Pour Machiavel, le Prince doit savoir être loup ou renard selon les circonstances.
Rien n'est dit du lion en revanche.
L’enseignement
de Machiavel
n’est pas machiavélique comme on l’entend aujourd’hui. C’est avant tout un
enseignement politique qui est amoral et non pas immoral. Selon lui, la morale ne permet pas de comprendre
le phénomène politique et les relations internationales. A cette époque, l’Italie
n’existe pas encore, il n’y a pas de dissociation entre la sphère interne et la
sphère externe en politique. La question pertinente est celle de l’acquisition du
pouvoir et de sa conservation face à des évènements externes. Les Cités-États
de l’époque, comme Florence, doivent sans cesse défendre leur pouvoir contre
des possibilités d’agressions externes. La question de Machiavel va alors être
plus complexe qu’on l’a conservé aujourd’hui.
Machiavel a donné l’adjectif
« machiavélique » et est résumé dans l’expression « la fin
justifie les moyens ». C’est quelqu’un qui est prêt à mentir pour
atteindre ses objectifs.
Un personnage machiavélique c’est Iago dans Othello
de Shakespeare, puisque c’est le serviteur d’Othello et qu’il est prêt à mentir
et faire preuve de duplicité pour atteindre ses intérêts particuliers. Peu lui
importe les moyens, il se définit lui-même comme « ce qu’il n’est pas », il ment tout le temps et n’est que ce qu’il
ne dit pas, tant il ment. Mais Iago n’est que machiavélique et non pas
machiavélien.
Etre machiavélien,
c’est respecter l’enseignement de Machiavel, faire fi de la morale quitte à
mentir par moment. Le Prince par son action politique ne vise pas juste son
intérêt particulier mais par tous les moyens qu’il emploie, il vise l’intérêt
commun et universel. En effet, Machiavel vise derrière son ouvrage un maintien
de la démocratie au travers de l’image du Prince. C’est la contradiction de
Machiavel : comment peut-on en temps que Prince assurer son intérêt mais
surtout celui de ses sujets ?
Machiavel est de
loin l’auteur politique qui définit le mieux les relations de pouvoir : il
y a des gouvernants et des gouvernés. Tout cela est bien loin de l’ordre moral
et religieux.
Quiconque cherche à expliquer le phénomène politique par l’aspect religieux et
moral, est dans l’erreur. Le politique est un phénomène en soit. Machiavel
écrit que le domaine politique est un domaine en soi. Du coup en quoi être dans
la servitude d’un Prince, est dans notre intérêt ? Machiavel produit sa réflexion à partir du contexte de l’époque. Quentin Skinner dans Les fondements de la pensée politique moderne résume ce
contexte. Machiavel avant d’écrire Le
Prince était diplomate pour le Prince de Florence et fut envoyé à la
cour de France. Les diplomates de l’époque avaient une plus grande
autonomie à cette époque. Les Florentins avaient alors une alliance avec les
Français pour se défendre contre les Byzantins, mais la France était molle à
réagir et Machiavel fut envoyé à la cour de France pour, par la rhétorique,
aller présenter à la France les intérêts de protéger la puissance florentine. Machiavel va alors découvrir que la royauté
française n’a que faire des propos florentins mais se soucie de savoir jusqu’où
la France peut s’appuyer sur cette ville en déliquescence. Les rapports de
pouvoir ne dépendent que de la situation concrète et des intérêts de chacun.
Ainsi Machiavel réalise que des petites Cités-États comme Florence ou Pise, ne
peuvent compter pour rien. Il n’y a pas d’État de droits dans les relations internationales,
le roi de France n’a aucune règle morale, il est totalement cynique et ne
réfléchit qu’à savoir comment maximiser ses avantages et minimiser ses risques.
Les Français n’avaient rien à faire de Florence dés lors qu’elle ne leur apportait
rien. Aujourd’hui aucun État ne pourrait
être humilié de la sorte. Il y a une protection avec les institutions
internationales, le droit international et l’opinion publique internationale
qui publiciserait le mépris d’un pays vis-à-vis d’un autre pour critiquer une
puissance qui agirait de cette manière. Mais sous Machiavel, cela est
impossible. Machiavel a donc à ce moment là une révélation, liée à sa pratique.
Il n’a pas réussit à convaincre de la grandeur présumée de Florence à la cour
française. Cette révélation va le pousser dans son projet d’écriture du Prince.
Machiavel va
théoriser le fait qu’il existe deux chefs d’État : le Prince qui agit
selon la virtu et celui qui agit pour
atteindre ses fins uniquement. Or le second type de chef ne maximisera jamais
totalement ses chances
par son attitude éloignée de la virtu.
Machiavel nous apprend qu’il existe une logique de la force, c'est-à-dire que
cette force peut être utilisée de manière destructurante mais cela est un
mauvais usage, on peut s’en servir aussi de manière structurante. Dans Le
Prince, il est beaucoup plus simple d’acquérir et de conserver le
pouvoir quand les sujets sont dans un état de crainte et de peur que lorsque l’on
maintien ses sujets dans un État d’amour et d’amitié. En effet, selon
Machiavel, amour et amitié sont des passions mouvantes pouvant disparaître
à tout moment, ce qui revient à prendre appui sur un château de carte. La crainte en revanche vous tient. Le
Prince peut alors verrouiller le système en empêchant ses ennemis d’imaginer le
renverser.
