Les mariages chinois traditionnels semblent préférer le rouge. Le divorce prend quelle couleur ?
La loi
sur le mariage de 1950
La
loi sur le mariage fixe la majorité légale des garçons à 20 ans au moins, celle
des filles à 18 ans (Tché-Hao Tsien, Le droit de la famille en Chine populaire).
Le consentement doit être libre et total, tranchant avec la pratique du mariage
arrangé qu’il soit contracté au berceau ou qu’il prenne place par le système
des fillettes fiancées. La loi interdit la bigamie ou le concubinage qui
étaient pourtant des pratiques classiques chez les élites bourgeoises. Les
femmes qui ne supportent pas cette situation peuvent aller se plaindre au
parti. En fait sur ce point, on a toléré la polygamie puisqu’on ne forçait pas
au divorce et que certaines femmes avaient besoin du concubinage pour vivre. Cette
loi permet le remariage des veuves à condition qu’elles laissent à leurs
enfants de quoi vivre. En pratique en revanche, les femmes veuves se sont très
peu remariées restant fidèles à l’ancienne tradition, du fait aussi de certains
tabassages communautaires lorsqu’elles se remariaient.
Les
mariages entre gens de la même famille, avant le 5° degré de parenté sont
interdits. Les mariages avec des gens considérés fous sont interdits. De même
pour les gens qui ont des maladies vénériennes. Les époux vont à la mairie,
doivent être physiquement présents, pas de témoins et un seul papier doit être
signé. Ce papier n’est pas un contrat de mariage, cela relève du domaine privé.
Pareil pour les fêtes de fiançailles ou de mariage, la loi ne l’oblige pas mais
en général, cela se fait. Les témoins aussi ne sont pas obligés mais il y en a
toujours un ou deux.
La
femme garde son nom de famille et peut accoler celui de son mari selon son
goût. Autre particularité, les couples ne sont pas obligés de vivre sous le
même toit. Le devoir dans cette loi est de s’aimer et de s’aider.
Le
divorce est aussi très simple. On se rend devant un officier de l’État civil
les deux camps demandent le mariage avec leur attestation de mariage et le
représentant déchire le contrat. Lorsque la demande est unilatérale,
l’administration de la mairie a le devoir de mettre les deux d’accord. Si ça ne
passe pas, on envoie le dossier au tribunal populaire le plus proche. Le juge
tente la conciliation, si ça ne passe toujours pas, un jugement de divorce doit
être prononcé et ce le plus rapidement possible puisque dans ces cas, il n’y a
pas de raison de laisser les deux individus en couple. Seule restriction, si la
femme est enceinte ou vient tout juste d’accoucher. Le but est de protéger la
femme et l’enfant, en même temps si la femme est battue, on retarde un divorce
qui lui serait utile.
Concernant
les enfants, la responsabilité parentale est la même que ce soit la mère ou le
père, idem pour l’obligation scolaire, pour le partage des enfants, … Si les
enfants sont gardés par leur mère, la loi oblige le père à aider financièrement
la mère. Pas de loi économique liée au divorce sauf si un des conjoints est
dans la dèche, l’autre doit l’aider selon un temps variable. Tout les enfants
sont pareils aux yeux de la loi, qu’ils soient nés du mariage ou hors mariage.
Plusieurs
divorces suivirent dans les années 1950, le
parti avait un œil dessus et l’a constaté. Pour le PCC, si la famille n’était
pas une mauvaise institution, le lieu de travail restait prioritaire. Avec le
temps, le PCC est revenu en arrière et autorise toujours le divorce mais garde
un œil critique dessus puisque ce serait aller contre un fonctionnement
solidaire de la nation, c’est un petit problème individuel peu important. Du
coup, les Chinois s’autocensurent énormément sur cette question du divorce et
les taux de divorce sont plus bas qu’ils ne le seraient en réalité.
Pirate Junk, Indiochink, deviantart. La conquête chinoise des mers en bd.
Le
légisme
I.
Les bases d’un
grand courant politique
Si ce terme évoque
la loi, il préconise en réalité les régimes les plus forts et les plus
autoritaires. Né dans la période des royaumes combattants (453 – 221 avant JC), il n’y a pas de pensée
philosophique derrière. En revanche, c’est une théorie politique avec une forte
mise en pratique. Ce légisme a pris le contrepied de la pensée confucéenne.
