Un autel des Ancêtres, avec ses tablettes
2.
Quelques moments historiques où le confucianisme fut très
présent
A.
L’époque antique (141 – 81 avant JC)
On
est sous l’empereur Wu, les lettrés,
intellectuels de l’époque, mirent en avant la puissance de l’État face à toutes
les divisions devant eux. Ils poussèrent Wu à faire des conquêtes pour
renforcer son pouvoir et écraser les facteurs de division.
B.
Moyen-Age (900 – 1279)
Pour
les Chinois c’est l’apogée culturel de la Renaissance chinoise. On est
sous l’empereur Song et les philosophes vont
ressortir le confucianisme avec Zhu Xi,
analyste de Confucius. L’analyse de Confucius est alors rapprochée du
bouddisme. Les premiers commentateurs confucéens intègrent donc des notions
(comme celle de la bonté, shan) dans
la pensée confucéenne. C’est sous les Song qu’on invente les examens impériaux.
C.
Les Ming (1368 – 1644)
A
cette époque, la Chine fait 200 000 000 d’habitants, donc géant démographique. Le pays développe son armée navale avec l’amiral Zheng He qui passa de la Chine à
Madagascar et implanta des comptoirs le long de son trajet. Son image est
reprise par la Chine impérialiste actuelle pour contrer la tendance historique
qui fait de la Chine un pays longtemps renfermé sur lui-même.
Le pays a alors une
administration puissante avec des concours mandarinaux plus perfectionné. Ainsi
le nombre de fonctionnaires va croissant à cette époque, selon Jacques Gernet. Apparemment, le nombre de fonctionnaires sous les
Ming reste moins élevé que le nombre de fonctionnaires dans des pays d’Europe.
Cela est du au fait qu’en Chine, on a
développé l’autonomie locale des villages, les villages proche de 700
habitants, s’autogéraient eux-mêmes. A ce niveau, ce ne sont pas les mandarins
mais des chefs de villages tournant, qui s’en occupaient. Ainsi pour 100 familles
initialement présentes dans un village, 10 familles instruites sont jugées
responsables et une famille à en charge le village chaque année, donc tous les
dix ans cela tourne. Cette conception d’autonomie locale est toujours très
présente aujourd’hui.
C’est durant
l’époque de la construction de Pékin comme capitale chinoise. En 1420, on construit la Cité Interdite (palais politique) et le Temple du Ciel (ensemble culturel destiné
aussi au culte impérial). Le temple du Ciel est dans un alignement et se
construit sur une déclinaison autour des multiples de trois (Ciel, Terre et
Roi). Dans son axe, se trouve le tertre final où l’empereur annuellement y
déclarait ce qu’il avait fait de bien dans l’année. Entre les deux, on a une rotonde avec des tablettes des
ancêtres de l’empereur. Comme il descend du Ciel, il y a des tablettes de tous
les éléments du Ciel (tablettes de la lune, tablettes des astres, tablettes des
étoiles, tablettes de la lumière, …). Ces
tablettes sont fabriquées pour rappeler les ancêtres de l’empereur. Cela fait
fusionner l’idéologie confucianiste aux rituels ancestraux. Cet espace
cultuel était renforcé avec l’inscription sur la porte Sud de la Cité Interdite,
soulignant la dimension cosmique du pouvoir.
3.
La résurgence actuelle des études confucéenne
Ce mouvement de
résurgence des études confucéenne (Ruxué
fuxing) prend place depuis 2001. Dans différentes
strates sociales et sous différentes formes ainsi que dans différents cadres,
on a le retour de cette pensée. Ainsi
on a des écoles privées payantes (nouveauté sous le Communisme, mais vieille
pratique historique) où les professeurs s’appuient largement sur Confucius. Au
niveau du lycée, il y a des enseignements confucéens accessibles comme option.
Renouant avec la tradition des académies lettrées (lieux d’études et de
révisions des cours pour les examens mandarinaux, on y débattait aussi de sujets
de l’époque, ou de sujets philosophiques), on retrouve de nouveau l’étude des Classiques dans les associations
qui soutiennent ces académies. De même, dans les entreprises, on a des patrons
conseillant à leurs employés de lire les Classiques.
