mercredi 10 octobre 2012

Chine 03 - 10 (cours 1)


Et il manque Taïwan ...



Introduction


La Chine équivaut aujourd’hui à 17 fois la superficie de la France avec environ 1,4 milliards d’habitants (1 340 000 sans les enfants nés hors des organisations gouvernementales). C’est dorénavant la seconde puissance économique mondiale lorsqu’on prend en compte la production, le montant des devises étrangères accumulées, … Lorsqu’on la regarde actuellement, on voit son désir de devenir le leader mondial sur le plan économique, de préférence dans le court terme.
Selon Michel Bonin, sinologue, la Chine est un « totalitarisme replié ». En effet, le Parti Communiste Chinois (PCC) contrôle la vie politique et ne laisse aucune place pour une organisation syndicale ou un autre parti. En cela, on peut parler d’un totalitarisme comme le font à de nombreux égards, les médias, les individus sur Internet, …  S’il est replié, c’est car le PCC ne veut pas créer d’homme nouveau, qu’il a décidé de se retirer de la vie privée (auparavant les mariages étaient passés devant le PCC), qu’une relative indépendance est donnée à certains organismes (comme les compagnies). Pour la plupart des touristes, il semble évident que la Chine est une dictature même si la Chine se garde de se donner cette image de manière évidente. C’est une dictature plus fine.

La Chine actuelle fut autrefois nommée la Domaine Royal, puis l’Empire de « X » (dynastie impériale ayant régné). La première dynastie connue en Occident, la dynastie Qin, a donné son nom pour les Occidentaux à cette contrée qui est nommée par ses habitants, l’Empire du Milieu. On a donc eu des rois, des empereurs et enfin des présidents de la République dans une région qui a beaucoup évolué. Ce territoire s’est construit d’abord autour du fleuve Jaune, puis s’est accru de manière inégale au fil du temps, passant de phase d’expansion et de dilatation à des rétractations abruptes. Au départ, dans l’antiquité, la Chine était un petit domaine royal. Ensuite ce fut le territoire d’un peuple du Nord, puis enfin d’un peuple du Sud. En clair, la conception du territoire chinois a représenté plusieurs zones territoriales différentes. Ce territoire qui a connu un développement inégal n’a pas été l’apanage de dynasties issues du fleuve Jaune. Ainsi, venu de Mongolie, la dynastie des Yuan a régné, de même pour la dernière dynastie, celle des Qing venus de Mandchourie.
Parler de la Chine a alors demandé de comprendre et d’analyser ses découpages territoriaux, avec parfois plusieurs royaumes dans ce qu’on prénommait la Chine (cf la Chine des cinq royaumes).
Cet espace est aujourd’hui physiquement très divers. Géographiquement, le Sud Ouest est un haut plateau, le Tibet est un très haut plateau, au centre un plateau médian au relief divers (collines, moyennes montagnes, forêts, …), et l’Est étant une zone de plaines très fertiles. C’est une zone de marches géographiquement parlant. En moyenne, la moitié du pays est à 2 000 mètres d’altitude.
Le climat pour sa part est très varié. Au Nord on a un climat subarctique (des hivers allant jusqu’à – 50°). Au Sud, un climat subtropical (à Canton il fait toujours plus de 10°). Du coup, depuis toujours, il a fallut pour les dirigeants faire avec ces surprises climatiques.

Dans ce cours, on va surtout réfléchir sur le pouvoir en Chine en articulant la dimension théorique et la dimension pratique. Dans le titre, la culture évoque la théorie politique et la pratique vient avec. La politique correspond à l’ensemble des notions qui aide à l’application du mot « gouverner ». La pratique politique de son coté, c’est l’ensemble des manières d’agir des dirigeants et du pouvoir. Ce cours est assez large puisqu’il tend à étudier la politique sous tous ses aspects.
Politiquement, la plupart du temps, on juge que la Chine a une pensée très pragmatique, peu théoricienne. Pourtant les Chinois n’ont pas qu’une notion du pouvoir, depuis l’antiquité, ils ont développé plusieurs conceptions sur ce pouvoir. Ces théories s’accumulent et occasionnellement ressortent à certaines époques. Les tenants du pouvoir puisent dans ce réservoir d’idées. En conséquence, ils n’ont pas l’impression de se contredire en faisant une chose puis une autre. En Chine, on peut faire cohabiter une idée et son contraire (à l’image du yin et du yang). Ainsi, Deng Xiaoping qui a réprimé les manifestations étudiantes va ensuite demander l’union du pays pour atteindre un objectif économique : ouverture libérale et répression drastique sont possibles.

