mercredi 14 novembre 2012

Europe 14 - 11 (cours 6)


 L'Europe se fissure-t-elle ?



Présent et avenir de l’Union Européenne


I.                   La situation contemporaine

1.      La crise constitutionnelle

Cette crise est assez ancienne. Elle remonte dés le traité de Nice qui devait modifier les institutions européennes pour prendre en compte le futur élargissement de l’UE, mais cela fut bloqué de l’aveu même des membres présents. Pourtant il est difficile de fonctionner à 27 États, les dirigeants de l’UE décident donc de créer un système constitutionnel à l’UE. Les parlementaires européens s’impliquent donc dans la constitutionnalisation de l’UE. A cela, s’ajoute des conventionnels (députés et hommes politiques de différents pays réfléchissant à cette constitution). Le but est de réorganisé les pouvoirs de l’UE pour 2004.
Lorsqu’on passe à 25 États, le traité de Rome reposant sur les travaux de la convention, avec le Traité Constitutionnel Européen (TCE) qui prend son appui sur le Traité de l’Union Européenne (TUE). Le but est de faire fonctionner ensemble les traités précédents au sein d’une constitution. Ces textes sont signés par tous les membres et l’enjeu de l’année 2005 était donc la ratification du TCE. L’enjeu était qu’il fallait impérativement la signature de tous les pays. Donc durant cette année de nombreux États ratifient très nettement cette constitution, mais vite une crise constitutionnel émerge. Ce traité constitutionnel de 2005 est une proto-constitution européenne un peu bancale et qui n’est pas réellement fédérale ni laissant une totale autonomie aux États. C’est un compromis entre toutes les tendances qui ne satisfait pas vraiment tout le monde.
Plusieurs États un peu sceptiques décident d’organiser des référendums : la France, les Pays-Bas et le Luxembourg. Ce sont des États à tradition de référendums pour toutes les questions importantes, mais ce sont aussi trois États des 6 fondateurs. Or deux des pays fondateurs votent non par référendum et en tout premier la France. L’été 2005 est donc un peu mou et les contestations des eurosceptiques reviennent en force. La convention européenne est donc dissoute mais la commission européenne propose de reprendre les éléments consensuels de ce traité et de les ratifier sous l’égide du Portugal et ce sera le traité de Lisbonne. Cette ratification fut longue et complexe tout de même.
Entre le traité de Nice et le traité de Lisbonne on a 10 ans de scepticisme et de crise institutionnelle qui ont des répercussions aujourd’hui, on ne souhaite pas faire trop de concessions sur l’Europe actuellement. Le gouvernement européen en dépit des transformations n’est pas plus fort puisqu’on a toujours plus de 30 présidents à l’UE. De plus, les contradictions étatiques sont nombreuses : crises entre pays moteurs et pays eurosceptiques, crise sur les groupements (pays membres de Schengen, pays membres de l’euro, …), … Enfin l’Europe ne semble guère plus démocratique qu’avant et les prochaines élections européennes risquent de rencontrer de nouveau une forte abstention.

2.      La crise économique et financière et ses conséquences sur les institutions européennes

Comparée à la Great Recession de 1931, bien que cela ne soit guère comparable, la crise économique de 2008 a plusieurs apports intéressants. Tout d’abord la crise grecque, appelée aussi la crise des dettes souveraines, qui est une crise des dettes publiques des États. En effet, jusqu’alors, l’État se chargeait de réduire la crise mais dorénavant l’État lui-même est surendetté. Le déficit grec est constaté dés novembre 2009 et le gouvernement de gauche dénonce l’obscurantisme que fit le précédent gouvernement de droite en masquant la dette réelle. Aussitôt le cercle de crise s’amorce : faillite de la Grèce qui ne peut rembourser ses créanciers, faillite des banques européennes qui alimentaient la Grèce, faillite des autres États de l’UE qui ne peuvent plus emprunter, … Rapidement, avec le FMI, l’UE s’organise pour sauver l’État grec et éviter cet effet domino. Aujourd’hui on en est à 5 plans d’austérité chez les Grecs. En 2011, des sommets sont organisés pour régler la question de la dette souveraine et sauver la plupart des pays de l’UE empêtrés dans cette dette. On met en place la Troïka, réunion de trois grands organismes monétaires : la Banque européenne, le FMI et ???. La Troïka doit régler cette question des dettes souveraines. Le problème est qu’aucun représentant de l’UE ne prend en charge ce système, aucun parlementaire de l’UE n’y est présent. Il y a une dépossession des prérogatives du Parlement au profit du FMI, de la commission européenne et de la banque européenne. Le Parlement européen et le conseil européen perdent leurs pouvoirs économiques et sont mis sur la touche sur ce sujet très important qui concerne pourtant intrinsèquement l’UE.
Le Fond Européen de Stabilité Financière (SESF) est créé pour garantir et surveiller les prêts des États. Mais cette décision se fait hors du Parlement et du Conseil européen. Signé par les 27 pays le 2 mars 2012, le TSCG assure un troisième effet, une prise de pouvoir sur la question du Conseil Européen, les États veulent revenir dans le jeu de la question économique. Ce traité va loin dans les règles imposées avec la règle d’or qui limite le déficit structurel des pays. Cela semble être une réaction des États à la Troïka qui avait mis le Conseil sur la touche. En revanche le Parlement reste à l’écart. Second aspect contesté du TSCG, le système de ratification fait que si 12 États signent ce traité, cela s’impose pour tous les autres membres de la zone euro. On a donc une reprise en main par les États des questions européennes.