Curieusement, c’est dans les universités
et les études qu’on étudie le moins Confucius. De nombreux enfants et beaucoup
de professeurs travaillent donc les Classiques
de Confucius. Les élites et le Parti Communiste Chinois laissent faire et
soutiennent quelque peu.
Autre
caractéristique, ce mouvement n’est pas dilettante. Il est soutenu par ceux qui
l’ont promu et développé, particulièrement par le taïwanais Wang Caigui. Il a remis à l’honneur une réflexion
sur les âges de l’enfance et ceux de l’apprentissage. Depuis les temps anciens, les
Chinois ont découvert que les enfants ont une forte capacité de mémorisation
mais une faible capacité de réflexion. En conséquence, il faut, sur les coups
de 12 – 14 ans, faire mémoriser très vite les bases à ces jeunes, pour ensuite
les faire réfléchir depuis ce qu’ils ont appris.
Les lycéens et même
les adultes mémorisent de très longues tirades de Confucius avec des
caractères, des structures de phrase qui sont pourtant dépassées. D’autre part,
certains le font en développant une pratique gymnastique.
Ces
études confucéennes commencèrent dans les années
2000. On pense qu’il peut s’agir
d’une volonté de trouver une richesse intellectuelle et morale sur fond de
crise financière de 1997. C’est une
crise qui a provoqué un traumatisme dans la population chinoise avec la
chute de l’économie de Hong-Kong et de l’économie chinoise de textile,
notamment à Dongguan, qui voit toute son industrie textile filer en Inde.
Cela se double d’un
sentiment populaire profond que trop de choses furent détruites de la culture
chinoise depuis les années 1980. On peut
ajouter la politique du parti qui veut dorénavant défendre la culture chinoise pour ne pas être uniquement un
pays atelier et pour ne pas rester dans une représentation clichée du touriste.
De plus, il y a une très grande notion d’études quand on entre dans le parti,
on ne peut pas être un grand membre du parti sans avoir fait plusieurs études.
On peut ajouter la
volonté de prendre le contrepied de la culture occidentale que les Chinois
jugent trop fragmentée en plusieurs disciplines. Les Chinois avec leur
conception plus globale, accentuent beaucoup sur la démarche personnelle. De plus, ils estiment qu’en
Europe, par nos sociétés industrielles, nous avons créé des gens insérables
dans le monde industriel, mais peu ouverts d’esprit. L’apparition de la société
industrielle va de paire avec celle de l’éducation. En conséquence, on nous
mâche beaucoup le travail et la lecture ne nous passionne pas vraiment.
Le
non-agir
I.
Le texte et le
concept
1.
Définition
Ce courant très
ancien est une réaction au morcellement territorial ancien, aux conflits entre
les grandes puissances passées. C’est une théorie minoritaire par rapport au
Confucianisme. Cette théorie du non-agir (wŭweì)
veut selon la légende que ce soit un contemporain de Confucius qui ait
développé ce concept, Laozi. Laozi fonde le
courant du taoïsme, qui est un courant pluridimensionnel (religieux, philosophique,
médical, …).
En revanche, un
texte daté de 250 avant JC a été retrouvé
par les sinologues : le Laozi.
C’est une sorte de long poème avec des
phrases qui se font écho. Cet ouvrage devait s’apprendre par cœur et se
travailler sur plusieurs plans (plan individuel, art de vivre, méthode de
longue vie, …). Derrière ce concept, il
faut trouver comment sortir de la situation de violence dans laquelle nous
plongent les États en conflit. La solution proposée dans le Laozi est le
non-agir.
Ce non-agir part de
l’idée d’une loi cyclique : toute chose naît, grandit, atteint son apogée
puis décline. Cette
loi fataliste étant valable pour les plantes, les animaux et les humains, on en
conclut que rien n’est éternel et toute chose à une fin.
2.
