Lui et sa guerre sous-marine à outrance ...
Aaron avait insisté sur la dimension ethnique. Charles de
Gaulle dans les années 1920 avait écrit La discorde chez l’ennemi où il étudiait les raisons selon
lesquelles les Allemands avaient échoué au cours de la guerre de 1914 en dépit
de leur supériorité militaire. Il souligne le problème de la guerre sous-marine
à outrance. Mais De Gaulle parle moins de l’aspect technique, que de l’aspect
moral. Selon lui, la guerre sous-marine à outrance a traduit des défauts
spirituels chez les Allemands, une démesure venue d’une philosophie
nietzchéenne des Allemands. En cela, il diffère nettement d’Aaron dans son
interprétation. Mais les deux points de vue sont largement complémentaires si
ce n’est qu’il ne faut pas porter l’accent sur le même phénomène. Tout deux
qualifient une démesure allemande. Il y a tout de même une complémentarité
entre la passion et la technique qui poussèrent les Allemands à la démesure.
Les questions
d’Aaron vont au-delà de la guerre de 1914 et de la guerre en général. On peut
reprendre ces analyses en se demandant si la technique entraîne nécessairement
les activités humaines ?
Les hommes font-ils nécessairement ce que la technique leur permet de
faire ? Les hommes finissent-ils par vouloir faire ce qu’ils peuvent
faire ? Cela touche aux manipulations génétiques comme aux armements.
L’expérience ne permet pas exactement de trancher de manière absolue. L’arme atomique fut utilisée à son
apparition mais ensuite ne fut plus utilisée par la suite après les entérinements
des traités nucléaires. Il y a donc une arme à la puissance démesurée dont
l’utilisation reste tout de même un tabou. La simple idée d’un usage
d’armes nucléaires miniaturisées des Américains en Afghanistan à provoquer une
levée de bouclier de nombreux acteurs du système international dénonçant une
violation de tout les traités signés par les USA.
Cette démesure
technique a imprégné les idéologies. Elle a entrainé une substitution dans le
rapport à la guerre. Les idéologies ont remplacé au cours des 30 ans, les buts
de guerre. Ces idéologies ont été porteuses de haines abstraites qui se
concrétisent évidemment dans l’action.
Cette substitution nous a fait passer de la Première Guerre Mondiale à la
Seconde Guerre Mondiale. Les vainqueurs au sortir de la Première Guerre
Mondiale veulent se venger des vaincus. L’économiste américain Keynes, l’historien français Bainville ou encore le penseur espagnol Ortega y Gasset ont tous une même opinion. Keynes dans Les conséquences économiques de la paix, souligne que les
punitions imposées par les vainqueurs aux Allemands vont être trop lourdes et
que cela risque de jeter les semences d’un conflit. Bainville écrit Les conséquences politiques de la paix,
dans lequel il lui semble évident que dans les prochaines années une guerre va
renaître à cause de la volonté française d’écraser les Allemands de manière
définitive, c’est une première approche de la notion reprise et développée
ensuite par Mossé de brutalisation de la
politique en Allemagne. La République de Weimar naît dans un rapport
politique extrêmement tendu. Les adversaires politiques sont perçus dans cette
Allemagne comme des ennemis à exterminer. A cette époque un ennemi qui va être
particulièrement haï par les politiciens allemands, ce seront les Juifs. C’est
une semi-fatalité sous le plume de ces auteurs qu’on retrouve sous la plume d’Ortega
y Gasset vers 1930. Il décrit alors
l’opposition qui se crée entre deux types de philosophie la philosophie et la
barbarie. L’une est une force politique morale qui privilégie l’action
indirecte, l’autre est aussi une force politique morale qui privilégie l’action
directe. Il voit poindre l’action directe comme une menace, l’action
indirecte elle se caractérise par sa prise de précautions, des intermédiations
qui ralentissent et permettent de réfléchir à l’action qui sera menée. L’action
directe est en revanche violente, elle ne donne plus de raison. Quand il n’y a plus de raisons, il n’y a
plus de distances pour freiner l’action. Tout cela peut mener aux idées
hitlériennes qui sont illimitées tant par l’esprit nazi et hitlérien que par …
Cette agression était une possibilité qu’on pouvait percevoir dès la Première
Guerre Mondiale comme l’ont montré les trois auteurs. Un certain nombre
d’action vont être perpétrées qui étaient promues et appuyées très tôt.
L’avance de l’armée allemande en 1918 qui pénètre sans difficultés dans le
territoire russe, va inspirer Hitler qui pensera que l’URSS pouvait être
vaincue facilement.
