lundi 4 mars 2013

Gouvernance 28 - 02 (cours 2)

 La guerre douanière continue sur des domaines farfelus :
début 2009, les USA avaient fait grimper de 300% les droits de douanes sur les fromages français.


La gestion du commerce international : du GATT à l’OMC


I.                   Le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade)

1.      Aux origines

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, les puissances alliées ont très présentes à l’esprit les dysfonctionnements économiques qui ont eu lieu entre les deux guerres. Leur but immédiat est de tenter d’éviter les dysfonctionnements de l’entre-deux-guerres. Les dérapages peuvent se résumer à deux tendances : une montée du protectionnisme et une forme de guerre douanière. Les USA ont en effet estimé qu’il était judicieux voire nécessaire de protéger le marché américain de la concurrence européenne en particulier dans le secteur agricole. Ils ont donc imposé des droits de douanes élevés sur les produits agricoles européens aux USA, c’est le tarif Smoot-Hawley. Les partenaires européens mécontents ont donc agit de même en relevant leurs droits de douanes de leur coté, le tout est allé croissant, c’est là qu’on parle de guerre douanière. De cette guerre douanière un effondrement du commerce en découle.
Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, on veut absolument éviter ce genre de situation et on imagine que la solution c’est d’avoir un encadrement clair des règles. Transparence et visibilité sont de mise lors de la conférence de Bretton-Woods en 1944. On souhaite de parler de tout, mais au final, on se focalisera sur les questions monétaires et de reconstruction. Une charte pour la  création d’une organisation internationale du commerce est alors prévue. Sa rédaction débute en 1946 et on va aussi engager un premier cycle de négociations commerciales pour abaisser le niveau des droits de douanes dans le monde. On a donc deux directions simultanées. Finalement un texte émerge mais un pays refuse de le ratifier : les USA, soit l’absence de l’acteur principal. Le Président devant toujours se référer au Congrès, ce dernier trouvait que la charte donnait trop de pouvoir aux partenaires commerciaux et donc refuse de le ratifier. Il y a donc des tensions systématiques entre les deux sur cette question. Le texte ne sera donc jamais ratifier et cette organisation internationale est abandonnée.
Cependant, à coté de cette charte, on a un extrait qui est un accord sur le commerce et les tarifs douaniers qui eux, sont ratifiés de tous les partis. Par contre il n’est pas adossé à une organisation. Cette solution au départ provisoire durera tout de même pendant 50 ans. Le GATT se limite donc à un accord entre 23 pays.

2.      Le contenu

Cet accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1947 est encore celui qui régit aujourd’hui les relations internationales. Le texte est assez court et ne comprend que 38 articles, tous des principes directeurs de la conduite du commerce international. L’objectif global est d’assurer la prévisibilité de l’environnement commercial international. A coté de cela, le texte prévoit aussi de progresser sur la voix de la libéralisation commerciale : le commerce doit se faire le plus rapidement possible. L’objectif est donc d’engager un processus continu de libéralisation des échanges. Le GATT n’impose pas le libre-échange, les droits de douanes ne sont pas restreint à un taux zéro du jour au lendemain. En cela, le GATT diffère radicalement du Traité de Rome. Il faut surtout cadrer les conditions d’échanges pour progresser vers la libéralisation. De manière générale, l’idée que la transparence et la visibilité sont absolument cruciales dans les échanges repose sur l’hypothèse que si un pays a pris des engagements, on peut attendre de lui qu’il les respecte. Si un pays ne les respectait pas, il serait donc plus simple de le sanctionner. Le texte est peu ambitieux, il ne s’agit pas de mettre en route une libéralisation immédiate puisque les rédacteurs ont compris qu’il fallait être réaliste pour faciliter le bon fonctionnement des échanges. Le GATT est donc surtout un instrument d’administration des échanges non pas d’imposition des échanges.

Parmi les grands principes du GATT, on a un double principe de non-discrimination des partenaires (tous doivent être traités de la même manière) et de réciprocité (si un pays accorde une concession à un partenaire, celui-ci doit lui rendre). Ce traité est expliqué dans la clause de la « Nation la plus favorisée ». Tout pays signataire du GATT s’engage à étendre tout avantage ou concession à un autre pays signataire du GATT à tous les autres pays signataires du GATT. Tout accord bilatéral dans le GATT est automatiquement multilatéralisé.
Autre principe, celui du traitement national. Selon ce principe, un produit entré sur le territoire national est traité exactement comme un produit national, annihilant toute restriction sur ce produit. Le GATT arrête une forme de conduite, des négociations doivent être menées. Le premier point de ce code de conduite est que le seul instrument de protection commercial autorisé est le droit de douanes. Ainsi on ne peut plus jouer que sur le prix, la limitation des importations est interdite par le GATT. Second point du code de conduite, la consolidation tarifaire. Il s’agit de faire en sorte que lors des négociations des droits de douanes, un pays va s’engager sur un droit de douane maximum autorisé, un droit de douane consolidé donc. Après le pays peut faire ce qu’il veut dans la réalité sauf qu’il ne dépassera pas ce droit de douane consolidé. Il y a donc des droits de douanes consolidés et d’autres réels, égaux ou inférieurs au droit de douane consolidé. Troisième point, l’interdiction du dumping, de vendre à un prix inférieur au coût, de vendre à perte. Quatrième point, qui suit le troisième, on interdit les subventions à l’exportation.