On va donc chercher à expliciter les idées de cette culture et les différentes représentations du pouvoir qui ne sont en dépit de leurs apparences ne se contredisent jamais. Les inspirations sont surtout très anciennes et pas uniquement communistes.
L’objectif est en découvrant une idée de faire sa genèse en premier lieu (son histoire) et ensuite d’étudier ses conséquences dans la Chine actuelle.


L'empereur Jaune



Aux origines du pouvoir : idées et répercussions contemporaines


Quelles étaient les toutes premières représentations de l’humain dans cette partie du globe ? Comment se figurait-il le politique ? Que pouvons-nous en savoir ? A très, très haute époque, les gens ne vivaient pas dans les grottes, ils possédaient déjà des outils en bois et en métal, en 1500 avant Jésus-Christ. Ils avaient aussi une écriture et une littérature. Le plus vieux poème date du XI° siècle avant JC. Il y avait des classes sociales. Cependant, on a découvert qu’il existait encore avant des civilisations entières dont on ne sait rien du tout (cf l’exposition L’Homme du Sichuan) datant de la Chine archaïque. On trouve tout de même des conceptions identifiables.


I.                   Les conceptions les plus anciennes du pouvoir

1.      Les hommes de pouvoir

Pour les Chinois, leurs ancêtres sont essentiellement des êtres politiques. On n’a pas vraiment de place pour un ancêtre semi-divinisé, un héros tel Hercule. Ainsi leurs plus vieux ancêtres seraient les 3 Augustes et les 5 Empereurs. Ce sont des rois légendaires ayant régné en Chine avant la première vraie dynastie, celle des Xia. Les 3 huáng et 5 di, sont des titres autrefois utilisés pour des dieux, passée cette époque, les deux termes se réunissent et qualifient l’empereur : huángdi. Ces trois Augustes sont des héros civilisateurs qui amenèrent en Chine un tas de chose, utilisèrent leur sagesse pour aider les peuples.

Ainsi selon la légende, le monde chinois est né d’un œuf. De cette œuf né le ciel qui est rond et la terre qui est carrée. Toujours de cette éclosion né un grand géant accompagné de nombreux êtres (dragon, phénix, tortue, licorne, …). Lorsque Pangu meurt, ses yeux donnent le soleil et la lune, de son souffle, le vent, de sa voix, le tonnerre, de ses parasites de corps, les humains. Pangu était celui qui soutenait le monde, l’homme est abandonné dans ce monde.
Fuxi est un être légendaire à tête humaine, corps animal et queue de serpent. Il aurait fondé l’écriture, le calendrier, l’utilisation des métaux, l’élevage et la pêche ainsi que la construction des maisons. On l’associe donc énormément à l’interface entre l’homme et le sauvage. Il est aussi associé à la durée et au temps.
Sa sœur, Nuwa, est la réparatrice du ciel qui s’est déchiré suite à la guerre entre le dieu du feu et celui de l’eau. Elle est associée à cette image de femme qui répare. C’est elle aussi qui a façonné l’homme en remodelant l’humanité depuis des statuettes d’argile. Elle est associée à l’idée de mouvement et d’engendrement.
Shennong est le divin laboureur. Il invente l’agriculture, la charrue, et d’autres outils agricoles notamment. Il complète le rôle de Fuxi dans la civilisation.
Chez les 5 rois, un se démarque des autres : l’Empereur Jaune. Il crée l’administration, développe l’agriculture et crée l’acupuncture. Les 4 autres sont moins importants. Ceux qui furent évoqués fondent la civilisation chinoise dans ses grands traits (agriculture, pêche, arts libéraux : médecins, acupuncteurs, ...).
Enfin, Yu le Grand est le fondateur légendaire d’une dynastie qui a réellement existé. Il aurait contrôlé les inondations qui ont apportées le chaos dans le monde et dans une seconde version, il aurait régulé les crues du fleuve Jaune en créant un système de canaux.

Tous ces ancêtres voient ces personnages comme leurs premiers civilisateurs. Si on devait certainement avoir sur place des fonctionnements sous forme de tribus, les Chinois voient pour leur part directement un être qui est politique et qui s’adresse à leur peuple.


