lundi 19 novembre 2012

Histoire des idées politiques 19 - 11 (cours 7)

Le parallèle avec Obama est douteux, en revanche le slogan illustre bien la volonté d'Hitler





Cicéron déclarait qu’un individu sait qu’un jour il mourra. Au départ, on le sait de manière intellectuelle puis un peu plus concrète avec la vieillesse, on peut alors se donner la mort volontairement. En revanche, pour une société, il n’y a pas moyen de mourir, celle-ci veut survivre éternellement. C’est là, la différence fondamentale entre l’individu et la société. Une société qui se sent mourir, cela est impensable. Les Allemands se retrouvent dans cette situation, ils pensaient que leur société allait mourir. Ils cherchent donc un salut, un moyen de s’en sortir pour ne pas être phagocytés par ses voisins. A partir de là, l’idée de la disparition de leur société devient insupportable pour les Allemands, ils sont prêts à tout pour mettre fin à cette situation, à  désespérément raccrocher à la vie leur société. Une des phrases courantes de l’époque était « Il faut que quelque chose arrive », la situation n’est plus tenable. Pierre Gaxotte, un historien, explique qu’un peuple qui coule s’accroche à un serpent. L’homme individuellement est prêt à mourir pour son idéal, sa famille, … Un peuple en revanche va s’accrocher à ce qu’il peut, à un « serpent », à une chimère. Hitler sera ce à quoi le peuple allemand va se raccrocher pour vivre à tout prix.

Hitler est donc un jeune homme en Autriche. Il reçoit un héritage familial qu’il dilapide rapidement. A cela, il échoue à tous ses concours et notamment son rêve, celui des Beaux-Arts de Vienne. N’ayant rien pour survivre, il fait des petits boulots en vendant des dessins, des cartes postales dans la rue. Hitler semble avoir eu un énorme complexe de supériorité qui tranche avec sa situation réelle. L’esprit et le caractère d’Hitler était un véritable décalque de l’esprit allemand : complexe de supériorité et situation réelle d’échec. L’idée de grandeur et la honte devant une série d’échec développe un sentiment d’aigreur et de haine.
Heureusement pour lui, Hitler avait plusieurs talents, et en premier lieu un talent d’orateur formidable. Engagé dans l’armée en 1914 – 1918, Hitler se bat coté allemand et y prend un plaisir formidable. Mais la guerre terminée, il se sent démuni et ne sait plus quoi faire. Il n’est pas le seul de ces soldats à ne pas savoir quoi faire. Ne sachant quoi faire, il devient instructeur dans l’armée, c'est-à-dire qu’il est chargé d’enquêter au sein de l’armée. Un jour, il est chargé d’enquêter sur un parti bavarois sécessionniste. Dans l’Allemagne de Weimar qui est très fédérale, ce genre de partis qui veut quitter le pays est assez classique. Hitler s’y inscrit et rapporte ses constats à ses supérieurs. Hitler est si doué dans ce double-jeu qu’il devient chef du parti National-Socialiste dont il reprend le nom. Il devient le leader d’une pratique d’entrisme (entrer dans un groupe et le subvertir de l’intérieur). Il va alors tenter de faire un coup d’État, sans succès. Il est arrêté et envoyé dans la forteresse de Landsberg où il continue à subvertir ses compagnons de cellule et les gardiens. Lorsqu’il arrive à son procès, il fait des discours si enflammés qu’il convainc les juges. Mauvais étudiant, mauvais écrivains ou mauvais penseur, c’est un des meilleurs orateurs de son époque. Ce talent doublé de sa foi en son étoile ainsi qu’un caractère représentatif de l’État allemand, va faire de lui un acteur primordial.
Il se met à lire les travaux pour convaincre et persuader les foules de Gustave Le Bon. Hitler va donc développer les thèmes déjà présents depuis des siècles en ajoutant des nouveautés avec les sciences récentes. Il va alors faire le parcours ordinaire d’un homme de la vie politique. Il commence par réunir une dizaine de personnes puis fait des réunions de plus en plus importantes. Son échec du coup d’État lui a appris beaucoup. Il conserve un mépris des moyens utilisés pour atteindre ses buts. Tromper la foule ne lui était d’aucune importance. Il sait dés le départ que dés qu’il aura le pouvoir, il supprimera la démocratie. Comme Lénine, il défend le suffrage universel pour ensuite le nier. Après son élection, Hitler n’organisera que des plébiscites (3 seulement) ce qui n’est pas un référendum. Ce parti National-Socialiste, Hitler va lui faire gravir les échelons en faisant croître son nombre de députés assez rapidement (1928 : 12 députés ; 1930 : 107 députés ;1932 : 230 députés). Tout en vilipendant la démocratie, il passe par celle-ci pour atteindre ses buts. Voyant le nombre de députés qu’il a obtenu, le Président Hindenburg ne peut plus le repousser et le nomme chancelier.

