L'Europe se fissure-t-elle ?
Présent
et avenir de l’Union Européenne
I.
La situation
contemporaine
1.
La crise constitutionnelle
Cette crise est
assez ancienne. Elle remonte dés le traité de Nice qui devait modifier les
institutions européennes pour prendre en compte le futur élargissement de l’UE,
mais cela fut bloqué de l’aveu même des membres présents. Pourtant il est difficile de fonctionner à 27 États, les
dirigeants de l’UE décident donc de créer un système constitutionnel à l’UE.
Les parlementaires européens s’impliquent donc dans la constitutionnalisation
de l’UE. A cela, s’ajoute des conventionnels (députés et hommes politiques
de différents pays réfléchissant à cette constitution). Le but est de
réorganisé les pouvoirs de l’UE pour 2004.
Lorsqu’on passe à
25 États, le traité de Rome reposant sur les travaux de la convention, avec le Traité Constitutionnel Européen (TCE) qui prend son appui sur le Traité
de l’Union Européenne (TUE). Le but est de faire fonctionner ensemble les
traités précédents au sein d’une constitution. Ces textes sont signés par tous
les membres et l’enjeu de l’année 2005 était donc la ratification du TCE.
L’enjeu était qu’il fallait impérativement la signature de tous les pays. Donc
durant cette année de nombreux États ratifient très nettement cette
constitution, mais vite une crise constitutionnel émerge. Ce traité constitutionnel de 2005 est
une proto-constitution européenne un peu bancale et qui n’est pas réellement
fédérale ni laissant une totale autonomie aux États. C’est un compromis entre
toutes les tendances qui ne satisfait pas vraiment tout le monde.
Plusieurs
États un peu sceptiques décident d’organiser des référendums : la France,
les Pays-Bas et le Luxembourg. Ce sont des États à tradition de référendums
pour toutes les questions importantes, mais ce sont aussi trois États des 6
fondateurs. Or deux des pays fondateurs
votent non par référendum et en tout premier la France. L’été 2005 est donc un
peu mou et les contestations des eurosceptiques reviennent en force. La
convention européenne est donc dissoute mais la commission européenne propose
de reprendre les éléments consensuels de ce traité et de les ratifier sous
l’égide du Portugal et ce sera le traité
de Lisbonne. Cette ratification fut longue et complexe tout de même.
Entre le traité de
Nice et le traité de Lisbonne on a 10 ans de scepticisme et de crise
institutionnelle
qui ont des répercussions aujourd’hui, on ne souhaite pas faire trop de
concessions sur l’Europe actuellement. Le gouvernement européen en dépit des
transformations n’est pas plus fort puisqu’on a toujours plus de 30 présidents
à l’UE. De plus, les contradictions étatiques sont nombreuses : crises
entre pays moteurs et pays eurosceptiques, crise sur les groupements (pays
membres de Schengen, pays membres de l’euro, …), … Enfin l’Europe ne semble
guère plus démocratique qu’avant et les prochaines élections européennes
risquent de rencontrer de nouveau une forte abstention.
2.
La crise économique et financière et ses conséquences sur les
institutions européennes
Comparée
à la Great Recession de 1931, bien que cela ne soit guère comparable, la crise
économique de 2008 a plusieurs apports intéressants. Tout d’abord la crise grecque, appelée aussi la crise des dettes
souveraines, qui est une crise des dettes publiques des États. En effet,
jusqu’alors, l’État se chargeait de réduire la crise mais dorénavant l’État lui-même
est surendetté. Le déficit grec est constaté dés novembre
2009 et le gouvernement de gauche dénonce l’obscurantisme que fit le
précédent gouvernement de droite en masquant la dette réelle. Aussitôt le
cercle de crise s’amorce : faillite de la Grèce qui ne peut rembourser ses
créanciers, faillite des banques européennes qui alimentaient la Grèce,
faillite des autres États de l’UE qui ne peuvent plus emprunter, … Rapidement, avec le FMI, l’UE s’organise
pour sauver l’État grec et éviter cet effet domino. Aujourd’hui on en est à
5 plans d’austérité chez les Grecs. En 2011, des sommets sont organisés pour
régler la question de la dette souveraine et sauver la plupart des pays de l’UE
empêtrés dans cette dette. On met en place la Troïka, réunion de trois grands
organismes monétaires : la Banque européenne, le FMI et ???. La Troïka doit régler cette question des
dettes souveraines. Le problème est qu’aucun représentant de l’UE ne prend en
charge ce système, aucun parlementaire de l’UE n’y est présent. Il y a une
dépossession des prérogatives du Parlement au profit du FMI, de la commission
européenne et de la banque européenne. Le Parlement européen et le conseil
européen perdent leurs pouvoirs économiques et sont mis sur la touche sur ce
sujet très important qui concerne pourtant intrinsèquement l’UE.
