Une seule solution, la manifestation ?
Les
mobilisations collectives
I.
La logique des
mobilisations
1.
Penser les mobilisations
Une action
collective est une organisation constituée pour faire infléchir le pouvoir
politique dans un sens favorables à ses intérêts. Aux USA, ces actions collectives
sont très codifiées avec les lobbys. La plupart des autres pays n’ont pas cette
institutionnalisation, comme on le voit avec l’aéroport Notre-Dame-des-Landes où
un groupe de paysans locaux s’organisent par lui-même.
Ces groupes d’intérêts
n’expriment pourtant pas tous les intérêts autour des contestations ou bien au
contraire des avantages. Il existe essentiellement des mobilisations négatives,
on parle de « veto groups » dans le monde anglo-saxon ou
encore de NIMBY (Not In My BackYard).
Cela représente la plupart des mobilisations d’oppositions. Les oppositions des
NIMBY ne sont pas contre un système ou un projet, juste contre l’implantation à
un endroit précis et particulier de ce projet (centrale nucléaire à proximité
de chez soi, par exemple).
Quelques
mobilisations se font contre des causes, mais elles restent moins nombreuses
encore qu’en croissance.
Les NIMBY ont permis la popularisation de ces contestations.
Il y a plusieurs
logiques de mobilisations. Les auteurs américains ont beaucoup étudié ces
systèmes. Anthony Oberschall se demande
pourquoi certains pays se mobilisent plus que d’autres et dans les pays, certaines
régions plus que d’autres. Ainsi en Italie, il y a une forte mobilisation du
Nord et une faible du Sud, ce qui brise la logique que plus on est pauvres,
plus on se mobilise. En effet, les sociétés du Sud de l’Italie sont bien
intégrées et donc se mobilisent moins. De plus, leur dépendance au centre est
trop forte pour que ces régions pauvres puissent se permettre de s’opposer à
des décisions, en particulier étatiques.
Mancur
Olson parle d’un paradoxe de l’action collective. L’individu,
le salarié ou le militant à paradoxalement intérêt à ne pas se mobiliser (on n’est pas fiché gréviste) en même temps qu’il a intérêt à ce qu’il y
ait une grève (il peut obtenir des avantages). Il y a donc des contraintes
à la mobilisation. Le premier type d’incitation sélective est ???. La
seconde contrainte sélective est l’effet de groupe, difficile d’être seul
contre un groupe motivé. Troisième incitation sélective, le devoir moral de défendre certains sujets (exclusion des
étudiants précaires, …).
2.
Les répertoires d’action collective
Charles
Tilly a forgé en 1978
le concept de répertoire d’action collective. Rédigeant, La
France conteste, il prend le cas français et étudie toutes les formes d’actions
collectives de 1675 à 1975. Les modes de
manifestations sont différents entre les époques. « Tout mouvement social est confronté à une palette préexistante de
formes protestataires plus ou moins codifiées, inégalement réparties selon
l’identité des groupes mobilisés. ». A chaque époque son mode de protestation selon les normes de l’époque.
Bien évidemment cela dépend aussi des évolutions techniques (téléphones
portables, …) mais aussi des évolutions sociales
(grève, …). Au XVII° siècle, on agissait
essentiellement par les Jacqueries. Aujourd’hui, selon les sociétés on a différents
systèmes contestataires. En Chine dictatoriale, les Tibétains ne font pas des
grèves mais utilisent des contestations par le suicide (immolations, …). Les étudiants
du Québec ont innové par leur grève plutôt de type européen qui a duré
longtemps et est parvenue à ses fins.
Souvent les grèves
n’atteignent par leurs buts mais dans le feu de l’action, il n’est pas question
de souligner ce détail. Le risque est celui d’une ritualisation de la grève qui
lui fait perdre son sens. Du coup on trouve différents styles de contestations : violentes et du coup
marquantes et médiatisées (cf les contestataires contre le parti d’extrême-droite
suisse), drôles pour renouveler le principe (cf les étudiants russes se
prosternant devant une affiche électorale pro-Poutine), …
II.