Ce qui reste une question, c’est que ne cachant rien de ses projets, Hitler a tout de même reçu la fidélité massive du peuple allemand. Mein Kampf qui est publié durant les campagnes, se propage à une vitesse fulgurante et contient toutes les idées d’Hitler (tuer les avariés, forcer les femmes à avoir 5 enfants, …). Le dernier chapitre de Mein Kampf était si sardonique que n’importe qui aurait compris que ce livre n’était pas à répandre. Et pourtant cela fit très facilement. L’opinion est restée froide face à cet ouvrage. En effet, les lecteurs lui donnèrent le pouvoir et lui assurèrent des plébiscites qui, même si les urnes étaient bourrées, possédaient de fort taux participatifs. La mise en application de ces thèses ne choqua pas plus : meurtre des opposants politiques, assassinats des voisinages, … Il semble y avoir eu une complicité entre Hitler et le peuple, peuple pourtant très instruit. Ce pays rompu au droit politique qui avait inventé le fédéralisme, qui possédait de nombreuses universités, de multiples philosophes, écrivains et musiciens, un pays où tout se sait d’un bout à l’autre.
L’explication de cet accord entre le peuple et Hitler tient à plusieurs choses. D’une part, Hitler met en application les idées dominantes d’extermination et d’antisémitisme qui sont intégrés au sentiment national, ce qui empêche de se révolter contre. De plus, ces projets sont si ahurissants que le peuple allemand n’y croyait pas. Allemands et Européens trouvaient absurdes de prôner une extermination et en même temps c’était une pensée courante.
Le réel désespoir du peuple allemand a probablement joué aussi. Persuadé de la corruption de la démocratie de l’Allemagne de Weimar les Allemands ont appelés la dictature, convaincu des méfaits de la liberté ils se sont soumis à un führer, surs des intrigues des juifs et de leur dangerosité il a accepté l’ouverture des camps. Cette capacité à accepter de se mettre sous la coupe d’un dictateur est un fait qui existe depuis longtemps : Le Princeps romain en est un bon exemple.

Même pour Hitler, lorsqu’il mettait en pratique des mesures impopulaires ou bien trop choquantes, celui-ci cachait les faits où bien les encadrait de manière très stricte. Il y avait des résistants aux actes du nazisme. Lorsqu’il installe l’eugénisme, Hitler sait que cela fut condamné par Pie XI en 1911, les évêques de l’époque se sont donc élevés en chair contre cette pratique, ce qui implique toute l’Eglise elle-même. Ils écrivirent des libelles pour qu’on ne tue pas les malades mentaux ce qui poussa Hitler à déclarer qu’il arrêtait les mesures eugénistes. En réalité, il l’a mieux caché. Hitler n’a pas arrêté les évêques protestataires ce qui prouve qu’il redoutait l’opinion internationale. De plus, à l’époque, il y avait aussi des intellectuels contre le nazisme (le mouvement Bauhaus, l’ordolibéralisme, Hannah Arendt, …) qui ont préféré s’exiler.