A coté de ces grands principes, on a évidemment des exceptions. Tous ces accords ne s’appliquent qu’aux produits industriels, pas aux produits agricoles ni aux services (qui de toute façon ne sont pas encore vraiment exportés en 1947). Autre exception, tous les pays ne sont pas soumis au GATT de la même manière. On admet que les pays en développement puissent être traités différemment mais assez tardivement puisqu’en 1947 ils sont encore sous domination coloniale. Du coup, un chapitre sera ajouté pour ces pays par la suite. Dedans, on explique qu’ils ont droit à un traitement spécial et différencié avec des dispositions dérogatoires, qui leur permet, entre autres, de se protéger contre les importations. Autre exception, il est possible aux pays signataires d’appliquer les droits de douanes dans le respect du GATT pour des conditions très particulières : s’ils ont été victimes de dumping (droit anti-duming), de subventions à l’exportation (droits compensateurs) ou en cas de situation critique du pays (clause de sauvegarde). Cela doit donc compenser les avantages déloyaux d’un concurrent. Ultime exception, l’article 24 du GATT qui autorise des tarifs préférentiels, dans le cadre où un petit nombre de pays s’engagent dans des concessions élargies avec des conditions très précises. Unions douanières, zones de libre-échange sont conditionnés à deux raisons essentielles : un véritable libre-échange (donc zéro droits de douanes entre ces pays) et la charte de cette union ne doit pas prêter au relèvement des droits de douanes aux autres pays du GATT.
Rappel : zone de libre échange, zone au sein de laquelle il n’y a pas de droits de douanes entre les pays / union douanière, zone de libre-échange entre les pays concernés ainsi qu’un tarif commun avec les partenaires extérieurs à la zone.

Cet accord est donc limité, sans organisation derrière, sa force est limitée surtout qu’il n’y a pas de pouvoir coercitif derrière avec un système de règlement des désaccords.

3.      L’évolution

On peut regarder les 40 premières années du GATT qui ont bien fonctionné avant de se compliquer. Au démarrage, on a cherché à définir une charte et on prévoyait de fixer un niveau de protection maximale des droits de douanes. Pendant 40 ans, on va voir une succession des pays signataires du GATT pour libéraliser et abaisser les niveaux de droits de douanes. Chacun de ses cycles aboutissant sur une libéralisation de plus en plus poussée.
Le premier cycle de négociations à Genève porte sur les droits de douanes. Idem à Annecy en 1949 et à Torquey en 1951, puis de nouveau à Genève en 1956 et en 1961. De plus, le nombre de membres augmente régulièrement.
En 1964 – 1967, changement de cycle, celui-ci dure plus longtemps et parle de plusieurs autres sujets dont l’anti-dumping. Cela s’explique par le nombre plus grand d’acteurs et la découverte qu’il faut sortir un peu des droits de douanes.
Systématiquement, le niveau de libéralisation progresse à chaque réunion, ce qui peut être vu comme normal et satisfaisant. On a alors une vraie baisse des barrières douanières qui révèle le bon fonctionnement du GATT. Parallèlement, la tendance globale de la libéralisation est à la hausse. Autant de signes révélant un certain succès du GATT, mais au vu de son rôle limité, rien n’assure que le GATT en soit nécessairement à l’origine, l’évolution libérale a pu se faire d’elle-même.

Les limites du GATT sont nombreuses ceci dit. Tout d’abord, les règles du jeu ne s’appliquent pas à tout le commerce mondial, cela est incomplet en matière sectorielle (agriculture, services, ...) et pose un problème dans le cadre du textile. Un régime spécifique existait pour le textile, un système de contingentement qui ne s’appliquait au départ qu’au produit de coton. On a ensuite passé l’accord multifibre quand le coton n’est plus devenu la matière unique. Cet accord multifibre est un système de contingentement, les producteurs de produits textiles peuvent exportés un certain montant de textiles vers telle ou telle destination. Il faudrait alors réformer le GATT pour intégrer ces nouveaux secteurs. Enfin on se rend compte que les règles du GATT deviennent de plus en plus inadaptées au nouveau contexte mondial.


