mardi 23 octobre 2012

Grandes puissances 19 - 10 (cours 7)

Choisissez votre doctrine Monroe



Un ensemble d’institutions internationales donnent un cadre juridique aux USA pour leurs agissements sur le plan international. Il y a aussi un cadre d’intervention des USA puisque le droit américain peut prendre le dessus sur d’autres droits nationaux. La domination militaire américaine n’est pas exempte de limites même si aucun pays ne peut se référer à eux. La domination culturelle et idéologique comprend la domination charismatique sous un certain aspect. Ainsi le cinéma, les doctrines idéologiques, … sont bien exportées dans le monde. Le discours sur la question de la démocratie a prévalu.
On ne peut donc pas limiter la prédominance américaine à un seul aspect comme l’écrit Mann.

Finalement, cela est le produit d’un certain nombre d’aspects de la culture américaine du XIX° siècle et qui est appliqué surtout au XX° siècle. Mais cet empire reste tout de même inachevé pour de nombreux auteurs. Certains pensent que les USA ont atteints leurs limites hégémoniques, d’autres jugent qu’elles peuvent encore croître.
Cette hégémonie s’est retrouvée il y a 10 ans dans la doctrine de la guerre juste reprise par les gouvernants américains, bien qu’elle fut réduite et amendée jusqu’au mandat de d’Obama qui ne refuse pas l’expression de guerre juste mais n’en abuse pas autant que son prédécesseur. Depuis au moins la Seconde Guerre Mondiale, la politique étrangère américaine ne change pas radicalement lors du passage d’un occupant à un autre dans la Maison Blanche.
Quels sont les traits de la politique étrangère américaine depuis leur création ?


II.                   L’Empire inachevé

L’hégémonie structurelle des USA est née progressivement car elle n’était pas dans les gènes politiques de ce pays. Quand et comment les USA se sont-ils mis à intervenir ? Peut-on discerner une doctrine d’intervention cohérente, unique et durable, qui définirait toutes les interventions depuis le début du XX° siècle ?
Selon Aron, le risque est de tomber dans l’illusion rétrospective de fatalité en étudiant cela.

Il n’y a pas de conception unique et cohérente de la politique étrangère des USA au long du XX° siècle. Edouard Luttwak avait d’ailleurs écrit Pour une politique étrangère américaine incohérente, dans lequel il constate qu’il n’y a pas de cohérence en politique extérieure, ce qui était un bienfait puisque les gouvernants vaincus ne voyaient pas leur politique être prolongée. De plus les doctrines évoluent sans arrêt et il faut s’adapter.
La culture de la politique étrangère pour les Américains débute avec un message d’adieu de George Washington qui met en garde ses compatriotes en 1796 contre les « engagements enchaînant ». Cette mise ne garde du second Président américain durera jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. Washington n’invente pas sa position, elle s’explique par le fait que la nouvelle démocratie américaine se fonde sur le rejet de la politique européenne de guerre permanente qui n’était jamais résolue ainsi que d’un certain nombre de système politique dont les USA voulaient s’éloigner. La guerre d’indépendance des colons américains est une guerre étrangère, ils se battent contre les Anglais. Jusqu’alors, en Amérique, on a eu des luttes de créoles contre les élites purement espagnoles. Cela explique en partie les destins différents entre l’Amérique du Nord et l’Amérique Latine.

Les USA déclarent leur indépendance en 1776 dans une déclaration rédigée par Thomas Jefferson. Cette indépendance est déclarée suite à un conflit financier, entre autres. Leur entrée en guerre révolutionnaire se fait sur la possibilité d’une nouvelle histoire. Ils se fondent sur une relative utopie. L’utopie vient de « atopos » qui signifie « d’aucun lieu ». L’utopie n’est pas forcément radieuse, c’est justement pour ça qu’il y a des institutions dans ces utopies. Pour les Américains, c’est réaliser quelque chose que personne ne s’est encore donné les moyens de réaliser. Ils vont alors se retrouver en but contre plusieurs risques au premier rang duquel, la menace européenne.
Ainsi l’ouvrage Le fédéraliste est écrit pour appuyer la constitution en cours d’élaboration. Cet ouvrage donne des raisons de politique étrangère à l’adoption de la nouvelle constitution. Certains sont contre l’union fédérale qui renforce le pouvoir central, d’autres au contraire sont pour, ces derniers sont prénommés les Fédéralistes. Ces Fédéralistes sont bien préparés et ils ont quelques porte-paroles très doués pour faire valoir leur opinion (Jay, Madison et Hamilton surtout). Les Antifédéralistes ont beaucoup plus de plumes. Pourtant ce livre Le fédéraliste reste une référence dans la politique américaine.
Dans cet ouvrage, l’article 3 parle déjà de politique extérieure. Il faut prévoir une cohérence des treize États pour pouvoir se défendre des nations étrangères (sous-entendu, des Européens). L’argument central de cet article est le danger que représentent ces nations étrangères. L’article 6 (de Hamilton) donne un argument pour unir les treize États. Les Américains ne se jugent pas supérieurs aux autres individus, mais ils estiment que sans union des treize colonies, la présence de ces États les uns à coté des autres, cela risque, par comparaison historique, de finir par des guerres entre eux. Les Américains cherchent un groupement politique qui réduirait ces risques. Il faut trouver une forme politique qui limite les risques de conflits et confère une certaine possibilité de puissance contre les risques d’incursions et d’attaques de la part des Européens. Notre bonne nature n’est pas suffisante. Il faut, à défaut d’être réellement puissant, projeter une image de puissance. L’image que donnent les USA est de nouveau un élément central dans la politique étatsunienne.

