dimanche 28 octobre 2012

Chine 24 - 10 (cours 4)

Un autel des Ancêtres, avec ses tablettes




2.      Quelques moments historiques où le confucianisme fut très présent

A.     L’époque antique (141 – 81 avant JC)

On est sous l’empereur Wu, les lettrés, intellectuels de l’époque, mirent en avant la puissance de l’État face à toutes les divisions devant eux. Ils poussèrent Wu à faire des conquêtes pour renforcer son pouvoir et écraser les facteurs de division.

B.     Moyen-Age (900 – 1279)

Pour les Chinois c’est l’apogée culturel de la Renaissance chinoise. On est sous l’empereur Song et les philosophes vont ressortir le confucianisme avec Zhu Xi, analyste de Confucius. L’analyse de Confucius est alors rapprochée du bouddisme. Les premiers commentateurs confucéens intègrent donc des notions (comme celle de la bonté, shan) dans la pensée confucéenne. C’est sous les Song qu’on invente les examens impériaux.

C.     Les Ming (1368 – 1644)

A cette époque, la Chine fait 200 000 000 d’habitants, donc géant démographique. Le pays développe son armée navale avec l’amiral Zheng He qui passa de la Chine à Madagascar et implanta des comptoirs le long de son trajet. Son image est reprise par la Chine impérialiste actuelle pour contrer la tendance historique qui fait de la Chine un pays longtemps renfermé sur lui-même.
Le pays a alors une administration puissante avec des concours mandarinaux plus perfectionné. Ainsi le nombre de fonctionnaires va croissant à cette époque, selon Jacques Gernet. Apparemment, le nombre de fonctionnaires sous les Ming reste moins élevé que le nombre de fonctionnaires dans des pays d’Europe. Cela est du au fait qu’en Chine, on a développé l’autonomie locale des villages, les villages proche de 700 habitants, s’autogéraient eux-mêmes. A ce niveau, ce ne sont pas les mandarins mais des chefs de villages tournant, qui s’en occupaient. Ainsi pour 100 familles initialement présentes dans un village, 10 familles instruites sont jugées responsables et une famille à en charge le village chaque année, donc tous les dix ans cela tourne. Cette conception d’autonomie locale est toujours très présente aujourd’hui.

C’est durant l’époque de la construction de Pékin comme capitale chinoise. En 1420, on construit la Cité Interdite (palais politique) et le Temple du Ciel (ensemble culturel destiné aussi au culte impérial). Le temple du Ciel est dans un alignement et se construit sur une déclinaison autour des multiples de trois (Ciel, Terre et Roi). Dans son axe, se trouve le tertre final où l’empereur annuellement y déclarait ce qu’il avait fait de bien dans l’année. Entre les deux, on a une rotonde avec des tablettes des ancêtres de l’empereur. Comme il descend du Ciel, il y a des tablettes de tous les éléments du Ciel (tablettes de la lune, tablettes des astres, tablettes des étoiles, tablettes de la lumière, …). Ces tablettes sont fabriquées pour rappeler les ancêtres de l’empereur. Cela fait fusionner l’idéologie confucianiste aux rituels ancestraux. Cet espace cultuel était renforcé avec l’inscription sur la porte Sud de la Cité Interdite, soulignant la dimension cosmique du pouvoir.

3.      La résurgence actuelle des études confucéenne

Ce mouvement de résurgence des études confucéenne (Ruxué fuxing) prend place depuis 2001. Dans différentes strates sociales et sous différentes formes ainsi que dans différents cadres, on a le retour de cette pensée. Ainsi on a des écoles privées payantes (nouveauté sous le Communisme, mais vieille pratique historique) où les professeurs s’appuient largement sur Confucius. Au niveau du lycée, il y a des enseignements confucéens accessibles comme option. Renouant avec la tradition des académies lettrées (lieux d’études et de révisions des cours pour les examens mandarinaux, on y débattait aussi de sujets de l’époque, ou de sujets philosophiques), on retrouve de nouveau l’étude des Classiques dans les associations qui soutiennent ces académies. De même, dans les entreprises, on a des patrons conseillant à leurs employés de lire les Classiques. Curieusement, c’est dans les universités et les études qu’on étudie le moins Confucius. De nombreux enfants et beaucoup de professeurs travaillent donc les Classiques de Confucius. Les élites et le Parti Communiste Chinois laissent faire et soutiennent quelque peu.

