Les ensembles régionaux en septembre 2010
Illisible ?
Les
organisations régionales
I.
Les
« logiques » de la « régionalisation politique »
1.
Une reconfiguration des relations internationales
Pour Carl Deutsch, une organisation régionale demande
certaines caractéristiques. En premier lieu, il doit y avoir des institutions, non pas des occasions de
réunions (comme les forums ou les sommets), mais des organes institutionnels. Au cœur de ces régions, on trouve une
volonté de paix. Pour Haas, il s’agit
d’unités politiques où l’on évite constamment les situations de guerres
entre les membres. En cas de conflits on a plutôt recours à des
institutions pour calmer le jeu.
Certains auteurs
américains estiment que ces organisations peuvent être des zones qualifiées
d’îlots de paix.
Cela veut dire que pour des auteurs
américains, la région sait s’organiser elle-même pour éviter les débordements
guerriers. L’organisation assure donc une sécurité supplémentaire ce qui
évite des conflits (comme la Grèce et la Turquie). Un autre exemple est la Communauté Économique Des États d’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO), association d’Afrique de l’Ouest
qui est un îlot de paix relatif ayant créé ses institutions et qui est
intervenu sous l’uniforme CEDEAO dans certains conflits. Ainsi les anciennes
puissances coloniales et l’ONU, n’ont pas eu à intervenir au Libéria et en
Sierra-Leone puisque la CEDEAO s’en est occupée. En revanche, pour la Côte
d’Ivoire, CEDEAO, ONU et UE sont intervenues dans des organisations mixtes.
Idem pour le Mali en ce moment. En
quelques sortes, on délègue la mission de la paix à cette échelle
d’organisation régionale.
Dans certains cas,
on constate que l’intervention reconfigure les relations internationales comme au Mali. C’est aussi une reconfiguration
potentielle puisque que certaines régions n’ont pas d’organisations
suffisamment construites pour agir. C’est le cas de la Ligue
des États Arabes (LEA) qui n’intervient
pas dans les affaires des Révolutions arabes. Il n’y a pas une organisation qui
puisse intervenir en allié de l’ONU qui est souvent bloquée. L’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) elle aussi n’est pas un acteur qui
reconfigure les relations internationales puisqu’elle se contente de sommets et
de forums, sans aucune véritable institutionnalisation.
La théorie du spill-over (incrémentalisme) présume
qu’en donnant un tout petit peu de pouvoir à une organisation régionale,
celle-ci va tout de suite se pacifier et ainsi augmenter son pouvoir. Il existe
deux spill-over : le spill-over fonctionnel et le spill-over territorial. Par exemple, pour le premier, il
faut imaginer l’UE qui réfléchit à l’organisation et le partage de la pêche.
Elle définit les limites des zones puis décide de déterminer les conditions de
nutrition des poissons, du coup, elle se lance sur la question alimentaire puis
sanitaire, … Il y a un engrenage qui fait qu’en traitant pacifiquement
certaines questions, cela accroit le fonctionnement de l’UE. On augmente par
petites touches les prérogatives de l’UE. Le second spill-over, le territorial, est similaire, on agit par
incrémentalisme et ajout de nouveaux États car ceux-ci existe toujours dans la
régionalisation. Ainsi l’UE a bien fonctionné en général passant de 6 membres à
28 membres sans que ceux-ci se sentent menacer dans leur autonomie.
2.
Panorama
Sur le plan
économique, on a de nombreux blocs économiques régionaux, pas forcément une
organisation régionale. Ainsi, l’UE est le principal bloc économique du monde,
mais aussi une organisation régionale.
Les autres blocs économiques sont les USA, la Chine, le Japon, le Royaume-Uni,
la France, … Dans les cas suivant, on a donc des États qui sont des blocs
économiques.
On trouve aussi
comme autre organisation régionale : l’ASEAN (Association
of Southern Eastern Asia Nations) proche de l’UE qui regroupe plusieurs États
en son sein. La SAARC
(South Asian Association for Regional Cooperation),
la SADC
(Southern African Development Community) et le CCG
(Conseil de Coopération du Golfe) sont des groupements d’États sur le plan
économique avec un État qui prédomine sur les autres. Ainsi la SAARC est
centrée sur l’Inde et les pays alentours sont inégaux face à l’Inde (elle gère
les crises des Maldives par exemple), la SADC est centrée sur l’Afrique du Sud
en dépit d’autres pays d’Afrique Australe (elle gère le cas du Zimbabwe à
travers cette organisation), le CCG est pour sa part centrée sur l’Arabie
Saoudite et touche la péninsule arabique, mais son fonctionnement est assez
effectif (le Yémen et le Bahreïn qui ont connu récemment des Révolutions virent
le CCG intervenir dans leurs affaires).
Les autres
organisations bien que liés par des proximités géographiques, sont davantage
restreintes à des interventions économiques : MERCOSUR (MERcado
COmún del SUR) pour l’Amérique du Sud, ALÉNA (Accord
de Libre Échange Nord Américain) ou
CARICOM (CARIbbean
COMmunity).
