mercredi 27 février 2013

Politique du risque 27 - 02 (cours 3)


 Mi-humain, mi-non-humain, l'ent.


Bruno Latour, directeur scientifique de l’IEP de Paris, Politiques de la nature :
Selon Bruno Latour, le contrat social doit dorénavant réunir non seulement les humains mais aussi les non-humains. La grande idée de Latour, c’est qu’on a un préjugé anthropocentré, on reste fixé sur l’humain et on oublie le reste. Seuls les citoyens disposant de la parole son dans ce contrat, il devient difficile de faire participer le non-humain au contrat social. Selon lui, de même qu’on oppose sujet et objet, on a tendance à associer le sujet à la politique et l’objet à la nature. En conséquence, politique et nature se retrouve opposés. Cela se retrouve dans l’idée où l’on oppose le lieu de l’objet, le laboratoire, au lieu du sujet, l’assemblée. Du coup, pour Latour, il faut s’approprier la démocratie technique, c'est-à-dire un espace qui comprenne autant l’assemblée que le laboratoire. Les conceptions de la politique se sont limitées à séparer politique et nature, ce qui tend à émettre l’idée qu’il y a une confrontation entre les deux et qu’il faut forcément choisir l’un ou l’autre.

Hans Jonas, Le principe responsabilité (1979) :
Jonas proposait que les politiques publiques obéissent au principe de responsabilité à l’égard des générations futures. Les hommes doivent répondre de leurs actions face à ce qui n’existe pas encore, aux générations futures. Cette responsabilité est celle des individus aussi à l’égard de la Terre et de la biosphère. A nous de nous sentir responsable de la condition de la vie humaine sur Terre. On a donc un devoir moral envers déjà quelque chose de non-humain. Jonas parle de civilisation technologique pour qualifier notre société. Un changement qualitatif fondamental a eu lieu qui transforme complètement les données, c’est qu’on réalise que la biosphère peut disparaître complètement sous l’action de l’homme. Ce que montre Jonas, c’est que l’exploitation intensive de la nature peut produire une disparition de celle-ci. Pour cela, il crée la notion d’heuristique de la peur, une manière d’être plus lucide par la peur. Il faut reconstruire le sens de la peur, « Nous savons seulement ce qui est en jeu lorsque nous savons que cela est en jeu ». Si le danger est éloigné, on n’en prend pas vraiment compte pour agir et sauvegarder les choses.


Le très pénible à écrire Acide DésoxyriboNucléique ... ADN pour les intimes.


La révolution biotechnologique


Pourquoi parler de révolution ? La biotechnologie si c’est une intervention technique sur le vivant, alors celle-ci a toujours existé : techniques d’agriculture, d’élevage, de vinification ou de fermentation, … Autant de formes de biotechnologies avec une transformation de la nature pour obtenir des produits de consommation. Considéré comme l’ensemble des techniques pour déterminer de nouvelles substances végétales ou microbiennes, les biotechnologies n’ont rien de nouveau dans le cadre de l’Homme. Dés lors qu’il a commencé à organiser sa production agricole, l’Homme est passé dans les biotechnologies le changement fondamental se fait avec la rupture scientifique et le rôle de Louis Pasteur. Pasteur va rationaliser ce processus scientifiquement, en décidant de comprendre des techniques qui marchaient sans pour autant être bien comprises. Pasteur met en évidence des microorganismes qui ont un rôle de ferment. Ce rôle sert autant dans les processus chimiques que dans de nouveaux vaccins. En sélectionnant les bactéries selon leurs propriétés ont peut les utiliser à bon escient dans les bons contextes. La Révolution pasteurienne n’est que la première des révolutions. En 1953, Watson et Crick instaurent la génétique, ils mettent en évidence la structure du génome en découvrant l’Acide DésoxyriboNucléique (ADN). La structure des gènes a une correspondance avec l’échelle du phénotype. En gros, on découvre que ce qui se passe et s’organise à l’échelle génétique a une corrélation directe avec ce que l’on voit à l’œil nu.

