Un des lieux célèbres de production des élites politiques
Les
élites politiques
I.
Les modalités de
désignation du personnel politique
1.
La sélection des élites politiques centrales
Deux élites
centrales en France sont identifiables : les parlementaires et les membres
du gouvernement. Parfois on peut y ajouter les sénateurs bien
qu’ils soient indirectement présents dans cette catégorie. Les élus régionaux
ou européens restent pour leur part à la périphérie de ce système. Cela n’est
pas sans provoquer quelques concurrences entre les deux, puisqu’il y a une
asymétrie forte entre ces deux niveaux élitistes.
Ce sont donc les
législateurs, ces membres de la chambre basse du Parlement élus lors d’élection législatives qui
constituent le premier de deux groupes de ces élites politiques centrales. En
France ce sont les députés du Parlement, en Allemagne les mitglied des bundestages du Bundestag et
en Royaume-Uni les Members of Parliament
de la chambre des Communes. En Europe,
on ne trouve quasiment que des systèmes parlementaires, y compris en France
en dépit du mythe européen où la France serait un régime présidentiel (alors
même que le Parlement peut à tout moment renverser le Gouvernement).
La désignation des
législateurs se fait lors d’élections qui diffèrent encore selon les pays entre
la représentation proportionnelle où l’assemblée correspond à la proportion des
voies politiques obtenues par les candidats, et la représentation majoritaire.
La représentation
proportionnelle est largement dominante en Europe (Allemagne, Espagne, Suisse,
Autriche, Scandinavie, …). En
conséquence, on a un fort multipartisme dans les pays européens. Tous les
gouvernements de la représentation proportionnelle reposent donc sur une
coalition souvent gouvernementale, parfois parlementaire. En Espagne, le
gouvernement est du même parti mais la coalition se fait au Parlement. En
Allemagne en revanche, le gouvernement est composé du CDU, TSU et FDP. Mais
cette coalition provoque une forte instabilité dans les régimes. Un parti
quitte le gouvernement et le gouvernement risque de s’effondrer. Sinon, on agit
constamment sur des politiques de compromis. Pour éviter les petits partis
régionaux au Bundestag, on a la
représentation proportionnelle personnalisée comme en Allemagne ou en
Espagne, ce qui permet de fixer un minimum de 5% de votes aux élections pour
être représenté au Parlement. La
représentation proportionnelle intégrale, qui ne fixe pas de limites ne se
trouve qu’exclusivement aux Pays-Bas.
Le second système
est uninominal, une personne se présente à un poste pour un mandat de député. En France, on a 577 députés, et
donc autant de circonscriptions. Ici,
l’effet est inverse à la proportionnelle, les effets de seuil fixés par la loi
éliminent les petits partis. En France, il faut passer la barre des 18% des
voies et donc en général on reste dans un bipartisme parfois un tripartisme. On
abouti donc à une surreprésentation des grands partis pouvant par ce système
bénéficier de jusqu’à 17 points supplémentaires. Le PS en France, pour un tiers
des suffrages à gagner la moitié des élus du Parlement, surtout qu’une prime au
vainqueur est accordée au Parlement. Cela permet de donner une stabilité
politique au gouvernement. Ainsi, de 2012 à 2017, le PS contrôle le Parlement
et le Gouvernement ce qui assure une continuité et évite un jeu de compromis
constant.
Récemment,
la commission Jospin qui doit
renouveler la vie politique, proposait un système mixte qui changeait à la
marge le système électif. Cela risque d’être compliqué puisque ce
fonctionnement français est très ancré dans la vie politique française. Bien
entendu, en cas de cohabitation, chose
possible en France, le système s’avère parfois bloqué. C’est arrivé deux
fois mais le système est fait pour que cela n’arrive plus (les législatives se
déroulent 2 à 3 semaines après les présidentielles pour bénéficier de la
tendance).