II.
Deux organisations
régionales efficaces
1.
L’Union Européenne
Cette
organisation régionale importante fut beaucoup analysée d’un point de vue des
relations internationales par les chercheurs américains. Ce n’est pas une organisation supranationale mais une entité hybride
qui bénéficie d’un transfert de souveraineté mais qui laisse aussi une grande
marche de souveraineté aux États membres. C’est donc semi-intégré. Pour Keohane et Hoffmann,
c’est un réseau de partage et de mise en commun de la souveraineté.
Du coup, tout se
joue sur l’unanimité pour les questions internationales importantes, en
particulier les transferts de souveraineté. Ainsi en 2003, l’UE s’est divisée sur la question
de l’aide aux USA en Irak. En conséquence, sur le plan géopolitique, l’UE peut
être perçu comme un nain. Depuis le traité de Lisbonne, on a une représentante
officielle de l’UE dans les affaires internationales avec Mme. Ashton, mais
cela reste encore délicat. Son caractère
hybride bloque encore pas mal l’UE dans sa portée politique. Par exemple,
la République du Kosovo, État d’Europe de l’Est, l’UE n’arrive pas à avoir de
politique concrète.
Enfin, Andy Moravcsik a pour sa part perçu dans l’UE, une
diplomatie à double tranchant. D’une part elle doit défendre les intérêts de
l’UE comme organisation régionale. D’autre part, elle doit défendre les
intérêts, parfois divergents, des pays membres. Cela est donc souvent gênant.
Mais à ses yeux, sur le long terme, l’UE augmente la marge de manœuvre des États. Ainsi pour un petit pays qui n’a
pas beaucoup d’ambassades, comme la Slovénie, cela leur permet de voir leur
opinion représentée par l’UE dans les relations internationales. Pour les
grands pays, comme la France, cela leur permet de donner leur avis et de suivre
ce qui se passe plus clairement au travers de l’UE, calmant parfois les
tensions entre les États. Chacun y trouve son compte.
2.
Le MERcado COmún del SUR
Avec
le marché commun de 1986 en Europe, quelques pays d’Amérique du Sud décide de
fonder le MERCOSUR. Cela débute avec le
Brésil et l’Argentine qui on des intérêts économiques mais des divisions et des
tensions politiques gênantes. Le 26 mars 1991,
le traité d’Asunción (au Paraguay) va
lier 4 États entre eux : République du Paraguay, la République fédérative
du Brésil, la République d’Argentine et la République orientale de l’Uruguay.
On trouve au sein de cette organisation
les États partis (qui sont les États fondateurs) et les États associés (Chili, Bolivie, Pérou, Colombie, Équateur).
En juillet 2012, petite révolution dans le MERCOSUR, un cinquième membre est
devenu État membre, le Vénézuela.
Si
l’on regarde les États associés du MERCOSUR, on constate qu’il y a toute
l’Amérique du Sud dans le MERCOSUR (sauf les trois Guyanes). Rajoutons enfin le
Mexique qui est membre observateur au sein du MERCOSUR.
Le fonctionnement
est similaire à celui de l’UE. Le spill-over
est aussi assez proche
avec des sujets comme la coopération scientifique, le commerce, l’industrie, la
lutte contre la drogue, … On trouve des Conseils des ministres sur plusieurs
sujets (éducation, mines, environnement, industries, …).
Parmi les problèmes
détectables, on peut distinguer : une intégration moindre dans le
MERCOSUR, l’inégalité entre États membres et États associés, la non-ouverture
de toutes les frontières, la centralité brésilienne, …
On
a plutôt des gouvernements sociaux démocrates avec des présidents et des
présidentes plutôt médiatisés en Europe. Du coup, cela favorise quelque peu les
relations. En revanche, le MERCOSUR fait un saut dans l’inconnu en faisant du
Venezuela chaviste un État membre (en lourdant le Paraguay) puisque c’est un État
particulier, aux alliés particuliers (Cuba, …). Enfin que va faire le MERCOSUR
vis-à-vis des autres États d’Amérique Latine
avec l’intégration comme membre observateur du Mexique ? Et plus
encore, que faire quand les USA se manifesteront ? Pour le moment le
MERCOSUR est plutôt indépendant des USA mais cela va-t-il évoluer ?
Dans cette
régionalisation du système international, on voit de véritables évolutions et
des changements dans cette sphère
(Vénézuela en 2012 comme État membre du MERCOSUR, Croatie, ancien État
balkanique qui rejoint l’UE, …). On voit une hausse des États membres dans
ces organisations régionales puisque cela donne à plusieurs égards des atouts
aux pays. Les petits pays peuvent se faire entendre par ces organisations
régionales, les grands États profitent de ces organisations régionales pour
transformer leur puissance économique en puissance politique. Dans les
relations internationales, on voit donc un fonctionnement à trois niveaux
principaux : États, organisations régionales et ONU.
Cela
aboutit enfin à un effet d’entraînement, les organisations encore peu abouties
vont-elles se structurer à la manière de l’UE ? C’est à voir.
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