Communism, Kokkoroo, deviantart
Lorsque Lénine a
pris le pouvoir, les querelles d’interprétation se sont maintenues. Leur unique
moment d’arrêt fut une fois que Lénine parvint à dissoudre les Mencheviks, les
tuer ou les emprisonner.
Souvent tués de manière informelle dans les caves de la Lubianka, les
Mencheviks étaient de véritables détracteurs de la politique de Lénine. Ainsi Martov
avait écrit un réquisitoire très
important contre le communisme. Pour lui, la vision de Lénine était utopiste et
que comme toute utopie en marche, cela finirait dans le sang. L’utopie qui veut
se réaliser, engendre la Terreur. En effet, l’utopie va à l’encontre de
l’humain puisqu’on nous oblige à être conformes à une utopie, à être
parfait. Or l’humain est imparfait. Impossible pour l’homme d’être parfait,
sauf sous le contrainte d’une Terreur, et encore. Un Gouvernement n’est donc
pas fait pour nous inculquer la vertu et la morale.
Cependant, Lénine
l’a fait, il a voulu créer son utopie et pour y contraindre les gens, il leur a
supprimé leurs libertés.
Lénine s’est donc trouvé dans une situation concrète que Marx avait imaginé à
Londres. Lénine a vite compris que les réalités individuelles allaient à
l’encontre de son utopie, que peu de gens le suivrait entièrement. Ainsi, quand
les diversités d’opinion explosent, et ce avant même la Révolution, les
Mencheviks annoncent à Lénine qu’il lui faut abandonner son idéologie. S’il
veut agir trop vite, il ira vers le despotisme. Lénine juge ne pas avoir le temps et pour les Mencheviks, il file droit
vers le despotisme. Ce qui adviendra ensuite, confirmera aux Mencheviks que la
mise en place du communisme est de fait un énième despotisme oriental.
Là-dessus,
un personnage important apparaît. Trotski, homme intellectuel plutôt solitaire
mais moins charismatique que Lénine, s’affirme dans ce contexte. Trotski va poser la question de la
Révolution permanente : lorsque l’on met en place l’utopie marxiste,
on constate que des perversions apparaissent tout de suite. Ainsi chez Mao qui
a mis en place cette Révolution permanente, on a eut dans les villages
l’instauration de kolkhozes qui obligent les gens à aller manger hors de chez
eux dans un esprit de mise en commun. Au bout de très peu de temps, les membres
du Parti Communiste, gérant le kolkhoze, s’approprient un peu plus de
nourriture et de meilleure qualité. Le système se pervertit tout de suite alors
même que le but est de supprimer les riches. En conséquence, on fait tourner les membres du parti très
régulièrement en supprimant les membres du parti corrompus par d’autres membres
du parti plus jeunes. Cette Révolution permanente cherche à éliminer les
perversions du système.
On
peut se réfèrer à Max Weber, qui juge que l’État est l’organisation de la
violence légitime pour mater une certaine classe, la bourgeoisie, classe des
exploiteurs. Or pour diriger la
répression, seuls les exploités pouvaient lutter contre la bourgeoisie. C’est
donc l’organisation du prolétariat qui doit utiliser la pure violence pour
faire tomber la bourgeoisie. C’est la dictature du prolétariat justifiée par le
fait que la morale et le droit sont des constructions bourgeoises. La
dictature du prolétariat est donc arbitraire et cynique, elle lutte contre la
classe bourgeoise. Ensuite seulement quand, la classe dirigeante est détruite,
on va recréer une morale propre au prolétariat. Dans ce pays le droit et la
morale n’étaient pas universels. La
dictature devait donc être celle du prolétariat sauf que cela est délicat quand
le prolétariat n’est pas prêt à agir de lui-même. Pour Lénine, c’est donc au
parti d’organiser la dictature du prolétariat. Mais en conséquence, cela risque
de devenir une dictature sur le prolétariat. Les Mencheviks avaient compris
cela, Trotski aussi. Il rédige alors Communisme et terrorisme dans lequel il
explique qu’au nom du bien du prolétariat, le parti mène la dictature du
prolétariat. Le parti considère le prolétariat comme un enfant, il pense savoir
où est le bien du prolétariat, pas ce dernier. Naturellement, cette dictature
ne pouvait résoudre le problème de la Révolution ainsi que de nombreux autres.
