Kant
Le
droit international s’impose come cadre de référence sous les auspices d’un
certain nombre de penseurs ayant inspiré ces tendances. Ils synthétisent bien
la manière dont on peut encadrer la vie internationale. Kant est très critique
vis-à-vis de la politique internationale
du XVIII° siècle, la théorie où l’un réagit et son opposé réagit à la réaction.
Cela va dans l’intérêt de l’Angleterre puisque ces réactions n’ont pour but que
de s’équilibrer et qu’en Europe. Pour
Kant, il faudrait que la morale humanitaire règle les relations, mais cela
veut dire qu’on ne s’adresse à ses amis que dans une fin, non comme un moyen,
on leur parlerait peu. C’est avant tout une
intériorisation de formes de civilité comme le dit Norbert
Elias dans La civilisation des
mœurs, ce schéma devrait prendre place aussi sur la scène internationale.
Il faut un cadre extérieur de relatives contraintes, un cadre juridique. Cette
contrainte potentielle vient donc du droit et s’applique dans les cadres
nationaux. Sur la scène internationale,
les relations de force dominent encore largement. Ainsi dans son Projet de paix perpétuelle, Kant
voit des conditions possibles pour établir la paix. Trois conditions simples existent.
La première des conditions pour l’espérance d’une paix est que tous les États
de la scène internationale doivent avoir une constitution civile républicaine.
En effet, cette constitution doit avoir un système représentatif de tous les
citoyens. Il ne parle pas de démocratie car au XVIII° siècle, le terme est peu
employé. Dans cette constitution, l’assentiment des citoyens est donc exigé
pour décider si oui ou non il y aura guerre, et « ceux-ci réfléchissent murement avant d’entreprendre un jeu aussi
pernicieux ». La deuxième
condition concerne le droit des gens qui doit former un fédéralisme d’États
libres. Ce qu’il entend par là, c’est une alliance plus ou moins lache
entre les États mais alliance tout de même qui pourrait, si les conditions sont
favorables, être une alliance contre la guerre. Enfin, ultime clause de Kant, le droit cosmopolitique. Cette clause
dérive du fait que « les relations
plus ou moins étroites ou larges », les violations des droits dans les
relations se ressentent tendanciellement dans d’autres endroits du monde. Ce
droit qui protège tout homme en tant qu’homme, ce qu’on qualifierait
aujourd’hui de droit humanitaire ou droit de l’homme et que Kant appelle droit
cosmopolitique. Dans la pratique Kant
limite de croit cosmopolitique à des conditions d’hospitalité universelle.
C’est le droit de tout l’étranger lorsqu’il arrive sur le territoire d’autrui,
de ne pas être traité en ennemi. Cet idéalisme de Kant est teinté de réalisme
puisqu’il réduit son droit cosmopolitique à cet aspect dans la mise en
pratique.
Finalement le règne
du droit, condition de la paix universelle est moralement désirable et donc
moralement nécessaire. Ce progrès de la civilisation passe pour Kant par un
progrès de la République dans les États, un progrès de la communication (si un droit violé est ressenti
ailleurs de par le monde) et aussi un
progrès du commerce entre les États. Pour Kant la ressemblance républicaine
entre les États est nécessaire pour débuter le processus. Kant se situe quand
même dans une perspective transnationaliste. Dans le néoréalisme, réalisme
structural, qui s’intéresse aux relations structurelles entre États, on
s’oppose à l’idéalisme de certains internationalistes.
Le coté réaliste de
Kant dans ces trois conditions transparait quand il réfléchit à ce qu’il doit
faire des tendances agressives de la société. Il se dit alors que les hommes
doivent se battre pour la République, ainsi activer l’insociable sociabilité de
l’homme. En introduisant cette agressivité de
l’homme, il nous fait comprendre qu’on n’atteindra jamais la paix universelle
sinon qu’on y tendra. En effet, pour ne pas faire du machiavélisme, il ne
faut pas se contenter du constat de la réalité. Du coup, Kant théorise sur la
paix et non la réalité (ce qui en fait un utopiste) tout en insérant cette
notion réaliste d’insociable sociabilité.
Leo
Strauss déclare pour sa part que le
projet de paix perpétuelle étant utopique, on est davantage dans une réalité de
guerre perpétuelle. Dans la plupart des cas réels, l’engagement des États vers
la paix ce sont des engagements intéressés. On va chercher à garantir nos jouissances (notre
approvisionnement en pétrole) par des intérêts moraux parfois.