1.
Quelques ouvrages
Les
ouvrages qui développent cette théorie portent les noms des ministres qui les
ont écris. Ainsi le Livre du Prince
Shang, qui daterait de 238 avant JC,
fut écrit par le ministre Shang du royaume Qin avant que cet État ne
devienne le royaume vainqueur de ces guerres. Un autre texte est le Han Feizi, écrit par Han Fei,
un homme du III° siècle avant JC, de la
haute noblesse militaire et qui portait le titre de duc de Han. C’est un continuateur de Confucius, Xunzi, qui avait repris les théories du maître en les
développant à sa manière, puisque selon lui l’homme serait mauvais par nature.
Xunzi eut pour élève Han Fei d’une part et Lisi,
un futur ministre de l’État de Qin, d’autre part.
Tous ces courants
anciens se préoccupent de la politique dans l’ordre du monde mais les écrits
légistes cherchent en particulier à renforcer l’État. En effet, les textes
veulent avant tout être présentés comme des manuels de gouvernement.
2.
La vision de l’homme dans le légisme
Concrètement, il
s’agit de prendre l’homme tel qu’il est, naturellement composé de bas instincts
dont le premier de tous est celui de la compétition pour la survie. Leur raisonnement révèle que ce
sont les seuls textes qui peuvent avoir une tradition historique. Les hommes en
Chine se sont développés, ont augmenté, les poussant à vivre heureux dans un État
d’abondance mais peu densément peuplé. La situation inverse arrive ensuite, situation surpeuplée où il faut instaurer
des administrations politiques pour départager qui peut avoir accès à quoi.
Dans le légisme il faut chercher une
méthode pour diriger ce peuple.
Second principe, il
faut s’adapter avec son époque. Cette caractéristique révèle que ce sont des
gens extrêmement pragmatiques.
Il n’y a aucun idéalisme dans cette voie. Les légistes balayent donc le passé,
les anciens ne sont pas des cas de figure dans lesquels on peut chercher son
inspiration. Le ritualisme est aussi totalement condamné dans cette pensée, il
ne représente qu’une fioriture qui n’est pas le plus important.
3.
Faire triompher la loi
La notion de loi
renvoie ici à un modèle, une norme ou une méthode. Ce n’est pas un droit constitué
comme en Europe. Ainsi on utilise dans cette pensée des mots renvoyant à des
outils très concrets : compas, équerre, guiju (règles décidées ensemble), balance (qui donnera le mot
« pouvoir »), … Il faut se
doter d’une manière de penser la plus empirique possible et éviter toute
abstraction.
A
chaque dynastie, il y a un code des tarifications correspondant à des peines
particulières qui est rédigé par les empereurs.
4.
Le pouvoir comme efficacité
Si on met en haut
du système cette référence à la loi, alors le pouvoir n’a plus besoin de se
référer à la vertu et à la bonté.
La loi devient plus forte que tout y compris la famille ou le sang. Le légisme
ne cherche pas le bien et le mal, il se contente d’appliquer des tarifs face à
des faits. Cette conception basique et
bestiale du pouvoir va amener à des mots pour des conceptions étranges. Ainsi,
dérivée du mot couteau, la position de force se dit « Shí ». Le Shí
est celui de l’instant donné, si l’autre a un couteau et vous de l’argent, le
couteau l’emporte. Les institutions
doivent alors travailler pour maintenir un rapport de force qui doit être
favorable aux élites au pouvoir. Il s’agit de s’appuyer sur le peuple et de
maintenir le chef en haut. Indépendante de toute subjectivité, la position de
force impose le chef aux autres.
En conclusion,
toujours dans l’opposition à Confucius, cette pensée exprime l’idée qu’on ne
fait pas de politique avec de bonnes intentions, qu’il faut développer des
techniques de contrôle. En conséquence, cela va de paire avec l’idée d’un
développement de l’administration.
Les légistes poussés à leur extrême sont
des totalitarismes, ils font de l’amoralité un parti pris et non pas un
dégât collatéral. Cela justifie donc la force qui devient un incontournable du
légisme.
II.
Les applications du
légisme
1.
