dimanche 14 octobre 2012

Sociologie politique 09 - 10 (cours 3)

 Les ensembles régionaux en septembre 2010
Illisible ?



Les organisations régionales


I.                   Les « logiques » de la « régionalisation politique »

1.      Une reconfiguration des relations internationales

Pour Carl Deutsch, une organisation régionale demande certaines caractéristiques. En premier lieu, il doit y avoir des institutions, non pas des occasions de réunions (comme les forums ou les sommets), mais des organes institutionnels. Au cœur de ces régions, on trouve une volonté de paix. Pour Haas, il s’agit d’unités politiques où l’on évite constamment les situations de guerres entre les membres. En cas de conflits on a plutôt recours à des institutions pour calmer le jeu.

Certains auteurs américains estiment que ces organisations peuvent être des zones qualifiées d’îlots de paix. Cela veut dire que pour des auteurs américains, la région sait s’organiser elle-même pour éviter les débordements guerriers. L’organisation assure donc une sécurité supplémentaire ce qui évite des conflits (comme la Grèce et la Turquie). Un autre exemple est la Communauté Économique Des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), association d’Afrique de l’Ouest qui est un îlot de paix relatif ayant créé ses institutions et qui est intervenu sous l’uniforme CEDEAO dans certains conflits. Ainsi les anciennes puissances coloniales et l’ONU, n’ont pas eu à intervenir au Libéria et en Sierra-Leone puisque la CEDEAO s’en est occupée. En revanche, pour la Côte d’Ivoire, CEDEAO, ONU et UE sont intervenues dans des organisations mixtes. Idem pour le Mali en ce moment. En quelques sortes, on délègue la mission de la paix à cette échelle d’organisation régionale.
Dans certains cas, on constate que l’intervention reconfigure les relations internationales comme au Mali. C’est aussi une reconfiguration potentielle puisque que certaines régions n’ont pas d’organisations suffisamment construites pour agir. C’est le cas de la Ligue des États Arabes (LEA) qui n’intervient pas dans les affaires des Révolutions arabes. Il n’y a pas une organisation qui puisse intervenir en allié de l’ONU qui est souvent bloquée. L’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) elle aussi n’est pas un acteur qui reconfigure les relations internationales puisqu’elle se contente de sommets et de forums, sans aucune véritable institutionnalisation.

La théorie du spill-over (incrémentalisme) présume qu’en donnant un tout petit peu de pouvoir à une organisation régionale, celle-ci va tout de suite se pacifier et ainsi augmenter son pouvoir. Il existe deux spill-over : le spill-over fonctionnel et le spill-over territorial. Par exemple, pour le premier, il faut imaginer l’UE qui réfléchit à l’organisation et le partage de la pêche. Elle définit les limites des zones puis décide de déterminer les conditions de nutrition des poissons, du coup, elle se lance sur la question alimentaire puis sanitaire, … Il y a un engrenage qui fait qu’en traitant pacifiquement certaines questions, cela accroit le fonctionnement de l’UE. On augmente par petites touches les prérogatives de l’UE. Le second spill-over, le territorial, est similaire, on agit par incrémentalisme et ajout de nouveaux États car ceux-ci existe toujours dans la régionalisation. Ainsi l’UE a bien fonctionné en général passant de 6 membres à 28 membres sans que ceux-ci se sentent menacer dans leur autonomie.

2.      Panorama

Sur le plan économique, on a de nombreux blocs économiques régionaux, pas forcément une organisation régionale. Ainsi, l’UE est le principal bloc économique du monde, mais aussi une organisation régionale. Les autres blocs économiques sont les USA, la Chine, le Japon, le Royaume-Uni, la France, … Dans les cas suivant, on a donc des États qui sont des blocs économiques.

On trouve aussi comme autre organisation régionale : l’ASEAN (Association of Southern Eastern Asia Nations) proche de l’UE qui regroupe plusieurs États en son sein. La SAARC (South Asian Association for Regional Cooperation), la SADC (Southern African Development Community) et le CCG (Conseil de Coopération du Golfe) sont des groupements d’États sur le plan économique avec un État qui prédomine sur les autres. Ainsi la SAARC est centrée sur l’Inde et les pays alentours sont inégaux face à l’Inde (elle gère les crises des Maldives par exemple), la SADC est centrée sur l’Afrique du Sud en dépit d’autres pays d’Afrique Australe (elle gère le cas du Zimbabwe à travers cette organisation), le CCG est pour sa part centrée sur l’Arabie Saoudite et touche la péninsule arabique, mais son fonctionnement est assez effectif (le Yémen et le Bahreïn qui ont connu récemment des Révolutions virent le CCG intervenir dans leurs affaires).
Les autres organisations bien que liés par des proximités géographiques, sont davantage restreintes à des interventions économiques : MERCOSUR (MERcado COmún del SUR) pour l’Amérique du Sud, ALÉNA (Accord de Libre Échange Nord Américain) ou CARICOM (CARIbbean COMmunity).