La guerre
s’hyperbolise au travers de ces idées abstraites et cela va paradoxalement
maintenir l’État souverain. On a une destruction de pays et d’États ou pourtant
la souveraineté va se maintenir y compris dans la conception d’Europe, alors même qu’il s’agit d’un
des responsable des deux guerres mondiales. Traditionnellement, la destruction
mène plutôt à des Empires, ici ce serait une nouvelle forme d’Empires avec
l’hégémonie de Washington et celle de Moscou au sortir de la Seconde Guerre
Mondiale. En Europe, la souveraineté
restera présente ce qui témoigne d’une contradiction avec les conceptions
étatsunienne et russe : on maintien une souveraineté nationale en
promouvant une conception universelle comme le prouve par exemple les
droits de l’homme. Ainsi lors de la crise économique de 2008, les États
européens se sont individuellement mobilisés contre la crise avant d’agir au
sein de l’Union Européenne. Les deux
Empires pour leur part agissent différemment. Moscou inclus tous les pays
qu’elle touche par leur communisme, dans son Empire. Seule la Yougoslavie
va échapper à la mainmise impériale de Moscou. Tito connaissait bien Staline et
donc savait les techniques de Moscou pour enserrer les partis. D’abord une
apparence de souveraineté est laissée aux pays avec un relatif pluralisme
partisan que les Partis Communistes étouffent avec le temps. Tito empêche cela,
même si son adversaire de toujours, le général Mikhailovic fut assassiné par
Tito. Washington pour sa part va agir
sous Truman en mars 1947 avec la fameuse et
influente doctrine de l’endiguement, il s’agit de contenir l’expansion
communiste quitte à souvent favoriser le statu quo. Cette doctrine est en
concurrence avec la doctrine du refoulement (Nixon était partisan de cette
technique) une offensive contre les troupes soviétiques.
Le 11 septembre et le déclin américain selon Plantu
La
guerre dans la politique étrangère des États-Unis
Romain Gary
dans Chien blanc décrivait
comment une espionne s’était retrouvée dans son lit et comment des Bulgares lui
avaient montré des photos de ses exploits nocturnes avec cette espionne pour
tenter de le faire chanter, sans succès. Il écrit aussi sur les USA « Tout ceux qui creusent le tombeau de
l’Amérique préparent leurs propres funérailles ».
I.
Le mythe du déclin
Un thème récurrent
depuis l’hégémonie étatsunienne, thème surdéveloppé depuis les années 1970 et la guerre du Vietnam, c’est celle
de la décadence des USA.
Immédiatement vient
à l’esprit, l’évènement le plus marquant des USA, le 11 septembre 2001 qui a manifesté
ce que certains auteurs, tel Gérard Chaliand,
ont appelés le « stade ultime du
terrorisme ».
On parle aussi du terrorisme
hyperbolique, d’une « violence qui
finit par être son propre but » selon Ferrero.
D’autres auteurs, comme Donald Puchala, font
des parallèles entre le terrorisme et la piraterie. Cela tenait entre autres au caractère transnational du 11 septembre, du
ciblage des populations désarmées et de l’impossibilité de totalement supprimer
le phénomène, notamment parce qu’il est impossible de clairement définir le
terrorisme. Actuellement, le terrorisme dans sa définition très relativiste
qualifie en réalité, l’autre. Ce stade ultime du terrorisme a révélé la
faiblesse des USA en atteignant des endroits comme le World Trade Center et le
Pentagone. D’un autre coté cela révèle l’incapacité d’attaquer directement
l’armée américaine.
La prédominance des
USA est critiquée par ce leitmotiv d’un déclin étatsunien. Paul
Kennedy avait tenté de prévoir cette décadence en reconsidérant le pays
d’après des données purement économiques. Le pays est trop étendu, trop endetté
et condamné à disparaitre. La chute du mur de Berlin en 1989 n’a rien changé à
ce thème du déclin, puisque Emmanuel Wallerstein
adjoint au déclin économique des causes idéologiques. Les Américains ne peuvent
plus poursuivre leur expansion mondiale.
Cette légende du
déclin américain pose des problèmes et s’oppose à une situation de fait où sa
prépondérance hégémonique demeure malgré tout. Ce thème du déclin est lié au fait que la civilisation que recouvre les
USA perd de sa substance et de son énergie. Une synthèse efficace de cela est
visible dans les ouvrages de Samuel Huntington
Le choc des civilisations et Qui sommes-nous ?. Le
choc des civilisations fut brutalement contesté en France avec des comparaisons
avec le Front National. Huntington considère que les guerres auxquelles nous
assistons sont à la jointure entre diverses civilisations. Les civilisations
sont essentiellement résumées selon lui aux religions, mais ce n’est pas le
seul critère. Il distingue alors dans le
monde 6 à 8 civilisations dont les jointures sont les lieux de conflits armés.