Pourtant les propos
de Machiavel sont encore plus nuancés que cela, il existe une fécondité du mal.
En prenant l’exemple de César Borgia, il explique
comment le Prince par excellence selon lui, a su s’imposer à la population en
se faisant craindre et en se faisant aimer en même temps. Ainsi le Prince pour conserver
son intérêt particulier a recours à la force. Voyant un désordre en Romagne,
dommageable à la population César Borgia profite de la désunion pour imposer un
retour à l’ordre. La paix rétablie ne repose que sur un pouvoir politique
spécifique et non pas sur une autorité religieuse (et donc morale). Ce retour à
l’ordre passe par un recours à la force. Le
Prince se présente comme un défenseur de la démocratie, il utilise un
intermédiaire pour réprimer de manière sanglante les désordres en Romagne. Du
coup, le Prince n’apparait pas comme l’instigateur direct de la violence. Suite
à la paix rétablie par la violence, le Prince veut contrebalancer l’inimitié
provoquée par son intermédiaire en instaurant des tribunaux locaux. En utilisant la violence, le Prince veut
maintenir la loyauté mais celle-ci ne peut pas reposer uniquement sur cette
violence. Le Prince doit s’appuyer sur le peuple pour assoir son pouvoir. Pour
cela, le Prince doit apparaître comme un démocrate qui prend en compte les
intérêts du peuple, il va donc rediriger sa violence de manière féroce vers son
lieutenant. Le Prince en tuant
publiquement son lieutenant maintient son aspect de violence et de férocité
mais contente d’une certaine manière le peuple. Pour Machiavel, le pouvoir s’acquière
et se maintient toujours dans une démonstration de force vis-à-vis du peuple
mais en même temps, de subtilité.
Machiavel
est tout de même un démocrate puisqu’il est le premier philosophe à parler des
intérêts et de la satisfaction du peuple. Le Prince est comptable de sa
politique dans le sens où il a une responsabilité politique vis-à-vis de son
peuple et de la démocratie. Dans un contexte féodal, cela est d’une certaine
innovation.
Ce
qui va apparaître comme prégnant, c’est l’idée qu’on va avoir un ordre
international établi dans lequel Hobbes explique en quoi consiste l’hypothèse
de l’anarchie sauf qu’il n’utilise pas
ce terme mais parle en revanche d’un « état de nature ». Dans Le
Léviathan, Hobbes à recours aux
relations entre les États pour caractériser cet état de nature. L’état de
nature est caractérisé par le fait qu’il se définit négativement, c’est lorsqu’il
n’y a pas d’État de droit. Mais l’État
de nature n’est pas un synonyme de
guerre effective. C’est une guerre avec une forme plus implicite, c’est avant
tout une prédisposition des acteurs qui est avérée à aller dans le sens d’une
guerre effective. L’état de nature c’est quand les individus ont plutôt
tendance à entretenir des rapports de méfiance et parfois d’inimitié envers les
autres individus. Par nature l’homme se
méfie de son prochain dés qu’il ne dispose pas d’assez d’informations sur
celui-ci.
Kennes
Waltz le représentant du néoréalisme reprend Hobbes pour
se différencier de Morgenthau. Il conçoit la prédisposition de
méfiance de l’homme vis-à-vis d’autrui et souligne les erreurs de Morgenthau.
Ce dernier pensait que les individus comme les États étaient fondamentalement
égoïstes et méchants, préférant instinctivement agresser les autres États par
ce qu’il nomme un « instinct de vie et de domination ». Cette
tendance est conforme à la nature des États, c’est ce qu’on nomme le réalisme offensif. Waltz propose un
néoréalisme défensif. L’égoïsme de Waltz est plus nuancé, il reprend la
métaphore du chasseur primitif exposée par Rousseau.
Les acteurs étatiques cherchent toujours à maximiser leurs intérêts
particuliers, mais ils vont d’abord privilégier la coopération pour atteindre
ce but et ce n’est qu’en dernier lieu qu’ils privilégient les agressions et le
désir égoïsme. Chez Rousseau, à l’État de nature, l’homme est seul. Mais
pour réaliser un bien supérieur plus important dans le long terme, l’homme
favorise la coopération. Cependant dés qu’une occasion se présente d’avoir un
bien à court terme inférieur, l’homme préfère s’en saisir que de coopérer.
Ainsi pour Waltz, les individus ne
peuvent jamais être véritablement assurés d’acquérir ces biens supérieurs à
long terme, du coup, ils favorisent les biens inférieurs à court terme. Par définition,
les États vont donc toujours entrer dans des rapports de confrontation égoïstes,
en dépit d’une politique de sociabilité et de coopération qu’ils développent
dans un premier temps. Les États veulent minimiser les coûts.
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