Autre caractéristique, ce mouvement n’est pas dilettante. Il est soutenu par ceux qui l’ont promu et développé, particulièrement par le taïwanais Wang Caigui. Il a remis à l’honneur une réflexion sur les âges de l’enfance et ceux de l’apprentissage. Depuis les temps anciens, les Chinois ont découvert que les enfants ont une forte capacité de mémorisation mais une faible capacité de réflexion. En conséquence, il faut, sur les coups de 12 – 14 ans, faire mémoriser très vite les bases à ces jeunes, pour ensuite les faire réfléchir depuis ce qu’ils ont appris.
Les lycéens et même les adultes mémorisent de très longues tirades de Confucius avec des caractères, des structures de phrase qui sont pourtant dépassées. D’autre part, certains le font en développant une pratique gymnastique.

Ces études confucéennes commencèrent dans les années 2000. On pense qu’il peut s’agir d’une volonté de trouver une richesse intellectuelle et morale sur fond de crise financière de 1997. C’est une crise qui a provoqué un traumatisme dans la population chinoise avec la chute de l’économie de Hong-Kong et de l’économie chinoise de textile, notamment à Dongguan, qui voit toute son industrie textile filer en Inde.
Cela se double d’un sentiment populaire profond que trop de choses furent détruites de la culture chinoise depuis les années 1980. On peut ajouter la politique du parti qui veut dorénavant défendre la culture chinoise pour ne pas être uniquement un pays atelier et pour ne pas rester dans une représentation clichée du touriste. De plus, il y a une très grande notion d’études quand on entre dans le parti, on ne peut pas être un grand membre du parti sans avoir fait plusieurs études.
On peut ajouter la volonté de prendre le contrepied de la culture occidentale que les Chinois jugent trop fragmentée en plusieurs disciplines. Les Chinois avec leur conception plus globale, accentuent beaucoup sur la démarche personnelle. De plus, ils estiment qu’en Europe, par nos sociétés industrielles, nous avons créé des gens insérables dans le monde industriel, mais peu ouverts d’esprit. L’apparition de la société industrielle va de paire avec celle de l’éducation. En conséquence, on nous mâche beaucoup le travail et la lecture ne nous passionne pas vraiment.




Le taïchi, patience et recherche du point faible de l'adversaire, un des aspects du non-agir



Le non-agir


I.                   Le texte et le concept

1.      Définition

Ce courant très ancien est une réaction au morcellement territorial ancien, aux conflits entre les grandes puissances passées. C’est une théorie minoritaire par rapport au Confucianisme. Cette théorie du non-agir (wŭweì) veut selon la légende que ce soit un contemporain de Confucius qui ait développé ce concept, Laozi. Laozi fonde le courant du taoïsme, qui est un courant pluridimensionnel (religieux, philosophique, médical, …).
En revanche, un texte daté de 250 avant JC a été retrouvé par les sinologues : le Laozi. C’est une sorte de long poème avec des phrases qui se font écho. Cet ouvrage devait s’apprendre par cœur et se travailler sur plusieurs plans (plan individuel, art de vivre, méthode de longue vie, …). Derrière ce concept, il faut trouver comment sortir de la situation de violence dans laquelle nous plongent les États en conflit. La solution proposée dans le Laozi est le non-agir.

Ce non-agir part de l’idée d’une loi cyclique : toute chose naît, grandit, atteint son apogée puis décline. Cette loi fataliste étant valable pour les plantes, les animaux et les humains, on en conclut que rien n’est éternel et toute chose à une fin.

2.      Les empreints à l’art de la guerre

Ce texte reprend en partie un texte plus ancien, L’art de la guerre (Bingfǎ) selon Sunzi, stratège militaire à l’époque des royaumes combattants. Ce texte très connu fut beaucoup traduit (attention à la traduction d’un jésuite disponible en ligne mais biaisée). On s’est souvent demandé si ce texte était vrai ou bien juste mythique. En 1972, en pratiquant des fouilles archéologiques dans la région du Shandong, les archéologues ont trouvé dans une tombe de l’époque des Han, deux jeux de tablettes, l’un était le texte de Sunzi et l’autre un texte d’un second général, Sunbin.

Pour Sunzi, plutôt que d’affronter l’autre, il vaut mieux agir en utilisant d’autres outils. Ce traité défend l’idée qu’on pourrait ne pas agir. Les différentes armes possibles sont, le fait de faire croire que son armée est désordonné pour tromper l’adversaire, la désinformation de l’adversaire, les renseignements les plus nombreux sur l’ennemi, l’épuisement de l’adversaire avant le début du combat, une nourriture plus nombreuse que celle de l’adversaire et enfin attaquer l’adversaire là où il est faible. Il ne faut pas essayer de prendre ses villes, mais plutôt rompre son système d’information et saccager ses campagnes. Le but est d’en découdre avec l’ennemi sans combattre. Il faut s’informer, bluffer et s’organiser.
Ce texte se rapproche des arts martiaux comme le taïchi (Taijiquan), qui a une dimension de pratique de santé et une autre qui est une dimension de combat. On attaque alors la forme gymnastique avec un partenaire où l’on découvre qu’on peut utiliser la force de l’autre pour le faire chuter. Comme dans les jeux de casino, il faut tromper l’autre.

Le traité souligne aussi le rôle de la patience, il faut se laisser porter par les flots et réagir au moment idéal.






3.      S’agit-il de se croiser les mains ?

Il ne s’agit pas tant de ne rien faire que de s’abstenir d’action trop agressive ou trop intentionnelle. Chez les Chinois, l’intention c’est la volonté de changer par son action. Selon cette philosophie, on ne peut pas changer le cours des choses. La bonne occasion c’est le coup de pouce qui va nous permettre de passer d’une situation à une autre plus avantageuse.
En dépit de ce coté fataliste, il y a une conception de chasseur-pêcheur en quelque sorte.

L’objectif est aussi d’agir en sous-main pour lancer des actions sans qu’on sache que ce soit vous. En clair, c’est légèrement inciter et aider les gens à faire ce qui vous arrange. On a donc en arrière plan une forme de philosophie machiavélienne. Si un tyran nous arrange, autant le favoriser pour qu’au moment de son apogée, on le fasse plus durement tomber. En tout cas, il ne faut pas oublier la notion de temps et la patience.

Contrairement au Saint chrétien, le Saint taoïste est dépourvu de toute humanité, il doit « faire le vide dans les esprits, faire le plein dans les ventres, cela forme le gouvernement idéal ».


II.                Les applications dans la Chine moderne et contemporaine

1.      François Jullien, Le détour et l’accès : l’art de l’allusion

L’idée de François Jullien est de réfléchir sur les arts de la plume en Chine que ce soit dans les poèmes ou les écrits politiques. Dans on ouvrage, Jullien met en regard deux manières de dire et de faire pour s’affronter en politique et en poétique : la philosophie grecque et l’art de dire chinois. Coté grec, la manière de s’exprimer à quelque chose à voir avec le combat et la joute oratoire. Il faut emporter l’adhésion de l’autre en l’affrontant. Du coté chinois, il s’agit de s’affronter mais de manière indirecte, c’est beaucoup plus élégant et valorisé. On passe par des allusions, des références enchâssées dans des références, … Ces arts poétiques ont été déplacés pour des arts politiques. Cet art du détour est une constante de la mentalité chinoise. Poésie, politique, journalisme, … On retrouve cet art du détour partout.

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