La manne pétrolière vénézuélienne ... Ca marche pour l'instant.
L’avènement
de Chavez est le fruit de deux évènements, une crise politique vénézuélienne
doublée d’une crise économique. Deux dates sont alors marquantes 1989 et 1992. En
1989, on parle du Caracazo, le président
d’alors cherchait à redresser son pays et fit appel au FMI. Ce pays qu’on surnommait
alors le « Venezuela Saoudite », du fait de sa manne pétrolière,
connaissait une gestion douteuse et une corruption importante de ses fonds. Le Président Perez
appelle le FMI pour qu’il instaure un plan de stabilité économique. Ce plan du
FMI fut mis en place de manière très rapide sans concertation avec les secteurs
concernés, provoquant une dévaluation énorme de la monnaie nationale (le
bolivar). La hausse des taux d’intérêts fut gigantesque augmentant jusqu’à
80% supplémentaire. Cette hausse des prix rapide et massive s’achève sur une
augmentation exponentielle des prix des transports. Immédiatement les usagers de ces transports se révoltent violemment
contre cette hausse des prix. On constate alors des saccages de magasins et de
centres commerciaux. Chez les plus pauvres qui habitent dans les barrios, ces saccages provoquent un
appel d’air qui les font descendre de leurs quartiers pauvres. Les magasins sont pillés d’autant plus que
cela est accru avec l’arrivée de tous les pauvres descendus de leurs barrios.
Les
transformations sociales sont importantes, la population s’urbanise à toute
vitesse (85% de la population y vit dans la fin des années 1980). Le pays perd
sa légitimité politique et subit une crise économique importante à cette
époque. L’importation est là-bas une
sorte de culture tout à fait exceptionnelle. La production nationale est
particulièrement basse et les importations sont faramineuses. Seule la manne
pétrolière est une activité nationale et tout repose dessus. Durant ces années 1980, le Venezuela est donc un pays
pétro-dépendant. Les métiers sont souvent liés à cette matière première y
compris les loisirs. Ainsi, au Venezuela le pétrole ne coute rien du tout, si
bien que l’eau peut couter plus chère que l’or noir.
Profitant de ces
évènements, on assiste à la fin du consensus politique de Punto Fijo. C’est
donc la fin de la paix sociale stimulée par le système économique qui se délite
rapidement du fait d’incompétences et de corruptions à tous les niveaux. Cette perte de légitimité qui se lit dans la structure sociale, se
retrouve aussi en politique le 4 février 1992.
Ce jour là, une tentative de coup d’État
a lieu, mené par le lieutenant-colonel Chavez. C’est un groupe de rebelles sortant tous de l’académie militaire qui
a un mot d’ordre « Terres et hommes
libres, élections populaires et horreur de l’oligarchie ». Ils
souhaitent mettre fin au pacte de Punto Fijo. Ce coup d’État est préparé de
manière très bancale par les militaires. Il réussit dans l’Ouest du pays mais
échoue dans la capitale même alors que Chavez y dirigeait les armées. Il
s’était installé dans le musée militaire pour mieux se poser en gardien du
passé, pour s’inscrire dans le passé en particulier dans les dictatures des
caudillos d’autrefois. Le coup d’État
avorte mais on retient lors de son procès un mot lâché de manière
maladroite par Chavez. Il s’affiche calme, posé, sur de lui et déclare « Pour le moment, nous n’avons pas atteint
notre but ». Six ans plus tard,
après avoir été gracié par le Président Rafael Caldera,
Chavez sera élu par la population.
Cette révolte de
l’armée vient du fait que les militaires ont les mêmes difficultés que le reste
de la population :
chute des salaires, accroissement de leur pauvreté, corruption dans l’armée,
trafic d’armes, … A cela on peut ajouter la formation militaire particulière au
Venezuela. Cette formation militaire est
très patriotique et en dépit de quelques réformes, cela demeure toujours ainsi
au Venezuela. Cela se traduit dans les revendications des rebelles de 1992.
Tous sont inscris au Parti Bolivarien (MBR 200). Ces insurgés se posent en
moines soldats qui défendent une transformation radicale du pays. Ils vont
pour l’élection présidentielle de 1997 devenir le MVR (Mouvement pour le V°
République).
Chavez
gracié va former dans sa campagne une mythologie du Venezuela avec Bolivar
certes mais aussi d’autres personnages mythologique : le maître de Bolivar
(Simon Rodriguez) et un guerrier ( ???). C’est une image d’une trinité qui
est souvent comparée à la trinité chrétienne.
II.
