lundi 12 novembre 2012

Sociologie politique 13 - 11 (cours 7)








 Un des lieux célèbres de production des élites politiques



Les élites politiques


I.                   Les modalités de désignation du personnel politique

1.      La sélection des élites politiques centrales

Deux élites centrales en France sont identifiables : les parlementaires et les membres du gouvernement.  Parfois on peut y ajouter les sénateurs bien qu’ils soient indirectement présents dans cette catégorie. Les élus régionaux ou européens restent pour leur part à la périphérie de ce système. Cela n’est pas sans provoquer quelques concurrences entre les deux, puisqu’il y a une asymétrie forte entre ces deux niveaux élitistes.

Ce sont donc les législateurs, ces membres de la chambre basse du Parlement élus lors d’élection législatives qui constituent le premier de deux groupes de ces élites politiques centrales. En France ce sont les députés du Parlement, en Allemagne les mitglied des bundestages du Bundestag et en Royaume-Uni les Members of Parliament de la chambre des Communes. En Europe, on ne trouve quasiment que des systèmes parlementaires, y compris en France en dépit du mythe européen où la France serait un régime présidentiel (alors même que le Parlement peut à tout moment renverser le Gouvernement).

La désignation des législateurs se fait lors d’élections qui diffèrent encore selon les pays entre la représentation proportionnelle où l’assemblée correspond à la proportion des voies politiques obtenues par les candidats, et la représentation majoritaire.
La représentation proportionnelle est largement dominante en Europe (Allemagne, Espagne, Suisse, Autriche, Scandinavie, …). En conséquence, on a un fort multipartisme dans les pays européens. Tous les gouvernements de la représentation proportionnelle reposent donc sur une coalition souvent gouvernementale, parfois parlementaire. En Espagne, le gouvernement est du même parti mais la coalition se fait au Parlement. En Allemagne en revanche, le gouvernement est composé du CDU, TSU et FDP. Mais cette coalition provoque une forte instabilité dans les régimes. Un parti quitte le gouvernement et le gouvernement risque de s’effondrer. Sinon, on agit constamment sur des politiques de compromis. Pour éviter les petits partis régionaux au Bundestag, on a la représentation proportionnelle personnalisée comme en Allemagne ou en Espagne, ce qui permet de fixer un minimum de 5% de votes aux élections pour être représenté au Parlement. La représentation proportionnelle intégrale, qui ne fixe pas de limites ne se trouve qu’exclusivement aux Pays-Bas.
Le second système est uninominal, une personne se présente à un poste pour un mandat de député. En France, on a 577 députés, et donc autant de circonscriptions. Ici, l’effet est inverse à la proportionnelle, les effets de seuil fixés par la loi éliminent les petits partis. En France, il faut passer la barre des 18% des voies et donc en général on reste dans un bipartisme parfois un tripartisme. On abouti donc à une surreprésentation des grands partis pouvant par ce système bénéficier de jusqu’à 17 points supplémentaires. Le PS en France, pour un tiers des suffrages à gagner la moitié des élus du Parlement, surtout qu’une prime au vainqueur est accordée au Parlement. Cela permet de donner une stabilité politique au gouvernement. Ainsi, de 2012 à 2017, le PS contrôle le Parlement et le Gouvernement ce qui assure une continuité et évite un jeu de compromis constant.

Récemment, la commission Jospin qui doit renouveler la vie politique, proposait un système mixte qui changeait à la marge le système électif. Cela risque d’être compliqué puisque ce fonctionnement français est très ancré dans la vie politique française. Bien entendu, en cas de cohabitation, chose possible en France, le système s’avère parfois bloqué. C’est arrivé deux fois mais le système est fait pour que cela n’arrive plus (les législatives se déroulent 2 à 3 semaines après les présidentielles pour bénéficier de la tendance).