L’extermination elle-même fut au départ dirigée non pas contre les Juifs mais contre les individus malsains. L’obsession de la pureté dans le nazisme est évidente. Hitler voulait éviter la contamination, assurer la pureté du sang. Hitler redoutait la syphilis et se lavait très régulièrement les mains. On commence donc par éliminer les malades et on instaure un système de planification des naissances pour améliorer la race. Félicité par les mouvements eugénistes américains et européens, Hitler y voit une soupape pour aller plus avant dans son projet. Au nom de la nécessité, on promet qu’on va braver les scrupules. Les individus qui entraient dans la catégorie des incurables étaient fichés et une commission décidait de leur sort : la vie ou la « délivrance ». L’opinion y fut préparée.
Ensuite on a réfléchit à l’élimination des malades sociaux, qui avait des problèmes pour vivre en société. Puis on réfléchit aux alcooliques, aux malades mentaux (pas forcément handicapés), … On affiche donc des listes avec des nombres, ce qui bien entendu renforce le reproche qu’on fait à ces individus. Le pire étant que les médecins eux-mêmes se mettent à ce jeu. Au départ on tue les malades par piqûres et pour aller plus vite, on décide de les asphyxier avec des oxydes de carbone. On fait la liste des coupables qui passe d’une liste précise à une liste de ceux dont on ne veut plus. Les boucs émissaires sont de plus en plus nombreux au fur et à mesure que les peuples disparaissent. Cela va si loin qu’Hitler décide avant son suicide de mettre à mort les Allemands ayant un souci pulmonaire. Des mois après la fin de la guerre, on découvrait encore des instituts qui continuaient à tuer pour achever les bonnes actions d’Hitler. Les centres d’euthanasie étaient persuadés d’agir pour le bien de l’humanité. En 1941, on installe des camps d’extermination pour détruire les élites des pays voisins (officiers polonais, russes, races indésirables : Juifs, Tsiganes, Asiatiques). Le massacre des Juifs était un prolongement de l’euthanasie. C’est un déploiement barbare de la pureté qui ne sait plus où s’arrêter. On a parlé de délivrance puis de nettoyage et d’assainissement. On prévoyait la stérilisation du peuple russe.

En même temps, l’État se fit totalitaire, la démocratie fut supprimée rapidement avec l’incendie du Reichstag, probablement une œuvre nazie mais ceux-ci dénoncèrent des communistes. On installe ensuite la GESTAPO, on censure puis on interdit les partis d’opposition, on supprime des sciences, on en surveille d’autres et les intellectuels émigrent, … Bref on retrouve des aspects analogues aux évènements russes.









Le socialisme


Quand on parle du socialisme, on commence par le différencier du communisme. Le socialisme se voit souvent accolé le terme « libéral », pour mieux être différencié du communisme. Le communisme est un socialisme réel, concrétisé. D’où le gros souci du socialisme qui serait un communisme incomplet.

Le socialisme est clairement une branche du marxisme mais qui se sépare du soviétisme russe. C’est donc une pensée paradoxale qui a des soucis sur le plan de la réalisation politique. Paradoxale car les socialistes sont des démocrates mais restent liés à l’idéal révolutionnaire. Ce socialisme libéral pose une question complexe : peut-on réunir le marxisme et la démocratie ? Les socialistes ne veulent récuser ni l’un ni l’autre. Au fur et à mesure que l’histoire passe, toutes les Révolutions inspirées du marxisme finissent dans la Terreur. Les Socialistes réfléchissent donc à une Révolution prolétarienne qui ne s’achèverait pas sur la Terreur. Le but est donc d’organiser un courant qui décrédibilise le lien entre Marxisme et Terreur, pour mieux lier le Marxisme à la démocratie.

Le socialisme est plus vieux que Marx. Cette pensée traduit deux sentiments : une nostalgie et une utopie. Cette utopie, dont la racine hésite encore entre « sans lieu » (utopos) ou « bon lieu » (eutopos), est celle une société égalitaire tout en se idéalisant les combats égalitaires historiques qu’ils furent politiques ou guerriers (Gracques et Spartacus). C’est encore le combat des pauvres contre les riches dans lequel on trouve des intellectuels qui soutiennent les humiliés. Il faut détruire la société pour en instaurer une autre plus juste. C’est une utopie car cela ne se réalise jamais véritablement, en même temps, trop de rationalité amène peu d’innovation. Les utopies sont des tentatives mort-nées qui veulent transformer le monde. Dans le cas du socialisme il faut supprimer les inégalités.
La nostalgie du socialisme s’exprime au travers du regret de la communauté traditionnelle du XVIII° siècle et du XIX° siècle. L’âge industriel a individualisé les sociétés, brisé les communautés rurales. La solidarité des communautés rurales a périclité. Le socialisme remet en cause l’individualisme qu’on retrouve dans le capitalisme et dans la bourgeoisie. Les solidarités naturelles furent remplacées par des contrats. Ces solidarités naturelles sont en fait des sortes de dettes qu’on acquiert intrinsèquement dans son esprit sans le savoir (la relation avec la famille par exemple). Cette nostalgie de la communauté pousse le socialisme à devenir un étatisme. En effet, voulant reconstruire des solidarités naturelles, le socialisme va devoir assurer une sécurité à chacun. Dans le socialisme, c’est donc l’Etat qui instaure les solidarités disparues, c’est le cas typique de l’Etat providence. Et pourtant des courants socialistes sont hostiles à l’étatisme souhaitant retrouver des petits groupes organisés autour de contrats propres. C’est le socialisme autogestionnaire que Michel Rocard représente en France.
La nostalgie et l’utopie ne s’excluent pas l’une et l’autre. La nostalgie des situations anciennes alimente l’utopie « Regardez, ça s’est passé comme ça avant ». Le socialisme est une révolte contre la société présente, contre la réalité sociale. Pourtant au départ, le socialisme n’est pas tant un réformisme qu’une stratégie de Révolution. Le réformiste est une Révolution lente à coups de projets, qui ne change pas radicalement la nature des choses. La stratégie révolutionnaire est une stratégie de rupture qui doit fondamentalement changer les choses. En France, le socialisme fut révolutionnaire jusqu’en 1984. Au XX° siècle, le socialisme fut une branche du ??? qui a avorté. Au tout début du siècle, le socialisme rompt avec le marxisme et va progressivement être de moins en moins révolutionnaire et de plus en plus réformiste pour s’achever en 1984. La raison de ce changement est simple : les socialistes ont eu peur du sang en voyant les autres Révolutions sous leurs yeux (URSS, Cuba, Vietnam, Cambodge, Albanie, …). Ils préfèrent donc revenir en arrière en quittant l’idée révolutionnaire et sa Terreur, pour devenir réformiste. Ce refus de la Terreur implique donc un abandon de la pensée socialiste.

