samedi 10 novembre 2012

Chine 07 - 11 (cours 5)


 Poupées symbolisant les 56 ethnies chinoises <-- lien pour des photos plus stylisées des 56 ethnies



Lu Xun, dans les années 1920 qui était un romancier chinois regrettait que la parole soi couverte de cette manière. Il reprochait aux Chinois de ne pas parler ouvertement comme les Russes, d’être à mots couverts, d’être fourbes en quelques sortes.  Lors de la période des Cent Fleurs, où les intellectuels pouvaient s’exprimer librement, le pouvoir en a profité pour écrémer ceux qui parlaient trop ouvertement.

En peinture aussi, le tableau de Luo Zhongli que Puel juge comme art contemporain d’avant-garde, a pour but de préparer au réalisme de propagande. Ce tableau représente pour les Chinois, une critique politique tandis qu’en France, il serait plus banal. En effet, pour un Chinois, la référence au paysan est lourde de sens, surtout que cette population paysanne est très présente en Chine. Ce tableau fit scandale pour plusieurs raisons. D’une part, dans le communisme, la paysannerie est valorisée. De nombreux membres du parti sortent d’une paysannerie aisée comme Mao ou Deng Xiaoping, jamais des plus bas niveaux de la paysannerie ceci dit. De plus, le paysan représente véritablement les forces vives du pays (la Longue Marche). Idem lors de la collectivisation où ils étaient les personnages principaux, on fait une collectivisation des terres agricoles en pleine période du Grand Bond en avant (politique entamée par Mao qui décide à cette époque d’aller plus vite vers le socialisme, mais le référentiel reste l’industrie soviétique). La gestion des terres devient donc collective alors qu’en 1949, on a déjà supprimé les quelques grandes propriétés, en 1950, on a donné à chaque famille un tiers d’hectare de terres cultivables en plus de ce que vous aviez auparavant. Pour les historiens, on a discuté de cette loi dite sociale, pour des communistes on veut égaliser les conditions de vie de tout le monde en réduisant les revenus des trop riches et en augmentant celle des trop pauvres. De plus, ce tiers d’hectare dans le Sud subtropical de la Chine va nourrir toute une famille de manière diverse, dans le Nord où la culture est plutôt uniforme (blé, millet, …) cela suffit à peine à nourrir une famille. Au moment de la collectivisation, on leur reprend ce qu’on leur a donné et on redistribue. Cela n’aurait rien changé si on n’avait pas rajouté en campagne, l’industrie avec des mines, des industries et des hauts fourneaux polluant, … On produit alors en grande quantité de l’acier de mauvaise qualité pour faire des bâtiments et des rails. Mais cet acier ne fut que très peu utilisé. S’en suit alors une grande famine en Chine lié au fait que la plupart des paysans travaillaient dans les usines et ne purent récolter leurs cultures.

En conséquence, on représente le paysan chinois toujours comme étant jeune, fort et en bonne santé. Sur le monument du document, on voit une paysanne brandissant une gerbe de blé accompagnée par un ouvrier, un militaire, un intellectuel, d’autres ouvriers et deux hommes avec des chapkas, des Mandchous. Le triptyque soldat, paysan et ouvrier est la base d’une représentation formée dés 1927 dans la lutte ouverte contre le Guomindang.
En revanche, la peinture de Luo Zhongli, sortie en 1980, montre une vieux paysan affamé. A cette époque, les dirigeants dans la lignée de Mao hésitent à continuer la voie socialiste typique avec son économie planifiée qui menacent de lâcher, ou à dessiner une nouvelle économie plus ouverte. Les héritiers du système totalement socialiste, trouvent donc le tableau totalement déplacé, le Chinois paysan est vieux, fatigué et semble affamé. Dans l’année précédant le tableau, on décide que la décollectivisation est en marche, les paysans sont particulièrement pauvres et cela éclate aux yeux de tout le reste de la Chine. Le premier ministre de l’époque Zhao Ziyang explique qu’ils peuvent cultiver les terres pour eux-mêmes en laissant pour l’Etat de petits quotas de céréales, de légumes et de fruits. Cela permet aux paysans de mieux vivre. En 1980, Deng Xiaoping fixe que les paysans peuvent décider par eux-mêmes de leur production. Cet excédent pourra être vendu sur des marchés ruraux.
Ultime dimension de ce tableau, les Libéraux semblent soutenir l’idée de l’artiste. Le peintre semble protégé par les partisans de Deng Xiaoping. D’ailleurs entre 1978 et 1980, c’est le mouvement du Mur de la Démocratie. A Pékin et d’autres grands centres urbains se développent des dazibaos, affiches verticales sous forme de grands messages rédigés portant dessus des critiques contre la bureaucratie et le régime. On sait aujourd’hui que Deng Xiaoping qui n’était pas président, a fait croire au monde entier qu’il s’agissait d’un mouvement spontané de désir de liberté, alors qu’il est derrière ce mouvement qu’il soutient. En revanche, en 1979, Deng Xiaoping arrête le meneur de ce mouvement faussement populaire, Wei Jinsheng qui avait fait un texte intitulé La 5° modernisation, prônant la démocratie et la liberté, et le met à mort. On a donc sous ce tableau, la patte assez nette de Deng Xiaoping car le peintre sans influence aurait poussé davantage sa critique sur le thème de la liberté paysanne, non pas de l’enrichissement paysan.
Ce même tableau à l’ère actuelle, nous fait voir surtout que le paysan de l’époque est le grand oublié de la politique chinoise, en dépit de certains progrès, les lois sur l’école, le droit à la propriété dans la constitution chinoise, … La critique détournée peut prendre un sens hors de son contexte, mais ce sens est alors biaisé.

