dimanche 10 février 2013

Moyen-Orient 08 - 02 (cours 4)


Chokri Belaïd a été assassiné le 6 février 2013, relançant les révoltes en Tunisie.



Parenthèse sur la Tunisie :
Assassinat d’un opposant laïc au gouvernement religieux en place. Le parti d’opposition l’attribue (comme la majorité des Tunisiens et des médias) aux Salafistes. Les perturbations en Tunisie et en Égypte montrent bien que ces deux pays sont de nouveaux les épicentres des secousses. Le plus fort syndicat a appelé à la grève, les partis de gauche aussi, … Il y a une tendance à vouloir renverser le gouvernement et installer de nouvelles élections. Si cela s’avère vrai, ce n’est pas pour tout de suite. On peut pour le moment assister au face à face de forces sociales classiques : Ennahda contre le mouvement salafiste et contre les mouvements laïcs.



La nouvelle entrée de Barack Obama dans le monde musulman.



Discours de Barack Obama au Caire :
Ici le Président des USA s’adresse à l’ensemble des croyants musulmans. Dans le Premier Amendement de 1787, la liberté aux USA est affirmée, y compris la liberté religieuse mais toujours dans l’espace privé. En même temps, le Président prête serment sur une Bible, les billets ont écrit dessus « In God we trust ». Et pourtant, dans le cas du billet, cela date de 1956 pour mieux se différencier du monde des athées. Les USA tentent de dégager le religieux de l’espace public alors que le paradoxe américain est que la religion reste assez présente dans cet espace. Obama en s’adressant aux Musulmans fait preuve de tolérance religieuse. Pour faire la paix il faut se tendre la main sur la base d’un respect interconfessionnel. Il ne choisit pas un pays, un espace territorial, il s’adresse à tous les Musulmans.
Son but est donc la paix. Il faut identifier les bases d’intérêts communs pour aller vers une plus grande tolérance (notamment religieuse) et in fine atteindre la paix. Il y a un tournant qui doit se faire. Un discours géopolitique qui se veut humaniste mais qui s’échafaude sur le plan religieux. La tolérance est autant prônée du coté occidental que du coté oriental.

De ce discours, on va bien avoir un tournant. Bush issu du mouvement « Born Again » revendique jusqu’à 11% de sympathisants dans les USA. Ce mouvement veut revenir aux valeurs initiales du christianisme et des Pilgrim Fathers. Ce serait un conservatisme religieux et politique très fort. Dans la religion des USA, on a deux grands courants, l’un réformisme et démocrate, l’autre Bible Belt allant du Texas à la Caroline, beaucoup plus conservateur et traditionaliste dans tous les domaines (économie, politique, religieux, …).
En 2010 et 2011, c’est le retour en force des droits de l’Homme dans la politique étrangère des USA, tout particulièrement dans le discours de l’assemblée générale des l’ONU le 23 septembre 2010. Dans cet autre discours, les USA veulent conserver leur leadership mais préfèrent que cela passe par la conquête des droits de l’Homme. Auparavant, on a assisté à deux années de réalisme américain, le discours commence à être celui de la paix dés décembre 2009. Paradoxalement, il est revenu sur une politique guerrière avec des résultats modestes. On a eu un retournement, la maison blanche ne veut plus être en première ligne des démocraties, dans les interventions et dans la lutte idéologique. Dans les discours de Barack Obama, les valeurs universelles prennent beaucoup d’importance, tandis que les valeurs américaines sont beaucoup moins de référence. Cela aboutit au printemps arabe qui a pris de cours l’administration américaine. Seul un discours avait préparé les USA à épouser ce mouvement, celui sur la connectivité triomphante avec Hilary Clinton. Clinton en fait un droit naturel de même que la liberté de déplacement. Ainsi lors du discours sur l’État de l’union du 25 janvier 2011, Barack Obama déclare que les USA soutiennent les aspirations démocratiques de tous les peuples. En effet, mi-2009, lors de la réélection du Président Ahmadinejad, des révoltes ont éclaté en Iran et Obama à laisser passer sans rien dire, ce qui lui fut reproché. Sur les révolutions arabes, Obama est resté aussi discret. Lorsque le Bahreïn a connu sa Révolution, l’Arabie Saoudite a envoyé 1 000 soldats pour écraser la rébellion. Barack Obama s’est dit préoccupé. Plusieurs enjeux géopolitiques ont poussé à cette réaction minimaliste : le rôle du pétrole, l’intervention de l’allié saoudien et le risque que les Sunnites du Bahreïn tombent dans le giron chiite iranien. En conséquence, ils ont laissé la France et l’Angleterre intervenir en Lybie en 2011 au nom du « droit à protéger » anglo-saxon, qui est en français, le droit d’ingérence. Au final, Obama déclarera en 2009 que « le respect de la souveraineté des États est un principe fondamental » en s’annonçant aussi à la Chine, sans réel succès (le yuan n’a pas été réévalué comme les USA le demandent depuis des années). Il s’agit de l’approche de la « double-voie », terme employé par Hilary Clinton pour qualifier la politique étrangère des USA : mélange de dialogues et de sanctions. Ce fut le cas pour la Birmanie avec des menaces très poussées sur le régime birman, jusqu’à ce qu’Aung San Suu Kyi soit réintégrée en politique, suite à quoi les USA ont repris le dialogue avec la Birmanie.
Les USA veulent rester les leaders face au déclin économique qui les frappe et à la montée en puissance de la Chine. Pour cela, il faut moins de fardeaux sur le dos. Les Européens doivent intervenir face aux agitations arabes (plus au Maghreb qu’ailleurs). Avec le sommet du G20, dorénavant, 20 pays doivent redresser l’économie mondiale, pas seulement les USA. Enfin le plus grand tournant depuis 1945, c’est la fin de l’isolationnisme américain. De moins en moins gendarme international, les USA veulent se retirer sauf quand ils font pression direct sur certains pays pivots (Égypte, Iran, …).

