samedi 10 novembre 2012

Grandes puissances 08 - 11 (cours 10)

Rousseau évidemment.




Merci à Eve pour la prise de notes de ce cours !





Georges Scelle effectue une distinction entre l’international et l’interétatique. Il défend l’idée fédérale notamment en Europe. On doit dépasser le niveau étatique, car ce dernier freine les mouvements des populations qui favorisent la paix, et car les États sont les fomentateurs de la guerre.
Le droit des gens va prendre la forme d’un droit public européen. Ce dernier est décisif pour comprendre le droit international aujourd’hui qui lui, se ramène principalement durant la formation des États aux conventions et traités passés entre les États. Ces conventions sont censées codifier les relations entre les puissances.

Avant le XX° siècle, il n’existe pas d’États faibles, effondrés (« collapsed state ») car un État faible était systématiquement phagocyté, avalé par son voisin. On a rigidifié la notion de souveraineté pour éviter le phagocytage d’États. On a donc dans la seconde moitié du XX° siècle une multiplication de nombre d’États. On peut dire que la notion d’États défaillants a multiplié le nombre d’États.

La guerre est reconnue comme telle par le droit public européen. Il y a une réalisation de ce que Rousseau dit : « la guerre est une relation d’État à État et non pas d’homme(s) à homme(s) ». Carl Schmitt écrit que le politique est caractérisé par sa relation ami - ennemi. Il précise que l’ennemi n’est jamais l’ennemi privé. Précision de ce que disait donc Rousseau. C’est quelque chose qui va aussi s’effacer au XX° siècle, ce qui explique pourquoi Schmitt regrettait le droit public européen.  En utilisant cette catégorie de civilisation, le droit public européen, en reconnaissant la force brute et la nécessité de la codifier, a civilisé une partie des rapports internationaux.
Même s’il va de soi que comme les sujets de droits sont les États et seulement eux, que ces États sont souverains, les conventions qu’ils passent entre eux ne gardent leur validité qu’aussi longtemps que les États le souhaitent, aussi longtemps que ces conventions correspondent aux intérêts des États. Aussi les États et leurs relations telles que définies dans le droit Européen vivent à l’état de nature, caractérisé par l’absence d’une autorité supérieure commune capable de donner des règles de droit et de les faire respecter. Cette idée d’état de nature de la scène internationale a été théorisée au départ par Hobbes dans son Léviathan.

Le droit public européen peut être représenté de la manière suivante : il n’y a de droit proprement dit qu’à l’intérieur des États souverains et à l’extérieur, entre ces États, règne l’état de nature. Ce dernier est relativement civilisé puisqu’il l’est par un certain nombre de conventions, fragiles certes, mais qui apparaissent comme précieuses.

L’état de nature est potentiellement un état de guerre, du moins la menace permanente de la guerre.  L’Europe du droit public européen fut, si ce n’est une Europe en guerre permanente, du moins une Europe vivant la crainte permanente de la guerre. C’est l’un des arguments des USA pour mettre en place leur forme politique. On a donc une Europe qui vit une organisation civilisée mais craintive d’une guerre ; il n’en reste pas moins que sur le long terme, du XVII° au XIX° siècle, et en dépit d’un certain nombre de guerres, on a constaté qu’il y avait une tendance croissante à la paix. Pour Benjamin Constant, cette pacification relative de la scène internationale s’explique par le développement du commerce.

Il y a un certain équilibre des puissances (« balance of power ») : cet équilibre, certes fragile mais en mouvement, évite qu’une puissance prenne le pas et écrase les autres. C’est une notion centrale pour les réalistes. Cet équilibre a été préservé surtout par un pays : le Royaume-Uni. Du point de vue de son intérêt, le Royaume-Uni maitrise les mers ; la maitrise des mers est accompagnée d’actions pour empêcher qu’une puissance coloniale parvienne à l’hégémonie sur le continent européen. Pour compléter sa maitrise des mers, le Royaume-Uni va aider financièrement ses alliés sur le continent pour éviter que n’apparaisse une puissance dominante. Dans ce cadre, le droit appartient proprement à la vie intérieure des États souverains, États qui sont motivés essentiellement par leur intérêt national, États dont les relations dessinent une scène d’état de nature qui tend de fait vers un équilibre relativement pacifique, parce que réglé par la « balance of power ».

Cette formule de la politique publique européenne avant la Première Guerre Mondiale a été, par beaucoup de ses contemporains, considérée comme un progrès de la civilisation. Période parfois considérée comme une sorte d’âge d’or, notamment par Carl Schmitt. Il pense qu’ensuite on sort du droit public européen à cause de l’hégémonie des USA. Au XX° siècle, tous les moyens sont bons. Il n’y a plus de séparation entre combattants et non combattants.

À lire : Le concept de politique, Carl Schmitt.

On trouve des critiques de l’ordre public européen, avant la transformation politique du début du XX° siècle, par deux conservateurs : Rousseau et Kant.  
Pour Rousseau, l’individu est pris entre deux maux : l’ordre public européen interne, qui revient à une tyrannie, et l’état de nature, c’est à dire la menace de la guerre. Ces deux penseurs considèrent que le statu quo des puissances ne l’est pas tant que ça.
Kant considère cette « balance of power » comme une chimère car elle peut s’effondrer selon lui au moindre choc. Il va  tenter de dépasser cet ordre politique ; il reconnaît ce qu’il considère comme les « vertus civilisatrices des dispositions agressives de l’humanité » : il n’y aurait pas de droit international s’il n’y avait pas de guerres. Il y a donc un conflit potentiel permanent. La guerre fait partie de l’histoire telle qu’elle se déroule sous nos yeux, mais la loi morale exprime en nous son véto : il ne doit pas y avoir de guerre. Une telle critique aura une certaine influence, notamment lorsque Kant va élaborer un cadre avec son ouvrage Vers la paix perpétuelle. Il a vu juste sur ce qui allait se passer : il faut un cadre extérieur de relatives influences. Il y a en effet des conditions extérieures de régulation de la vie internationale indépendamment des rapports de force, ces conditions étant d’ordre juridique.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire