dimanche 18 novembre 2012

Amérique du Sud 16 - 11 (cours 2)


 La manne pétrolière vénézuélienne ... Ca marche pour l'instant.




 L’avènement de Chavez est le fruit de deux évènements, une crise politique vénézuélienne doublée d’une crise économique. Deux dates sont alors marquantes 1989 et 1992. En 1989, on parle du Caracazo, le président d’alors cherchait à redresser son pays et fit appel au FMI. Ce pays qu’on surnommait alors le « Venezuela Saoudite », du fait de sa manne pétrolière, connaissait une gestion douteuse et une corruption importante de ses fonds. Le Président Perez appelle le FMI pour qu’il instaure un plan de stabilité économique. Ce plan du FMI fut mis en place de manière très rapide sans concertation avec les secteurs concernés, provoquant une dévaluation énorme de la monnaie nationale (le bolivar). La hausse des taux d’intérêts fut gigantesque augmentant jusqu’à 80% supplémentaire. Cette hausse des prix rapide et massive s’achève sur une augmentation exponentielle des prix des transports. Immédiatement les usagers de ces transports se révoltent violemment contre cette hausse des prix. On constate alors des saccages de magasins et de centres commerciaux. Chez les plus pauvres qui habitent dans les barrios, ces saccages provoquent un appel d’air qui les font descendre de leurs quartiers pauvres. Les magasins sont pillés d’autant plus que cela est accru avec l’arrivée de tous les pauvres descendus de leurs barrios.
Les transformations sociales sont importantes, la population s’urbanise à toute vitesse (85% de la population y vit dans la fin des années 1980). Le pays perd sa légitimité politique et subit une crise économique importante à cette époque. L’importation est là-bas une sorte de culture tout à fait exceptionnelle. La production nationale est particulièrement basse et les importations sont faramineuses. Seule la manne pétrolière est une activité nationale et tout repose dessus. Durant ces années 1980, le Venezuela est donc un pays pétro-dépendant. Les métiers sont souvent liés à cette matière première y compris les loisirs. Ainsi, au Venezuela le pétrole ne coute rien du tout, si bien que l’eau peut couter plus chère que l’or noir.

Profitant de ces évènements, on assiste à la fin du consensus politique de Punto Fijo. C’est donc la fin de la paix sociale stimulée par le système économique qui se délite rapidement du fait d’incompétences et de corruptions à tous les niveaux. Cette perte de légitimité qui se lit dans la structure sociale, se retrouve aussi en politique le 4 février 1992. Ce jour là, une tentative de coup d’État  a lieu, mené par le lieutenant-colonel Chavez. C’est un groupe de rebelles sortant tous de l’académie militaire qui a un mot d’ordre « Terres et hommes libres, élections populaires et horreur de l’oligarchie ». Ils souhaitent mettre fin au pacte de Punto Fijo. Ce coup d’État est préparé de manière très bancale par les militaires. Il réussit dans l’Ouest du pays mais échoue dans la capitale même alors que Chavez y dirigeait les armées. Il s’était installé dans le musée militaire pour mieux se poser en gardien du passé, pour s’inscrire dans le passé en particulier dans les dictatures des caudillos d’autrefois. Le coup d’État avorte mais on retient lors de son procès un mot lâché de manière maladroite par Chavez. Il s’affiche calme, posé, sur de lui et déclare « Pour le moment, nous n’avons pas atteint notre but ». Six ans plus tard, après avoir été gracié par le Président Rafael Caldera, Chavez sera élu par la population.
Cette révolte de l’armée vient du fait que les militaires ont les mêmes difficultés que le reste de la population : chute des salaires, accroissement de leur pauvreté, corruption dans l’armée, trafic d’armes, … A cela on peut ajouter la formation militaire particulière au Venezuela. Cette formation militaire est très patriotique et en dépit de quelques réformes, cela demeure toujours ainsi au Venezuela. Cela se traduit dans les revendications des rebelles de 1992. Tous sont inscris au Parti Bolivarien (MBR 200). Ces insurgés se posent en moines soldats qui défendent une transformation radicale du pays. Ils vont pour l’élection présidentielle de 1997 devenir le MVR (Mouvement pour le V° République).
Chavez gracié va former dans sa campagne une mythologie du Venezuela avec Bolivar certes mais aussi d’autres personnages mythologique : le maître de Bolivar (Simon Rodriguez) et un guerrier ( ???). C’est une image d’une trinité qui est souvent comparée à la trinité chrétienne.


II.                   L’arrivée au pouvoir de Chavez

Entré au palais présidentiel Miraflores le 2 février 1999, il commence par une déclaration non-conventionnelle, il jure sur la « Constitution moribonde », ce qui annonce qu’il ne la respectera pas. Il met alors en place une constituante dans une ambiance chaotique. Cela est d’autant plus facile que l’opposition avait opposé à Chavez une femme, ancien prix de beauté dont les capacités politiques étaient infimes. Cela avait renforcé la défiance à l’égard de la politique de certains partis. Cette constituante est composée de 125 membres chavistes sur 131. L’assemblée s’est alors arrogée les pouvoirs de l’administration publique changeant radicalement le fonctionnement de cette administration. Ainsi Brewer-Carias, un des rares non-chaviste de la constituante déclarera voir dans cette constituante un coup d’État.
Les gens commencent à réaliser que la démocratie est remise en cause par cette assemblée dirigeante. L’assemblée sera sociale, protagonique et participative. La réforme constitutionnelle a pour origine les deux mots d’ordre de la campagne de Chavez : une lutte contre la corruption et contre la pauvreté. Le peuple sera la boussole, la direction de la constituante. Une force morale, une force populaire et une force militaire doivent diriger les actions de la constituante. Cette importance donnée au peuple va se traduire par le fait que les ministères les plus importants sont prénommés les ministères d’État. A la base, ce ne sont pas des ministères d’État mais du pouvoir populaire, sous entendus que le peuple est intrinsèque au pouvoir politique, intrinsèque à Chavez.

Dans cette Constitution on tente de mettre en place un certain nombre de mécanismes de liens entre le local et l’exécutif. La plupart de ces mécanismes sont financés par le palais présidentiel. Cela provoque à un dédoublement de l’État qui renvoie aux régimes totalitaires. Le mécanisme le plus original est le concept des conseils communaux. Il s’agit d’un conseil de quartiers où l’on demande à la population de participer aux décisions du pouvoir en débattant des soucis locaux. C’est la seule institution qui ne sera plus financée par le centre du pouvoir précisément parce qu’ils ont pris au mot la parole chaviste et qu’ils ont coupé le financement présidentiel. Ce sont devenus des lieux de débat que le pouvoir ne pouvant plus contrôler a décidé de ne plus prendre en compte.
Tout cela prend place dans le cadre d’une République fédérale où la Constitution affirme une séparation des pouvoirs. Cela d’autant plus que le Venezuela prend exemple sur la Colombie sa voisine dont la Constitution était encore plus élaborée. On trouvait en Colombie les trois pouvoirs classiques et distincts auxquels s’ajoute le pouvoir citoyen qui surveille les comptes publics, un parquet général judiciaire qui est théoriquement indépendant de l’exécutif et qui doit défendre le peuple, enfin un pouvoir électoral doit s’occuper de la règlementation des élections de manière indépendante du pouvoir. Sous Chavez, cet exemple sera au final centralisé par Chavez.
Un autre élément important de ce nouveau système est le monocamérisme introduit dans ces institutions, cela réduit d’ailleurs la séparation des pouvoirs.

