Et il manque Taïwan ...
Introduction
La Chine équivaut
aujourd’hui à 17 fois la superficie de la France avec environ 1,4 milliards d’habitants (1 340 000 sans les
enfants nés hors des organisations gouvernementales). C’est dorénavant la seconde puissance économique mondiale
lorsqu’on prend en compte la production, le montant des devises étrangères
accumulées, … Lorsqu’on la regarde actuellement, on voit son désir de devenir
le leader mondial sur le plan économique, de préférence dans le court terme.
Selon Michel Bonin, sinologue, la Chine est un « totalitarisme replié ». En effet, le Parti Communiste Chinois (PCC) contrôle la vie politique
et ne laisse aucune place pour une organisation syndicale ou un autre parti. En
cela, on peut parler d’un totalitarisme comme le font à de nombreux égards, les
médias, les individus sur Internet, … S’il est replié, c’est car le PCC ne veut
pas créer d’homme nouveau, qu’il a décidé de se retirer de la vie privée
(auparavant les mariages étaient passés devant le PCC), qu’une relative indépendance est donnée à certains organismes
(comme les compagnies). Pour la plupart des touristes, il semble évident que la
Chine est une dictature même si la Chine se garde de se donner cette image de
manière évidente. C’est une dictature plus fine.
La Chine actuelle
fut autrefois nommée la Domaine Royal, puis l’Empire de « X » (dynastie impériale ayant régné). La première dynastie connue en Occident,
la dynastie Qin, a donné son nom pour les Occidentaux à cette contrée qui est
nommée par ses habitants, l’Empire du Milieu. On a donc eu des rois, des
empereurs et enfin des présidents de la République dans une région qui a
beaucoup évolué. Ce territoire s’est
construit d’abord autour du fleuve Jaune, puis s’est accru de manière inégale
au fil du temps, passant de phase d’expansion et de dilatation à des
rétractations abruptes. Au départ, dans l’antiquité, la Chine était un
petit domaine royal. Ensuite ce fut le territoire d’un peuple du Nord, puis
enfin d’un peuple du Sud. En clair, la
conception du territoire chinois a représenté plusieurs zones territoriales
différentes. Ce territoire qui a connu un développement inégal n’a pas été
l’apanage de dynasties issues du fleuve Jaune. Ainsi, venu de Mongolie, la
dynastie des Yuan a régné, de même pour la dernière dynastie, celle des Qing
venus de Mandchourie.
Parler
de la Chine a alors demandé de comprendre et d’analyser ses découpages
territoriaux, avec parfois plusieurs royaumes dans ce qu’on prénommait la Chine
(cf la Chine des cinq royaumes).
Cet espace est aujourd’hui
physiquement très divers. Géographiquement,
le Sud Ouest est un haut plateau, le Tibet est un très haut plateau, au centre
un plateau médian au relief divers (collines, moyennes montagnes, forêts, …),
et l’Est étant une zone de plaines très fertiles. C’est une zone de marches
géographiquement parlant. En moyenne, la moitié du pays est à 2 000 mètres
d’altitude.
Le climat pour sa
part est très varié.
Au Nord on a un climat subarctique (des hivers allant jusqu’à – 50°). Au Sud,
un climat subtropical (à Canton il fait toujours plus de 10°). Du coup, depuis
toujours, il a fallut pour les dirigeants faire avec ces surprises climatiques.
Dans ce cours, on
va surtout réfléchir sur le pouvoir en Chine en articulant la dimension
théorique et la dimension pratique.
Dans le titre, la culture évoque la théorie politique et la pratique vient
avec. La politique correspond à l’ensemble des notions qui aide à l’application
du mot « gouverner ». La pratique politique de son coté, c’est
l’ensemble des manières d’agir des dirigeants et du pouvoir. Ce cours est assez
large puisqu’il tend à étudier la politique sous tous ses aspects.
Politiquement, la
plupart du temps, on juge que la Chine a une pensée très pragmatique, peu
théoricienne. Pourtant les Chinois n’ont pas qu’une notion du pouvoir, depuis
l’antiquité, ils ont développé plusieurs conceptions sur ce pouvoir. Ces théories s’accumulent et occasionnellement
ressortent à certaines époques. Les tenants du pouvoir puisent dans ce
réservoir d’idées. En conséquence, ils n’ont pas l’impression de se contredire
en faisant une chose puis une autre. En
Chine, on peut faire cohabiter une idée et son contraire (à l’image du yin et du
yang). Ainsi, Deng Xiaoping qui a réprimé les manifestations étudiantes va
ensuite demander l’union du pays pour atteindre un objectif économique :
ouverture libérale et répression drastique sont possibles.
