mardi 19 février 2013

Brésil 18 - 02 (cours 5, fin)


 Rocinha, la plus vaste favela d'Amérique du Sud



VI.                   L’après Seconde Guerre Mondiale, une parenthèse démocratique ? : 1946 – 1964

1.      La vie politique

Face au ??? on trouve un parti de droite libérale l’Union Démocratique Nationale (UDN) et le Parti Communiste Brésilien (PCB), qui est réautorisé temporairement. Ces partis organisent une vie démocratique malgré une forte instabilité. En effet, les successions démocratiques entre Présidents n’arrivent qu’à deux reprises sur 1945 – 1964. Avec un coup d’État, un suicide politique ou encore l’empêchement d’une succession, ce genre de succession est la règle plus que l’exception. Cette période libérale, démocratique mais très instable politiquement va créer une préoccupation très forte dans la classe politique pour maintenir la continuité politique. Une obsession du légalisme domine aussi, il faut maintenir la légalité de la constitution.
On peut aussi souligner l’importance de la présence des militaires, trois quarts des candidats de l’époque sont les militaires. Cela montre bien que le coup d’État de 1964 n’est pas la première ni la seule intervention des militaires en politique. Au contraire, ils sont présents en politique depuis bien longtemps. Leur coup d’État, ce sera pour la première fois l’exercice du pouvoir par les seuls militaires.

2.      Le gouvernement de Juscelino Kubitschek

Juscelino Kubitschek c’est le gouvernement particulièrement stable de l’époque. Héritier proclamé de Vargas, membre du PSD, il va peiner à obtenir son mandat. En effet, face à lui se trouve l’opposition anti-gétuliste qui rejette radicalement l’héritage de Getulio Vargas. Les militaires proches de Kubitschek vont lui assurer l’arrivée au pouvoir.

Une période de prospérité économique va alors en découler portée par un discours moderniste et progressiste. Le Brésil se présente comme un pays émergent avant l’heure. Kubischek a pour slogan « 50 ans en 5 ans ». Les investissements étrangers sont beaucoup plus importants et l’État ne se désengage pas réellement, les deux techniques se cumulent. On a donc une modernisation accélérée avec un développement considérable des infrastructures, des nouvelles industries (dont l’automobile avec l’implantation de Volkswagen). Symbole de ce succès, la construction de la nouvelle capitale : Brasilia en 1961.

3.      La ville au Brésil

La première urbanisation au Brésil date de l’époque coloniale mais n’est pas suivi d’un exode rural. Ce sont des immigrants qui peuplent ces nouvelles villes. Cette croissance est modérée et continue jusqu’à la fin du XIX° siècle quand elle s’accélère nettement. En effet, à cette époque la population urbaine brésilienne passe de 10 millions à 14 millions d’habitants. Néanmoins les trois quarts des habitants sont encore ruraux.

C’est dans les années 1930 que les villes s’accroissent au détriment des campagnes. En effet, c’est l’époque du début de l’industrialisation du pays. Cette logique s’accentue de manière continue dans les années 1940, 1950 et 1960. Les ouvriers vont peupler les villes et viennent de la campagne et plus généralement du Nordeste. Ainsi Lula suivra cette trajectoire, il quitte à 8 ans le Nordeste pour tenter de trouver du travail dans São Paulo. Aujourd’hui 85% de la population brésilienne est urbaine selon les autorités du pays. On y considère comme ville tout centre de municipalité.
Certaines villes sont créées ex nihilo, dans une optique d’aménagement du territoire, pour créer de l’urbain près de certaines richesses, pour désengorger des capitales qui avaient du mal à accueillir de la population (comme Belo Horizonte qui récupère l’excédent des villes du Minas Gerais), … La plus importante étant Brasilia, construite selon le plan d’Oscar Niemeyer. Le but était de fluidifier les circulations au sein de la ville. On y a ajouté une logique de rationalisation de l’espace avec des rues à thématique de boutiques (boutiques pour homme, boutiques pour femme, boulangeries, boucheries, …). Entretemps, Brasilia s’est agrandie et les villes périphériques représentent aujourd’hui plus des trois-quarts de la population de la zone. Brasilia ne produit que moins de 3% du PIB du Brésil, elle vit surtout des institutions fédérales et bénéficie d’une population de fonctionnaires qui lui assure une bonne redistribution des fonds étatiques.

Ultime sujet sur la ville au Brésil, le développement des favelas. Dans l’entre deux guerres, les favelas explosent partout dans le pays. Ces bidonvilles construits sans aménagement urbain, sans plan d’occupation des sols, accompagnent le développement des villes et contribuent à son alimentation. Deux regards vont interprétés et intervenir sur les favelas. Dans un premier temps, on y voit un lieu de crimes, de maladies et de dangers politiques. L’obsession est alors d’éradiquer les favelas. Dans un second temps, vers les années 1920, on regarde les favelas plutôt comme un lieu où des artistes et des politiques vont y chercher le travailleur brésilien authentique et honnête. Les deux points de vue se rencontrent et vont mitiger ce point de vue sur les favelas. La valorisation de la culture des favelas va aboutir à l’apparition de la Samba, comme danse indépendante. La Samba devient une véritable danse brésilienne et par la suite entre dans la culture nationale universelle. Cela devient intergénérationnel et interclasse. La Samba est dans l’imaginaire brésilien de manière très nette. Si on dévalorise les favelas, on entre plus dans un imaginaire d’éradication des favelas. Brasilia a chaque année un plan d’éradication des favelas. Dans les années des militaires, ces politiques d’éradication des favelas vont s’intensifier et faire l’objet de résistances de gens qui ne veulent pas être relogés en particulier parce que leurs nouveaux habitats sont dans les lointaines périphéries de la ville. Après cette période, la démocratie rétablie a abandonné le projet à partir des années 1990 pour se lancer dans une politique d’urbanisation des favelas, une politique de légalisation du bâti avec des infrastructures urbaines en construction (égouts, eau, électricité, …). Ainsi la plus grande favela d’Amérique du Sud, Rocinha à Rio a été intégralement urbanisée.
Le second problème des favelas est celui du trafic de drogue apparu à la fin des années 1970, conjointement à l’explosion des ventes d’armes en Amérique Latine. Les vendeurs étaient plutôt les classes populaires et les consommateurs des classes moyennes de centre ville. Depuis 2010, a été mis en place une politique dite de « pacification urbaine » avec de nouvelles unités policières (unités policières de pacification) qui sont des unités policières militaires et qui ont la caractéristique d’être à résidence dans une favela. L’aspect positif c’est que la criminalité a considérablement baissée dans les favelas où l’on trouve ces unités. Les aspects négatifs, c’est que d’une certaine manière, la criminalité s’est déplacée dans les périphéries de la ville, et de plus, l’installation de ces unités a pour conséquence l’apparition de mafia locale dans les favelas (prélèvement de taxes, rançons, …).



 Les années de plomb ... Ce plomb là ?



VII.                Les généraux au pouvoir : 1964 – 1985

En 1964, on a un coup d’État militaire qui renverse le Président en place, João Goulart. Au terme d’une escalade politique entre la droite populiste et la gauche révolutionnaire, les militaires interviennent, ils ne prétendent pas faire un régime militaire, le général Branco veut uniquement organiser une « opération nettoyage » épuration de la classe politique et de la population pour annihiler la subversion et la corruption. Si la classe politique est toujours considérée corrompue, l’anticommunisme va lui connaître un nouvel essor. Mais cette subversion n’est pas évidente à éradiquer. Alors qu’en 1964, on n’a pas d’extrême gauche armée, la résistance à la dictature va pousser les générations à entrer en masse dans les guérillas communistes. A partir de 1970, ces mouvements de guérillas urbaines vont clairement s’exprimer et cela va pousser les militaires à conserver le pouvoir. De plus, cela se double du sentiment des militaires d’être la classe la plus organisée et en conséquence la plus à même de garder le pouvoir.

