgeoise qui nous imprègne aujourd’hui, la psychologie de l’individu est avant tout celle de l’acquisition. La culture politique européenne est celle du bien-être et du confort, c’est ce que nous jugeons plus raisonnable et plus naturel que le désir de vaincre, que l’honneur, … Les sociétés démocratiques témoignent d’un goût passionné pour le confort tandis que l’honneur au sens guerrier du terme est en voie de disparition même si des formes édulcorées se retrouvent encore dans certains jeux, dans la concurrence économique, dans le sport, … Cette culture politique qui oppose l’honneur à la recherche du confort, se retrouve dans De la démocratie en Amérique de Tocqueville, il y a l’opposition entre deux sociétés, celle moderne du Nord et celle plus traditionnelle du Sud qui repose encore sur l’honneur. Tocqueville prévoit une guerre immanquable entre les deux, c’est ce qui aura lieu quelques dizaines d’années plus tard avec la Civil War. Les Européens pour leur part se sont retrouvés dans la situation politique et morale de Constant considérant que les guerres ne devaient plus avoir lieu car elles ne correspondaient plus à l’état présent des sociétés et aux dispositions des citoyens de ces sociétés.

Si donc cet état d’esprit est bien le notre, alors pourquoi ces sociétés organisées autour du commerce et de l’industrie laissent périodiquement la guerre éclater ? La fin de l’histoire et le dernier homme, ouvrage de Francis Fukuyama annonce la fin de l’Histoire car l’Histoire c’est la guerre et celle-ci arrive à son terme. La guerre est une pratique d’ennui, un ennui de la part des sociétés qui n’ont pas suivi à temps le cours de l’histoire. On peut alors appuyer tous ces auteurs si l’on considère uniquement les guerres interétatiques, mais il existe d’autres formes de guerres. On a des guerres civiles (partie de la population contre une autre partie de la population), des guerres internes (pas de polarisation de la population contre un groupe, en Colombie, la majorité de la population rejette les groupes armés), …

Dans ce dernier siècle, celui des « guerres en chaîne » ou de la « polymorphie de la violence », termes d’Aron, on a, entre Louis XIV et 1900, l’irruption des nationalismes façonnés par le creuset de la guerre. On a pourtant des phases d’homogénéisation, phases de paix, alternées par des phases de séparation où la guerre se déchaîne. Sous les Lumières, on a une période qui s’homogénéise sous l’influence de la France. La seconde phase d’homogénéisation traverse le XIX° siècle, après Napoléon, et se fait sous l’influence de l’industrie et du commerce anglais. Les phases de guerres étant celles de la Révolution puis de l’Empire et celle du XX° siècle avec les « guerres en chaîne » donc. Par homogénéisation, on entend comme Rousseau, qu’il n’y a que des Européens. Or une génération plus tard, les Français, les Allemands, les Espagnols ou encore les Anglais, vont connaître des cristallisations nationales qui démentent le diagnostic de Rousseau. Selon Guy Hermet, dans son Histoire des nations et du nationalisme en Europe, les guerres des nationalismes ont participé à l’homogénéisation par le haut des citoyens. C’est en effet, à cette époque que le grand nombre du peuple va s’élever au-niveau de la Noblesse puisque c’est avec la mobilisation de tout les citoyens en France que le peuple va se charger de faire la guerre, tâche qui incombait alors aux Nobles. Faire la guerre est un droit qui va être revendiqué et vu comme un devoir commun. Cela devient même un instrument de réalisation de soi, Victor Hugo l’écrit dans certains de ses poèmes. La guerre révolutionnaire égalise alors les peuples et les citoyens. Et pourtant en dépit de cette nouvelle homogénéité, la guerre développe une nouvelle hétérogénéité.

Les Européens se rassemblent dans un cadre national mais aussi dans un cadre européen. Ce cadre généralisé témoigne d’une volonté de différenciation des Européens entre eux. Dorénavant, ces Européens vont nécessairement s’efforcer de donner une politique nationale, ce qui va donner un certain nombre d’expression qui se manifestent tout particulièrement chez les Allemands qui vont se défendre et s’insurger contre les armées napoléoniennes mais aussi et surtout contre la langue et la civilisation française. Leur culture moderne va se ressourcer auprès de la langue allemande à tel point que tout une tradition germaniste va chercher à épurer la langue germanique de tout gallicisme. L’un des premiers Allemands à se révolter contre le gallicisme sera Fichte dans son Discours à la nation allemande, où il reprend d’abord le diagnostic de Rousseau lorsqu’il écrivait sur le gouvernement des Polonais. Rousseau disait que les Polonais devaient se construire des institutions bien à eux, Fichte dit de même pour les Allemands sous Napoléon. Il rajoute qu’il faut sortir du règne généralisé de l’égoïsme qui a rompu tout les liens sociétaux. Il n’y a plus de totalité même fragmentée, tout a été dissous. Il faut reconstituer au niveau national le lien social au-delà d’un esprit de pur calcul. La voie principale pour constituer ce lien social qui sera lien national, c’est d’élaborer une constitution avec un moi collectif et ??? qui sera porté par une ??? nationale. Ce projet passe par l’éducation nationale qui doit s’adresser à l’individu dans son intégralité, à ce qu’il y a d’allemand dans la personnalité. Ce projet de Fichte est à la fois radicalement démocratique (on homogénéise la population allemande) et séparationniste (il reste nationaliste dans l’Europe). Il n’en reste pas moins que la guerre, ou la disposition à la guerre, reste inscrite dans le projet de Fichte, qui est un projet séparateur.
On a donc une Europe qui est passée d’une forme d’homogénéisation horizontale par la civilisation et la langue française, à une homogénéisation verticale, séparatrice entre des nations qui sont des entités passionnées par elles-mêmes, par ce moi général.
Ce principe des nationalités va prévaloir au XIX° siècle, il est donc séparateur mais comme il s’étend à toute l’Europe, il reste le principe d’une unité morale des Européens. A cette époque, tous les Européens s’engagent dans un principe de démocratisation et de nationalisation. Ils tendent à se distinguer les uns des autres mais aussi à se ressembler. Ils se distinguent tout en se ressemblant et donc produisent à la fois de nouvelles différences et à la fois des formes de ressemblance politiques inédites. Ainsi l’éducation nationale est un caractère de cette situation. France et Allemagne ont une politique d’éducation nationale au XIX° siècle, mais certains ont un enseignement français et les autres, un enseignement allemand. De plus, dans les deux cas, on forge des citoyens instruits dans un État représentatif moderne. Une source d’une nouvelle puissance se constitue ainsi. Cette ressemblance de citoyens européens avec leur culture propre. Et pourtant, le XIX° siècle qui repose sur cette différenciation nationaliste d’après Empire, reste un siècle de paix. Chaque peuple cherche son unité politique, avec le cas particulier de la France qui pense son unité politique passant nécessairement par une unité sociale. Cela explique d’ailleurs la forte centralité de notre pays.