Dans
notre tendance actuelle, on estime qu’on peut faire entrer l’humanité dans une
conversion morale dont Kant connaît les limites. On est donc partagé entre le fait de respecter le droit des
institutions internationales comme l’ONU, tout en réclamant une moralisation de
la vie internationale. Cela pose parfois des problèmes, la conscience
humanitaire par exemple a intrinsèquement dans sa pensée un refus de la guerre.
Or beaucoup d’humanitaires de renom ont demandé au Congo l’intervention de
l’OTAN pour calmer le jeu au travers d’une guerre. Il leur fallait donc une
justification pour leur position. Bernard Kouchner
et Mario Bettati avaient organisé un
colloque sur le devoir d‘ingérence, soit une position purement morale. Ils sont
donc allés voir le Président Mitterrand pour une action, qui les a gentiment
remerciés car la vision n’était pas réaliste du tout. Comme l’utopie de
Kouchner se heurtait au réalisme de Mitterrand, ils vont tout les deux chercher
une solution intermédiaire en réfléchissant sur cette notion de droit
d’ingérence. L’utopie morale de Kouchner n’était pas traduisible en politique.
Il y a un problème de pratique réglé par ce droit d’ingérence. Le résultat est
que la morale pure de la conviction exprimée dans le devoir d’ingérence n’est
pas passée dans le droit. Le droit est
une structure nécessaire pour pouvoir penser l’action qu’on va faire. Si le
droit intègre un peu de morale, il n’en est pas le décalque pur. On
n’intervient pas uniquement pour des questions morales.
Aujourd’hui, on a
la mise en place de polices internationales. En 1999,
on a décidé d’intervenir en Serbie sans déclarer la guerre, on l’a donc
bombardé. N’est
ce pas une erreur grave de faire une guerre à Milosevic sans la lui déclarer
officiellement ? Nous avons donc menti tant à Milosevic qu’à nous-mêmes
sur ce que nous avons fait. La conscience morale ou humanitaire à la source de
cette intervention fut clairement affichée. Cependant les acteurs de l’OTAN se
plaçant dans cette posture morale, ont donc pris la position de gardiens de la
vertu morale (combattants de la justice et du droit), supposant par là que les
alliés Albanais menaient le bon combat au nom du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes. Symétriquement, l’adversaire ou l’ennemi devait apparaître comme
un pur et simple criminel. La posture
morale est tellement pure qu’elle efface les nuances de la situation concrète.
On en vient à criminaliser un ennemi qui n’est pas politiquement reconnu en
dépit de son élection par sa population. On se refuse donc souvent à
déclarer la guerre ce qui peut malgré tout aboutir à des situations où la
morale même qui refuse d’admettre sa situation de guerre peut aboutir à des
résultats qui en fait sont des situations de guerre. Il y a donc des ambiguités
dans le droit tel qu’il est déterminé. Ce droit hésite entre la défense en
œuvre pour une situation morale, ou sa défense en termes de compromis. Il y a
une tension dans le droit international actuel entre les premières expressions
internationalisées sous la plume de Kant.
L’intervention des
USA en Irak en 2003, se fit dans une justification
immédiate et très médiatisée, celle d’une alliance entre Saddam Hussein et Al
Qaïda ainsi que le fait qu’il détenait des armes de destruction massive.
L’intervention dans un cadre plus ample était la démocratisation de l’Orient. Cette guerre justifiée par la
démocratisation est dans la logique de la morale la plus pure. Wolfowitz, secrétaire de Rumsfeld, ministre de la
défense américain, met en œuvre ces justifications morales et ne garde donc que
ces deux arguments comme principaux. On a donc construit des arguments
réalistes mis en œuvre pour intervenir en Irak, pour convaincre les alliés européens
très réalistes. Le fond utopique de
l’affaire était alors encore très réaliste, les Américains pour respecter le
droit international ont rendu cette utopie plus réaliste.
Ce droit
international peut tout de même être contourné de manière discrète mais
complète. Le
lendemain du 11 septembre 2001, il s’est agit de repérer les flux et dépôts
financiers qui avaient un rapport avec les réseaux terroristes internationaux.
Or l’un des pays ayant un des fonds financiers les plus importants mais non déclarés,
c’était la Suisse. A partir du 12 septembre et durant plusieurs jours, les
opérations financières suisses furent complètement arrêtées par les USA, la
France et le Royaume-Uni. En effet, les trois pays en coalition sont venus
consulter les fonds financiers les plus douteux pour se préparer. Dans ces
cadres, les trois États sont venus violer la souveraineté d’un pays.
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