Dans la politique étrangère des USA, un épisode important va révéler et confirmer, les éléments de la culture politique américaine. C’est l’épisode de la doctrine Monroe. Les USA du fait de leur guerre d’indépendance et de leur passé esclavagiste, refusent toute politique colonialiste. Ils sont foncièrement anticolonialistes. Cette doctrine Monroe est un discours du président Monroe en décembre 1823 qu’il fait dans un contexte de tensions avec certains États européens. Il s’agit en 1822 de reconnaître l’indépendance de certains pays d’ibéro-Amérique (Chili, Pérou, Colombie et Mexique). Cependant en 1823, la France et l’Espagne, soutenus par la Sainte Alliance (Russie, Prusse et Autriche), tentent de réinstaller les Bourbons en Amérique hispanique. La Grande-Bretagne est alors en train de s’affirmer comme l’alliée principale des USA. Elle va donc offrir aux USA ses services, pour éviter la réalisation du projet de rétablissement des Bourbons à la tête de l’Amérique hispanique. La Grande-Bretagne offre concrètement des moyens militaires dont les colons américains sont dépourvus. Elle aurait aussi aidée à la rédaction du discours du Président Monroe (mais cela reste à vérifier, le prof à un léger doute). Ce discours est très prudent, il n’y a aucune menace dans les propos de Monroe. Au cas où, la Grande-Bretagne à une armée offensive et guerrière si jamais le besoin s’en fait sentir. Adams, le secrétaire d’État américain, a rédigé ce discours très prudent.
Monroe affirme dans son discours une séparation nette des USA avec l’Europe continentale. Quelques années plus tard, Tocqueville vient étudier les USA. L’un des éléments de compréhension de la culture politique américaine est qu’elle a substitué l’énergie du travail à l’énergie guerrière. La valeur prépondérante est le travail, non la guerre qui est redoutée des USA.
Monroe fait aussi dans son discours une remarque de bon sens. Il y a proximité géographique ainsi qu’une expérience émancipatrice commune entre les USA et l’Amérique hispanique. De plus, il y a une proximité politique selon lui avec des républiques en Amérique et des monarchies en Europe.
Monroe fixe alors le principe de non-interférence des Américains. Le raisonnement est fondamentalement anticolonialiste car les USA n’ont pas d’armée permanente et n’en envisagent pas avant 1880. En cela, la doctrine Monroe reste une déclaration de principe puisque la sécurité des USA est assurée par la flotte britannique. La solidarité entre les USA et l’Amérique hispanique est primordiale.
Ce discours fut salué avec enthousiasme par la plupart des élites ibéro-américaines. Le vice-président de la grande Colombie, Santander, en particulier soutint cette thèse. Bolivar en revanche émet des doutes sur l’avis de son vice-président. Ces doutes viennent du fait que selon lui, l’Empire du moment est la Grande-Bretagne, les USA n’ont aucun véritables pouvoir et donc dont il faut se méfier.
La doctrine générale qui continue d’être donnée par les Américains selon ??? c’est que la doctrine Monroe ouvre la carrière au panaméricanisme, ce qu’a raté à Bolivar qui voulait une unification sur le plan juridique. Sans que le mot soit prononcé, le panaméricanisme ne prendra vraiment corps qu’en 1880, on a tout de même une ébauche de cette idée qui était fondée sur la volonté de subversion du droit dominant, le droit des gens européens. Le panaméricanisme a donc une esquisse dans la doctrine Monroe. Il y a une remise en cause de la configuration pratique du droit des gens Européens.

Le panaméricanisme est signé en 1889 entre plusieurs pays américains. Cela repose sur de nombreux accords commerciaux au départ. Ce n’est qu’en 1910 qu’est créée l’Union Panaméricaine. Le panaméricanisme c’est aussi l’époque où les Américains voient se forger dans leurs esprits une certaine capacité extérieure d’intervention. De là plusieurs tendances se détachent : des interventionnistes, des réfractaires, … Richard Olney intervient dans un différent frontalier entre le Venezuela et le continent Sud et se positionne comme interventionniste.

