Le Congrès américain où siègent des représentants au mandat impératif ?
Ce qui fonctionne
dans les assemblées coloniales très autonomes au XVII°
siècle, c’est un mode de représentation qui n’est pas direct avec un
mandat impératif. Le représentant est un avoué de ses électeurs. Cette ancienne structure
médiévale qui disparaissait en Angleterre reprend place en Amérique. En Angleterre en revanche, tout au long du XVII° siècle, ce qui va se mettre en place de
manière explicite c’est l’idée de la représentation virtuelle. Cette idée
va être théorisée en tant que telle. Les membres du Parlement ne représentent
plus leur circonscription mais représentent la nation anglaise, cela se
fait d’autant plus que les villes en plein essor n’ont pas de représentant
(Birmingham, …) et les rotten bourgs,
villages vides, peuvent en avoir. Il est alors clair qu’en représentant la
nation anglaise, il importe peu qu’un
député ait une circonscription sans habitants et que d’autres villes énormes
n’en aient pas. En effet, en représentant la nation, on ne représente plus sa
commune donc peu importe la ville qui vous a élu.
Mais
cela est un facteur de tension en particulier quand on passe du territoire
anglais à la colonie. A supposer que la différence de représentation entre les
communes anglaises s’effacent parce qu’elles sont unifiées au sein de la
politique unitaire de l’Angleterre, alors les
intérêts généraux dominent sur les différences entre villes anglaises. En
revanche, cela est beaucoup moins vrai pour l’Écosse, l’Irlande ou les colonies
Américaines, notamment concernant le commerce. Cette question reste
totalement inaperçue dans les colonies américaines jusqu’à la perte de
l’autonomie de ces colonies en 1685. En effet, en 1685, la couronne récupère la
charte via ses inspecteurs. Les changements ne sont alors pas véritablement
brutaux, les colonies conservent en effet leurs assemblées et le pouvoir
particulier des assemblées américaines à
savoir le pouvoir de décider de la fiscalité et des règles de commerce. Cette
situation dure jusqu’aux années 1764 et 1765. On a donc une très longue période allant
de 1689 à 1765 durant laquelle les tensions potentielles entre la métropole et
ses colonies ne se font pas sentir de manière forte. Les colons américains et
les parlementaires britanniques peuvent alors partager la même doctrine whig,
concernant une prééminence des assemblées législatives avec le principe de
« Pas de taxation sans
représentation », concernant la défiance des armées permanentes,
concernant la défiance des prérogatives de l’exécutif, … Sur tous ces sujets,
les Américains sont en accord avec le Parlement et conservent leur grand
autonomie.
Les premiers
changements gênants ont lieu dans les années 1653 –
1654, avec le début de la guerre de 7 ans en Europe qui est une des
premières guerres mondiales. Cette guerre de 7 ans sur les colonies américaines
met aux prises essentiellement les Anglais et les Français. Les deux camps
engagent chacun de leurs coté des tribus indiennes, mais agissent aussi avec
des milices locales. La marine anglaise intervient elle aussi contre la marine
française. Enfin des troupes fraiches
venues d’Angleterre viennent en Amérique. Une partie de ces troupes reste alors
sur place en Amérique pour défendre les territoires conquis. Lorsque l’Angleterre fixe de nouvelles
règles taxatives aux Américains, les troupes restent sur place pour intervenir
comme police et contrôler les réactions américaines. Mais avant ces
nouvelles taxes, on a tout de même une partie des troupes anglaise qui reste en
Amérique en période de paix.
De plus, cette
guerre pose déjà le souci du trou économique, du déficit de la couronne
anglaise. La
nécessité est plus importante que jamais d’assurer une primauté commerciale de
la métropole. Face à l’élévation des taxes fixées par les Parlementaires
anglais, auxquels les membres du Parlement seraient eux-mêmes soumis, les
Américains aussi concernés commencent à réagir.
A partir de 1765,
le Parlement décide alors de limiter l’autonomie des assemblées coloniales dans
la définition des taxes, impôts et des droits de douanes. Il va alors décider
de la taxation sur les importations et les exportations des colonies, que ce soit les entreprises
commerciales anglaises, américaines ou encore les entreprises coloniales. C’est là que la théorie de la
représentation virtuelle renaît et produit des tensions entre les colonies
périphériques et la métropole. Cela d’autant plus que le statut de ces
périphéries est particulièrement ambigu. En effet, le système fiscal est fixé comme un rapport assurant le lien
entre un peuple et ses représentants au Parlement, or les colonies furent
créées par le pouvoir royal et les gouverneurs, exécutif des colonies sont
nommés par le roi lui-même sans le Parlement qui interfère. Le pouvoir
royal n’a donc pas la main sur les questions de taxation des colonies. Cette
division du pouvoir entre le roi et le Parlement donne un pouvoir faible de la
métropole en général.
Dans un premier
temps, le Stamp Act provoque dans les
colonies une crise violente avec de nombreux pamphlets et des fortes
contestations. Le Parlement britannique recule donc rapidement. Tout de suite les
Américains réalisent qu’ils peuvent faire reculer le Parlement anglais. Donc les colons anglais en
Amérique sont taxés par leur propre idéologie, celle des Whigs, qui dirigent le
Parlement. En revanche, le vécu
institutionnel depuis la création de ces colonies est présent à leur esprit
de manière inconsciente. Le Parlement représente virtuellement les colons mais
ceux qui décident concrètement les taxes locales, ce sont les Assemblées
américaines. Dés que le Parlement s’impose comme seul juge en pompant les
ressources américaines, alors le conflit entre le système anglais et américain
s’affirme. Réalisant que le Parlement
est légitimement leur institution, les Américains découvrent qu’ils n’ont aucun
représentant au sien de ce Parlement. Même les Écossais ont des membres à
ce Parlement, les Irlandais ont leur propre Parlement même s’il est factice. Le
mandat impératif américain qui fait du représentant un commis, une image fidèle
et identique de ses mandataires est leur seule vision de la représentation, ils
ne peuvent donc pas discuter avec le Parlement. Cette réflexion des Américains
est effrayante pour les pamphlétaires Américains. En effet, vu le contexte
tendu, imposer un mandat impératif dans les colonies ne peut plus se limiter à
une grande autonomie locale, dorénavant, cette théorie leur oblige à des diriger
vers une indépendance qu’ils refusent encore à ce moment là. Ce n’est que
vers 1772 – 1773, qu’on va émettre l’idée d’une rupture avec le centre. Et
malgré cette conclusion, les résistances à l’indépendance sont énormes.
Les Américains
réalisent donc avec ces premières taxes que leur système fonctionne sur le
principe du mandat impératif. C’est une expérience de modernité extrême qui
sort de cette crise : une prise de conscience institutionnelle des
Américains.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire