mercredi 28 novembre 2012

Sociologie politique 27 - 11 (cours 9)


 Une seule solution, la manifestation ?




Les mobilisations collectives


I.                   La logique des mobilisations

1.      Penser les mobilisations

Une action collective est une organisation constituée pour faire infléchir le pouvoir politique dans un sens favorables à ses intérêts. Aux USA, ces actions collectives sont très codifiées avec les lobbys. La plupart des autres pays n’ont pas cette institutionnalisation, comme on le voit avec l’aéroport Notre-Dame-des-Landes où un groupe de paysans locaux s’organisent par lui-même.
Ces groupes d’intérêts n’expriment pourtant pas tous les intérêts autour des contestations ou bien au contraire des avantages. Il existe essentiellement des mobilisations négatives, on parle de « veto groups » dans le monde anglo-saxon ou encore de NIMBY (Not In My BackYard). Cela représente la plupart des mobilisations d’oppositions. Les oppositions des NIMBY ne sont pas contre un système ou un projet, juste contre l’implantation à un endroit précis et particulier de ce projet (centrale nucléaire à proximité de chez soi, par exemple).
Quelques mobilisations se font contre des causes, mais elles restent moins nombreuses encore qu’en croissance. Les NIMBY ont permis la popularisation de ces contestations.

Il y a plusieurs logiques de mobilisations. Les auteurs américains ont beaucoup étudié ces systèmes. Anthony Oberschall se demande pourquoi certains pays se mobilisent plus que d’autres et dans les pays, certaines régions plus que d’autres. Ainsi en Italie, il y a une forte mobilisation du Nord et une faible du Sud, ce qui brise la logique que plus on est pauvres, plus on se mobilise. En effet, les sociétés du Sud de l’Italie sont bien intégrées et donc se mobilisent moins. De plus, leur dépendance au centre est trop forte pour que ces régions pauvres puissent se permettre de s’opposer à des décisions, en particulier étatiques.
Mancur Olson parle d’un paradoxe de l’action collective. L’individu, le salarié ou le militant à paradoxalement intérêt à ne pas se mobiliser (on n’est pas fiché gréviste) en même temps qu’il a intérêt à ce qu’il y ait une grève (il peut obtenir des avantages). Il y a donc des contraintes à la mobilisation. Le premier type d’incitation sélective est ???. La seconde contrainte sélective est l’effet de groupe, difficile d’être seul contre un groupe motivé. Troisième incitation sélective, le devoir moral  de défendre certains sujets (exclusion des étudiants précaires, …).

2.      Les répertoires d’action collective

Charles Tilly a forgé en 1978 le concept de répertoire d’action collective. Rédigeant, La France conteste, il prend le cas français et étudie toutes les formes d’actions collectives de 1675 à 1975. Les modes de manifestations sont différents entre les époques. « Tout mouvement social est confronté à une palette préexistante de formes protestataires plus ou moins codifiées, inégalement réparties selon l’identité des groupes mobilisés. ». A chaque époque son mode de protestation selon les normes de l’époque. Bien évidemment cela dépend aussi des évolutions techniques (téléphones portables, …) mais aussi des évolutions sociales (grève, …). Au XVII° siècle, on agissait essentiellement par les Jacqueries. Aujourd’hui, selon les sociétés on a différents systèmes contestataires. En Chine dictatoriale, les Tibétains ne font pas des grèves mais utilisent des contestations par le suicide (immolations, …). Les étudiants du Québec ont innové par leur grève plutôt de type européen qui a duré longtemps et est parvenue à ses fins.