L’arrivée au
pouvoir de Chavez
Entré au palais
présidentiel Miraflores le 2 février 1999,
il commence par une déclaration non-conventionnelle, il jure sur la « Constitution moribonde », ce qui
annonce qu’il ne la respectera pas. Il met alors en place une constituante dans
une ambiance chaotique.
Cela est d’autant plus facile que l’opposition avait opposé à Chavez une femme,
ancien prix de beauté dont les capacités politiques étaient infimes. Cela avait
renforcé la défiance à l’égard de la politique de certains partis. Cette constituante est composée de 125
membres chavistes sur 131. L’assemblée s’est alors arrogée les pouvoirs de
l’administration publique changeant radicalement le fonctionnement de cette
administration. Ainsi Brewer-Carias, un des rares non-chaviste de la
constituante déclarera voir dans cette constituante un coup d’État.
Les
gens commencent à réaliser que la démocratie est remise en cause par cette
assemblée dirigeante. L’assemblée sera
sociale, protagonique et participative. La réforme constitutionnelle a pour
origine les deux mots d’ordre de la campagne de Chavez : une lutte contre
la corruption et contre la pauvreté. Le peuple sera la boussole, la direction
de la constituante. Une force morale, une force populaire et une force
militaire doivent diriger les actions de la constituante. Cette importance
donnée au peuple va se traduire par le fait que les ministères les plus
importants sont prénommés les ministères d’État. A la base, ce ne sont pas des
ministères d’État mais du pouvoir populaire, sous entendus que le peuple est intrinsèque au pouvoir
politique, intrinsèque à Chavez.
Dans cette
Constitution on tente de mettre en place un certain nombre de mécanismes de
liens entre le local et l’exécutif. La plupart de ces mécanismes sont financés
par le palais présidentiel. Cela provoque à un dédoublement de l’État qui
renvoie aux régimes totalitaires. Le mécanisme le plus original est le concept
des conseils communaux.
Il s’agit d’un conseil de quartiers où l’on demande à la population de
participer aux décisions du pouvoir en débattant des soucis locaux. C’est la
seule institution qui ne sera plus financée par le centre du pouvoir
précisément parce qu’ils ont pris au mot la parole chaviste et qu’ils ont coupé
le financement présidentiel. Ce sont
devenus des lieux de débat que le pouvoir ne pouvant plus contrôler a décidé de
ne plus prendre en compte.
Tout cela prend
place dans le cadre d’une République fédérale où la Constitution affirme une
séparation des pouvoirs.
Cela d’autant plus que le Venezuela prend exemple sur la Colombie sa voisine
dont la Constitution était encore plus élaborée. On trouvait en Colombie les
trois pouvoirs classiques et distincts auxquels s’ajoute le pouvoir citoyen qui
surveille les comptes publics, un parquet général judiciaire qui est
théoriquement indépendant de l’exécutif et qui doit défendre le peuple, enfin
un pouvoir électoral doit s’occuper de la règlementation des élections de
manière indépendante du pouvoir. Sous Chavez, cet exemple sera au final
centralisé par Chavez.
Un autre élément
important de ce nouveau système est le monocamérisme introduit dans ces
institutions, cela réduit d’ailleurs la séparation des pouvoirs.
Les premiers pas de
Chavez au pouvoir se font sous la forme de décret loi. Lorsqu’il nomme des gens
à des postes prestigieux, cela se fait al
dedo (au doigt) selon des critères de fidélité, d’affiliation au chavisme
mais aussi selon la compétence. Cette politique de nomination va susciter un
certain nombre de phénomènes polémogènes avec une intense polarisation
nationale. Très
rapidement la pratique du décret loi se fait de manière récurrente.