En Afrique et aux Amériques, on a un scrutin majoritaire très fort qui limite à une bipolarisation extrême. L’Europe à cette échelle est minoritaire. Lors des élections présidentielles cela est pareil. Sur la scène internationale on distingue 4 systèmes :
·         Le système monarchique héréditaire qui est assez présent dans le monde. Dans la Péninsule arabique avec les royaumes (Arabie Saoudite), émirats (Émirats Arabes Unis), sultanats (Oman) et d’autres successions pas totalement héréditaires, le système adelphique d’Arabie Saoudite, où l’on passe la succession de frère en frère. Ce système se retrouve en plus nuancé en Europe où la Scandinavie possède encore des rois et des reines qui cohabitent avec un Parlement élu.
·         Le suffrage universel indirect où les parlementaires élus par la population élisent leur président. Ce système se retrouve en, Turquie, en Inde, en Allemagne, en Italie, … Dépendant des parlementaires, le président dans ces systèmes n’a guère de pouvoir, il le tient d’un Parlement à qui il doit rendre des comptes. Cela lui donne un rôle qui l’affaiblit plus que d’autres systèmes et, de plus, il n’a pas de pouvoir sur la politique internationale.
·         Le suffrage universel direct où la population (même indirectement) élit le président en un tour. C’est le cas de deux grands pays. En effet, si le président passe avec 25% des voix, il y a un souci de légitimité du président. En revanche, on bénéficie d’un système simple et d’une relative stabilité. Les pays concernés sont les USA et le Mexique. D’où l’extrême importance de cette élection dans ces pays.
·         Le suffrage universel direct où la population élit le président en deux tours. Assez peu présent en Europe du fait des nombreux autres régimes électifs, la France le possède. Quelques pays d’Europe de l’Est le pratiquent aussi : Roumanie, Finlande, Autriche, Islande, … Dans ce système, le Président a un pouvoir assez fort qui lui est souvent reproché. Du coup, la vie politique est centralisée autour de la figure présidentielle. Mais à part la France et la Roumanie, les autres présidents ont un pouvoir très limité, presque représentatif, en dépit de ce système électif. Notre système est bien peu exporté du fait du risque d’accaparement du pouvoir. Hors d’Europe, parmi les démocraties internationales on trouve davantage ce système notamment en Afrique dans les anciennes colonies : Togo, Cameroun, Sénégal, …

2.      La sélection des élites politiques périphériques

Daniel Gaxie dans La démocratie représentative, explique qu’il existe les élites centrales qui participent à l’élection du gouvernement et les élites périphériques qui agissent à l’échelle locale, régionale puis européenne.
La plupart des élites locales sont élues au suffrage universel direct avec la plupart du temps une prime majoritaire, la liste arrivée en tête obtient d’une part son pourcentage exact d’élu et d’autre part un bonus pour être arrivé en tête. Ainsi à Paris, chaque arrondissement vote et élit une liste. La liste en tête bénéficie d’un bonus de 10 sièges supplémentaires en plus de sa représentation proportionnelle. En conséquence, à Paris Bertrand Delanoé n’a pas eut la majorité des voix des Parisiens mais a bénéficié des primes majoritaires de chaque arrondissement.

A l’échelle internationale, c’est plutôt l’élection directe des maires qui est favorisée : Royaume-Uni, Brésil, … Ce sont des pays où le pouvoir est si décentralisé que ces élections sont très importantes pour les individus. Elles sont très médiatisées et on connaît les maires des grandes villes : Michaël Bloomberg à New-York, Boris Johnson à Londres, Shintaro Ishihara à Tokyo, …

Les élections régionales, en plein développement, ont aussi un système de représentation proportionnelle mais l’élection est surtout indirecte sauf dans les Etats fédéraux qui possèdent des gouverneurs élus directement (comme aux USA en même temps que l’élection présidentielle). L’élection directe donne une puissance accrue au Président et peut leur permettre d’avoir une carrière politique plus importante. Ronald Reagan est passé de gouverneur de Californie à Président des USA.