II.                Deux organisations régionales efficaces

1.      L’Union Européenne

Cette organisation régionale importante fut beaucoup analysée d’un point de vue des relations internationales par les chercheurs américains. Ce n’est pas une organisation supranationale mais une entité hybride qui bénéficie d’un transfert de souveraineté mais qui laisse aussi une grande marche de souveraineté aux États membres. C’est donc semi-intégré. Pour Keohane et Hoffmann, c’est un réseau de partage et de mise en commun de la souveraineté.
Du coup, tout se joue sur l’unanimité pour les questions internationales importantes, en particulier les transferts de souveraineté. Ainsi en 2003, l’UE s’est divisée sur la question de l’aide aux USA en Irak. En conséquence, sur le plan géopolitique, l’UE peut être perçu comme un nain. Depuis le traité de Lisbonne, on a une représentante officielle de l’UE dans les affaires internationales avec Mme. Ashton, mais cela reste encore délicat. Son caractère hybride bloque encore pas mal l’UE dans sa portée politique. Par exemple, la République du Kosovo, État d’Europe de l’Est, l’UE n’arrive pas à avoir de politique concrète.

Enfin, Andy Moravcsik a pour sa part perçu dans l’UE, une diplomatie à double tranchant. D’une part elle doit défendre les intérêts de l’UE comme organisation régionale. D’autre part, elle doit défendre les intérêts, parfois divergents, des pays membres. Cela est donc souvent gênant. Mais à ses yeux, sur le long terme, l’UE augmente la marge de manœuvre des États. Ainsi pour un petit pays qui n’a pas beaucoup d’ambassades, comme la Slovénie, cela leur permet de voir leur opinion représentée par l’UE dans les relations internationales. Pour les grands pays, comme la France, cela leur permet de donner leur avis et de suivre ce qui se passe plus clairement au travers de l’UE, calmant parfois les tensions entre les États. Chacun y trouve son compte.

2.      Le MERcado COmún del SUR

Avec le marché commun de 1986 en Europe, quelques pays d’Amérique du Sud décide de fonder le MERCOSUR. Cela débute avec le Brésil et l’Argentine qui on des intérêts économiques mais des divisions et des tensions politiques gênantes. Le 26 mars 1991, le traité d’Asunción (au Paraguay) va lier 4 États entre eux : République du Paraguay, la République fédérative du Brésil, la République d’Argentine et la République orientale de l’Uruguay. On trouve au sein de cette organisation les États partis (qui sont les États fondateurs) et les États associés (Chili, Bolivie, Pérou, Colombie, Équateur). En juillet 2012, petite révolution dans le MERCOSUR, un cinquième membre est devenu État membre, le Vénézuela.
Si l’on regarde les États associés du MERCOSUR, on constate qu’il y a toute l’Amérique du Sud dans le MERCOSUR (sauf les trois Guyanes). Rajoutons enfin le Mexique qui est membre observateur au sein du MERCOSUR.

Le fonctionnement est similaire à celui de l’UE. Le spill-over est aussi assez proche avec des sujets comme la coopération scientifique, le commerce, l’industrie, la lutte contre la drogue, … On trouve des Conseils des ministres sur plusieurs sujets (éducation, mines, environnement, industries, …).

Parmi les problèmes détectables, on peut distinguer : une intégration moindre dans le MERCOSUR, l’inégalité entre États membres et États associés, la non-ouverture de toutes les frontières, la centralité brésilienne, …
On a plutôt des gouvernements sociaux démocrates avec des présidents et des présidentes plutôt médiatisés en Europe. Du coup, cela favorise quelque peu les relations. En revanche, le MERCOSUR fait un saut dans l’inconnu en faisant du Venezuela chaviste un État membre (en lourdant le Paraguay) puisque c’est un État particulier, aux alliés particuliers (Cuba, …). Enfin que va faire le MERCOSUR vis-à-vis des autres États d’Amérique Latine  avec l’intégration comme membre observateur du Mexique ? Et plus encore, que faire quand les USA se manifesteront ? Pour le moment le MERCOSUR est plutôt indépendant des USA mais cela va-t-il évoluer ?


Dans cette régionalisation du système international, on voit de véritables évolutions et des changements dans cette sphère (Vénézuela en 2012 comme État membre du MERCOSUR, Croatie, ancien État balkanique qui rejoint l’UE, …). On voit une hausse des États membres dans ces organisations régionales puisque cela donne à plusieurs égards des atouts aux pays. Les petits pays peuvent se faire entendre par ces organisations régionales, les grands États profitent de ces organisations régionales pour transformer leur puissance économique en puissance politique. Dans les relations internationales, on voit donc un fonctionnement à trois niveaux principaux : États, organisations régionales et ONU.
Cela aboutit enfin à un effet d’entraînement, les organisations encore peu abouties vont-elles se structurer à la manière de l’UE ? C’est à voir.

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