Le légisme et l’idée d’empire
Les deux premières
dynasties sont totalement légistes. Le fondateur de l’empire Qin Shi Huangdi s’appuie sur les légistes pour
régner. On lui
doit la réforme, l’invention de l’écriture (unification de la graphie des actes
administratifs), la monnaie, les débuts d’un empire aux régionalismes déjà
marqué. Ce premier empereur est un point
de rupture qui dote l’empire d’une administration efficace avec des outils
propres, ainsi que d’une armée. On lui doit la destruction de la littérature
confucéenne avec plusieurs autodafés.
La dynastie des Han
reprendra tous les principes précédents. Un des outils utilisé est la connaissance du
territoire, avec une carte de la Chine, peut être la plus ancienne carte au
monde que l’on connaisse.
2.
Les renforcements du pouvoir
Il s’agit du
contrôle et du maintien de l’appareil politique qui devait durer. Trois
administrations civiles existaient : l’administration civile,
l’administration militaire et le censorat. Il y a aussi la création des
concours mandarinaux qui permet d’éviter une organisation clanique du pouvoir. Ces concours qui forment des
fonctionnaires évitent un dérèglement du pouvoir.
Il y a aussi une
politique d’agrandissement du territoire qui fonctionne sur deux
techniques : la sinisation progressive ou dans le cas plus légiste, celle
de la conquête. Toutes les périodes de pouvoir fort en Chine se font lorsque
des légistes furent proches de l’empereur. En
particulier, sous la période de Ming, selon Timothy
Brook dans son ouvrage Sous
l’œil des dragons, qui écrit que la Chine des Ming est un « goulag de légistes ». Par exemple,
durant cette période on a mis en place une politique systématique de défense
des côtes avec des petits fortins le long des côtes, une petite flotte navale,
… Cela était censé protéger contre les pirates.
On peut aussi
regarder la conquête des marges terrestres avec au XV° siècle
la conquête du Yunnan, au XVI° siècle,
Hainan et le Liaodong, au XVII° siècle, le
Tibet, au XVIII° siècle, le Xinjiang. En un peu plus de trois siècles, le pouvoir
a multiplié par deux son espace territorial. Cette expansion terrestre se
double d’une expansion maritime où les Chinois décident de conquérir et de
découvrir des terres. Ainsi Zheng He est parti installer des comptoirs en
Inde et jusqu’à Madagascar avec une politique assez impérialiste. Pour le parti
qui passe par les universitaires chinois, Zheng
He est une image impérialiste très actualisée. Pourtant, les textes parlent
de Zheng He comme un explorateur qui a des liens d’amitié avec les indigènes.
En effet, pour concilier impérialisme
(notion bourgeoise) et socialisme, le PCC a préféré dire que Zheng He a fait
des « missions d’amitié ».
3.
Des comportements de légistes dans la Chine communiste
A chaque coup de
force, on voit des traces du légisme du pouvoir. Ainsi lors de l’épisode des
Cent Fleurs en 1957, on accorde une grande priorité
et une grande primauté au modèle démocratique. Selon Mao, la Chine a tout
faux : sacrifice de l’agriculture, manque de développement technologique,
… Pour Mao
la faute incombe aux mandarins rouges, premiers cadres qui aidèrent Mao mais
qui avaient une attitude autoritaire et bureaucratique. Mao fait alors un
discours « De la juste solution
des contradictions au sein du peuple » dans lequel il encourage
les intellectuels à émettre leur critique pour éviter une implosion populaire.
Des affiches se font dans les villes, les étudiants réclament des espaces de
liberté, les ouvriers cumulent les grèves et une partie des paysans abandonnent
leurs postes après l’échec radical de la collectivisation qui, même si elle est
minoritaire, fait partir des campagnes une part de ceux qui y sont. Le
mouvement est cassé par le parti lui-même au travers du journal Le quotidien du peuple parlant de
« fleurs vénéneuses à arracher ».
Ce mouvement n’a pas été pensé comme un
piège mais a fonctionné comme tel au final. Les grandes critiques furent vite
jugés comme des droitiers et furent poursuivis été
et automne 1957 par le parti. Le PCC appela à la délation des propos
droitiers. Plusieurs droitiers finirent donc aux camps de travail mais ils
furent aussi purgés, … La Révolution
culturelle, Tian’An’Men, … Autant d’évènements qui relèvent du légisme. De même
que ce propos de Deng Xiaoping inscrit dans
le titre d’un célèbre journal quotidien chinois, « La pratique est le seul critère de la vérité ».
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