Retour au cours :



La drogue au Liban à redéfinit l'organisation spatiale du pays



IV.                   Les impacts structurels

1.      Les déplacements de populations

Ces déplacements de populations commencent avec l’exil palestinien qu’ils ont eux-mêmes prénommés la Nabka, la catastrophe. C’est donc non seulement une dispersion des Palestiniens mais aussi une vicitimisation. Evidemment, les mouvements récurrents des Palestiniens suite aux guerres prolongeront cette Nabka. Ils partiront en Égypte, puis en Arabie, puis au Liban, puis en Tunisie, … Les Palestiniens se caractérisent par cette série d’exils qui en fait un « peuple sans terre ».
A partir de 1979, les Afghans fuient vers le Pakistan et vers l’Iran à hauteur de 20 millions de personnes (soit un quart du peuple).
On a aussi une fuite des élites minoritaires de cette région. Sous Gamal Abdel Nasser en Égypte, on constate une fuite d’une grande partie des élites égyptiennes dont une bourgeoisie d’affaires parfois étrangère (libanais, …). Du coup, ces fuyards alimentent une tendance antimilitaire et plutôt pro-occidentale. Ainsi, lors des coups d’État en série, ces élites économiques et culturelles fuient. Le Liban aussi a connu cette fuite des élites qui s’élève jusqu’à 800 000 déplacés et 900 000 exilés soit plus de la moitié de la population déplacée entre 1975 et 1990 selon l’économiste Boutros Labaki. L’auteur parlera d’une « terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Quand les terres se vident de leur population, on a un appel qui est provoqué. D’où les politiques du père et du fils Al Assad, ???. Elisabeth Picard parle de 600 000 syriens qui sont venus en tant que main d’œuvre dans ces zones vides, pour bâtir des bâtiments.
Les Coptes, plutôt membre de l’élite, ont parfois quitté l’Égypte pour d’autres pays d’Afrique subsaharienne et des monarchies du Golfe.
La fixation des populations semble donc très alétaoire.

2.      Un marquage religieux croissant

La religion est devenue un phénomène de marquage identitaire croissant. A partir des années 1960, les courants islamistes se sont diversifiés. Georges Mutin distinguent quatre branches principales : Wahhabbites, Chiites, Frères Musulmans et Talibans. Le marquage religieux n’est pas à l’origine des guerres mais devient a posteriori un phénomène important suite à celles-ci.
En conséquence, les régimes qui se sont mis en place lors de l’émancipation de ces pays dans les années 1940 – 1950, se sont affirmés comme militaires et laïcs. Il y a donc séparation de l’État et du religieux. Or le critère religieux a fini par prendre le pas sur les régimes laïcs dès les années 1960 et explique pour une part la situation d’aujourd’hui. Ces régimes se sont affirmés comme modernes avec du point de vue juridique des administrations, des bureaucraties et des services juridiques appartenant au pouvoir et censés être laïcs. Cela est aussi passé par une modernisation de l’équipement et des grands travaux (barrages, grands axes, aéroports, parlement, …).

Ces guerres ont donc favorisé le marquage religieux comme critère identitaire dans le peuple. C’est aussi ces guerres qui ont décrédibilisé les États laïcs.

3.      La fragmentation territoriale et sociétale

Si l’on prend le Liban, autrefois un département français, on se retrouve suite à la guerre de 1975 – 1990, dans une nouvelle fragmentation territoriale. Au départ, on a un littoral suivi d’une plaine littorale assez étroite sur lequel on trouve l’essentiel des habitants et la ville de Beyrouth. Derrière se trouve la montagne Liban (blancheur des neiges) de 3 000 mètres qui est un lieu de refuge traditionnel comme pour les Maronites et dans lequel on trouve beaucoup de villages et de bourgades. Vient ensuite une plaine intérieure, la Bekaa qui est une vaste zone agricole. Suit ensuite une nouvelle montagne, l’Anti-Liban, dont la crête définit la frontière avec la Syrie.

Suite à la guerre, les forces se sont fragmentées et ont entrainé une fragmentation du pays. La balance du commerce extérieur étant déficitaire, le pays est entré dans une économie de transfert ou semi-rentier fondée sur la drogue. La guerre n’a pas mis en place deux camps (pro-Palestiniens, marxistes / traditionalistes, chrétiens, limite fascistes, anti-Palestiniens). La guerre partiellise les forces selon une logique territoriale et les nouveaux partis se fondent aussi sur cette logique. Armées, milices, multiplication des forces, … Tout cela doit financer la guerre et on va voir des cultures de drogues poussées sur le flan oriental de la montagne Liban et le flan occidental de l’Anti-Liban. Il faut alors aussi un port exportateur sécurisé qui permettent d’emporter et de revendre la drogue, ce sera Jounich au Nord de Beyrouth. Les milices assure le transport des drogues jusqu’à Chypre. Il faut donc tenir un axe entre les lieux de production et le port. Cet axe va franchir les cols et les crêtes et a été construit avant la guerre, il est tenu par la même milice. Cette milice a son QG dans Jounich et y reçoit la drogue, l’argent et les armes. Au final, on a un fonctionnement transversal sous forme de bandes horizontales.

Cette logique s’est reproduite en plusieurs lieux du pays suite à la guerre. Du coup, le pays à la géographie plutôt transversale, va voir une organisation par milices qui sera finalement latitudinale. Seule Beyrouth est une zone neutre et franche où toutes les milices se rencontrent pour exporter les drogues sans qu’on s’y tue constamment.

4.      La logique du court terme sur le développement

Tout pays repose sur une politique de développement qui se fait dans un objectif de long terme. Or su fait des guerres, la logique du court terme prend le dessus dans le Moyen-Orient. Ils n’arrivent pas à mener jusqu’au bout les politique développementale de long terme, à l’exception de la Jordanie.

5.      L’affaiblissement des élites intellectuelles

Ces élites intellectuelles ou socioculturelles sont affaiblies par l’exil mais aussi par un progressif déficit de formation. Dans le Liban d’avant-guerre, on avait un centre de la presse du monde arabe en particulier du Moyen-Orient. On y trouvait les plus grands centres d’éditions et d’imprimeries, de grands bâtiments universitaires (plus de la moitié furent détruits durant la guerre), … Ce poids de l’expression détruit, on a vu une baisse de la liberté d’expression au Moyen-Orient.

Il semble que le printemps arabe ait ramené des élites influentes issues des classes moyennes mais plus pratiquantes et moins occidentalisées. Que vont devenir ces élites ? A voir.

6.      Un espace éclaté

De Georges Corm à d’autres auteurs, on constate l’impossibilité d’unité de cette aire géographique que représente le Moyen-Orient comme le Proche-Orient, avec une logique d’éclatement plus forte qu’une logique de convergence.

7.      Une confrontation idéologique

Dorénavant, les idéologies sont en opposition. On trouve d’un coté des coalitions démocratiques qui s’opposent à des revendications identitaires ou souverainistes. Ainsi en Égypte ou en Tunisie (sorte de prolongement du Moyen-Orient) on constate bien cela actuellement.

8.      La culture de violence

Du fait des guerres, l’esprit culturel a évolué et la guerre, comme la violence, imprègne la société. Il semble que dans ces guerres, il y ait souvent une logique de privatisation de la guerre selon quelques canaux principaux : les milices et le mercenariat notamment.
Par exemple, le Hezbollah apparaît au Liban en 1982 en tant que mouvement chiite militaire et armé. C’est toujours la première force structurelle en armement au Liban, pas en hommes. En 1986, les combattants du Hezbollah sont de moins en moins présents, on a cru qu’ils étaient en retrait. En réalité, nous sommes dans la période du contre-choc pétrolier, on a donc une baisse des coûts du pétrole notamment venant de l’Iran qui est épuisé par sa guerre contre l’Irak et qui ne peut plus trop se financer, encore moins financer le Hezbollah, quand bien même, il est son plus grand fournisseur financier. On mélange donc dans ce cas les milices et le mercenariat.
D’autres exemples révèlent que les hommes d’affaires ne sont pas toujours à la tête de milices, mais peuvent en financer une voire plusieurs quand ils en ont les moyens.

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