Les premiers pas de Chavez au pouvoir se font sous la forme de décret loi. Lorsqu’il nomme des gens à des postes prestigieux, cela se fait al dedo (au doigt) selon des critères de fidélité, d’affiliation au chavisme mais aussi selon la compétence. Cette politique de nomination va susciter un certain nombre de phénomènes polémogènes avec une intense polarisation nationale. Très rapidement la pratique du décret loi se fait de manière récurrente.
En 2001, Chavez veut faire des réformes d’envergure mais ans jamais utiliser la concertation avec l’ensemble des catégories professionnelles concernées. Ainsi, cette année là, Chavez se voit proposer par deux corporations dont une très grande (la Fedecámaras avec presque toutes les entreprises du Venezuela représentées dans cette corporation et dirigée par Pedro Carmona), que les membres de ces corporations puissent participer et aider Chavez à diriger le pays. La Fedecámaras n’est pas liée directement à l’exploitation pétrolière, comme la PDVSA. Mais le refus de Chavez de jouer avec ces acteurs provoque des manifestations qui vont finir par déborder. Dans les cortèges, on trouve la Piedrita, une association d’agitateurs très violents, appartenant au cercle bolivarien. Ils vont chercher à faire dégénérer les manifestations en harcelant le cortège. Le 11 avril 2002, la manifestation quitte son trajet prévu, passe devant le palais présidentiel et des coups de feu sont échangés avec des morts. L’armée intervient pour mater la manifestation mais pas toute l’armée, qui estime que le plan d’intervention est disproportionné par rapport à la manifestation (l’utilisation de tanks contre les manifestants leur semble démesurée). On constate déjà des défections à l’image de Chavez, l’armée ainsi que le leader du parti communiste vénézuélien. Profitant des agitations, le 11 avril 2002, un coup d’État a lieu. Le haut commandement militaire demande solennellement à Chavez de démissionner, ce qu’il semble avoir fait en dépit de ses dénégations. Alors que rien n’était préparé, Pedro Carmona est proclamé Président par intérim. Il se retrouve projeter à la Présidence et nomme naïvement à la tête des ministères des individus avec un seul des militaires qui venaient de faire démissionner Chavez. Les militaires retournent voir Carmona et réclament leur du, ce que Carmona refuse. Les militaires menacent donc de le renverser mais Carmona résiste. Le 13 avril 2002, le général Baduel, ami de Chavez, voyant la catastrophe de ces nominations militaires va rechercher Chavez et le remet au pouvoir. Les Chavistes diront ensuite que les USA sont derrière ce coup d’État, ce qui semble peu probable.
Cet échec du coup d’État raté car mal organisé, reste limité dans le temps. Les représentants extérieurs du Venezuela vont promettre que les négociations seront mises en pratique immédiatement à la fin de ce coup d’État, pour éviter cette situation, comme un ambassadeur à l’OEA le fit. Ceci dit, si Chavez réaffirme cette idée le 14 avril 2002, il va doubler ce phénomène d’une répression contre les médias, notamment contre les médias anti-chavistes. Un seul canal télévisuel non-chaviste est aujourd’hui encore debout quand ils étaient encore nombreux en 2001.

La rente pétrolière n’a pas donné lieu au Venezuela à un développement industriel stimulé par les pétrodollars hérités de cette rente. Pour Adam Smith, il y avait une différence entre le salaire (contrepartie de la force de travail), les bénéfices (contrepartie des moyens de disposition mis à l’effort productif) et la rente (contrepartie de la terre). Or le Venezuela use depuis les années 1970 de cette rente pétrolière mais longtemps dans un sens de patrimoine personnel. Très dépendant de cette manne pétrolière, le Venezuela fut avant 1976 dépendant du raffinage de son pétrole par d’autres pays. Avec le choc pétrolier, est créé le PDVSA qui doit gérer cette manne pétrolière. Sous Chavez, la PDVSA passe sous l’administration directe de l’État. Cela va provoquer une fronde chez les employés quand Chavez nomme à la tête de cette institution un de ses fidèles qui n’a pas de compétences pour ce poste. Son seul but est d’utiliser à volonté les ressources de cette entreprise pour le gouvernement, chose particulière car on dépasse le cadre de la simple nationalisation. Face aux contestataires, Chavez décide de licencier les critiques. Ainsi le directeur de l’entreprise est aussi ministre de l’énergie. Se référant au marxisme, le fonctionnement rentier du gouvernement est contradictoire avec la doctrine prônée.




Le gouvernement utilise donc la manne des pétrodollars et atteint un pic en 2008 avec 120 $  au baril. En revanche, cela sera contrebalancé par un délabrement des infrastructures pétrolières et autres. Ce phénomène se traduit alors sur le plan de la production pétrolière par une baisse progressive des capacités d’exportation des barils passant de 3,5 millions au début des années 2000 à 2,5 aujourd’hui. Ce manque d’infrastructure est général, il touche l’administration comme le milieu pétrolier.
De plus, un certain nombre d’entreprises, dépossédées de leur contrat ne veulent plus venir au Venezuela. Ceux qui restent profitent des pics de trésorerie mais prennent le risque de la situation chaotique et d’un retournement de situation. Aujourd’hui le pic de baril est loin et contenu de baisser lentement. L’entreprise colombienne de pétrole en revanche ne cesse de croître et a atteint cette année 2 millions de barils exportés. Cela est du à une corruption moindre mais surtout à une fuite de cerveaux vénézuéliens ainsi que de techniciens et d’ingénieurs vénézuéliens spécialisés aussi dans ce milieu pétrolier. Les Colombiens ont longtemps été des migrants vers le Venezuela pour faire les petits travaux du Venezuela, aujourd’hui le rapport est inverse, les Vénézuéliens sont devenus la main d’œuvre de secours de la Colombie.

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