Enfin on constate un éclatement de la zone européenne entre membres appartenant à la zone euro et les autres, ceux appartenant à l’espace Schengen et les autres, … De plus, maintenant, on a une différence entre les États qui respectent les règles économiques de la zone euro et sont devenus exemplaires (Allemagne, Autriche, Finlande), ceux qui réussissent économiquement mais ne sont pas dans la zone euro (Danemark) et qui sont sceptiques face à l’euro, les États endettés hors de la zone euro (Royaume-Uni), les États du Sud intégrés dans la zone euro qui sont lourdement endettés (Grèce, Espagne, Portugal, Italie, …) et une sorte de marais d’États plus ou moins dans l’euro avec des dettes très importantes (France, Belgique, Roumanie, …).


II.                L’avenir de l’Union Européenne

1.      Court terme

On peut considérer qu’on est officiellement entré dans une période de géométrie variable. Celle-ci nous dirige vers une régression de l’habitus national. A chaque crise, une défense des intérêts nationaux ressurgit et plombe les avancées au sein de l’UE. A court terme, l’intergouvernementalisme va rester tendu pendant encore plusieurs années avec des négociations âpres surtout concernant le budget de l’UE. Ceux qui sont eurosceptiques veulent réduire leur participation risquant d’aggraver les situations des plus démunis, surtout que beaucoup d’autres pays sont en crise et ne peuvent augmenter leur contribution. Un fort niveau d’attentisme a lieu actuellement. En 2012 les élections françaises ont empêchés des positions nettes de ce pays. En 2013 ce sera le tour de l’Allemagne et en 2014, on a les élections européennes qui risquent de cristalliser les oppositions et l’absentéisme. Toujours est-il que sur le moyen et sur le court terme, l’hybridité de l’UE va la bloquer durant un moment.

2.      Long terme

Pour 2020, on pense évoquer une reprise de l’agrandissement. La crise devrait être passée d’ici là et les prochains candidats (Bosnie, Serbie, …) pourraient véritablement rejoindre l’UE durant cette période. La poursuite lente et complexe de l’élargissement est sure.
En revanche, les évolutions institutionnelles sont complexes. Plusieurs scénarios se distinguent sur le long terme. Le premier scénario redéfendu par l’Allemagne depuis deux ans est un scénario fédéral, s’il est envisageable cela ne peut se faire que sur un très long terme. L’idée est d’unifier la politique économique en particulier et de pouvoir concurrencer les autres blocs économiques mondiaux.
Second scénario, un système hybride entre le fédéral et le gouvernemental. On fixe un noyau d’États européens qui s’intègreraient en premier et davantage que les autres. On formerait des sous-blocs (Scandinavie, Péninsule Ibérique, Balkans, …) qui fonctionneraient entre eux sur certaines thématiques. Actuellement, la politique industrielle fonctionne un peu comme cela.
Troisième scénario, le scénario confédéral qui est une construction allégée mais davantage centralisée. Il permet ainsi de faire une construction peu développée, mais à le mérite de former des pôles centralisés pour certaines politiques (type un gouvernement économique).
Quatrième scénario, le statut quo qui a la faveur de nombreux dirigeants actuels. Cela peut durer très longtemps, on reste à géométrie variable et on négocie quand ça va mal uniquement.
Ultime scénario, l’éclatement de l’UE suite à une trop forte paralysie. Si certains États quittaient l’UE ou en était sorti de force. C’est envisageable si les partis populistes prennent la tête des États comme c’est le cas de quelques pays du Nord (Finlande, Pays-Bas, Royaume-Uni, …) qui souhaitent moins de politiques européennes.

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