En 2001, Chavez veut faire des réformes d’envergure
mais ans jamais utiliser la concertation avec l’ensemble des catégories professionnelles
concernées. Ainsi,
cette année là, Chavez se voit proposer par deux corporations dont une très
grande (la Fedecámaras avec presque toutes les entreprises du Venezuela
représentées dans cette corporation et dirigée par Pedro
Carmona), que les membres de ces corporations puissent participer et
aider Chavez à diriger le pays. La Fedecámaras n’est pas liée directement à
l’exploitation pétrolière, comme la PDVSA. Mais le refus de Chavez de jouer avec ces acteurs provoque des
manifestations qui vont finir par déborder. Dans les cortèges, on trouve la
Piedrita, une association d’agitateurs très violents, appartenant au cercle
bolivarien. Ils vont chercher à faire dégénérer les manifestations en harcelant
le cortège. Le 11
avril 2002, la manifestation quitte son trajet prévu, passe devant le palais
présidentiel et des coups de feu sont échangés avec des morts. L’armée
intervient pour mater la manifestation mais pas toute l’armée, qui estime
que le plan d’intervention est disproportionné par rapport à la manifestation
(l’utilisation de tanks contre les manifestants leur semble démesurée). On
constate déjà des défections à l’image de Chavez, l’armée ainsi que le leader
du parti communiste vénézuélien. Profitant
des agitations, le 11 avril 2002, un coup d’État
a lieu. Le haut commandement militaire demande solennellement à Chavez de
démissionner, ce qu’il semble avoir fait en dépit de ses dénégations. Alors que
rien n’était préparé, Pedro Carmona est
proclamé Président par intérim. Il se retrouve projeter à la Présidence et
nomme naïvement à la tête des ministères des individus avec un seul des
militaires qui venaient de faire démissionner Chavez. Les militaires retournent voir Carmona et réclament leur du, ce que Carmona
refuse. Les militaires menacent donc de le renverser mais Carmona résiste. Le 13 avril 2002, le général
Baduel, ami de Chavez, voyant la catastrophe de ces nominations
militaires va rechercher Chavez et le remet au pouvoir. Les Chavistes
diront ensuite que les USA sont derrière ce coup d’État, ce qui semble peu
probable.
Cet échec du coup d’État
raté car mal organisé, reste limité dans le temps. Les représentants extérieurs du
Venezuela vont promettre que les négociations seront mises en pratique
immédiatement à la fin de ce coup d’État, pour éviter cette situation, comme un
ambassadeur à l’OEA le fit. Ceci dit, si Chavez réaffirme cette idée le 14
avril 2002, il va doubler ce phénomène d’une répression contre les médias,
notamment contre les médias anti-chavistes. Un seul canal télévisuel non-chaviste
est aujourd’hui encore debout quand ils étaient encore nombreux en 2001.
La rente pétrolière
n’a pas donné lieu au Venezuela à un développement industriel stimulé par les
pétrodollars hérités de cette rente.
Pour Adam Smith, il y avait une différence entre le salaire (contrepartie de la
force de travail), les bénéfices (contrepartie des moyens de disposition mis à
l’effort productif) et la rente (contrepartie de la terre). Or le Venezuela use
depuis les années 1970 de cette rente pétrolière mais longtemps dans un sens de
patrimoine personnel. Très dépendant de
cette manne pétrolière, le Venezuela fut avant 1976
dépendant du raffinage de son pétrole par d’autres pays. Avec le choc
pétrolier, est créé le PDVSA qui doit gérer cette manne pétrolière. Sous
Chavez, la PDVSA passe sous l’administration directe de l’État. Cela va
provoquer une fronde chez les employés quand Chavez nomme à la tête de cette institution
un de ses fidèles qui n’a pas de compétences pour ce poste. Son seul but
est d’utiliser à volonté les ressources de cette entreprise pour le
gouvernement, chose particulière car on dépasse le cadre de la simple
nationalisation. Face aux contestataires, Chavez décide de licencier les
critiques. Ainsi le directeur de l’entreprise est aussi ministre de l’énergie. Se référant au marxisme, le fonctionnement
rentier du gouvernement est contradictoire avec la doctrine prônée.
Le gouvernement
utilise donc la manne des pétrodollars et atteint un pic en 2008 avec 120 $
au baril. En revanche, cela sera contrebalancé par un délabrement des
infrastructures pétrolières et autres. Ce phénomène se traduit alors sur le
plan de la production pétrolière par une baisse progressive des capacités d’exportation
des barils
passant de 3,5 millions au début des années 2000 à 2,5 aujourd’hui. Ce manque d’infrastructure
est général, il touche l’administration comme le milieu pétrolier.
De plus, un certain
nombre d’entreprises, dépossédées de leur contrat ne veulent plus venir au
Venezuela. Ceux qui restent profitent des pics de trésorerie mais prennent le
risque de la situation chaotique et d’un retournement de situation. Aujourd’hui le pic de baril est
loin et contenu de baisser lentement. L’entreprise colombienne de pétrole en
revanche ne cesse de croître et a atteint cette année 2 millions de barils
exportés. Cela est du à une corruption moindre mais surtout à une fuite de
cerveaux vénézuéliens ainsi que de techniciens et d’ingénieurs vénézuéliens spécialisés
aussi dans ce milieu pétrolier. Les
Colombiens ont longtemps été des migrants vers le Venezuela pour faire les
petits travaux du Venezuela, aujourd’hui le rapport est inverse, les Vénézuéliens
sont devenus la main d’œuvre de secours de la Colombie.
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