II.                Du GATT à l’OMC

1.      La nouvelle donne

Un tout cumulé explique que les pays signataires du GATT vont s’engager dans une nouvelle négociation plus large qu’avant, le cycle de négociation change, c’est l’Uruguay Round. Si on détaille les nouvelles règles, les années 1980 sont marquées par la montée du néoprotectionnisme, un protectionnisme de nouveau type. Au lieu de relever les droits de douanes, ce nouveau protectionnisme contourne le GATT par des nouvelles formes de protectionnisme.
Deux facteurs interviennent. Tout d’abord on a des changements très importants dans les modalités de la concurrence internationale, dorénavant, les pays ne sont plus déterminés par leurs atouts naturels mais se débrouillent avec des atouts construits, dont la technologie et l’innovation. Les avantages peuvent donc être construits et non plus juste naturels. La tentation d’intervention de la part de l’Etat est donc très forte dans ce contexte ou innovation et technologie sont cruciales. Second facteur, l’essor de la mondialisation qui explique que les pays soient devenus plus protectionnistes. De nouveaux acteurs entrent dans le jeu (dragons, tigres, …) et cela demande de se protéger contre cette nouvelle concurrence. De plus, la mondialisation liant étroitement les économies, les politiques économiques nationales ont des répercussions à l’international. En conséquence, les occasions de se protéger et d’accuser les partenaires de concurrence déloyales sont plus nombreuses.

Le néoprotectionnisme prend alors plusieurs formes. Tout d’abord, un premier groupe se caractérise par les abus des règles du GATT. Il ne s’agit pas de violer les règles du GATT mais seulement l’esprit. Ainsi on constate un recours frénétique à l’anti-dumping et au droit compensateur. Par exemple, on constate une hausse spectaculaire de l’anti-dumping par les USA et l’UE contre le Japon et la Corée du Sud. Mais ces mesures ne débouchent pas toujours sur un examen anti-dumping, ce qui devient rapidement suspect. De plus, les USA cumulent avec les droits compensateurs. Trop nombreuses, ces protections deviennent abusives.
Plus inquiétant, une deuxième catégorie de comportement viole les règles du GATT. L’usage du droit national comme moyen de pression sur les concurrents. Les USA dans leur arsenal économique possèdent un instrument, l’Omnibus Trade dont la Section Super 301 donne le droit au représentant commercial américain de juger si un partenaire ne se comporte pas comme il faut, de le blacklister et de poser des sanctions à son égard. Cette section n’a pas souvent été utilisée jusqu’au bout mais a suffit comme menace et comme trahison du GATT. Cela a tout de même assuré un changement de comportement en face. Autre forme de violation des règles du GATT, les restrictions quantitatives reviennent via les Restrictions Volontaires aux Exportations (RVE). Ce sont des limitations volontaires des exportateurs à exporter vers tel ou tel partenaire. En fait, il s’agit de menaces anti-dumping du pays importateur qui pousse le pays exportateur à s’autocensurer. Par exemple, les communautés européennes ont longtemps été en négociations avec le Japon à propos des automobiles japonaises. Dernier comportement violant les règles du GATT, ce qui se passe autour des IDE. Les IDE sont un autre canal de concurrence étrangère dans un monde plus complexifié. Dorénavant l’implantation d’entreprises étrangères est un moyen de pression entre pays. D’abord on peut faire pression en interdisant les implantations d’entreprises étrangères comme les USA avec l’amendement Exxon Florio qui joue sur l’argument de « sécurité nationale ». On peut aussi imposer des contraintes aux investisseurs étrangers en échange de leur implantation sur le territoire. Dans ce cas, le pays maximise les effets bénéfiques des entreprises étrangères. On peut aussi contraindre les entreprises à exporter l’intégralité de la production hors du pays où se trouve l’entreprise. Donc autant de formes de protectionnisme nouvelles qui demande à repenser le GATT en intégrant les IDE par exemple. Il devient évident que le GATT ne peut se contenter de rester dans les cadres d’un domaine de commerce classique.
Troisième comportement, les frictions intersystèmes, de nouvelles frictions qui entravent les systèmes de concurrence. Les deux grands domaines étant les Droits de Propriété Intellectuelle et la politique de la concurrence. La protection des droits de propriété intellectuelle s’explique par le fait que l’innovation coûte chère aux entreprises et qu’en conséquence, l’entreprise veut rentabiliser son effort de recherche. Les pays innovateurs sont donc favorables à la protection de ce droit, les autres préférant que cela tombe rapidement dans le domaine public pour s’en saisir. On a donc un clivage entre des pays innovants contre des pays en développement. Cette protection est d’autant plus nécessaire qu’avec la mondialisation, il peut y avoir des conflits règlementaires sur les protections du droit à la propriété intellectuelle, variable entre chaque pays. La politique de la concurrence de son coté doit garantir que la concurrence fonctionne bien, il faut éviter par exemple les cartels. La concurrence a pour utilité d’assurer que les consommateurs soient gagnants, mais tous les pays n’ont pas la même conception du but de la politique de la concurrence. Certains veulent de la concurrence mais un renforcement de la productivité, d’autres ???. Avec des échanges plus importants qu’avant, cela va avoir des incidences plus concrètes. Ces domaines aussi demandaient une harmonisation internationale pour éviter toutes les frictions.

La décennie 1980 prend conscience des limites du GATT qui se limite à protéger seulement les produits industriels et le commerce classique. Or toutes les nouveautés du commerce et de nombreux domaines ont été oubliés et cela tend à des comportements de nature protectionniste. Il faut donc un nouveau cycle de négociation plus ambitieux pour embrasser tous ces problèmes.

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