Dans le discours politique on a donc tout en discrétion comme dans la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques où des batteurs jouaient un air sur des chaudrons de bronze en imitant une cérémonie funéraire, or cela évoquait directement les évènements de la place Tian’anmen. Cela aura d’ailleurs vexé les dirigeants de l’époque.

2.      Agir selon une pensée globale des problèmes : la gestion des minorités

Cette technique du laisser faire se voit plus particulièrement dans la gestion des minorités nationales. Tibétaines, sino-vietnamiennes, Cantonais, Hui (Musulmans), … Au total, on a une cinquantaine de minorités ethniques en Chine réparties de manière très inégales géographiquement. Dans la province du Ningxia, on a des Hui ; dans la province du Xingjiang, des Ouigaurs ; dans le Tibet, les Tibétains ; dans le Yunnan, on a plusieurs ethnies différentes et dans les Guanxi, ce sont les Nanning. Ce sont les plus grandes minorités et leurs régions bénéficient d’une grande autonomie.
Certaines minorités ont eut un traitement de faveur qui les a pratiquement détruites. La Constitution chinoise prévoit tout de même des représentants politiques des minorités à toutes les échelles de la vie politique. Les minorités peuvent obtenir des statuts particuliers sur de nombreux sujets (école, langue, …). Ainsi le Yunnan peut accéder à un enseignement en langue locale. La minorité peut déterminer ce qu’elle juge ou non comme patrimoine national et sa décision est respectée par l’Etat. Le Yunnan fixe ses propres impôts et bénéficient de toutes les levées d’impôts, a le droit a des aides de développement pour éviter de conserver des poches de sous-développement. Le véritable problème actuel, reste le trop plein de population Han dans les régions des ces minorités. Ces minorités ont l’impression d’être inclues dans une politique de sinisation forcée dont le but avoué à termes est de renverser ces ethnies pour atteindre d’abord un ratio ethnique de 50% Han et 50% de la minorité, puis que les Han dépassent ensuite les minorités dans leurs régions. Cela se passe alors très mal dans deux régions particulières : le Tibet et le Xinjiang. Cette politique des minorités en Chine, se passe mal en général.

Pourtant, au départ, rien ne prévoyait que cela se passerait aussi mal. En effet, les Chinois misaient sur l’acculturation progressive des minorités. Le but était d’envoyer quelques Han dans ces régions, d’y implanter des écoles, avoir des délégués locaux en qui on aurait confiance pour que ces élites transmettent la culture chinoise vers leur électeurs pour les intégrer progressivement dans la Chine. Salmon qui a étudié l’ethnie Miao, constate que c’est une ethnie très pauvre sans véritables débouchés sur la mer, sans voies de communication, … A l’époque des Ming, on a décidé de clarifier les limites de cette région. L’empereur a envoyé des diplomates pour déterminer les frontières. Ceux-ci cherchent le chef local, qui sont en fait des administrateurs locaux ayant un travail de préfet, de maires, … Par contre, ils faisaient tout ce travail gratuitement. En effet, les Miao étaient en autogestion complète avant l’arrivée du pouvoir central. On leur a donc demandé de fixer des limites (frontalières, généalogiques, hiérarchiques, …). Pour mieux les intégrer dans le système Ming, on leur a donné des écoles pour leurs enfants. En conséquence, on avait un fonctionnement local à peu de frais et en même temps, on pensait que par leur éducation, on finirait par les intégrer à la culture chinoise. Cela ne s’est pas fait sans heurts, on a eut par la suite des résistances, des révoltes, des chefs locaux contre les Han, … Mais l’idéal du pouvoir central restait tout de même sur une acculturation douce. Tout comme le pouvoir romain, on a misé sur les élites pour qu’elles diffusent la culture Han dans leur population locale.
Le succès de cette acculturation lente se voit dans le Yunnan qui a compris qu’il ne pouvait aller à l’affrontement avec les autorités chinoises. Mais on a des cas extrêmement violents comme à Ouroumtsi, capitale du Xinjiang composée de Musulmans et de Ouigours.  Des évènements violents ont conduit à la mort de 250 Han le 5 juillet 2009. Un mois auparavant, les premiers conflits Han contre Ouigours éclatent à Canton dans une usine de jouets. Les meurtres portent sur une accusation de viol d’une Han par des Ouigours arrivés dans le cadre d’une politique de l’Etat, des Ouigours contraints de venir travailler à Canton. Derrière cet évènement, on sait qu’il y a une animosité très forte des Han contre les Ouigours qui demandent des salaires moins élevés que les Han à Canton. En réponse en juillet 2009, on a des bastonnades, des émeutes, des attaques de nuit et des meurtres de Han au cours du mois de juillet. Mais de nombreuses zones d’ombre demeurent lors de ces évènements. Les forces antiémeutes présentent dans cette région et proche de la frontière ne sont pas intervenues. Seul le maire d’Ouroumtsi a tenté de calmer le jeu et il y laissa sa vie. Hu Jintao au même moment devait rencontrer Barack Obama pour discuter économie (lutte contre la contrefaçon chinoise et injonction des Américains à ce que les Chinois remontent leur monnaie). Pour autant, le président n’a jamais traité de cette question car les évènements l’ont contraint a annulé sa rencontre. Il ne s’est malgré tout jamais signalé dans la résolution de ce conflit.. On trouvait pourtant sur le net des vidéos des affrontements et une journaliste d’origine Ouigour, Rebiya Kader fut accusée à tort d’être à l’origine des heurts et d’exciter les tensions. On pense que les Américains sont derrière cela, qu’ils ont motivés les tensions entre les deux ethnies pour pouvoir montrer les conséquences d’un refus chinois lors de cette rencontre économique qui fut finalement annulée.


Bonus : La constitution chinoise de 1982 disponible ici.

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