On va donc chercher
à expliciter les idées de cette culture et les différentes représentations du
pouvoir qui ne sont en dépit de leurs apparences ne se contredisent jamais. Les
inspirations sont surtout très anciennes et pas uniquement communistes.
L’objectif
est en découvrant une idée de faire sa genèse en premier lieu (son histoire) et
ensuite d’étudier ses conséquences dans la Chine actuelle.
L'empereur Jaune
Aux
origines du pouvoir : idées et répercussions contemporaines
Quelles
étaient les toutes premières représentations de l’humain dans cette partie du
globe ? Comment se figurait-il le politique ? Que pouvons-nous en
savoir ? A très, très haute époque,
les gens ne vivaient pas dans les grottes, ils possédaient déjà des outils en
bois et en métal, en 1500 avant Jésus-Christ.
Ils avaient aussi une écriture et une littérature. Le plus vieux poème date
du XI° siècle avant JC. Il y avait des
classes sociales. Cependant, on a découvert qu’il existait encore avant des
civilisations entières dont on ne sait rien du tout (cf l’exposition L’Homme du Sichuan) datant de la
Chine archaïque. On trouve tout de même des conceptions identifiables.
I.
Les conceptions les
plus anciennes du pouvoir
1.
Les hommes de pouvoir
Pour les Chinois,
leurs ancêtres sont essentiellement des êtres politiques. On n’a pas vraiment de place pour
un ancêtre semi-divinisé, un héros tel Hercule. Ainsi leurs plus vieux ancêtres seraient les 3 Augustes et les 5 Empereurs.
Ce sont des rois légendaires ayant régné en Chine avant la première vraie dynastie,
celle des Xia. Les 3 huáng et 5 di, sont des titres autrefois utilisés pour
des dieux, passée cette époque, les deux termes se réunissent et qualifient
l’empereur : huángdi. Ces trois
Augustes sont des héros civilisateurs qui amenèrent en Chine un tas de
chose, utilisèrent leur sagesse pour aider les peuples.
Ainsi selon la
légende, le monde chinois est né d’un œuf. De cette œuf né le ciel qui est rond et la terre
qui est carrée. Toujours de cette éclosion né un grand géant accompagné de
nombreux êtres (dragon, phénix, tortue, licorne, …). Lorsque Pangu
meurt, ses yeux donnent le soleil et la lune, de son souffle, le vent, de sa
voix, le tonnerre, de ses parasites de corps, les humains. Pangu était celui
qui soutenait le monde, l’homme est abandonné dans ce monde.
Fuxi est un être légendaire à tête
humaine, corps animal et queue de serpent. Il aurait fondé l’écriture, le calendrier,
l’utilisation des métaux, l’élevage et la pêche ainsi que la construction des
maisons. On l’associe donc énormément à l’interface entre l’homme et le
sauvage. Il est aussi associé à la durée et au temps.
Sa
sœur, Nuwa,
est la réparatrice du ciel qui s’est déchiré suite à la guerre entre le dieu du
feu et celui de l’eau. Elle est associée à cette image de femme qui répare.
C’est elle aussi qui a façonné l’homme en remodelant l’humanité depuis des
statuettes d’argile. Elle est associée à l’idée de mouvement et d’engendrement.
Shennong est le divin laboureur. Il
invente l’agriculture, la charrue, et d’autres outils agricoles notamment. Il
complète le rôle de Fuxi dans la civilisation.
Chez les 5 rois, un
se démarque des autres : l’Empereur Jaune. Il crée l’administration,
développe l’agriculture et crée l’acupuncture. Les 4 autres sont moins
importants. Ceux qui furent évoqués fondent la civilisation chinoise dans ses
grands traits (agriculture, pêche, arts libéraux : médecins, acupuncteurs,
...).
Enfin, Yu le Grand est le fondateur légendaire d’une
dynastie qui a réellement existé.
Il aurait contrôlé les inondations qui ont apportées le chaos dans le monde et
dans une seconde version, il aurait régulé les crues du fleuve Jaune en créant
un système de canaux.
Tous ces ancêtres
voient ces personnages comme leurs premiers civilisateurs. Si on devait
certainement avoir sur place des fonctionnements sous forme de tribus, les
Chinois voient pour leur part directement un être qui est politique et qui
s’adresse à leur peuple.
2.
L’espace politique
L’espace politique
dans la légende est perçu comme carré et bordé de toutes parts de 4 mers. Une des images pour représenter
l’espace était la tortue (base de carapace à peu près carrée, courbe sur le
haut). On parle plus souvent de l’Empire
du Milieu, il est au centre de l’espace habité par les hommes. Il y a alors
dans cette tradition chinoise, une confusion entre le monde et la Chine.