Si ce siècle est si pacifique, c’est parce qu’à l’époque, les sociétés entre elles ne sont pas particulièrement guerrières. On a quelques conflits périphériques mais de faibles envergures : France / Autriche, Autriche / Prusse, France / Prusse. Ces petites guerres sont menées au nom du nationalisme et en conséquence sont assez stabilisatrices. C’est donc un siècle relativement pacifique qui suscite l’optimisme des Européens de l’époque.
Il y a un principe commun des nationalités à l’Europe dont le contenu prend des formes différentes si l’on considère le cas significatif de la France et de l’Allemagne. Cette différence s’est cristallisée sur la région d’Alsace-Lorraine où les deux nationalismes s’y sont affrontés. Ce ne sont pas des nationalismes fondamentalement différents, mais il y a dans le contenu un aspect particulier du nationalisme allemand qui apparait à travers des justifications idéologiques spécifiques, pour les Allemands, il y a un argument de la langue et de la race. Cet argument est lié au fait que les populations germaniques sont dispersées. Cela détache alors complètement le principe du nationalisme de celui de la démocratie. En France, les deux étaient foncièrement associés. En conséquence, l’Allemagne aboutit sur un projet impérialiste, projet doublé d’une teneur raciste. Ce projet n’est au XIX° siècle qu’une possibilité. L’évènement qui va réaliser ce qui n’était qu’un risque, ce sera la guerre. La France n’était pas prête à déclencher la guerre pour récupérer l’Alsace-Lorraine au XIX° siècle, il a fallut un évènement dans les marges périphériques d’Europe, dans la Serbie, pour que ce sujet retombe. C’est l’incapacité des empires à conserver leur forme qui, doublé des poussées nationalistes déviantes et belliqueuses, qui a finit par aboutir à la guerre généralisée, la Première Guerre Mondiale. Ainsi Ernest Renan écrit « Notre politique est celle du droit des nations, la votre sur celle des races […] la votre mènera à des guerres zoologiques, à des guerres d’extermination ».

Ce XIX° siècle pacifique s’arrête alors en 1914. On rentre dans le siècle des « guerres en chaîne » selon Aron. En plus de nouvelles guerres, on rentre dans un siècle où la guerre devient nouvelle et polymorphe. On peut chercher alors le rôle politique et moral de la guerre au XX° siècle. Si la guerre a joué un rôle décisif, c’est que cette psychologie collective bourgeoise qui s’est développée au XIX° siècle témoigne de son insuffisance à comprendre ce qu’il s’est passé pendant plus de 30 ans. Aron dans un texte intitulé Nations et Empires, met en évidence qu’il est difficile de donner un rôle causal à la guerre, Aron donne à la guerre un rôle de révélateur. Elle a révélé certains éléments que l’on méconnaissait jusqu’alors : gigantisme des USA, attractivité de l’URSS, épuisement des nations européennes, … C’est aussi un fait que cette guerre. Elle possède sa propre nature, sa propre texture, sa propre dynamique et peut ainsi s’émanciper de ces origines. La guerre peut donc prendre un nouveau visage. Cela pousse Aron à écrire « Celle-ci par son ampleur par ses conséquences dépassa les causes mêmes de sa naissance … ». La guerre par son indépendance dépasse ses causes et provoque seule de nombreux effets, effets qui n’ont pour origine que la guerre, comme la communisation de l’Europe de l’Est. Elle fut aussi la cause de ce que George Mossé, un historien américain, appelle la brutalisation de la vie politique et sociale, en particulier dans l’Allemagne de Weimar. Ce sont deux conséquences directes de la guerre. Ainsi l’italien Ferrodo écrit la fin des aventures, guerres et paix. Il déclare cerner l’hyperbolisation de la guerre, qu’Aron reprendra ensuite dans Les guerres en chaîne. Tout deux insistent sur la démesure des guerres, des crimes liés aux guerres, démesure de ces crimes voulus pour eux-mêmes (créant à la fin de la Seconde Guerre mondiale le crime contre l’humanité), … Cette démesure n’a pas d’origines certaines. Plusieurs réponses sont possibles. Aron considère qu’il faut apprécier cette démesure à la lumière de l’évènement de l’entrée en guerre des USA, entrée avant tout ne démesure technique.

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