Souvent les grèves n’atteignent par leurs buts mais dans le feu de l’action, il n’est pas question de souligner ce détail. Le risque est celui d’une ritualisation de la grève qui lui fait perdre son sens. Du coup on trouve différents styles de contestations : violentes et du coup marquantes et médiatisées (cf les contestataires contre le parti d’extrême-droite suisse), drôles pour renouveler le principe (cf les étudiants russes se prosternant devant une affiche électorale pro-Poutine), …
II.                Les types de répertoires

1.      Typologie d’action

Vehlinger et Fuchs ont trouvé plusieurs types de typologie d’action : le répertoire démonstratif, le répertoire confrontatif et le répertoire utilisant la violence politique. Le répertoire d’action est dans le premier cas, à la fois de manière légale et non-violent ; le second est illégal mais non-violent ; le dernier étant illégale et violent. C’est souvent dans la limite avec l’illégal que se déroulent les manifestations, tout n’est pas véritablement légal dans les actions.
Ainsi la pétition, mode d’action typiquement européen a pris un renouveau avec internet. Viennent ensuite les réflexions, les discussions, les manifestations, les actions symboliques, les tracts, les boycotts (de produits, de pays, …), grève (légale et en théorie non-violente), grève de la faim, les jeûnes (plus courts et collectifs par rapport à la grève de la faim), … Autant de moyens d’actions du répertoire démonstratif.
L’occupation de bâtiments, la résistance aux forces de l’ordre, s’enchaîner aux bâtiments, l’entrave à la circulation, … sont plutôt du répertoire confrontatif.
Séquestration, destruction de matériel, … On peut aller jusqu’au terrorisme. Ce sont en revanche du style du répertoire de la violence politique.

2.      Evolutions (1962 – 2012)

La décennie 1960 est importante par les expérimentations de l’université de Berkeley. Un des premiers sit-in fut organisé dans le Hall de l’hôtel Carlton ? par les étudiants de cette université. De même avec le Shop-in, première pratique, on entre dans un magasin et on bloque son fonctionnement. Les premières grèves étudiantes ne duraient qu’une heure et sont dans les années 1960 devenues plus longues avec des occupations de bâtiments des universités en Californie. Cette invention d’une méthode de contestation s’est ensuite exportée dans d’autres pays, notamment en Europe.

En 1968, c’est la propagation du répertoire d’extrême-gauche avec plus que des manifestations, des attaques précises (remplacement des drapeaux du Sud et Nord Vietnam par le pays opposé, on distribue gratuitement des tickets de métro, …).
On trouve de nouveaux groupes qui se mobilisent durant cette période : les femmes, les jeunes (mai 1968), les Agriculteurs (au Larzac), …

Les années 1980, sont une nouvelle époque et renouvellent les modes de contestations. Act-Up qui se mobilise contre le SIDA suite à des affaires de sang contaminé. On s’en prenait à la personne du pape sur certains sujets (contre les préservatifs). Peu de militants, mais un grand spectacle médiatisé.

Les années 1990 sont la période d’internationalistaion des mouvements puisque l’URSS est tombée et que les ONG deviennent plus libres d’agir dans un monde multipolaire. On voit paraître le Naming, on isole un individu pour le condamné médiatiquement, le Shaming (ou épinglage) avec des publicités où l’on affiche les crimes de certains, leurs alliés, …

Les années 2000 se sont démarquées par la mobilisation de groupes altermondialistes avec un ensemble de pratiques propres (l’organisation de contre-sommets). On a vu d’ailleurs les autorités répliquer de manière très violentes (Seattle en 1999, Gênes en 2001, …).

Les années 2010 tout juste entamées, on constate d’autres mobilisations organisées par les expertises et des résultats scientifiques pour appuyer des causes. D’autres mobilisations se démarquent par l’usage d’internet et s’organisent par internet (les Anonymous). Enfin les Révolutions Arabes sont aussi des moyens de contestation nouveaux. Parallèlement à l’apparition de nouvelles tendances, d’autres semblent s’effacer. Par exemple, les Indignés sont assez proches des manifestations des altermondialistes mais leur succès est presque nul car trop vu et revu.
La question est donc de savoir comment cette tradition de mobilisation occidentale pourrait se coaguler avec le web 2.0, comme on l’a observé dans les pays arabes dans leurs Révolutions ?

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