dimanche 25 novembre 2012

Angleterre - Amérique 22 - 11 (cours 6, fin ?)

James Madison concepteur de la Tyrannie de la Majorité






La notion d’Amérique est une entité qui a pour épicentre la Nouvelle-Angleterre. Elle s’est établit sur un mythe fondateur : ces colonies sont la nouvelle-Jérusalem, le paradis perdu est retrouvé. Au départ, seuls les élus de Dieu doivent voter, mais en Amérique, seuls des calvinistes débarquent sur place. Ce qui était une condition religieuse restrictive devient à peu de personnes près un suffrage universel masculin. Quant en 1660, de nombreux arrivages débarquent sur le territoire avec des individus qui ne sont pas des élus, à cela s’ajoute les petits enfants des premiers arrivants. Que faire de ces populations ? Les pasteurs puritains inventent alors une doctrine qui correspond à mi-chemin entre deux solutions. L’élection de Dieu n’est pas toujours héréditaire lorsque deux communautés religieuses ou plus, se sont mélangées. Du coup, on inscrit parmi les votants tout le monde en scindant le gouvernement religieux et le gouvernement fédéral.
Ce n’est qu’avec l’arrivée des démocrates au pouvoir vers 1840 que l’arrivée massive des étrangers sur les côtes américaines va pousser le gouvernement a débuté la conquête de l’Ouest, ce qui fait passer le destin exceptionnel de l’Amérique face au monde, à un simple destin purement national. Ce qui fait le caractère américain c’est l’adhésion à une forme de destin un peu miraculeux qui fait que brusquement, un jour, lors d’une cérémonie, les gens deviennent américains comme une sorte de grâce divine.

On passe d’une sanctification du peuple puritain classique à celle du peuple des Lumières : les deux se rencontrent avec des colons influencés par la pensée des Lumières mais aussi très influencés par leur religion puritaine. Chez Montesquieu, plus un État est grand et vaste, plus il faut une vaste administration stricte pour le contrôler, plus on aboutit à un despotisme oriental. Pour les colons, c’est la doctrine inverse qui va être développée. En dépit de l’immensité du pays, une République ne peut fonctionner que dans cet immense État. Madison développe cette thèse, la République peut être très vaste tant que la communauté locale est le lieu d’un débat démocratique. C’est dans ces communautés locales que fonctionnent les entraides qui vous assurent de faire face aux aléas de la vie. Bien entendu, cela ne fonctionne guère dans les grandes villes, mais davantage dans les campagnes. Du coup, quand l’État ne peut plus assurer le soutien des plus pauvres, les communautés locales les prennent en charge. En France, cela n’existe pas, hors de l’État, point de salut. L’Amérique du XVIII° siècle donne encore plus d’importance aux communautés locales organisées autour des églises.

