samedi 10 novembre 2012

Angleterre - Amérique 08 - 11 (cours 4)

Le Congrès américain où siègent des représentants au mandat impératif ?



Ce qui fonctionne dans les assemblées coloniales très autonomes au XVII° siècle, c’est un mode de représentation qui n’est pas direct avec un mandat impératif. Le représentant est un avoué de ses électeurs. Cette ancienne structure médiévale qui disparaissait en Angleterre reprend place en Amérique. En Angleterre en revanche, tout au long du XVII° siècle, ce qui va se mettre en place de manière explicite c’est l’idée de la représentation virtuelle. Cette idée va être théorisée en tant que telle. Les membres du Parlement ne représentent plus leur circonscription mais représentent la nation anglaise, cela se fait d’autant plus que les villes en plein essor n’ont pas de représentant (Birmingham, …) et les rotten bourgs, villages vides, peuvent en avoir. Il est alors clair qu’en représentant la nation anglaise, il importe peu qu’un député ait une circonscription sans habitants et que d’autres villes énormes n’en aient pas. En effet, en représentant la nation, on ne représente plus sa commune donc peu importe la ville qui vous a élu.
Mais cela est un facteur de tension en particulier quand on passe du territoire anglais à la colonie. A supposer que la différence de représentation entre les communes anglaises s’effacent parce qu’elles sont unifiées au sein de la politique unitaire de l’Angleterre, alors les intérêts généraux dominent sur les différences entre villes anglaises. En revanche, cela est beaucoup moins vrai pour l’Écosse, l’Irlande ou les colonies Américaines, notamment concernant le commerce. Cette question reste totalement inaperçue dans les colonies américaines jusqu’à la perte de l’autonomie de ces colonies en 1685. En effet, en 1685, la couronne récupère la charte via ses inspecteurs. Les changements ne sont alors pas véritablement brutaux, les colonies conservent en effet leurs assemblées et le pouvoir particulier des assemblées américaines à savoir le pouvoir de décider de la fiscalité et des règles de commerce. Cette situation dure jusqu’aux années 1764 et 1765. On a donc une très longue période allant de 1689 à 1765 durant laquelle les tensions potentielles entre la métropole et ses colonies ne se font pas sentir de manière forte. Les colons américains et les parlementaires britanniques peuvent alors partager la même doctrine whig, concernant une prééminence des assemblées législatives avec le principe de « Pas de taxation sans représentation », concernant la défiance des armées permanentes, concernant la défiance des prérogatives de l’exécutif, … Sur tous ces sujets, les Américains sont en accord avec le Parlement et conservent leur grand autonomie.
Les premiers changements gênants ont lieu dans les années 1653 – 1654, avec le début de la guerre de 7 ans en Europe qui est une des premières guerres mondiales. Cette guerre de 7 ans sur les colonies américaines met aux prises essentiellement les Anglais et les Français. Les deux camps engagent chacun de leurs coté des tribus indiennes, mais agissent aussi avec des milices locales. La marine anglaise intervient elle aussi contre la marine française. Enfin des troupes fraiches venues d’Angleterre viennent en Amérique. Une partie de ces troupes reste alors sur place en Amérique pour défendre les territoires conquis. Lorsque l’Angleterre fixe de nouvelles règles taxatives aux Américains, les troupes restent sur place pour intervenir comme police et contrôler les réactions américaines. Mais avant ces nouvelles taxes, on a tout de même une partie des troupes anglaise qui reste en Amérique en période de paix.
De plus, cette guerre pose déjà le souci du trou économique, du déficit de la couronne anglaise. La nécessité est plus importante que jamais d’assurer une primauté commerciale de la métropole. Face à l’élévation des taxes fixées par les Parlementaires anglais, auxquels les membres du Parlement seraient eux-mêmes soumis, les Américains aussi concernés commencent à réagir.
A partir de 1765, le Parlement décide alors de limiter l’autonomie des assemblées coloniales dans la définition des taxes, impôts et des droits de douanes. Il va alors décider de la taxation sur les importations et les exportations des colonies, que ce soit les entreprises commerciales anglaises, américaines ou encore les entreprises coloniales. C’est là que la théorie de la représentation virtuelle renaît et produit des tensions entre les colonies périphériques et la métropole. Cela d’autant plus que le statut de ces périphéries est particulièrement ambigu. En effet, le système fiscal est fixé comme un rapport assurant le lien entre un peuple et ses représentants au Parlement, or les colonies furent créées par le pouvoir royal et les gouverneurs, exécutif des colonies sont nommés par le roi lui-même sans le Parlement qui interfère. Le pouvoir royal n’a donc pas la main sur les questions de taxation des colonies. Cette division du pouvoir entre le roi et le Parlement donne un pouvoir faible de la métropole en général.
Dans un premier temps, le Stamp Act provoque dans les colonies une crise violente avec de nombreux pamphlets et des fortes contestations. Le Parlement britannique recule donc rapidement. Tout de suite les Américains réalisent qu’ils peuvent faire reculer le Parlement anglais. Donc les colons anglais en Amérique sont taxés par leur propre idéologie, celle des Whigs, qui dirigent le Parlement. En revanche, le vécu institutionnel depuis la création de ces colonies est présent à leur esprit de manière inconsciente. Le Parlement représente virtuellement les colons mais ceux qui décident concrètement les taxes locales, ce sont les Assemblées américaines. Dés que le Parlement s’impose comme seul juge en pompant les ressources américaines, alors le conflit entre le système anglais et américain s’affirme. Réalisant que le Parlement est légitimement leur institution, les Américains découvrent qu’ils n’ont aucun représentant au sien de ce Parlement. Même les Écossais ont des membres à ce Parlement, les Irlandais ont leur propre Parlement même s’il est factice.  Le mandat impératif américain qui fait du représentant un commis, une image fidèle et identique de ses mandataires est leur seule vision de la représentation, ils ne peuvent donc pas discuter avec le Parlement. Cette réflexion des Américains est effrayante pour les pamphlétaires Américains. En effet, vu le contexte tendu, imposer un mandat impératif dans les colonies ne peut plus se limiter à une grande autonomie locale, dorénavant, cette théorie leur oblige à des diriger vers une indépendance qu’ils refusent encore à ce moment là. Ce n’est que vers 1772 – 1773, qu’on va émettre l’idée d’une rupture avec le centre. Et malgré cette conclusion, les résistances à l’indépendance sont énormes.
Les Américains réalisent donc avec ces premières taxes que leur système fonctionne sur le principe du mandat impératif. C’est une expérience de modernité extrême qui sort de cette crise : une prise de conscience institutionnelle des Américains.

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