Déjà, en Russie, on n’avait presque pas
de prolétariat, on avait surtout une vaste paysannerie aux humeurs diverses et
changeantes. On ne peut pas manipuler ce peuple paysan comme une classe
ouvrière. Les maîtriser serait bien difficile. Pour Trotski, l’espoir reposait
sur le fait que le soulèvement russe aurait un effet boule de neige dans les
pays voisins. Trotski imaginait des prolétariats nombreux qui viendraient
ensuite soutenir le prolétariat russe contre sa paysannerie. Cela ne
pouvait totalement se produire. La Révolution communiste n’eut lieu qu’en
Russie et s’y est maintenue.
Dés après la
Révolution, le despotisme, tant redouté par les Mencheviks, s’installe. Le
parti croit représenter parfaitement le peuple. Dés qu’une critique apparaît,
on pense que c’est une critique bourgeoise, même si elle vient du peuple. En
conséquence, les critiques sont étouffées. Dés les premiers jours, c’est ce qu’il s’est passé.
Lénine et Trotski s’étaient installés dans la Smolny, quand la Révolution eut
lieu. Immédiatement, il a fallut réprimer le peuple. Pour Jelen, dans son ouvrage L’aveuglement, il semble que le peuple russe se soit alors
révèlé Menchevik, donc opposé à Lénine. Les
ouvriers étaient trade-unionistes comme Lénine le craignait, il a donc réprimé
les agitations en prétextant un contexte de guerre. Une propagande mensongère
eut lieu immédiatement pour masquer la répression. Plus que la bourgeoisie, on
réprimait le peuple avant tout. Il a fallut 10 ans pour écraser les
agitations et instaurer une dictature sans faille. Toutes ces révoltes ont
témoigné du fossé énorme qui séparait le peuple du parti. Ainsi lors de la
Révolte des marins de Kronstadt ??? Ce que veut faire Lénine n’est pas de
garder le pouvoir pour une famille et une tradition comme l’ancien tsar Nicolas
II, mais le conserver au nom d’une idéologie, transformer la société en
communauté. Il faut transformer les gens en profondeur.
Jelen
note que trois jours après le coup d’État du 7
novembre 1917, la liberté de la presse est abolie. Ensuite, on
règlemente le commerce des machines à écrire. Viennent ensuite le contrôle
directe et total sur les ouvriers (carnet ouvrier où tout est écrit sur le
profil de l’ouvrier et qu’ils doivent tous avoir sur eux), des lois scolaires
imposant les programmes, des lois économiques qui suppriment tout ce qui est
privé des terres aux entreprises en passant par les petits commerces, … En l’espace de deux ans, on avait éradiqué
tout cela. Ces mesures devaient aider la population mais celle-ci refusait de
participer à ce système. Le Gouvernement a donc du réprimer par la police
et l’armée contre la bourgeoisie d’une part et contre le prolétariat d’autre
part. Très vite, la répression policière
a réprimé tout le monde. On éliminait les ennemis du peuple non pour les tuer,
mais pour les rééduquer. C’est là qu’on voit les camps apparaître, avec pour
but de régénérer les adversaires. Ainsi,
le 7 décembre 1917, on crée une police
politique, une police qui s’attaque aux ennemis du pouvoir, non à ceux qui
enfreignent la loi comme la plupart des polices. Cette première police
politique est prénommée la TCHEKA
(Commission extraordinaire pour combattre la contre-révolution et le sabotage),
elle dispose de droits arbitraires pour façonner la société nouvelle en
distinguant et séparant les bons citoyens des mauvais citoyens. Le 5 décembre
1918, les premiers camps sont ouverts. On est dans un système qui imagine qu’il y a
dans la société un bien et un mal, un groupe d’individus bons et des autres
groupes d’individus mauvais. Les quatre premières années, la TCHEKA a exécuté
140 000 personnes et ouverts 142 camps de concentration. Au même moment,
la pensée idéologique se resserrait dans les mains du parti. Dés qu’une pensée
autre apparaissait, elle était annihilée : plus de syndicats, leurs
dirigeants (souvent Mencheviks) sont tués, groupes idéologiques dissous, les
grévistes sont devenus saboteurs, … C’est le même processus pour les religions
qui tombent dans le fanatisme. On
rééduque les gens car Lénine pense qu’on peut arriver à une société
merveilleuse où les gens obtiendraient ce qu’ils veulent selon leur besoin. Ce n’est pas de la cruauté gratuite, la
Terreur a une vertu thérapeutique qui vise à anéantir l’ancienne société, tout
du moins au début. Au final, cela pousse au pouvoir les gens cyniques plus que
les idéalistes. On a longtemps crut que la Terreur d’État était le fruit de
Staline, or cela était contenu dans la théorie de Lénine avant même son arrivée
au pouvoir.
