dimanche 24 février 2013

Politique du risque 20 - 02 (cours 3)


Norman Bates incarnée par Anthony Perkins dans Psycho, d'Alfred Hitchock.
Une incarnation de la banalité qui peut soudainement révéler un mal.



Au sein du forum hybride, les scientifiques adoptent une position citoyenne et les citoyens se mettent à agir en expert. Introduit par Callon, Barthe et Lascoumes dans Agir dans un monde incertain, la notion d’incertitude entre dans le jeu. Selon eux, un risque est toujours quantifiable. En revanche, l’incertitude échappe aux logiques de calculs. Ainsi dans le cadre d’une réunion d’information sur les déchets nucléaires, le scientifique intervient pour exprimer son plan : le coffre-fort géologique. Sur de lui, il affirme qu’à plus de 400 mètres de profondeur les radiations des éléments ne toucheraient personne. Difficile de contester son point de vue, il assure que la stabilité géologique n’assure aucun danger de fuites radioactives ou autres.
Les auteurs constatent alors que même avec un contexte scientifique dur, les citoyens vont se réapproprier la parole. Rapidement dans cette réunion, le problème apparaît que la première réaction est celle de l’opposition au fait accompli. Les associations Not In My BackYard (NIMBY) agissent et adoptent une théorie égoïste et intéressée. Cette logique des NIMBY devient le support d’une revendication plus complexe. Des motivations citoyennes émergent par les NIMBY. En effet, les individus vont contester le fait que la décision est prise par une autorité. Ainsi, par là s’enclenche un processus qui fait apparaître le forum hybride. Aussi curieusement que cela paraît, on voit émerger un risque très faible car les experts ne peuvent nier l’impossibilité du risque zéro, surtout qu’on était peu de temps après Tchernobyl. Les experts vont progressivement reconnaître qu’il existe d’autres techniques que le seul enfouissement des déchets radioactifs. On voit donc apparaître dans ce contexte que les thèmes abordés sont scientifiques et profanes. Ce même processus a terminé avec la Loi Bataille de 1991. Une nouvelle forme d’action publique apparaît au-delà des intérêts particuliers. C’est par la participation à des forums hybrides que la mise en politique des déchets nucléaires s’est faite sur le long terme. Représentés par des groupes hétérogènes, ces citoyens et leurs porte-paroles, vont assumer les incertitudes. Ainsi, l’action publique finit par intégrer la controverse. Celle-ci constitue un élément déterminant de la gestion des risques puisque par le biais de la controverse et des forums hybrides, les acteurs apprennent et entrent tous dans un espace dialogique. Ils dépassent leurs intérêts particuliers pour débattre de cette controverse.
L’idée c’est aussi qu’il y a un refus de décisions prises par une autorité supérieure et sans lien avec la population sans qu’il y ait dialogue.


Olivier Borraz dans Les politiques du risque, souligne que la science est une construction sociale et qu’il y a des phénomènes particuliers d’émergence des problèmes publics. Il cherche ce qui fait qu’il y a émergence des problèmes dans l’espace public. Il faut aller au-delà de la saillance médiatique. Il existe des types de risques qui découlent d’un dispositif au départ commun qui brutalement apparaît plus complexe. Ainsi, alors même qu’on est dans une confiance absolue vis-à-vis d’un certain matériel, brutalement cela devient potentiellement un risque, l’émergence du risque se fait au plus proche de vous. A l’image de Dr. Jekill et Mr. Hide, ou de Norman Bates dans Psychose d’Alfred Hitchcock. De plus, il est possible que les risques soient parfaitement connus de tous, mais la croyance en ces risques n’est pas systématique.

Il existe pour prévenir des risques des gens qui attirent l’attention sur un risque particulier, ce sont les tireurs d’alarmes qui vont en fait révéler qu’un outil du quotidien familier peut se révéler dangereux. Ces lanceurs d’alertes possèdent des propriétés sociales qui font que lorsqu’ils annoncent un danger, l’audience leur prête une oreille. Les vrais tireurs d’alarme disposent d’une propriété majeure, celle du sacrifice. Si un individu nous explique les bienfaits d’un outil dans lequel il s’est investi, on l’écoute sans forcément y croire, on lui renvoie un déni de crédibilité qui se manifeste par du scepticisme. La crédibilité réside ailleurs, elle se manifeste par les tireurs d’alarmes qui vont contre leurs intérêts. L’engagement du tireur d’alarme dans l’espace public s’accompagne pour lui d’une prise de risque. En mettant en jeu sa position sociale, on prenant des risques, on gagne en crédibilité. Le tireur d’alarme dispose pleinement d’une connaissance de première main sur un fonctionnement et accepte de mettre entre parenthèses ses intérêts commerciaux.

Le concept de recreancy est lui aussi pertinent dans ce sens. Appréhendé par William Freudenberg, sociologue américain auteur de Risks and recreancy, il s’agit d’un risque institutionnel et politique. C’est un risque causé par l’État et par l’institution scientifique elle-même. En effet, c’est une perte de confiance des individus en des institutions qui ont traditionnellement acquis la confiance de ces citoyens. Le cas emblématique est l’État qui devant être protecteur s’avère fragile dans ses décisions face à des risques technologiques. Dans le prolongement du phénomène de corruption politique, on voit que les citoyens jugent incompétents les décideurs de l’État face à un risque qui les dépasse. Ce que nous faisons et que nous ne pouvons pas arrêter de faire, à savoir être des consommateurs et consommer des produits nous apparaissent dorénavant comme étant gérés par des instances incapables : experts comme politiques. La recreancy c’est cette rupture de la confiance.

Les défaillances de l’État est un terme qui présente l’État comme incapable d’assurer des sécurités à ses citoyens. L’attente de sécurité et de droits créances du citoyen vis-à-vis de l’État, en même temps qu’on perçoit cet État comme dangereux.

Réfléchir à une illustration de ce sujet : le risque d’attaque terroriste sur le territoire français.

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