Marx s’est inspiré du socialisme mais a eu le talent de séparer le socialisme du romantisme. Cette pensée structurée a révélé le socialisme à lui-même. Tous avaient en commun ce lien d’égalitarisme et Marx leur a donné un bras armé, la rationalité qui manquait au socialisme. En revanche, cela a aussi retiré aux socialistes le souci éthique, celui de fermer les yeux face au sang.

Au début du XX° siècle, marxistes et socialistes étaient confondus, agissaient sous la même étiquette. Beaucoup de courants existaient et tous se retrouvaient sous cette même bannière grâce à un point central : la volonté d’égalité. C’est de la loin leur valeur la plus importante, celle qui guide leur réflexion.
Lorsque les socialistes parlent d’égalité ils ne parlent pas que d’égalité des chances. L’égalité des chances est intrinsèque à la démocratie, nous devons avoir au départ autant de chance que notre voisin. Ensuite, toutes ses chances, nous en faisons ce qu’il nous plaît. Les inégalités qui se développent par la suite sont des inégalités normales selon les démocrates. Pour les socialistes, il faut une égalité des chances mais aussi une égalité des situations. Walras démontre la distinction des deux. Les socialistes passent donc d’un désir d’égalité à un désir de nivellement. Le socialisme agraire voudrait une solidarité générale, le socialisme prolétaire veut niveler par l’Etat, … Peu importe qu’on use de l’amour ou de la crainte, d’une manière générale on est égalitaire. Ce caractère s’est atténué au XX° siècle mais reste vivace. Les pays véritablement socialistes qui existent aujourd’hui semblent, pour la prof, être les pays scandinaves qui sont capitalistes mais socialistes.
Pourquoi alors réfléchir en termes de Révolution ? Pour convaincre les gens de donner à tous les enfants les mêmes chances, c’est simple, mais pour les convaincre de poser des impôts plus lourds à ceux qui gagnent plus par leur mérite, là c’est beaucoup plus difficile. Dans toutes les sociétés on a des hiérarchies (riches et pauvres, doués et maladroits, …), cette hiérarchie s’organise naturellement. Pour égaliser les situations, il faut forcer la nature et aller contre ces hiérarchies naturelles. Pour lutter contre ces hiérarchies, il faut commencer alors par un pouvoir fort. Lorsque les Norvégiens ont quitté leur royauté extrême pour s’installer en Islande où ils voulaient une société sans hiérarchie, ils ont fini par en instaurer une. Le socialisme réclame la Révolution pour aller à l’encontre de l’inégalité naturelle. Or cette révolution réclame soit la Terreur, soit la vertu. Le souci est que la vertu semble impossible mais en même temps, le socialisme rejette la Terreur qui est impensable. Il faut faire une Révolution mais sans ces deux options.
L’histoire du socialisme ne peut donc se comprendre qu’à travers l’histoire du bolchévisme.

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