C’est donc pour ça qu’il y a une version de Yu le Grand avec un déluge des mers
d’une part et une crue du fleuve Jaune d’autre part. Par ailleurs, cela induit la conception que les Chinois ont de leurs
voisins, ceux-ci sont moins importants. Si le pays est devenu l’Empire du
Milieu, c’est que le domaine royal est au centre de grands États feudataires
qui l’encadrent de toutes parts. Evidemment, face à ses grands États
concurrents, le domaine royal fut vite menacé, mais il est resté un certain
temps au centre de ce conglomérat.
Les premières
vraies dynasties sont bordées de grands États : le Shu de la province du Sichuan avec pour
capitale Chengdu ; le Chu ; des États guerriers au Sud plein de la
Chine ; l’État de Dian ensuite phagocyté par l’État de Han ; … Celui qui gagnera la mise est l’État de Qin, très militarisé dont les dirigeants ont
développé une immense armée avant de défaire l’État royal. Dés le début, la
Chine est dans une logique de révoltes et de renversements. Cela se confirmera
par la suite.
Certains voisins
sont plus lointains :
les peuples du Nord, nomades et organisés en tribus ; les gens du Sud, le
futur Vietnam mal organisé dans un système ??? et les gens de l’Ouest
qui seront les futurs Musulmans de Chine. Très vite entrés en relation avec les
empereurs chinois en leur prêtant allégeance, ils restent pour les Chinois des sous peuples feudataires. Cette
relation est fragile et des heurts et affrontements auront lieu régulièrement.
La Chine occulte
totalement le reste de la planète, elle est au centre du monde et le reste ce
sont des barbares périphériques de plus en plus barbares au fur et à mesure
qu’on s’éloigne du centre. Seule exception, la région du Tibet aussi civilisée que le centre
pour des causes religieuses. Souvent le
niveau de civilisation est le même entre le centre et les périphéries. En
revanche, les souverains chinois ont été les seuls à posséder des outils de
domination sur les contrées périphériques. Rien ne prévoyait que la Chine
deviendrait ce qu’elle est. Il a fallut beaucoup d’intelligence pour passer de
ces petits États à ce grand royaume.
3.
La théorie du mandat céleste (tianming : le commandement
venant du ciel)
A partir du XII° siècle avant JC, émerge la théorie du mandat
céleste. C’est sous la plume de la dynastie régnante alors en place : les Zhou.
Le souverain serait le fils du Ciel donc il fait l’intermédiaire entre le Ciel
et la terre. Il a pour but de maintenir le monde en paix et faire régner sur
eux la paix. Il maintient ainsi l’ordre cosmique. Cette théorie a servi dés son
apparition pour la dynastie qui renversait la précédente. C’est un discours
politique qui a justifié la rébellion des Zhou contre les
Shang. Ils étaient chargés par une entité supérieure d’envahir leur
ennemi. C’est une théorie assez
primitive voire chamanique. Le pouvoir serait d’essence chamanique, celui qui
tient le pouvoir l’a d’un mandat céleste.
Cela se complète au
fil des années et des siècles et amène la notion de bon gouvernement. Dans
cette théorie, le Ciel donne ou retire à une lignée son pouvoir et sa mission
de gouverner. Si
un empereur vivait dans la débauche, alors comme cela perturberait l’ordre du
monde, il en perdrait son mandat céleste. En revanche, s’il y a des tempêtes,
des famines, des inondations, … Tout cela sont des signes du Ciel que le souverain a perdu son pouvoir céleste.
C’est une
conception à la fois fataliste mais aussi cyclique (un souverain monte en
efficacité puis sous la corruption redescend). Cela était une théorie
explicative qui avait lieu historiquement dans les élèves de la Chine
médiévale : un changement de dynastie est lié au retrait d’un pouvoir
céleste au profit d’une nouvelle dynastie. Ainsi, on a des cycles dans le
pouvoir avec des signes qui annonce son déclin, une forme de fatalisme
inévitable demeure dans cette théorie.
En conséquence, les
rituels qui accompagnaient ce mandat céleste se transmettent de dynasties en
dynasties. Ces rituels doivent maintenir l’équilibre du monde et la paix dans
l’Empire.
Chaque
printemps, l’empereur sortait de son palais muni d’un araire et fendait un
premier sillon dans le sol. Ce rituel très festif était censé représenté la
fertilisation de la terre, l’ouverture de la saison agricole. Il prônait l’espoir
d’une bonne récolte.
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