L’organisation du
travail sous le capitalisme était orientée autour du profit. Chacun gagne
selon son temps de travail et selon son mérite. Dans une entreprise capitaliste,
l’ouvrier sera nourrit selon son mérite. La
théorie soviétique et communiste veut que l’on partage et qu’on ne soit pas
rémunéré au mérite mais au besoin, comme dans une famille. Le problème c’est
que les individus savent qu’ils travaillent pour le bien commun plus que pour
eux. Pour Lénine, cet objectif du bien commun va les booster. Pas pour Trotski
qui pense que si on le nourrit, l’homme n’agira pas beaucoup et serait
paresseux par nature. En conséquence, Trotski estime qu’il faut obliger les
gens à travailler en les faisant pointer et en créant des sanctions pour ceux
qui ne travaillent pas. Les Mencheviks avaient déjà annoncé que le travail
servile était improductif, que le travail uniquement pour éviter la sanction ne
mènerait pas bien loin. Pour Trotski, le travail libre était toujours plus
productif que le travail servile mais que s’il fallait le débuter, alors, il
fallait prévoir des sanctions. Trotski
fixe donc ces sanctions pour non-travail, pour sabotage. En cela, chez Trotski
aussi on a une forme de Terreur puisque l’ouvrier est subordonné à l’État qui
agit pour l’ouvrier. En revanche, pour Lénine et Trotski, la Terreur est
acceptée puisqu’elle est légitimée par la grandeur des fins, parce qu’elle ne
doit être que temporaire. C’est une forme de rédemption purificatrice.
Lorsque la
Révolution de 1917 eut lieu, la Russie entamait un timide processus vers un
libéralisme politique. Il y avait un parti politique libéral appelé le parti
des Cadets qui aurait finit par s’implanter sur le long terme. Certaines élections avaient été
promises par Nicolas II et avait eut lieu. La Douma ne fut pas révolutionnaire
mais orientée du coté des cadets. Lénine y a envoyé des troupes et sous la
menace des armes a dissout cette Douma, puis empêcha toutes réélections. Les entreprises furent toute monopolisées
par le parti qui nomma de nouveaux patrons. La Révolution ne pouvait
fonctionner que si toutes les entreprises étaient sous les mains du parti.
Lénine pensait que
la politique de Terreur devait empêcher de retomber dans une situation libérale
et donc dans une société avec une bourgeoisie. Cependant, une fois une partie
de la bourgeoisie éradiquée, des membres de la classe ouvrière prenait leur
place et leur mentalité. La bourgeoisie renaissait d’elle-même. De plus, la
terreur n’assurait pas la production. Même si les ouvriers étaient contraints de
travailler, la production baissait car les ouvriers travaillaient le moins
possible. Or le régime ne pouvait fonctionner sans production et Lénine qui
était lucide a compris que le système faisait chuter la production. Il aurait
pu ne rien faire mais finalement, Lénine décida, par lucidité mais aussi parce
que de nombreux croyaient en l’URSS, de changer son fusil d’épaule. Il voulait
éviter les situations catastrophiques qui lui tombaient dessus : chute de
moitié des récoltes de céréales en 8 ans de Révolution, 80% de chute de la
production industrielle en 4 ans (1917 – 1921), … Le coup de massue vient des marins
de Kronstadt qui eut un énorme retentissement dans la population russe.
