dimanche 18 novembre 2012

Angleterre - Amérique 15 - 11 (cours 5)

 Le peuple à la mission divine : "God bless America, etc."




Partant d’une même culture sur le contrôle des gouvernants, les Américains et les Anglais se scindent. Les colonies préférant s’inspirer d’une conception ancienne mais aussi radicale, la représentation impérative. Cette inspiration vient des Niveleurs, un mouvement des années 1640, où le point commun de leurs membres est la volonté d’un abaissement considérable du seuil du cens. Certains désirent même une forme proche d’un suffrage universel. Cela sera repris par les Libéraux du XIX° siècle qui veulent le droit de vote pour tous les citoyens mâles. Les Niveleurs veulent donc une extension du suffrage au nom du fait que dans la mesure où les hommes sont nés libres et égaux, le passage à un gouvernement étant une distinction entre une minorité qui dirige et une autre qui obéis, alors il faut qu’il y ait un consentement des gouvernés à être dirigés. Mais donc, cela les autorise à, s’ils le souhaitent, renverser les dirigeants à partir du moment où les gouvernés retirent en majorité leur consentement. Du point de vue de la mise en place d’une représentation réelle, cette théorie est reprise par les Américains qui dénoncent donc que le Parlement anglais leur pose des taxes alors même que personne ne représente les Colons dans ce Parlement. Où est la légitimité là-dedans ? Le Parlement souligne que Birmingham non plus n’a pas de représentant mais paye ces taxes. Cette agitation réveille tout de suite les Libéraux anglais.
La théorie Whig de l’époque explique que si un peuple retire son consentement à ses gouvernants, alors on entre en situation de retournement. Mais hors de ce cadre de rébellion, on n’a pas forcément toujours l’aval de la population. Pour Locke le consentement se détermine en trois temps : l’acceptation des taxes, l’habitation sur le territoire et la transmission des biens. Or dans biens des cas, on maintient les trois points par force dans certains gouvernements, dont le gouvernement anglais de l’époque. Du coup, on est davantage dans une tyrannie qu’autre chose.

Le but des Américains n’est donc pas tant de lever des taxes que de souligner l’injustice du mode de représentation parlementaire et de vouloir le réformer. Comme rien n’avance et que tout empire alors, l’ultime solution de ce concours de circonstances est de proclamer l’indépendance des USA.
Par la suite, pour cette région il s’agit de savoir comment faire un système qui ne retomberait pas dans les travers tout juste quittés. Mais cela change la loi, car dans la formulation la plus traditionnelle de la loi, celle-ci est un commandement prescrit par une source supérieure et auquel l’inférieur se doit d’obéir. Avec une représentation réelle au mandat impératif, la question d’obligation d’obéir à la loi ne peut se faire que si celle-ci est consentie et donc si elle est légitime aux yeux de la population. La source de la loi doit être la même que le sujet du droit. Ainsi pour Rousseau, la loi émane de la souveraineté générale et s’incarne dans le roi. C’est une fiction juridique, elle ne prend pas réellement place dans nos sociétés. C’était aussi la critique des Américains sur la représentation virtuelle, sa virtualité est une fiction.

Après l’indépendance, la doctrine reste à peu près la même. Le point de départ de la pensée américaine repose sur l’idée que les communautés locales comme les Américains donnent leur consentement aux assemblées et aux gouvernements. Le second point est une différenciation claire et nette entre la société civile et le gouvernement, ce dernier étant tenu pour une création de la société civile (et la on quitte la représentation d’un gouvernement naturel comme le veux la tradition philosophique). La société est issue de deux contrats : le contrat social et le contrat de gouvernement. Le premier est un contrat entre individus et le second est un contrat reposant sur le principe majoritaire.
A partir de là, on a trois présupposés chez les penseurs américains, présupposés qui s’appliquent uniquement au peuple américain sans aucune revendication à l’universalité. Le premier présupposé est qu’il est possible que le peuple sache faire une distinction entre ce qui est bien et ce qui est mal. Ce présupposé est particulièrement lourd, le peuple si on lui en laisse le temps et qu’on lui en donne les moyens, il sait distinguer ce qui convient à ses valeurs à long terme et à ses droits, et ce qui ne lui convient pas. Dans le cas où cette distinction ne se fait pas, le peuple américain serait exclu des décisions gouvernementales. Pour leur époque, cette idée d’un peuple qui sait faire ses choix est une Révolution. Partant de ce distinguo fiable chez les peuples, les Américains construisent tout dessus et mettront des garde-fous par la suite. Theophilus Pearsons commentant le résultat d’une élection dans le Massachussetts, exprime l’idée sous-jacente qu’il n’a aucune naïveté à croire que le peuple choisi toujours ce qui est bon pour lui, en revanche, il lui semble nécessaire de supposer qu’on part du principe de cette sagesse du peuple. Ainsi si le peuple n’a pas toujours le temps ni l’information nécessaire pour décider, alors il faut composer un corps d’individus issus de ce peuple qui ont ces deux ressources, qui ont prouvé leurs vertus et qui peuvent aider le peuple dans ces délibérations. Clairement, Theophilus souhaite des représentants du peuple.
Second principe américain, les élections sont un filtre qui permet de faire émerger les hommes avec des vertus et des intelligences supérieures à la moyenne. C’est une idée pratique qui prend place dans un moment où il faut coûte que coûte rédiger une Constitution. Les élections ne s’organisent pas par partis, il n’y a pas de réelle propagande électorale, pas de campagnes non plus. Tout se passe par la notabilité. Cette croyance de faire émerger des hommes supérieurs par les systèmes électifs justifie la démocratie directe.
Ces deux présupposés reposent sur un ultime présupposé typiquement américain et toujours valable aujourd’hui. Si on peut faire confiance à un peuple pour choisir ce qui est bon pour faire la différence entre le bon et le mauvais, alors c’est que ce peuple possède des qualités intrinsèques naturellement. Le peuple américain se présuppose vertueux, capable et désireux de chercher et de trouver l’intérêt général. En effet, si le peuple est corrompu ou qu’il lui manque des vertus nécessaires pour fonder un gouvernement, il serait alors stupide de lui confier sa destinée. Emmanuel Kant, lorsqu’il produit des essais pour tenter de définir les Lumières, réfléchit sur ce que pourrait être un régime de libertés. Sa position est que tout régime politique doit pouvoir fonctionner même s’il s’agissait d’un peuple de démons. Les institutions créées doivent résister à la tendance au mal qui habite les hommes. Cette idée que les gens qui sont venus aux USA et qui se sont donnés des institutions avant leur indépendance, ce sont des gens qui se sentent élus et sauvés d’un point de vue religieux. Une forme de confiance élevée est faite dans les individus des colonies et ce, dés le départ, puisque les Assemblées de colonies ont un pouvoir immense au début. Ces gens pensent réellement qu’ils ont une mission divine, qu’ils doivent accomplir car ils en auraient les moyens moraux. Cette autoprojection devient une autoreprésentation même dans des moments qui contredisent cette idée.

Là-dessus vient se greffer la question de la désobéissance civile. C’est une désobéissance de la loi qui est remise en question, pas de n’importe quelle loi. En Angleterre et aux USA, il y a depuis très longtemps, une longue pensée philosophique de cette transgression civile. Il y a transgression civile quand on parvient à convaincre une partie de la population à agir contre un aspect de la loi. De plus, l’acte de désobéissance civile ne doit pas avoir un but personnel derrière (vider un magasin de ses farines transgéniques pour en nourrir sa ferme).

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