Confucius, un classique des Mandarins
D.
La vision du monde politique
On
a longtemps considéré la pensée confucéenne comme une pensée fixiste, où chacun à sa place dans la société. A cette
époque en effet, peu de personne ont une instruction, et en conséquence, chacun à sa place dans la société et se
doit d’y rester. Après, dans sa place, chaque individu doit exercer son rôle de
la meilleure manière possible.
« Zi zi, fu fu, cheng cheng, wang wang » : si le fils se comporte
comme un fils, que le père se comporte comme un père, alors le ministre se
comportera en ministre et le roi se comportera comme un roi. C’est par cette
phrase connue de tous les écoliers chinois qu’on passe de la sphère familiale et la sphère publique et politique. On
parle d’une homothétie des relations humaines, un déplacement des rapports
de l’échelle humaine à l’échelle politique. En conséquence, si dans votre
travail un plus vieux que vous se trompe, le respect qui lui est du, vous
empêche de le contredire.
L’État est donc
conçu sur le modèle d’une grande famille avec les avantages et les
inconvénients qui en découlent. On a ainsi la piété filiale qui est une forme d’amour et de
respect des jeunes envers les vieux. Cette piété filiale est au cœur des rites
familiaux (prières aux ancêtres mal perçu d’ailleurs par le communisme car
c’est un culte le plus ancien, …). Confucius ajoutera qu’être simplement bon
fils et bon père c’est ???. La
conception familiale se prolonge dans la politique.
Cela se retrouve
donc dans des formes de paternalisme assez nettes. Ainsi on peut avoir des aides
financières pour s’installer ou se soigner. Mais il arrive que ce soit plus musclé, autrefois dans les situations où il était lésé par un paysan, le
mandarin pouvait donner deux baffes à ce paysan, parfois deux coups de bâton. Bien entendu, par déformation, le
paternalisme se retrouve parfois évoluer en clientélisme. Depuis 2002, la Chine a rétabli les vrais concours dans
plusieurs administrations (banques, compagnies de transport, …) du coup, la
sensibilité chinoise est devenue exacerbée. Aujourd’hui, plus le clientélisme s’affiche clairement, plus les
contestations populaires enflent : le scandale du lait contaminé, les
inondations négligées, l’assassinat de l’anglais Neil Heywood en novembre 2011
(la femme du chef de la province et son mari haut membre du comité, seraient
impliqués dans l’assassinat), …
Derrière la
philosophie de Confucius, il y a un grand optimisme. Pour lui, il y avait
possibilité de relier la morale et la politique. Son optimisme venant avant
tout de l’éducation à la fois philosophique mais aussi pratique. L’éducation
fait alors partie de ces valeurs placées très haut en Chine.
L’éducation est
donc primordiale dans les organes politiques. Cette soif d’apprentissage tient à la privation du
livre sous le communisme, l’ouverture nouvelle des frontières y compris
intellectuelles, … On constate donc une flambée des librairies en Chine, une
grande diversité d’ouvrages et de styles. Ce goût des études vient aussi du
plus faible équipement des jeux électroniques dans les familles ainsi qu’une
sous-consommation de la télévision, les gens vivent davantage en groupe avec la
télé en fond sonore. De plus, l’éducation est, avec la croissance
démographique, d’une valeur sur le long terme.
Le second axiome de
Confucius est que le souverain est un exemple pour le peuple. Il doit assurer
la sécurité, l’éducation, la justice, … Du coup, cela est encore présent
aujourd’hui chez les dirigeants chinois tout comme chez les dirigeants
occidentaux. En
Chine, un des mots pour gouverner est zhèng,
dont la clé signifie ce qui est droit,
ce qui est vertical, et le mot est « baguette ».
Dans ses textes, on
constate aussi que la politique est associée à des rituels nombreux. En revanche, pour Confucius, les
peuples barbares n’avaient pas de rituels, donc peu de politique. Ces rituels en
politique se retrouvent aussi en Occident.
II.
Les utilisations
politiques du confucianisme
1.
Confucianisme, philosophie d’État
L’empereur n’était
jamais vu de la population
et quand bien même celle-ci désobéissait pour le regarder, elle ne verrait
jamais qu’une succession de chars identiques. L’empereur n’a jamais été une grande figure populaire. Ce confucianisme
ne va pas tout le temps être la philosophie de soutien du régime. Souvent,
c’est non pas la référence mais un horizon de référence. On peut alors un
peu comparer le confucianisme au christianisme. Les rois occidentaux ne
pouvaient pas respecter tous les critères de bonté du christianisme mais s’en
inspiraient. Le confucianisme fait de même, ce n’est pas l’idéologie officielle
des empereurs et de la Chine, mais c’est un horizon culturel de référence. Du
coup, nombreux furent ceux qui dans l’idéal, devaient se référer à cette
philosophie.
Dans
les Classiques, dont le nombre
varie selon Anne Cheng, 5 seraient presque certainement écrits par Confucius : Le livre des Odes, Le
livre des histoires, Le livre des rites, Le livre des mutations et Le livre des
annales des Printemps et des Automnes. Les 4 premiers ouvrages furent remaniés
par Confucius et le cinquième aussi mais il était contemporain de ces
évènements.
Autrefois, ces
Classiques étaient appris par cœur dans les concours pour être mandarin car une épreuve demandait de
restituer par cœur des pages de ces ouvrages. Ce n’est qu’après cette épreuve passée qu’on pouvait développer une
réflexion dans d’autres concours. Il fallait toujours s’inspirer des textes
anciens d’abord. Ainsi le premier concours celui de bacheliers ne donnait
qu’un sas au monde des mandarins. Le second concours celui de licence donnait
accès à des pouvoirs politiques réels (local, cantonal, préfectoral). Le
concours de doctorat donnait lui accès aux ministères et aux provinces. Il y avait un échelonnement selon là où
l’on était reçu. Confucius était une philosophie d’État puisqu’il était la
culture et la philosophie de référence pour passer les concours. Le
problème, c’est qu’avec cette lourde formation philosophico-littéraire, les
étudiants faisaient l’impasse sur les autres aptitudes qu’ils apprenaient sur
le terrain.
Civil
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Militaire
|
Censorat
|
|
National
|
X
|
X
|
X
|
Provincial
|
X
|
X
|
X
|
Préfectoral
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
||
Cantonal
|
X
|
Ce système de
fonctionnement entre fonctionnaires, militaires et censorat fut repris par les
Chinois contemporains qui ont juste supprimé le censorat. Le système nouveau
s’est bien intégré dans le prolongement de ce système médiéval. La seule autre différence, c’est
la présence accrue du parti dans l’échelle locale. En province aussi, une
grande clé de lecture c’est la lutte des provinces contre Pékin, celle du parti
contre la corruption des membres installés en province. Ces fonctionnaires du
parti sont très présents. Le dessinateur ZEP, dont un ouvrage fut consulté en
Chine et qu’il dut présenter à une commission, n’eut pas l’impression de
présenter son ouvrage devant des membres du parti, alors même que s’en étaient.
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