En Afrique et aux
Amériques, on a un scrutin majoritaire très fort qui limite à une bipolarisation
extrême. L’Europe à cette échelle est minoritaire. Lors des élections
présidentielles cela est pareil. Sur la scène internationale on distingue 4
systèmes :
·
Le système monarchique
héréditaire qui
est assez présent dans le monde. Dans la Péninsule arabique avec les royaumes
(Arabie Saoudite), émirats (Émirats Arabes Unis), sultanats (Oman) et d’autres
successions pas totalement héréditaires, le système adelphique d’Arabie
Saoudite, où l’on passe la succession de frère en frère. Ce système se retrouve
en plus nuancé en Europe où la Scandinavie possède encore des rois et des
reines qui cohabitent avec un Parlement élu.
·
Le suffrage universel indirect où les parlementaires élus par
la population élisent leur président. Ce système se retrouve en, Turquie, en
Inde, en Allemagne, en Italie, … Dépendant des parlementaires, le président dans ces systèmes n’a guère de
pouvoir, il le tient d’un Parlement à qui il doit rendre des comptes. Cela
lui donne un rôle qui l’affaiblit plus que d’autres systèmes et, de plus, il
n’a pas de pouvoir sur la politique internationale.
·
Le suffrage universel direct où la population (même
indirectement) élit le président en un
tour. C’est le cas de deux grands pays. En effet, si le président passe
avec 25% des voix, il y a un souci de légitimité du président. En revanche, on bénéficie d’un système simple et d’une
relative stabilité. Les pays concernés sont les USA et le Mexique. D’où
l’extrême importance de cette élection dans ces pays.
·
Le suffrage universel direct où la population élit le
président en deux tours. Assez peu
présent en Europe du fait des nombreux autres régimes électifs, la France le
possède. Quelques pays d’Europe de l’Est le pratiquent aussi : Roumanie,
Finlande, Autriche, Islande, … Dans ce système, le Président a un pouvoir assez fort qui lui est souvent reproché. Du
coup, la vie politique est centralisée autour de la figure présidentielle.
Mais à part la France et la Roumanie, les autres présidents ont un pouvoir très
limité, presque représentatif, en dépit de ce système électif. Notre système est
bien peu exporté du fait du risque d’accaparement du pouvoir. Hors d’Europe,
parmi les démocraties internationales on trouve davantage ce système notamment
en Afrique dans les anciennes colonies : Togo, Cameroun, Sénégal, …
2.
La sélection des élites politiques périphériques
Daniel
Gaxie dans La
démocratie représentative, explique qu’il existe les élites centrales
qui participent à l’élection du gouvernement et les élites périphériques qui
agissent à l’échelle locale, régionale puis européenne.
La plupart des
élites locales sont élues au suffrage universel direct avec la plupart du temps
une prime majoritaire,
la liste arrivée en tête obtient d’une part son pourcentage exact d’élu et d’autre
part un bonus pour être arrivé en tête. Ainsi à Paris, chaque arrondissement
vote et élit une liste. La liste en tête bénéficie d’un bonus de 10 sièges
supplémentaires en plus de sa représentation proportionnelle. En conséquence, à
Paris Bertrand Delanoé n’a pas eut la majorité des voix des Parisiens mais a
bénéficié des primes majoritaires de chaque arrondissement.
A l’échelle
internationale, c’est plutôt l’élection directe des maires qui est favorisée : Royaume-Uni, Brésil, … Ce sont des pays où le pouvoir est si décentralisé
que ces élections sont très importantes pour les individus. Elles sont très
médiatisées et on connaît les maires des grandes villes : Michaël Bloomberg à New-York, Boris Johnson à Londres, Shintaro
Ishihara à Tokyo, …
Les élections
régionales, en plein développement, ont aussi un système de représentation
proportionnelle mais l’élection est surtout indirecte sauf dans les Etats
fédéraux qui
possèdent des gouverneurs élus directement (comme aux USA en même temps que
l’élection présidentielle). L’élection
directe donne une puissance accrue au Président et peut leur permettre d’avoir
une carrière politique plus importante. Ronald
Reagan est passé de gouverneur de Californie à Président des USA.