2.      L’espace politique

L’espace politique dans la légende est perçu comme carré et bordé de toutes parts de 4 mers. Une des images pour représenter l’espace était la tortue (base de carapace à peu près carrée, courbe sur le haut). On parle plus souvent de l’Empire du Milieu, il est au centre de l’espace habité par les hommes. Il y a alors dans cette tradition chinoise, une confusion entre le monde et la Chine. C’est donc pour ça qu’il y a une version de Yu le Grand avec un déluge des mers d’une part et une crue du fleuve Jaune d’autre part. Par ailleurs, cela induit la conception que les Chinois ont de leurs voisins, ceux-ci sont moins importants. Si le pays est devenu l’Empire du Milieu, c’est que le domaine royal est au centre de grands États feudataires qui l’encadrent de toutes parts. Evidemment, face à ses grands États concurrents, le domaine royal fut vite menacé, mais il est resté un certain temps au centre de ce conglomérat.

Les premières vraies dynasties sont bordées de grands États : le Shu de la province du Sichuan avec pour capitale Chengdu ; le Chu ; des États guerriers au Sud plein de la Chine ; l’État de Dian ensuite phagocyté par l’État de Han ; … Celui qui gagnera la mise est l’État de Qin, très militarisé dont les dirigeants ont développé une immense armée avant de défaire l’État royal. Dés le début, la Chine est dans une logique de révoltes et de renversements. Cela se confirmera par la suite.

Certains voisins sont plus lointains : les peuples du Nord, nomades et organisés en tribus ; les gens du Sud, le futur Vietnam mal organisé dans un système ??? et les gens de l’Ouest qui seront les futurs Musulmans de Chine. Très vite entrés en relation avec les empereurs chinois en leur prêtant allégeance, ils restent pour les Chinois des sous peuples feudataires. Cette relation est fragile et des heurts et affrontements auront lieu régulièrement.

La Chine occulte totalement le reste de la planète, elle est au centre du monde et le reste ce sont des barbares périphériques de plus en plus barbares au fur et à mesure qu’on s’éloigne du centre. Seule exception, la région du Tibet aussi civilisée que le centre pour des causes religieuses. Souvent le niveau de civilisation est le même entre le centre et les périphéries. En revanche, les souverains chinois ont été les seuls à posséder des outils de domination sur les contrées périphériques. Rien ne prévoyait que la Chine deviendrait ce qu’elle est. Il a fallut beaucoup d’intelligence pour passer de ces petits États à ce grand royaume.

3.      La théorie du mandat céleste (tianming : le commandement venant du ciel)

A partir du XII° siècle avant JC, émerge la théorie du mandat céleste. C’est sous la plume de la dynastie régnante alors en place : les Zhou. Le souverain serait le fils du Ciel donc il fait l’intermédiaire entre le Ciel et la terre. Il a pour but de maintenir le monde en paix et faire régner sur eux la paix. Il maintient ainsi l’ordre cosmique. Cette théorie a servi dés son apparition pour la dynastie qui renversait la précédente. C’est un discours politique qui a justifié la rébellion des Zhou contre les Shang. Ils étaient chargés par une entité supérieure d’envahir leur ennemi. C’est une théorie assez primitive voire chamanique. Le pouvoir serait d’essence chamanique, celui qui tient le pouvoir l’a d’un mandat céleste.

Cela se complète au fil des années et des siècles et amène la notion de bon gouvernement. Dans cette théorie, le Ciel donne ou retire à une lignée son pouvoir et sa mission de gouverner. Si un empereur vivait dans la débauche, alors comme cela perturberait l’ordre du monde, il en perdrait son mandat céleste. En revanche, s’il y a des tempêtes, des famines, des inondations, … Tout cela sont des signes du Ciel que le souverain a perdu son pouvoir céleste.
C’est une conception à la fois fataliste mais aussi cyclique (un souverain monte en efficacité puis sous la corruption redescend). Cela était une théorie explicative qui avait lieu historiquement dans les élèves de la Chine médiévale : un changement de dynastie est lié au retrait d’un pouvoir céleste au profit d’une nouvelle dynastie. Ainsi, on a des cycles dans le pouvoir avec des signes qui annonce son déclin, une forme de fatalisme inévitable demeure dans cette théorie.

En conséquence, les rituels qui accompagnaient ce mandat céleste se transmettent de dynasties en dynasties. Ces rituels doivent maintenir l’équilibre du monde et la paix dans l’Empire.
Chaque printemps, l’empereur sortait de son palais muni d’un araire et fendait un premier sillon dans le sol. Ce rituel très festif était censé représenté la fertilisation de la terre, l’ouverture de la saison agricole. Il prônait l’espoir d’une bonne récolte.

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