mercredi 14 novembre 2012

Chine 14 - 11 (cours 6)

 Les mariages chinois traditionnels semblent préférer le rouge. Le divorce prend quelle couleur ?


La loi sur le mariage de 1950


La loi sur le mariage fixe la majorité légale des garçons à 20 ans au moins, celle des filles à 18 ans (Tché-Hao Tsien, Le droit de la famille en Chine populaire). Le consentement doit être libre et total, tranchant avec la pratique du mariage arrangé qu’il soit contracté au berceau ou qu’il prenne place par le système des fillettes fiancées. La loi interdit la bigamie ou le concubinage qui étaient pourtant des pratiques classiques chez les élites bourgeoises. Les femmes qui ne supportent pas cette situation peuvent aller se plaindre au parti. En fait sur ce point, on a toléré la polygamie puisqu’on ne forçait pas au divorce et que certaines femmes avaient besoin du concubinage pour vivre. Cette loi permet le remariage des veuves à condition qu’elles laissent à leurs enfants de quoi vivre. En pratique en revanche, les femmes veuves se sont très peu remariées restant fidèles à l’ancienne tradition, du fait aussi de certains tabassages communautaires lorsqu’elles se remariaient.
Les mariages entre gens de la même famille, avant le 5° degré de parenté sont interdits. Les mariages avec des gens considérés fous sont interdits. De même pour les gens qui ont des maladies vénériennes. Les époux vont à la mairie, doivent être physiquement présents, pas de témoins et un seul papier doit être signé. Ce papier n’est pas un contrat de mariage, cela relève du domaine privé. Pareil pour les fêtes de fiançailles ou de mariage, la loi ne l’oblige pas mais en général, cela se fait. Les témoins aussi ne sont pas obligés mais il y en a toujours un ou deux.
La femme garde son nom de famille et peut accoler celui de son mari selon son goût. Autre particularité, les couples ne sont pas obligés de vivre sous le même toit. Le devoir dans cette loi est de s’aimer et de s’aider.
Le divorce est aussi très simple. On se rend devant un officier de l’État civil les deux camps demandent le mariage avec leur attestation de mariage et le représentant déchire le contrat. Lorsque la demande est unilatérale, l’administration de la mairie a le devoir de mettre les deux d’accord. Si ça ne passe pas, on envoie le dossier au tribunal populaire le plus proche. Le juge tente la conciliation, si ça ne passe toujours pas, un jugement de divorce doit être prononcé et ce le plus rapidement possible puisque dans ces cas, il n’y a pas de raison de laisser les deux individus en couple. Seule restriction, si la femme est enceinte ou vient tout juste d’accoucher. Le but est de protéger la femme et l’enfant, en même temps si la femme est battue, on retarde un divorce qui lui serait utile.

Concernant les enfants, la responsabilité parentale est la même que ce soit la mère ou le père, idem pour l’obligation scolaire, pour le partage des enfants, … Si les enfants sont gardés par leur mère, la loi oblige le père à aider financièrement la mère. Pas de loi économique liée au divorce sauf si un des conjoints est dans la dèche, l’autre doit l’aider selon un temps variable. Tout les enfants sont pareils aux yeux de la loi, qu’ils soient nés du mariage ou hors mariage.

Plusieurs divorces suivirent dans les années 1950, le parti avait un œil dessus et l’a constaté. Pour le PCC, si la famille n’était pas une mauvaise institution, le lieu de travail restait prioritaire. Avec le temps, le PCC est revenu en arrière et autorise toujours le divorce mais garde un œil critique dessus puisque ce serait aller contre un fonctionnement solidaire de la nation, c’est un petit problème individuel peu important. Du coup, les Chinois s’autocensurent énormément sur cette question du divorce et les taux de divorce sont plus bas qu’ils ne le seraient en réalité.




 Pirate Junk, Indiochink, deviantart. La conquête chinoise des mers en bd.



Le légisme


I.                   Les bases d’un grand courant politique

Si ce terme évoque la loi, il préconise en réalité les régimes les plus forts et les plus autoritaires. Né dans la période des royaumes combattants (453 – 221 avant JC), il n’y a pas de pensée philosophique derrière. En revanche, c’est une théorie politique avec une forte mise en pratique. Ce légisme a pris le contrepied de la pensée confucéenne.