Depuis ces années 1880, on a deux moments importants : la Guerre de Sécession et la Première Guerre Mondiale. La Guerre de Sécession, dite Civil War, lorsqu’elle s’achève permet d’achever l’union des États. Elle achève aussi la scission entre les Fédéralistes et les Sudistes opposé à un renforcement du pouvoir fédéral. La dispute entre les deux tournera notamment autour de la question de l’esclavage. Un esclave qui quitte un État esclavagiste et se réfugie dans un État abolitionniste, devient un homme libre. Or les États Sudistes sont esclavagistes et le fait qu’on ne leur rende pas leurs esclaves est perçu comme une violation de la propriété privée.
De plus, il y avait à cette époque (vers 1830) un Président très centralisateur avec une théorie de la nullification, une  loi produite par le Congrès des USA peut être refusée d’application dans un État. Un État fédéré peut refuser d’appliquer une loi venu de l’État fédéral.
Tocqueville constate la tension politique profonde entre les deux tendances. Il constate aussi une société du Nord industrielle et une société du Sud paysanne, il voit les soucis de la question noire qui est en conflit complet avec les principes démocratiques et libéraux. D’où il en conclu que ces deux sociétés par toutes leurs différences ne pouvaient vivre ensemble indéfiniment. Elles vont forcément finir par se mettre sur la gueule.
Du coup, il pense à ce moment là qu’il faut rapidement installer une armée américaine permanente. Beaucoup d’Américains sont contre car ils ont horreur de la guerre. Malgré tout, on a une synergie dans les deux tendances puisque le marin Calhoun va instaurer une marine internationale permanente comme outil de démocratie même en période de paix. Cette armée navale doit montrer aux autres pays que les Américains  ont des capacités d’intervention même s’ils n’aiment pas ça. Leur première intervention se fera contre les Espagnols de l’époque, à Cuba et dans les Philippines. Ce conflit noue des relations particulières entre Cuba et les USA, entre les Caraïbes et les USA. C’est le début d’une arrière-cour des USA que vont devenir les Caraïbes.

La montée progressive des USA est traduite par les propos du Président Théodore Roosevelt au début du XX° siècle. Ce discours qu’il appelle le corollaire Roosevelt à la doctrine Monroe, insiste sur la nécessité d’ériger une marine de guerre digne de ce nom, armée navale qui pourrait intervenir partout. Il reprend donc les réflexions des Fédéralistes sur la sécurité en considérant que l’intérêt international américain et la sécurité des USA dépendent de la sécurité mondiale, qui elle-même dépend des Américains. Les USA se donnent donc le droit d’intervenir où ils veulent, quand ils veulent. A partir de ce moment, avec des aléas importants, on va assister au XX° siècle à un interventionnisme isolationniste. Ces idées et ces expressions sont fallacieuses, ce serait plutôt une dialectique du retrait de l’engagement. Les situations tantôt interventionnistes, tantôt isolationnistes dépendent en réalité surtout des circonstances.
Les USA conservent en ce début de XX° siècle, et malgré l’édification d’une armée digne de ce nom, une forte réticence à la guerre et se souviennent encore de l’injonction de Washington de ne pas entrer dans des alliances enchaînantes. On le constatera avec le temps qu’ils mettent à entrer en guerre lors des deux guerres mondiales. S’ils sont pour la victoire des démocraties sur les despotismes, ils ne se sentent en revanche pas responsables de ces conflits dans lesquels ils se voient mal intervenir. De plus, une fois qu’ils entrent en guerre ils mettent quasiment toute l’économie au service de la guerre, tout comme les autres pays entrant en guerre. C’est l’économie de guerre qui renforce le pouvoir central. De plus, cette guerre totale, cette mise au service de leur énergie physique et morale vient aussi d’une explication que Tocqueville avait déjà perçue. Cette mobilisation complète des énergies tient non seulement au contexte mais aussi à cause de cette valeur du travail si chère aux Américains doublée de la dévalorisation de la guerre. Le travail vous permet de vous accomplir, pas la guerre. Cette énergie laborieuse sera entièrement placée dans l’effort de guerre et ils ne l’arrêteront qu’à la fin de la guerre. Ainsi au XX° siècle, il n’y aura plus de  négociations de paix, le vaincu va devoir accepter les décisions de son interlocuteur victorieux.
Les USA alternent donc entre ces deux pôles le hard power et les institutions internationales. Avec Woodrow Wilson, on aura pour la première fois l’expression des deux pôles. Les USA vont commencer à instaurer des institutions de rapports internationaux politiques comme la Société Des Nations (SDN). Ces institutions leur permettent de s’engager vers l’extérieur. Cette idée d’interventionnisme commence à faire son chemin. Mais le Sénat américain ne ratifiant pas le traité de Versailles, les USA auront crée la SDN mais n’y entreront pas.

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