Les élections européennes pour le Parlement Européen sont directes ce qui est rare. Les autres organisations régionales fonctionnent par vote indirect. Ce sont des élections périphériques puisque les Parlementaires européens ont un rôle de codécision et donc n’ont qu’un pouvoir assez limité, plus que les chambres basses nationales. De plus, depuis 1999, il est obligatoire que ces élections européennes se fassent à la représentation proportionnelle. En revanche, hors de cette condition cela varie, certains pays appliquent strictement la proportionnelle puisqu’ils n’ont pas de seuil (la Suède a envoyé deux membres du Parti Pirate), d’autres tentent de limiter cette proportionnalité pour limiter la place des partis extrémistes et dans un dernier cas, les systèmes avec peu d’élus ce qui donne un effet bipolarisant (Chypre, Malte, …).


II.                Le recrutement social des élites politiques

1.      Les transformations du recrutement politique

Il y a plusieurs tendances dans ces transformations.
En premier lieu, on a le déclin relatif des notables dans la vie politique. Certes, il y a toujours des avocats aujourd’hui mais ce n’est pas la République des avocats comme la III° République. Comme l’explique Max Weber dans Le savant et le politique, il n’y a plus de notables locaux qui font de la politique à coté de leur activité principale. L’activité politique s’est progressivement professionnalisée et aujourd’hui la vie politique est un milieu à part entière. Weber parle du politicien de métier, il vit pour et par la politique.

Seconde tendance, la surreprésentation croissante des groupes dominants sur le plan sociologique. Les classes populaires sont peu présentes dans la vie politique tandis que l’entre deux guerres présentait beaucoup de syndicalistes ou d’ouvriers politisés dans certaines partis. En même temps, en termes de compétences, de contacts, … Le passage par l’ENA est plus pratique pour devenir un homme ou une femme de politique.

Troisième évolution, le passage du fonctionnariat à la vie politique. Les fonctionnaires ont la possibilité de passer dans la vie politique de manière assez efficace dans des pays comme la France, l’Allemagne, … En revanche, dans le monde anglo-saxon c’est très difficile. L’avantage c’est que si la vie politique ne vous réussit pas, vous avez toujours votre place de fonctionnaire. De plus, il est possible dans certains métiers de fonctionnaires d’aménager son emploi du temps.

Quatrième évolution au niveau internationale, la féminisation de la vie politique. Longtemps le suffrage universel masculin a dominé avant de s’ouvrir aux femmes. Aujourd’hui, on est dans une des dernières périodes où les femmes, en plus de voter, sont en train d’acquérir des rôles de plus en plus importants dans la vie politique et tendent à une véritable parité dans certains pays.

Cinquième transformation, la vie politique se rajeunise beaucoup. En Europe c’est assez net à l’exception peut être de la France et de l’Italie. En revanche, en Allemagne il n’y a pas de réticences à élire de jeunes politiciens et politiciennes.

Sixième modification, une plus grande diversité ethnoculturelle dans la vie politique. C’est net en France avec les familles maghrébines et antillaises essentiellement, encore plus net en Angleterre avec les minorités indiennes et pakistanaises. On en trouve aussi dans d’autres pays bien évidemment.

Ultime modification, le processus de domination du capital culturel selon Pierre Bourdieu. Quel que soit le genre ou l’origine ethnique, tous ces élus détiennent des diplômes de l’enseignement supérieur et un fort capital culturel. Pour les élus leaders, ils détiennent des diplômes encore plus particuliers de grandes écoles préparant à vie politique. En dépit de l’ouverture de ces écoles à un recrutement moins élitiste, cela reste un milieu assez restreint.


2.      Le cas français

Dans notre cas, on peut trouver les 7 processus de transformation de manière très nette. La féminisation est dans le programme du gouvernement, la fin des petits métiers dans le Parlement est aussi évidente avec plus qu’un seul député venu du monde ouvrier quand les trois quarts sont dans les CSP Cadres et professions intellectuelles supérieures, le métissage de la vie politique est aussi souvent affirmé dans les programmes des candidats à la présidence, …
Les écoles politiques célèbres sont le lieu d’une forte endogamie sociale.

En revanche, dans les milieux politiques plus locaux, notamment à l’échelle de la mairie, on a une très grande diversité sociale. De nombreux maires de petites communes sont agriculteurs, artisans ou commerçants. On a donc une pyramidalisation très forte en France. Plus on monte, plus la sélection est forte et l’origine sociale limitée.

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