Les types de
répertoires
1.
Typologie d’action
Vehlinger
et Fuchs ont trouvé plusieurs types de
typologie d’action : le répertoire démonstratif, le répertoire confrontatif
et le répertoire utilisant la violence politique. Le répertoire d’action est
dans le premier cas, à la fois de manière légale et non-violent ; le
second est illégal mais non-violent ; le dernier étant illégale et violent.
C’est souvent dans la limite avec l’illégal que se déroulent les
manifestations, tout n’est pas véritablement légal dans les actions.
Ainsi
la pétition, mode d’action typiquement européen a pris un renouveau avec
internet. Viennent ensuite les réflexions, les discussions, les manifestations,
les actions symboliques, les tracts, les boycotts (de produits, de pays, …), grève
(légale et en théorie non-violente), grève de la faim, les jeûnes (plus courts
et collectifs par rapport à la grève de la faim), … Autant de moyens d’actions
du répertoire démonstratif.
L’occupation
de bâtiments, la résistance aux forces de l’ordre, s’enchaîner aux bâtiments, l’entrave
à la circulation, … sont plutôt du répertoire confrontatif.
Séquestration,
destruction de matériel, … On peut aller jusqu’au terrorisme. Ce sont en
revanche du style du répertoire de la violence politique.
2.
Evolutions (1962 – 2012)
La décennie 1960 est importante par les expérimentations
de l’université de Berkeley. Un des premiers sit-in
fut organisé dans le Hall de l’hôtel Carlton ? par les étudiants de cette
université. De même avec le Shop-in, première pratique, on entre
dans un magasin et on bloque son fonctionnement. Les premières grèves
étudiantes ne duraient qu’une heure et sont dans les
années 1960 devenues plus longues avec des occupations de bâtiments des
universités en Californie. Cette invention d’une méthode de contestation s’est
ensuite exportée dans d’autres pays, notamment en Europe.
En 1968, c’est la propagation du répertoire d’extrême-gauche avec plus que des
manifestations, des attaques précises (remplacement des drapeaux du Sud et Nord
Vietnam par le pays opposé, on distribue gratuitement des tickets de métro, …).
On trouve de
nouveaux groupes qui se mobilisent durant cette période : les femmes, les jeunes
(mai 1968), les Agriculteurs (au Larzac), …
Les
années 1980, sont une nouvelle époque et
renouvellent les modes de contestations. Act-Up qui se mobilise contre le SIDA suite à des
affaires de sang contaminé. On s’en prenait à la personne du pape sur certains
sujets (contre les préservatifs). Peu de militants, mais un grand spectacle
médiatisé.
Les
années 1990 sont la période d’internationalistaion
des mouvements
puisque l’URSS est tombée et que les ONG deviennent plus libres d’agir dans un
monde multipolaire. On voit paraître le Naming, on isole un individu pour le
condamné médiatiquement, le Shaming (ou épinglage) avec des
publicités où l’on affiche les crimes de certains, leurs alliés, …
Les
années 2000 se sont démarquées par la
mobilisation de groupes altermondialistes avec un ensemble de pratiques propres (l’organisation de
contre-sommets). On a vu d’ailleurs les autorités répliquer de manière très
violentes (Seattle en 1999, Gênes en 2001, …).
Les
années 2010 tout juste entamées, on constate
d’autres mobilisations organisées par les expertises et des résultats
scientifiques pour appuyer des causes. D’autres mobilisations se démarquent par
l’usage d’internet
et s’organisent par internet (les Anonymous). Enfin les Révolutions Arabes sont
aussi des moyens de contestation nouveaux. Parallèlement
à l’apparition de nouvelles tendances, d’autres semblent s’effacer. Par
exemple, les Indignés sont assez proches des manifestations des
altermondialistes mais leur succès est presque nul car trop vu et revu.
La
question est donc de savoir comment cette tradition de mobilisation occidentale
pourrait se coaguler avec le web 2.0, comme on l’a observé dans les pays arabes
dans leurs Révolutions ?
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