1.      Quelques ouvrages

Les ouvrages qui développent cette théorie portent les noms des ministres qui les ont écris. Ainsi le Livre du Prince Shang, qui daterait de 238 avant JC, fut écrit par le ministre Shang du royaume Qin avant que cet État ne devienne le royaume vainqueur de ces guerres. Un autre texte est le Han Feizi, écrit par Han Fei, un homme du III° siècle avant JC, de la haute noblesse militaire et qui portait le titre de duc de Han. C’est un continuateur de Confucius, Xunzi, qui avait repris les théories du maître en les développant à sa manière, puisque selon lui l’homme serait mauvais par nature. Xunzi eut pour élève Han Fei d’une part et Lisi, un futur ministre de l’État de Qin, d’autre part.
Tous ces courants anciens se préoccupent de la politique dans l’ordre du monde mais les écrits légistes cherchent en particulier à renforcer l’État. En effet, les textes veulent avant tout être présentés comme des manuels de gouvernement.

2.      La vision de l’homme dans le légisme

Concrètement, il s’agit de prendre l’homme tel qu’il est, naturellement composé de bas instincts dont le premier de tous est celui de la compétition pour la survie. Leur raisonnement révèle que ce sont les seuls textes qui peuvent avoir une tradition historique. Les hommes en Chine se sont développés, ont augmenté, les poussant à vivre heureux dans un État d’abondance mais peu densément peuplé. La situation inverse arrive ensuite, situation surpeuplée où il faut instaurer des administrations politiques pour départager qui peut avoir accès à quoi. Dans le légisme il faut chercher une méthode pour diriger ce peuple.

Second principe, il faut s’adapter avec son époque. Cette caractéristique révèle que ce sont des gens extrêmement pragmatiques. Il n’y a aucun idéalisme dans cette voie. Les légistes balayent donc le passé, les anciens ne sont pas des cas de figure dans lesquels on peut chercher son inspiration. Le ritualisme est aussi totalement condamné dans cette pensée, il ne représente qu’une fioriture qui n’est pas le plus important.

3.      Faire triompher la loi

La notion de loi renvoie ici à un modèle, une norme ou une méthode. Ce n’est pas un droit constitué comme en Europe. Ainsi on utilise dans cette pensée des mots renvoyant à des outils très concrets : compas, équerre, guiju (règles décidées ensemble), balance (qui donnera le mot « pouvoir »), … Il faut se doter d’une manière de penser la plus empirique possible et éviter toute abstraction.
A chaque dynastie, il y a un code des tarifications correspondant à des peines particulières qui est rédigé par les empereurs.




4.      Le pouvoir comme efficacité

Si on met en haut du système cette référence à la loi, alors le pouvoir n’a plus besoin de se référer à la vertu et à la bonté. La loi devient plus forte que tout y compris la famille ou le sang. Le légisme ne cherche pas le bien et le mal, il se contente d’appliquer des tarifs face à des faits. Cette conception basique et bestiale du pouvoir va amener à des mots pour des conceptions étranges. Ainsi, dérivée du mot couteau, la position de force se dit « Shí ». Le Shí est celui de l’instant donné, si l’autre a un couteau et vous de l’argent, le couteau l’emporte. Les institutions doivent alors travailler pour maintenir un rapport de force qui doit être favorable aux élites au pouvoir. Il s’agit de s’appuyer sur le peuple et de maintenir le chef en haut. Indépendante de toute subjectivité, la position de force impose le chef aux autres.
En conclusion, toujours dans l’opposition à Confucius, cette pensée exprime l’idée qu’on ne fait pas de politique avec de bonnes intentions, qu’il faut développer des techniques de contrôle. En conséquence, cela va de paire avec l’idée d’un développement de l’administration. Les légistes poussés à leur extrême sont des totalitarismes, ils font de l’amoralité un parti pris et non pas un dégât collatéral. Cela justifie donc la force qui devient un incontournable du légisme.