Un des points de départ du débat entre les fédéralistes et les moins fédéralistes va tenir en particulier au poids, jusqu’à quel point la vertu publique va tenir le gouvernement en place. Lorsque l’indépendance est obtenue, l’Amérique est au bord du gouffre, les 13 États ne peuvent pas faire face à la situation internationale, la crise économique est lourde et les États en constant désaccord sur de multiples sujets. Il faut tout construire : l’économie, la protection, le commerce, … Il faut organiser ces États : Tous indépendants ? Tous unis ? Unis comment ? Ce sera une union fédérale qui va émerger. Une caractéristique des fédéralistes partisans d’un gouvernement fort, c’est que la vertu publique est une condition nécessaire mais pas suffisante puisque le problème premier concerne la souveraineté populaire. Cette souveraineté populaire qui devait protéger du gouvernement monarchique despotique a réussi mais sans roi, c’est le législatif qui peut devenir tyrannique. La question des fédéralistes est alors de comment se préserver de la tyrannie des factions au sein du législatif, qui prennent exclusivement le pouvoir à la faveur de la souveraineté populaire ? Comment faire en sorte qu’une majorité n’opprime pas les minorités ? Comment faire en sorte tout de même que les minorités actives ne prennent pas le pouvoir ? Leur problème de base est celui-ci et il ne se résout pas en partant de l’idée que le peuple est vertueux. En effet, la vertu n’empêche pas que le processus majoritaire ne soit pas capté par une majorité qui jouirait de son pouvoir pour écraser les autres. Le vote populaire ne suffit donc pas.
Trois auteurs vont se démarquer pour appuyer cette théorie : James Madison, John Jay et Alexander Hamilton. Ils ont publié un ensemble de bulletins dans un corpus appelé Le Fédéralisme. C’est un des plus grands ouvrages de théorie politique de l’histoire. La particularité reste cependant qu’ils étaient déjà représentants dans leurs assemblées et ont donc pu mettre en place leurs théories à leur échelle. Le courant antifédéraliste est très fort à cette époque, et les fédéralistes doivent se défendre contre eux.
Madison manifeste alors ce qui est commun aux fédéralistes américains avec le poids donné à l’organisation institutionnelle. Pour lui, en se référant aux Républiques passées, il souligne qu’il faut des institutions qui résistent à l’érosion de la vertu sans que le gouvernement devienne tyrannique. Le but est que cela soit durable (ce qui est pour les USA plutôt réussi, leur constitution est toujours la même). Puisque les fédéralistes envisagent une union des États et l’instauration d’un gouvernement central qui couvre l’ensemble des institutions. Il cherche à trouver comment ne pas faire de ce gouvernement un régime tyrannique qui menacerait la liberté et la stabilité par la constitution de factions qui voudraient s’emparer du pouvoir. Il a dans son viseur les Républiques athénienne et ses démagogues,  romaine et ses guerres civiles ainsi qu’italienne avec ses conflits incessants. Madison était plus foncièrement monarchiste jusqu’à ce que le Parlement anglais diverge trop des Américains. N’ayant pas le choix, il regarde les USA et ne pense pas pouvoir instaurer de monarchie, seulement une République. Le législatif, par la force des choses, prend l’essentiel des pouvoirs en Amérique y compris dans les constitutions de chaque État. Il se donne une définition de la tyrannie comme usage arbitraire du pouvoir, usage toujours contraire aux intérêts à long terme, permanents et agrégés à l’intérêt général. Là où il innove c’est quand il distingue deux tyrannies différentes : la tyrannie de la majorité et la tyrannie gouvernementale. Pour empêcher les deux tyrannies, il faut passer par des institutions qui résistent aux deux tyrannies en même temps. Deux manières de procéder existent : soit on empêche la création de factions, soit on en contrôle les effets. Il ne veut pas éliminer les causes à la raison que vouloir détruire les causes de factions, c’est détruire des libertés comme celle de s’associer librement en groupe. Les factions naissent des libertés publiques élémentaires, donc les causes sont impossibles à éliminer. Ne pouvant restreindre les libertés et donc les causes, il ne reste donc qu’une limitation.
La limitation se fait en deux parties : représentation et ???. Dans une démocratie, la majorité agit toujours pour l’intérêt commun et se voit parfois prête à sacrifier une minorité ou un individu eu nom de cet intérêt commun. Les pures démocraties offrent toujours une menace d’un déchirement. A ces risques démocratiques, Madison oppose la république, qui n’est pas une pure démocratie. La République est un système représentatif donc de filtre. Mais pour que ce filtre fonctionne, il faut une vertu et cette vertu n’est possible que dans une République étendue. Le pays démocratique doit être vaste et le nombre des citoyens élevé. En effet, dans un petit pays avec une faible population, il y a peu de factions et donc les majorités peuvent souvent relever des mêmes factions et des mêmes groupes, ce qui peut conduire à une tyrannie. Or quand la population est grande avec des distances vastes, la diversité des factions est accrue ce qui fait qu’une faction puissante sera toujours contrebalancée par une autre faction aux intérêts divergents. Une majorité doit se constituer en fonction de problèmes précis empêchant qu’un seul groupe s’organise et décide par lui seul.

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