Le Fond Européen de
Stabilité Financière (SESF) est créé pour garantir et surveiller les prêts des États.
Mais cette décision se fait hors du Parlement et du Conseil européen. Signé par
les 27 pays le 2 mars 2012, le TSCG assure
un troisième effet, une prise de pouvoir sur la question du Conseil Européen,
les États veulent revenir dans le jeu de la question économique. Ce traité va loin dans les
règles imposées avec la règle d’or qui limite le déficit structurel des
pays. Cela semble être une réaction des États à la Troïka qui avait mis le
Conseil sur la touche. En revanche le Parlement reste à l’écart. Second aspect
contesté du TSCG, le système de ratification fait que si 12 États signent ce
traité, cela s’impose pour tous les autres membres de la zone euro. On a donc une reprise en main par les États
des questions européennes.
Enfin on constate
un éclatement de la zone européenne entre membres appartenant à la zone euro et
les autres, ceux appartenant à l’espace Schengen et les autres, … De plus, maintenant, on a une
différence entre les États qui respectent les règles économiques de la zone
euro et sont devenus exemplaires (Allemagne, Autriche, Finlande), ceux qui
réussissent économiquement mais ne sont pas dans la zone euro (Danemark) et qui
sont sceptiques face à l’euro, les États endettés hors de la zone euro
(Royaume-Uni), les États du Sud intégrés dans la zone euro qui sont lourdement
endettés (Grèce, Espagne, Portugal, Italie, …) et une sorte de marais d’États
plus ou moins dans l’euro avec des dettes très importantes (France, Belgique,
Roumanie, …).
II.
L’avenir de l’Union
Européenne
1.
Court terme
On peut considérer
qu’on est officiellement entré dans une période de géométrie variable. Celle-ci
nous dirige vers une régression de l’habitus national. A chaque crise, une
défense des intérêts nationaux ressurgit et plombe les avancées au sein de
l’UE. A court terme, l’intergouvernementalisme va rester tendu pendant encore
plusieurs années avec des négociations âpres surtout concernant le budget de l’UE. Ceux qui sont
eurosceptiques veulent réduire leur participation risquant d’aggraver les
situations des plus démunis, surtout que beaucoup d’autres pays sont en crise
et ne peuvent augmenter leur contribution. Un fort niveau d’attentisme a lieu
actuellement. En 2012 les élections françaises ont empêchés des positions
nettes de ce pays. En 2013 ce sera le tour de l’Allemagne et en 2014, on a les
élections européennes qui risquent de cristalliser les oppositions et
l’absentéisme. Toujours est-il que sur
le moyen et sur le court terme, l’hybridité de l’UE va la bloquer durant un
moment.
2.
Long terme
Pour
2020, on pense évoquer une reprise de l’agrandissement. La crise devrait être
passée d’ici là et les prochains candidats (Bosnie, Serbie, …) pourraient
véritablement rejoindre l’UE durant cette période. La poursuite lente et complexe de l’élargissement est sure.
En revanche, les
évolutions institutionnelles sont complexes. Plusieurs scénarios se distinguent
sur le long terme. Le premier scénario redéfendu par l’Allemagne depuis deux
ans est un scénario fédéral,
s’il est envisageable cela ne peut se faire que sur un très long terme. L’idée
est d’unifier la politique économique en particulier et de pouvoir concurrencer
les autres blocs économiques mondiaux.
Second scénario, un
système hybride entre le fédéral et le gouvernemental. On fixe un noyau d’États
européens qui s’intègreraient en premier et davantage que les autres. On
formerait des sous-blocs (Scandinavie, Péninsule Ibérique, Balkans, …) qui fonctionneraient
entre eux sur certaines thématiques. Actuellement, la politique industrielle
fonctionne un peu comme cela.
Troisième scénario,
le scénario confédéral
qui est une construction allégée mais davantage centralisée. Il permet ainsi de
faire une construction peu développée, mais à le mérite de former des pôles
centralisés pour certaines politiques (type un gouvernement économique).
Quatrième scénario,
le statut quo qui a la faveur de nombreux dirigeants actuels. Cela peut durer très longtemps,
on reste à géométrie variable et on négocie quand ça va mal uniquement.
Ultime scénario,
l’éclatement de l’UE suite à une trop forte paralysie. Si certains États quittaient
l’UE ou en était sorti de force. C’est envisageable si les partis populistes
prennent la tête des États comme c’est le cas de quelques pays du Nord
(Finlande, Pays-Bas, Royaume-Uni, …) qui souhaitent moins de politiques
européennes.
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