James Madison concepteur de la Tyrannie de la Majorité
La
notion d’Amérique est une entité qui a pour épicentre la Nouvelle-Angleterre.
Elle s’est établit sur un mythe fondateur : ces colonies sont la
nouvelle-Jérusalem, le paradis perdu est retrouvé. Au départ, seuls les élus de Dieu doivent voter, mais en Amérique,
seuls des calvinistes débarquent sur place. Ce qui était une condition
religieuse restrictive devient à peu de personnes près un suffrage universel
masculin. Quant en 1660, de nombreux
arrivages débarquent sur le territoire avec des individus qui ne sont pas des
élus, à cela s’ajoute les petits enfants des premiers arrivants. Que faire de
ces populations ? Les pasteurs puritains inventent alors une doctrine
qui correspond à mi-chemin entre deux solutions. L’élection de Dieu n’est pas toujours
héréditaire lorsque deux communautés religieuses ou plus, se sont mélangées. Du
coup, on inscrit parmi les votants tout
le monde en scindant le gouvernement religieux et le gouvernement fédéral.
Ce n’est qu’avec
l’arrivée des démocrates au pouvoir vers 1840
que l’arrivée massive des étrangers sur les côtes américaines va pousser le
gouvernement a débuté la conquête de l’Ouest, ce qui fait passer le destin
exceptionnel de l’Amérique face au monde, à un simple destin purement national.
Ce qui fait le
caractère américain c’est l’adhésion à une forme de destin un peu miraculeux
qui fait que brusquement, un jour, lors d’une cérémonie, les gens deviennent
américains comme une sorte de grâce divine.
On passe d’une
sanctification du peuple puritain classique à celle du peuple des
Lumières : les deux se rencontrent avec des colons influencés par la
pensée des Lumières mais aussi très influencés par leur religion puritaine. Chez Montesquieu,
plus un État est grand et vaste, plus il faut une vaste administration stricte
pour le contrôler, plus on aboutit à un despotisme oriental. Pour les colons,
c’est la doctrine inverse qui va être développée. En dépit de l’immensité du
pays, une République ne peut fonctionner que dans cet immense État. Madison
développe cette thèse, la République
peut être très vaste tant que la communauté locale est le lieu d’un débat
démocratique. C’est dans ces communautés locales que fonctionnent les
entraides qui vous assurent de faire face aux aléas de la vie. Bien entendu,
cela ne fonctionne guère dans les grandes villes, mais davantage dans les
campagnes. Du coup, quand l’État ne peut
plus assurer le soutien des plus pauvres, les communautés locales les prennent
en charge. En France, cela n’existe pas, hors de l’État, point de salut.
L’Amérique du XVIII° siècle donne encore plus d’importance aux communautés
locales organisées autour des églises.
Un des points de
départ du débat entre les fédéralistes et les moins fédéralistes va tenir en
particulier au poids, jusqu’à quel point la vertu publique va tenir le
gouvernement en place. Lorsque l’indépendance est obtenue, l’Amérique est au
bord du gouffre, les 13 États ne peuvent pas faire face à la situation
internationale, la crise économique est lourde et les États en constant
désaccord sur de multiples sujets. Il faut tout construire : l’économie, la
protection, le commerce, … Il faut organiser ces États : Tous
indépendants ? Tous unis ? Unis comment ? Ce sera une union fédérale qui va émerger. Une caractéristique des
fédéralistes partisans d’un gouvernement fort, c’est que la vertu publique est
une condition nécessaire mais pas suffisante puisque le problème premier
concerne la souveraineté populaire. Cette souveraineté populaire qui devait
protéger du gouvernement monarchique despotique a réussi mais sans roi, c’est
le législatif qui peut devenir tyrannique. La
question des fédéralistes est alors de comment se préserver de la tyrannie des
factions au sein du législatif, qui prennent exclusivement le pouvoir à la
faveur de la souveraineté populaire ? Comment faire en sorte qu’une
majorité n’opprime pas les minorités ? Comment faire en sorte tout de
même que les minorités actives ne prennent pas le pouvoir ? Leur problème
de base est celui-ci et il ne se résout pas en partant de l’idée que le peuple
est vertueux. En effet, la vertu n’empêche pas que le processus majoritaire ne
soit pas capté par une majorité qui jouirait de son pouvoir pour écraser les
autres. Le vote populaire ne suffit donc
pas.