La plupart des commentateurs avaient
omis un détail, les vrais acteurs des guerres dites de civilisation n’étaient
pas tant ces civilisations que les États selon Huntington. Les
civilisations ne sont que des cadres. Il distingue la civilisation
arabo-musulmane, occidentale, nippone, chinoise, latino-américaine, …
D’ailleurs en différenciant la culture latino-américaine de celle des USA, il
écrira son second ouvrage en se demandant comment évolue l’identité américaine
avec la forte immigration des ces latino-américains aux USA.
L’analyse
d’Huntington se termine sur une philosophie de politique étrangère qui est
isolationniste. Il faut retirer les interventions américaines le plus possible
des points chauds pour éviter le déclin des USA.
Sur le plan
factuel, il y a un problème chez Huntington, il donne toute la primauté au
politique. En
cela, il nous sauve du schéma panéconomique puisque les analyses politiques
sont structurelles et influencent l’ensemble des autres domaines. Le déclin économique tient aussi à
l’ampleur de l’immigration latino-américaine. Ainsi, par l’immigration
latino-américaine chez les Whasps, deux civilisations différentes se
rencontrent et cela est un des vecteurs du déclin américain, par les tensions
qui naissent des différences entre les deux civilisations. Pour Huntington,
toutes les rencontres de population posent des soucis et des questions, mais
dans le cas américain cela le questionne sur l’intégration latino-américaine. Son analyse pose problème lorsqu’il prend
pour unique référence l’immigration mexicaine et qu’il la généralise. Or
effectivement de toutes les populations latino-américaines qui immigrent aux
USA, les Mexicains sont ceux qui s’intègrent le moins bien. Pour Huntington,
cela vient des différences d’ascension sociale. Mais ce cas précis n’explique
pas les immigrations de latino-américains originaires d’autres contrées. Ainsi,
lorsqu’il parle de décadence, Huntington ne prend pas en compte les différences
entre les pays dont sont originaires les immigrés latino-américains. De plus,
il ignore le fait qu’avec la barrière de la langue brisée, l’intégration (et
non l’assimilation) est très simple puisqu’elle passe par la connaissance de la
constitution américaine. L’identité politique américaine est une identité
constitutionnellement définie, on prête serment sur la constitution.
Pour Montesquieu,
la notion de décadence est forcément rétrospective puisqu’on ne peut pas la
juger lorsqu’elle a lieu. En revanche, après coup, on peut parler ou non d’une
décadence. Pour les USA, il y a certes quelques aspects évoquant un relatif
déclin même si cela reste insuffisant pour parler de déclin général.
Mickael
Mann, un
sociologue britannique, dans L’empire
incohérent, les USA et le nouvel ordre international sorti en 2003, a considéré que la politique extérieure
américaine s’est dangereusement appauvrie parce qu’elle est devenue un
impérialisme essentiellement militaire. Il y a une inadéquation entre la
puissance de feu des USA et les défis que les groupes armés lancent aux USA.
Il estime qu’un certain nombre d’éléments nourrissent cette inadéquation. Ainsi
s’il y a un impérialisme américain, Mann considère qu’un Empire ferait une
large intervention sur le terrain et ce de manière durable. Cette marque
classique d’action impériale est en contradiction totale avec l’idéal américain
de 0 mort (dans l’armée américaine), émis dans les années
1990 sous Bill Clinton. Cela se verra au Kosovo lors de l’intervention
terrestre qui était extrêmement dangereuse, les Américains ont refusé
d’intervenir, c’est la légion étrangère qui a été envoyée en trois colonnes,
dont deux furent décimées. Cette théorie
de 0 mort est en inadéquation avec l’impérialisme américain. Autre
contradiction, l’économie américaine est forte dans sa notion financière mais
très dépendante des autres États (en particulier de la Chine).
Mann donne d’autres
éléments de cette situation globale des USA, avec la « schizophrénie
politique » qu’on voit au travers de l’oscillation permanente entre le
multilatéralisme et l’unilatéralisme.
Cette schizophrénie politique qui stimule le développement militaire et
offensif n’est pas compensée par le soft
power. Le hard power n’a plus la compensation du soft power.
Mann
fait une fixation sur le militarisme des USA qu’il oppose par définition au
libéralisme instauré dans la culture américaine. Comment expliquer cette
focalisation de Mann sur le militarisme ? Par la conjoncture en mars 2003 des USA en Irak. Cette situation
militariste fut unique sous George W. Bush. Auparavant les guerres étaient peu
nombreuses, jamais très longue et la surveillance des pays ennemis faible.
Depuis la fin de la guerre du Vietnam, le budget du Pentagone est bien plus
important que celui du secrétariat d’État.
En s’inspirant de Max Weber, la domination des USA peut être vue
comme la combinaison d’une domination rationnelle-légale (cette domination se lit dans
les institutions internationales et dans l’internationalisation du droit
américain), d’une domination culturelle
et idéologique et d’une domination militaire.
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