mercredi 21 novembre 2012

Théorie des RI 20 - 11 (cours 2)


 Fut une époque, Athènes ne connaissait pas la crise et Athènes était glorieuse.




Derrière l’approche réaliste, il y a une conception de l’humanité comme excellence. Ce n’est pas une conception cynique et désenchantée mais davantage humaine. Chez Thucydide, il existe fondamentalement des différences dans les positions à l’échelle internationale. Il y aurait une inconséquence des Méliens de ne pas s’engager dans la conversation avec les Athéniens car cela serait une erreur pour le peuple de Mélos qui, sans discussion, serait massacré. Les Méliens dénoncent un débat tronqué puisque Athènes est trop forte par rapport à Mélos. Mais cette opinion est naïve, tout débat à l’international entre dans un jeu de force.

L’attitude des Athéniens révèle du sophisme, un courant qui privilégie le champ des possibles à la morale, à l’idéal ou encore au droit et à la justice. Le possible pour les Athéniens c’est l’action des plus forts et aussi l’acceptation des plus faibles. Cette acceptation est ce qu’il y a de moins dommageable selon les Athéniens.
Dans un dialogue de Platon, Socrate qui se demande philosophiquement qu’est ce que le bien et la justice, est interrompu par un personnage sophiste, Thrasymaque. Le sophiste est un bon orateur qui ne cherche pas la vérité mais qui utilise le langage à des fins théoriques. En utilisant le logos, le sophiste veut atteindre ses intérêts propres, non la vérité. Ainsi les Sophistes pensent qu’il n’existe que des rapports politiques fondés sur la force. Le Politique se caractérise essentiellement par une lutte pour l’obtention du pouvoir. Celui qui exerce l’autorité légitime c’est le plus fort. Mais cela est troublant dans de nombreuses situations : le III° Reich était le plus puissant, donc selon un sophiste sa victoire était légitime. On a là une position cynique dés l’instant où le plus se maintient dans son territoire. Pour un sophiste, il n’y a pas de droit naturel, juste un rapport de position. Ils sont les premiers à dire qu’il n’est pas nécessaire de se tourner vers la nature, mais vers le nomos, le produit de la volonté des hommes.

Pourtant cette analyse sophiste n’est que le premier niveau d’interprétation du discours des Athéniens. Les Méliens expliquent que le politique ne doit pas l’emporter sur le Moral. Pour les Méliens, le meilleur moyen de construire une domination c’est de ne pas contraindre. En effet, en contraignant les peuples, les Athéniens fondent un ordre instable et risquent l’échec. Seule l’acceptation permet une certaine stabilité.
C’est à cet argument des Méliens que les Athéniens s’opposent. Pour eux, le débat en cours est justement la volonté d’éviter une contrainte pour une acceptation plus simple. Les Athéniens estiment qu’il y a un commun intérêt dans cette situation de rapport de force, qu’on peut établir par le rapport de force une certaine coopération.
Pour les Méliens, refuser de coopérer n’est pas irrationnel pour le peuple de Mélos, c’est avant tout sauvegarder les intérêts du peuple. Pour eux, les deux appuis principaux sont d’abord l’espoir qu’il existe des grandes valeurs morales définies par les Dieux qui les protégeront et ensuite que Sparte les soutiendra en cas d’attaque athénienne.
Les Athéniens rejettent cela en soulignant la fragilité d’une intervention divine puisque pour les dieux, toutes les Cités peuvent également prétendre à une protection par les dieux. C’est là que les Athéniens ressortent leur loi de nature, qui explique que même les plus faibles s’ils étaient en situation de force agirait à l’instar d’Athènes.