II.                Les applications du légisme

1.      Le légisme et l’idée d’empire

Les deux premières dynasties sont totalement légistes. Le fondateur de l’empire Qin Shi Huangdi s’appuie sur les légistes pour régner. On lui doit la réforme, l’invention de l’écriture (unification de la graphie des actes administratifs), la monnaie, les débuts d’un empire aux régionalismes déjà marqué. Ce premier empereur est un point de rupture qui dote l’empire d’une administration efficace avec des outils propres, ainsi que d’une armée. On lui doit la destruction de la littérature confucéenne avec plusieurs autodafés.
La dynastie des Han reprendra tous les principes précédents. Un des outils utilisé est la connaissance du territoire, avec une carte de la Chine, peut être la plus ancienne carte au monde que l’on connaisse.

2.      Les renforcements du pouvoir

Il s’agit du contrôle et du maintien de l’appareil politique qui devait durer. Trois administrations civiles existaient : l’administration civile, l’administration militaire et le censorat. Il y a aussi la création des concours mandarinaux qui permet d’éviter une organisation clanique du pouvoir. Ces concours qui forment des fonctionnaires évitent un dérèglement du pouvoir.
Il y a aussi une politique d’agrandissement du territoire qui fonctionne sur deux techniques : la sinisation progressive ou dans le cas plus légiste, celle de la conquête. Toutes les périodes de pouvoir fort en Chine se font lorsque des légistes furent proches de l’empereur. En particulier, sous la période de Ming, selon Timothy Brook dans son ouvrage Sous l’œil des dragons, qui écrit que la Chine des Ming est un « goulag de légistes ». Par exemple, durant cette période on a mis en place une politique systématique de défense des côtes avec des petits fortins le long des côtes, une petite flotte navale, … Cela était censé protéger contre les pirates.
On peut aussi regarder la conquête des marges terrestres avec au XV° siècle la conquête du Yunnan, au XVI° siècle, Hainan et le Liaodong, au XVII° siècle, le Tibet, au XVIII° siècle, le Xinjiang. En un peu plus de trois siècles, le pouvoir a multiplié par deux son espace territorial. Cette expansion terrestre se double d’une expansion maritime où les Chinois décident de conquérir et de découvrir des terres. Ainsi Zheng He est parti installer des comptoirs en Inde et jusqu’à Madagascar avec une politique assez impérialiste. Pour le parti qui passe par les universitaires chinois, Zheng He est une image impérialiste très actualisée. Pourtant, les textes parlent de Zheng He comme un explorateur qui a des liens d’amitié avec les indigènes. En effet, pour concilier impérialisme (notion bourgeoise) et socialisme, le PCC a préféré dire que Zheng He a fait des « missions d’amitié ».

3.      Des comportements de légistes dans la Chine communiste

A chaque coup de force, on voit des traces du légisme du pouvoir. Ainsi lors de l’épisode des Cent Fleurs en 1957, on accorde une grande priorité et une grande primauté au modèle démocratique. Selon Mao, la Chine a tout faux : sacrifice de l’agriculture, manque de développement technologique, … Pour Mao la faute incombe aux mandarins rouges, premiers cadres qui aidèrent Mao mais qui avaient une attitude autoritaire et bureaucratique. Mao fait alors un discours « De la juste solution des contradictions au sein du peuple » dans lequel il encourage les intellectuels à émettre leur critique pour éviter une implosion populaire. Des affiches se font dans les villes, les étudiants réclament des espaces de liberté, les ouvriers cumulent les grèves et une partie des paysans abandonnent leurs postes après l’échec radical de la collectivisation qui, même si elle est minoritaire, fait partir des campagnes une part de ceux qui y sont. Le mouvement est cassé par le parti lui-même au travers du journal Le quotidien du peuple parlant de « fleurs vénéneuses à arracher ». Ce mouvement n’a pas été pensé comme un piège mais a fonctionné comme tel au final. Les grandes critiques furent vite jugés comme des droitiers et furent poursuivis été et automne 1957 par le parti. Le PCC appela à la délation des propos droitiers. Plusieurs droitiers finirent donc aux camps de travail mais ils furent aussi purgés, … La Révolution culturelle, Tian’An’Men, … Autant d’évènements qui relèvent du légisme. De même que ce propos de Deng Xiaoping inscrit dans le titre d’un célèbre journal quotidien chinois, « La pratique est le seul critère de la vérité ».

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