Lénine décide alors
de faire un virage politique. Il veut redresser la production en allant dans un
sens libéral. Pour le justifier, il parle de communisme de guerre, un
changement de cap du aux circonstances qui ne s’éternisera pas. On a donc une
économie libérale dans un régime communiste qui doit enrichir le pays pour
qu’ensuite celui-ci reprenne une économie communiste. Lénine restitue avec prudence le commerce privé, les terres
individuelles, … La Nouvelle Economie Politique (NEP) avance vers une
politique qu’elle contredit. C’est un enrichissement pour assurer une
recollectivisation par la suite. Lénine reconnaît que c’est un calcul, une
étape vers le communisme. Certains jugeront que c’est un opportunisme politique
qui rend compte de l’idéologie. Les partis communistes implantés dans chaque
pays ont longtemps été mécompris par les populations nationales. La NEP révèle
du pragmatisme de ces partis, c’est Moscou qui fait volte-face avec un but à
long terme (la société communiste) et est prêt à tout pour atteindre ce but,
les partis suivent la logique. L’histoire
de la NEP en révèle long sur la situation du communisme. On rend certaines
terres à leurs propriétaires, on libère les frontières extérieures, … En trois
ans, l’économie retrouve son niveau de 1913.
L’économie étant dans un système mixte, elle fonctionne mieux que le système
uniquement public. Mais à cette époque, la NEP n’a servit à personne, on
attendait partout dans le monde extérieur que Lénine revienne au communisme. Personne ne sait si Lénine aurait supprimé
la NEP, il est décédé en 1924. Staline qui prend sa succession va alors suivre
la NEP.
Lénine rédigeait
des notes tous les soirs et un an avant sa mort, il réalise le système qu’il
instaure : un système de Terreur digne du tsar qu’il avait fait assassiner.
Il écrit que son régime communiste n’est qu’un régime tsariste badigeonné d’un
vernis communiste.
Trotski de son coté qui voulait détruire les élites bureaucratiques qui
naissaient du communisme, se positionnait contre la NEP. Dans son exil, Trotski démontra bien à quel point la NEP est une
déception pour les vrais révolutionnaires. A la mort de Lénine, Staline et
Trotski se retrouve en concurrence pour le pouvoir. Il n’y a pas de loi de
succession comme sous le régime tsariste, du coup, tous les moyens sont permis.
Ainsi, dés le décès de Lénine, il y a un jeu de pouvoir qui s’appuie sur deux
puissances : l’armée et le comité central du parti.
Staline
a fait des
études au séminaire, d’origine modeste, il n’est pas un intellectuel et a une
culture plutôt simple et grossière. Il est loin d’être imbécile mais reste
grossier et brutal. Lénine dans son
testament souhaitait écarter Staline du pouvoir qu’il jugeait trop brutal, ce
qui était incompatible avec la fonction de Secrétaire Général du Parti
Communiste.
Sa politique est
celle d’un marxisme-léninisme adulte
avec un chef qui ne s’arrête pas en dépit
de la monstruosité des actes de son idéologie. L’ère de Staline a commencé par une politique d’héritier, Staline
suivait les pas de Lénine. Il a donc maintenu la NEP car cela marchait,
Trotski de son coté regarde de manière désabusée ce qu’il se produisait, voyant
un retour en arrière, un échec révolutionnaire. Le libéralisme économique
produit alors l’inégalité sociale que le communisme combattait. La bourgeoisie
rurale renaît en la personne du koulak. Ces koulaks deviennent rapidement des
contrepoids du parti et les membres communistes sont effrayés.
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