En quoi cette doctrine stratégique a quelque chose qui peut relever de l’excellence alors que les Athéniens ne cessent de considérer que la morale n’est pas satisfaisante ?
(pages 326 - 327) En maintenant les individus dans une forte crainte, on forme un ciment pour l’autorité. A ce moment là, la violence peut être féconde et utile. La véritable intelligence en relations internationales c’est d’user de violence avec parcimonie. Une préfiguration de la théorie de Machiavel nait ici. La position athénienne n’est pas innée. En cherchant la véritable autorité, Diodote met en évidence l’utilité de la violence et de la peine de mort. Après avoir reconnue que la nature humaine est intéressée et égoïste, il souligne que le respect est la meilleure solution pour obtenir de quelqu’un ce que l’on souhaite. Cette technique de domination est la seule qui soit optimale. Si vous maintenez un État ou une cité telle qu’elle existe, on peut maximiser les ressources qu’elle nous fournira par la suite, en revanche en pratiquant la politique de la terre brulée, cela vous sera beaucoup plus couteux et dommageable. Si on cherche à garantir un pouvoir en s’appuyant uniquement de manière réaliste sur le champ des possibles, alors on doit construire notre domination sur autre chose que le rapport de force, il faut donc s’appuyer sur la liberté des peuples et des individus. Cléon conteste et dit qu’on encourage là, la défection des peuples. Diodote pour sa part pense que la contrainte va jeter de l’huile sur le feu et va nourrir les révoltes. On voit alors que chez les Athéniens, la véritable intelligence et sagesse stratégique est celle qui sait utiliser la violence quand il faut et la paix quand il le faut aussi.

Léo Strauss est un philosophe allemand qui a émigré aux USA pour éviter la répression nazie. Il a formé une école aux USA qui a accouché de l’essentiel des conseillers des Présidents américains depuis Bush père à son fils. Le néoconservatisme américain a trouvé ses origines dans ce courant. Strauss est un grand représentant d’une pensée conservatrice et élitiste. Selon lui, il existe une excellence humaine qu’on trouve chez les grands hommes politique qui sont non seulement cyniques mais surtout très intelligents.
Selon Strauss, les Athéniens s’engagent avec les Méliens dans la mesure du raisonnable. Mais ils se distinguent des Spartiates, qui privilégient les attitudes utiles et intéressées alors que les Athéniens dans leur attitude impériale feraient preuve de justice et de dignité. Même si dans Thucydide, les Athéniens se méfient de cet honneur, selon Strauss c’est leur manière de faire. En effet, ce débat avec Mélos s’achève sur un refus de la Cité faible, face à ce refus les Athéniens ont ravagé la cité. Mais ce n’est pas la politique ni la stratégie des ambassadeurs athéniens de détruire Mélos, c’est une décision guerrière et soudaine. C’est noble et généreux de détruire Mélos après avoir discuté avec elle, car c’est audacieux et sans recherche de profit derrière. C’est surtout noble parce que les Athéniens décident d’agir face à l’imprévisible, en affrontant l’incertitude au risque de tout perdre. En cela, par cette prise de risque de tout perdre, les Athéniens ont une forme d’excellence qui les amènerait à l’immortalité.

Dans La condition de l’homme moderne, Hannah Arendt illustre avec Thucydide, l’action qui est le propre de la politique. L’action chez Arendt se distingue de la conduite. La conduite pour sa part, c’est quand on appréhende la pratique politique en privilégiant les motifs et les intentions. Cette approche morale de la pratique n’est pas la bonne approche selon Arendt. L’action est quelque chose d’extérieur qui apparaît s’extériorise et se traduit par un acte réel susceptible d’illustrer la grandeur ou l’excellence. Dans cet ouvrage Arendt utilise le terme d’action que lorsque les individus franchissent les bornes autorisées. Tous ceux qui n’agissent que d’une manière prévisible sont des êtres creux qui ne font jamais preuve d’inventivité, il leur manque l’originalité. C’est dans Thucydide qu’on rompt la norme de l’époque, puisqu’il souligne la grandeur athénienne, Cité qui devient immortelle tant par ses actes bons que par ses actes mauvais.

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