Trois auteurs vont
se démarquer pour appuyer cette théorie : James
Madison, John Jay et Alexander Hamilton. Ils ont publié un ensemble de
bulletins dans un corpus appelé Le Fédéralisme.
C’est un des plus grands ouvrages de théorie politique de l’histoire. La
particularité reste cependant qu’ils étaient déjà représentants dans leurs
assemblées et ont donc pu mettre en place leurs théories à leur échelle. Le
courant antifédéraliste est très fort à cette époque, et les fédéralistes
doivent se défendre contre eux.
Madison
manifeste alors ce qui est commun aux fédéralistes américains avec le poids
donné à l’organisation institutionnelle. Pour lui, en se référant aux
Républiques passées, il souligne qu’il faut des institutions qui résistent à
l’érosion de la vertu sans que le gouvernement devienne tyrannique. Le but est
que cela soit durable
(ce qui est pour les USA plutôt réussi, leur constitution est toujours la
même). Puisque les fédéralistes envisagent une union des États et
l’instauration d’un gouvernement central qui couvre l’ensemble des
institutions. Il cherche à trouver comment ne pas faire de ce gouvernement un
régime tyrannique qui menacerait la liberté et la stabilité par la constitution
de factions qui voudraient s’emparer du pouvoir. Il a dans son viseur les Républiques athénienne et ses démagogues, romaine et ses guerres civiles ainsi
qu’italienne avec ses conflits incessants. Madison était plus foncièrement
monarchiste jusqu’à ce que le Parlement anglais diverge trop des Américains.
N’ayant pas le choix, il regarde les USA et ne pense pas pouvoir instaurer de
monarchie, seulement une République. Le législatif, par la force des choses,
prend l’essentiel des pouvoirs en Amérique y compris dans les constitutions de
chaque État. Il se donne une définition
de la tyrannie comme usage arbitraire du pouvoir, usage toujours contraire aux
intérêts à long terme, permanents et agrégés à l’intérêt général. Là où il
innove c’est quand il distingue deux tyrannies différentes : la tyrannie
de la majorité et la tyrannie gouvernementale. Pour empêcher les deux
tyrannies, il faut passer par des institutions qui résistent aux deux tyrannies
en même temps. Deux manières de
procéder existent : soit on empêche la création de factions, soit on en
contrôle les effets. Il ne veut pas éliminer les causes à la raison que
vouloir détruire les causes de factions, c’est détruire des libertés comme
celle de s’associer librement en groupe. Les factions naissent des libertés
publiques élémentaires, donc les causes sont impossibles à éliminer. Ne pouvant restreindre les libertés et donc
les causes, il ne reste donc qu’une limitation.
La limitation se
fait en deux parties : représentation et ???. Dans une démocratie, la majorité
agit toujours pour l’intérêt commun et se voit parfois prête à sacrifier une
minorité ou un individu eu nom de cet intérêt commun. Les pures démocraties offrent toujours une menace d’un déchirement. A
ces risques démocratiques, Madison oppose la république, qui n’est pas une pure
démocratie. La République est un système représentatif donc de filtre. Mais
pour que ce filtre fonctionne, il faut une vertu et cette vertu n’est possible
que dans une République étendue. Le pays démocratique doit être vaste et le
nombre des citoyens élevé. En effet, dans un petit pays avec une faible
population, il y a peu de factions et donc les majorités peuvent souvent
relever des mêmes factions et des mêmes groupes, ce qui peut conduire à une tyrannie.
Or quand la population est grande avec des distances vastes, la diversité des
factions est accrue ce qui fait qu’une faction puissante sera toujours
contrebalancée par une autre faction aux intérêts divergents. Une majorité
doit se constituer en fonction de problèmes précis empêchant qu’un seul groupe
s’organise et décide par lui seul.
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