Les empreints à l’art de la guerre
Ce texte reprend en
partie un texte plus ancien, L’art de
la guerre (Bingfǎ) selon Sunzi, stratège militaire à l’époque des royaumes
combattants. Ce
texte très connu fut beaucoup traduit (attention à la traduction d’un jésuite
disponible en ligne mais biaisée). On s’est souvent demandé si ce texte était
vrai ou bien juste mythique. En 1972, en
pratiquant des fouilles archéologiques dans la région du Shandong, les
archéologues ont trouvé dans une tombe de l’époque des Han, deux jeux de
tablettes, l’un était le texte de Sunzi et l’autre un texte d’un second
général, Sunbin.
Pour Sunzi, plutôt
que d’affronter l’autre, il vaut mieux agir en utilisant d’autres outils. Ce
traité défend l’idée qu’on pourrait ne pas agir. Les différentes armes possibles
sont, le fait de faire croire que son armée est désordonné pour tromper
l’adversaire, la désinformation de l’adversaire, les renseignements les plus
nombreux sur l’ennemi, l’épuisement de l’adversaire avant le début du combat,
une nourriture plus nombreuse que celle de l’adversaire et enfin attaquer
l’adversaire là où il est faible. Il ne faut pas essayer de prendre ses villes,
mais plutôt rompre son système d’information et saccager ses campagnes. Le but est d’en découdre avec l’ennemi sans
combattre. Il faut s’informer, bluffer et s’organiser.
Ce texte se
rapproche des arts martiaux comme le taïchi (Taijiquan),
qui a une dimension de pratique de santé et une autre qui est une dimension de
combat. On attaque alors la forme gymnastique avec un partenaire où l’on
découvre qu’on peut utiliser la force de l’autre pour le faire chuter. Comme
dans les jeux de casino, il faut tromper l’autre.
Le traité souligne
aussi le rôle de la patience, il faut se laisser porter par les flots et réagir
au moment idéal.
3.
S’agit-il de se croiser les mains ?
Il ne s’agit pas
tant de ne rien faire que de s’abstenir d’action trop agressive ou trop
intentionnelle. Chez
les Chinois, l’intention c’est la volonté de changer par son action. Selon
cette philosophie, on ne peut pas changer le cours des choses. La bonne occasion c’est le coup de pouce
qui va nous permettre de passer d’une situation à une autre plus avantageuse.
En
dépit de ce coté fataliste, il y a une conception de chasseur-pêcheur en
quelque sorte.
L’objectif est
aussi d’agir en sous-main pour lancer des actions sans qu’on sache que ce soit
vous. En clair, c’est légèrement inciter et aider
les gens à faire ce qui vous arrange. On a donc en arrière plan une forme
de philosophie machiavélienne. Si un tyran nous arrange, autant le favoriser
pour qu’au moment de son apogée, on le fasse plus durement tomber. En tout cas,
il ne faut pas oublier la notion de temps et la patience.
Contrairement au
Saint chrétien, le Saint taoïste est dépourvu de toute humanité, il doit « faire le vide dans les esprits, faire le plein dans les ventres,
cela forme le gouvernement idéal ».
II.
Les applications
dans la Chine moderne et contemporaine
1.
François Jullien, Le
détour et l’accès : l’art de l’allusion
L’idée de François Jullien est de réfléchir sur les arts de
la plume en Chine
que ce soit dans les poèmes ou les écrits politiques. Dans on ouvrage, Jullien
met en regard deux manières de dire et
de faire pour s’affronter en politique et en poétique : la philosophie
grecque et l’art de dire chinois. Coté grec, la manière de s’exprimer à
quelque chose à voir avec le combat et la joute oratoire. Il faut emporter
l’adhésion de l’autre en l’affrontant. Du coté chinois, il s’agit de
s’affronter mais de manière indirecte, c’est beaucoup plus élégant et valorisé.
On passe par des allusions, des références enchâssées dans des références, …
Ces arts poétiques ont été déplacés pour des arts politiques. Cet art du détour est une constante de la
mentalité chinoise. Poésie, politique, journalisme, … On retrouve cet art
du détour partout.
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