En termes d’autoritarisme et de répression, cela est inégal. Le régime va progressivement abandonner les garanties démocratiques pour se militariser. Il se transformera alors en régime répressif affirmé alors qu’au départ ce n’est pas si net. Le moment clé de ce retournement, c’est en 1968 avec la promulgation de l’acte institutionnel numéro 5, un acte qui émane de l’exécutif et est applicable immédiatement. Le 5° acte en 1968 fait suite aux manifestations gauchistes qui prennent lieu dans le monde entier y compris au Brésil, il ferme le congrès, supprime les élections d’États, rend légal les décrets de l’exécutif, … Entre 1969 et 1974, on parle des années de plombs avec une hausse des assassinats et des disparitions politiques.
Après 1974, le général Ernesto Geisel estime que pour maintenir les militaires au pouvoir, il faut garder une forme de distance avec la population. Il prône une ouverture contrôlée, lente et graduelle. Mais cela va lui échapper en deux grandes étapes. D’abord la renaissance du mouvement étudiant et ouvrier de la fin des années 1970, d’où émerge Lula. En 1983, un second grand mouvement populaire exige les élections directes pour la présidence du pays.

On doit tout de même noter que ce régime militaire a tué bien moins de monde que d’autres régimes de la même époque. Au Chili, sur la même époque, 3 000 morts sont dénombrés. En Argentine entre 1976 et 1982, on dénombre 30 000 morts. Pourtant le Brésil a inventé les techniques répressives reprises ailleurs puisque c’est la première des dictatures répressives de la région à apparaître. Ainsi, les militaires furent formés par les Français et mirent sur pied l’opération Condor (dont le but est de rattraper les dissidents en Amérique du Sud). On parle donc d’une « dictamolle » au Brésil, peu de morts malgré l’importance de celle-ci dans les esprits brésiliens.

La question de la participation civile, au sens d’un appui de cette population, révèle que les années de plomb étaient les années où le régime était le plus populaire auprès des gens non-concernés par la répression (comme sous la présidence de Emilio Médici entre 1969 et 1974). Ainsi, les concernés par la répression en ont un souvenir très noir quand au même moment, les gens non-concernés étaient gagnés par l’euphorie de cette époque (dont la troisième victoire de la coupe du monde de football en 1970 très utilisée par Médici).



Mais oui, Lula c'est notre pote ... Tchek Gros !


VIII.             La stabilisation politique et les chemins de la puissance : 1985 – 2013

Cette période est nommée la Nouvelle République (1985 – 2013). Elle est marquée par 11 ans de transition et d’ouverture politique organisée par les militaires eux-mêmes qui finalement en 1985 sont évincés du pouvoir par des élections indirectes (le mouvement des élections directes avait pourtant échoué), un Président civil est élu. Mais cet homme, Tancredo Neves, meurt une semaine avant son investiture et c’est à son vice-président de prendre sa suite. José Sarney devient donc Président alors qu’il est un civil qui a toujours soutenu le coup d’État. C’est alors une période sombre qui commence au Brésil, non pas des restes d’une forme dictatoriale puisque le régime devient une vraie démocratie avec une constitution libérale et appliquée, mais du fait d’une situation économique dramatique : croissance faible et hyper inflation. De plus, d’énormes scandales politiques tombent, notamment le successeur de Sarney, Fernando Collor de Mello en 1990, qui empêtrés dans une lourde affaire sera sur pression populaire conduit à une procédure d’impeachment en 1992.
Fernando Enrique Cardoso parviendra à rétablir la stabilité politique en stabilisant l’économie. Il va notamment changer la monnaie (on passe au Real). Cet ancien sociologue, qui fut ministre de l’économie, assure donc une nouvelle période de croissance économique avec une forte libéralisation de l’économie. S’en suit une énorme croissance des inégalités dans la société brésilienne qui aboutit in fine à l’émergence d’un leader politique déjà dans la route depuis longtemps : Luis Ignacio Da Silva (Lula). Un militant syndical socialiste qui se présentait depuis longtemps aux élections sans succès, avant de nuancer son discours socialiste devenant plus social-démocrate. Il est élu en 2002.

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