Les élections
européennes pour le Parlement Européen sont directes ce qui est rare. Les
autres organisations régionales fonctionnent par vote indirect. Ce sont des
élections périphériques puisque les Parlementaires européens ont un rôle de
codécision et donc n’ont qu’un pouvoir assez limité, plus que les chambres basses
nationales. De plus, depuis 1999, il est obligatoire que ces élections européennes
se fassent à la représentation proportionnelle. En revanche, hors de cette
condition cela varie, certains pays appliquent strictement la proportionnelle
puisqu’ils n’ont pas de seuil (la Suède a envoyé deux membres du Parti Pirate),
d’autres tentent de limiter cette proportionnalité pour limiter la place des
partis extrémistes et dans un dernier cas, les systèmes avec peu d’élus ce qui
donne un effet bipolarisant (Chypre, Malte, …).
II.
Le recrutement
social des élites politiques
1.
Les transformations du recrutement politique
Il
y a plusieurs tendances dans ces transformations.
En premier lieu, on
a le déclin relatif des notables dans la vie politique. Certes, il y a toujours des
avocats aujourd’hui mais ce n’est pas la République des avocats comme la III°
République. Comme l’explique Max Weber dans Le
savant et le politique, il n’y a plus de notables locaux qui font
de la politique à coté de leur activité principale. L’activité politique s’est progressivement professionnalisée et
aujourd’hui la vie politique est un milieu à part entière. Weber parle du
politicien de métier, il vit pour et par la politique.
Seconde tendance,
la surreprésentation croissante des groupes dominants sur le plan sociologique. Les classes populaires sont peu
présentes dans la vie politique tandis que l’entre deux guerres présentait
beaucoup de syndicalistes ou d’ouvriers politisés dans certaines partis. En
même temps, en termes de compétences, de contacts, … Le passage par l’ENA est
plus pratique pour devenir un homme ou une femme de politique.
Troisième
évolution, le passage du fonctionnariat à la vie politique. Les fonctionnaires ont la
possibilité de passer dans la vie politique de manière assez efficace dans des
pays comme la France, l’Allemagne, … En revanche, dans le monde anglo-saxon
c’est très difficile. L’avantage c’est que si la vie politique ne vous réussit
pas, vous avez toujours votre place de fonctionnaire. De plus, il est possible
dans certains métiers de fonctionnaires d’aménager son emploi du temps.
Quatrième évolution
au niveau internationale, la féminisation de la vie politique. Longtemps le suffrage universel
masculin a dominé avant de s’ouvrir aux femmes. Aujourd’hui, on est dans une
des dernières périodes où les femmes, en plus de voter, sont en train
d’acquérir des rôles de plus en plus importants dans la vie politique et
tendent à une véritable parité dans certains pays.
Cinquième
transformation, la vie politique se rajeunise beaucoup. En Europe c’est assez net à
l’exception peut être de la France et de l’Italie. En revanche, en Allemagne il
n’y a pas de réticences à élire de jeunes politiciens et politiciennes.
Sixième
modification, une plus grande diversité ethnoculturelle dans la vie politique. C’est net en France avec les
familles maghrébines et antillaises essentiellement, encore plus net en
Angleterre avec les minorités indiennes et pakistanaises. On en trouve aussi
dans d’autres pays bien évidemment.
Ultime modification,
le processus de domination du capital culturel selon Pierre
Bourdieu. Quel que soit le genre ou l’origine ethnique, tous ces élus
détiennent des diplômes de l’enseignement supérieur et un fort capital
culturel. Pour
les élus leaders, ils détiennent des diplômes encore plus particuliers de
grandes écoles préparant à vie politique. En dépit de l’ouverture de ces écoles
à un recrutement moins élitiste, cela reste un milieu assez restreint.
2.
Le cas français
Dans notre cas, on
peut trouver les 7 processus de transformation de manière très nette. La féminisation est dans le
programme du gouvernement, la fin des petits métiers dans le Parlement est
aussi évidente avec plus qu’un seul député venu du monde ouvrier quand les
trois quarts sont dans les CSP Cadres et professions intellectuelles
supérieures, le métissage de la vie politique est aussi souvent affirmé dans
les programmes des candidats à la présidence, …
Les
écoles politiques célèbres sont le lieu d’une forte endogamie sociale.
En revanche, dans les
milieux politiques plus locaux, notamment à l’échelle de la mairie, on a une
très grande diversité sociale. De
nombreux maires de petites communes sont agriculteurs, artisans ou commerçants.
On a donc une pyramidalisation très
forte en France. Plus on monte, plus la sélection est forte et l’origine
sociale limitée.
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