Jérémy Rifkin dans Le siècle biotech, raconte comment cette découverte scientifique révolutionnaire est devenue un problème public. L’exemple concerne une anecdote durant laquelle, sans aucune certitude, des généticiens sont parvenus à croiser les gènes de lucioles et les gènes de la plante de tabac ce qui a donné un tabac qui brille. Avec la découverte des enzymes de restriction, on parvient à isoler un gène d’intérêt puis ensuite à le faire fusionner avec le plasmide, c'est-à-dire un fragment d’ADN d’une bactérie. C’est la découverte de la recombinaison de l’ADN, processus reproductible plusieurs fois. Mais cela n’est pas sans risque, en prélevant un gène mais en le détournant de son contexte d’utilisation normale, on ne sait pas quelles sont les conséquences à moyen ou à long terme sur ces Organismes Génétiquement Modifiés (OGM). La découverte fut faite de façon un peu naïve, mais s’est perfectionnée, on parle d’ingénierie génétique.
Ce sont les scientifiques eux-mêmes qui suite à leurs découvertes vont rencontrer leurs limites et leurs propres dangers. En 1968, on découvre les enzymes. En ????, le professeur Paul Berg décide de construire une molécule hybride : un virus de singe (SV40) et une bactérie escherichia coli (ou colibacille). Le but de ce croisement est de savoir si on peut effectuer une transgénèse entre singe et humain. Cette première recombinaison génétique in vitro croise des espèces différentes. Mais cela va provoquer un tollé chez les scientifiques qui jugent en 1969, cette expérience dangereuse. Trois scientifiques tireurs d’alarmes mettent en garde dans une revue les risques d’usage d’ingénierie génétique pour des usages militaires, comme des armes. En effet, le SV40 grâce à la bactérie prolifère très rapidement dans l’organisme humain, sauf qu’on découvre après coup que le SV40 peut produire chez l’homme des effets cancérigènes. Cela risquerait de provoquer des épidémies de cancers tout à fait dangereuses.
De 1973 à 1975, les scientifiques américains organisent le congrès d’Asilomar pour discuter des débouchés médicaux, scientifiques, industriels et économiques de la recombinaison de l’ADN. Ils veulent sortir leurs études du contrôle politique. D’abord ce sont les scientifiques seuls qui décident d’aborder la question en désirant ne pas se faire marcher dessus par les politiques. A moment donné, un juriste intervient pour expliquer les risques et les responsables d’une épidémie de SV40. A ce moment seulement, les scientifiques réalisent le danger auquel ils sont confrontés. C’est de là qu’une préoccupation d’ordre social et politique émerge. Les scientifiques sont donc prêts à se fixer eux-mêmes les règles d’encadrement de leurs activités plutôt que de se faire damer le pion par les politiques. En aucun cas, Asilomar n’est une conférence pour informer les citoyens, c’est juste la prise de conscience des risques de ce genre de questions entre scientifiques.

Dans Le siècle du gène, Evelyne Fox Meller démontre que la découverte du gène a produit autant de connaissance que d’ignorance et de croyance. Elle l’illustre avec le cas du monisme génétique, la croyance que toute la génétique explique le phénotype. Or la structure de l’ADN est plus complexe que cela avec les « ADN détritus ». Ces ADN codent des caractères du corps qui ne sont pas véritablement utiles. Ils viennent surtout à l’appui en cas de problème.
Dans le Human Genome Project, on a tenté de déchiffrer l’ensemble des gènes observables et leur articulation, mais on n’est pas parvenu à les décrypter. Aujourd’hui, on sait juste faire des tests génétiques, encore assez limités, dont l’utilisation est surtout commerciale.

L’utilisation de ces biotechnologies va ouvrir un tout premier débat dans l’espace public, celui de son usage sur l’embryon avec le cas connu de la Fécondation In Vitro (FIV). On parle de biotechnologies rouges pour qualifier les biotechnologies en rapport avec la santé, de biotechnologies vertes lorsqu’elles ont une utilité dans l’agriculture. En 1978, les couples stériles et hypofertiles souhaitent avoir accès à un enfant. Au départ, la technique est celle de l’insémination artificielle, on insère les spermatozoïdes directement sur les ovaires, que ce soit ceux du mari ou d’un autre homme. Le problème posé est alors de savoir si l’on doit ou non donner le nom du père biologique des enfants. A coté de ce débat, une nouvelle technique plus radicale consiste à faire rencontrer les deux gamètes dans une éprouvette, on laisse agir, puis on réintroduit la cellule embryonnaire dans le corps de la femme. En 1978, c’est la naissance de Louise Brown aux USA puis d’Amandine en 1982 en France. Le laboratoire fonctionne de manière totalement hermétique puisque des années durant, le laboratoire a essayé la FIV en tuant plusieurs embryons et sans contrôle, c’est là le cœur du problème.

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