vendredi 7 décembre 2012

Théorie des RI 07 - 12 (cours 4)

 Colin Farrell incarne Alexandre dans le film éponyme.
Si on voit la constitution d'un Empire uni,
l'échec du film tient sans doute à la coloration de Farrell.




La pensée libérale


Théorie des relations internationales : histoire des idées et relations internationales, Dario Batistella.

En se tournant vers l’histoire des idées politiques, on peut remonter au traité de Wespthalie, avec de la pensée de Richelieu, c'est-à-dire celui qui introduit en politique la pensée politique de Machiavel. Pour la première fois, on voit entrer la notion centrale des Relations Internationales : les États. Selon Richelieu, les relations Internationales sont exclusivement déterminées par leur caractère statocentré. La pensée de Richelieu est pluraliste avec des États dans un équilibre des pouvoirs. Cette conception se retrouve face à une conception cosmopolitique de Ferdinand II. Le modèle proposé par les Français face à celui du Saint Empire Germanique revient à opposer la conception moderne de Richelieu à une conception plus ancienne qui estime qu’il doit y avoir un Empire, qui doit constituer un État englobant la totalité du cosmos. Ce modèle cosmopolite en apparence statique et désuet s’avère en réalité s’appuyer sur l’Empire d’Alexandre et sur l’Empire Romain. Or ce modèle peut être compris comme une première approche universaliste.
Kissinger montre que Ferdinand II développe un modèle césaro-papiste : un pouvoir sans partage détenu par un empereur et qui s’impose au reste du monde. Ferdinand II souhaitait revenir à l’unification du pouvoir temporel et spirituel. Lorsque la France s’oppose à la constitution d’un Empire, elle reprend Thucydide en voulant contrebalancer le pouvoir du Saint Empire. Richelieu, à titre personnel ne défend au niveau des Relations Internationales aucune intervention de la morale, uniquement l’intérêt de l’État. A l’inverse, Ferdinand II estime que l’intérêt national va de pair avec un intérêt religieux. Ferdinand II pense en termes de moralité et d’universalité. C’est ce qui va le conduire à faire l’objet d’une intransigeance totale à l’égard des régions protestantes, le roi s’opposant à des princes protestants, et s’affaiblissant tout seul. En effet, le roi estime que la sainteté de l’empereur est le critère de légitimité qui lui permet d’exercer son pouvoir. Pour Richelieu, ces notions de sainteté et autres, lui semblent être des notions complètement inappropriées en politique. Dans un régime de monarchie absolutiste, Richelieu estime que le droit divin du monarque français peut intervenir, pas dans les relations internationales. En ne reconnaissant pas la liberté de conscience des Princes protestants, Ferdinand II perd in fine, la Guerre de Trente Ans avant de perdre son trône.

Derrière le fanatisme de Ferdinand II, il apparaît un modèle qui est la première apparition de l’universel. C’est une conception où la Cité (polis) devient une forme du monde. Par cette conception d’universel, on fixe une certaine égalité et on développe alors un individualisme, qui est le fondement du libéralisme. Ce libéralisme considère que les individus ont tendance à coopérer les uns avec les autres plutôt que de se confronter les uns aux autres.
L’Empire selon Pierre Manent est le rassemblement de tout le monde connu sous un pouvoir unique. Sous Alexandre Le Grand, la politique s’est transformée et accouche d’une nouvelle forme de conception politique. En premier lieu, on change de dimensions en passant de Cités autonomes à un Empire uni. Du coup, dans cet Empire uni, les individus ont moins de chance de se retrouver en confrontation mais ils ont aussi moins de chance de se rencontrer. On a une sorte de fossé qui se creuse entre les gouvernants et les gouvernés, chacun connaissant moins bien l’autre dans un Empire que dans une Cité. Lorsqu’apparaît la première cosmopoliste, on a une première forme de pouvoir. Ce que permet aussi Alexandre, c’est qu’en agrandissant son Empire, il fait voler en éclat la division des Cités entre Grecs et Barbares. Dorénavant, Grecs, Perses et autres barbares sont tous citoyens égaux d’un même régime. Les stoïciens parlent alors de « citoyens du monde ». Alexandre a révélé les rapports d’égalité entre Grecs et non-Grecs.
Zenon sera le premier à reprendre cette idée de citoyens du monde. Tous sont membres d’une res publica, tous sont concitoyens. Il y a une ambivalence entre une hiérarchie inégalitaire entre l’empereur et ses sujets alors même que le système défend l’idée d’une égalité entre ses membres.
Reprenant l’enseignement de Zenon, Cicéron propose une formulation de l’universalisme. Dans son extrait Cicéron cherche à faire entrer dans les idéaux que la raison est partagée par tous les individus et que les pouvoirs institués (aristocrates, administrations, …) ne peuvent modifier un état de fait qui est de traiter à égalité toutes les classes sociales. Le discours marxiste dira de même en parlant de dépasser la lutte des classes. C’est l’idée qu’il existe une res publica partagée par tous les individus, théorie reprise par Wilson après la première guerre mondiale en créant la SDN et en souhaitant une forme de cosmopolisme. Le texte de Cicéron est fondateur d’une approche républicaine, mais en se référant à une loi vraie et une vérité en politique, on voit en germe une des conceptions des totalitarismes (qui s’appuis sur des idéologies devant révéler la vérité de nos sociétés aux yeux de tous).
Chez Cicéron le peuple est un tout uni dans un intérêt commun, qui forme une communauté d’intérêts. Le peuple par définition ne peut exister sans intérêt commun, et cet intérêt commun s’incarne dans la res publica. Cette vérité est valable en tout lieu et en tout temps selon Cicéron. Lors d’une confrontation avec George W. Bush, les Chinois souligneront que les Droits de l’Homme et du Citoyen sont particulièrement ethnocentrés selon eux. Du coup, les adversaires de l’universalisme n’ont pas tort, mais ils entrent dans une logique relativiste assez risquée.

En se tournant vers le fonctionnement des institutions romaines, c’est que lorsque cet Empire s’institue, on constate que le pouvoir de l’empereur doit toujours être considéré comme étant le représentant de la volonté du peuple. C’est la loi qui assure que tout ce qui émane de l’empereur doit être ratifié et considéré comme légitime.

Le libéralisme moderne prendra son essor avec Locke et Kant. Locke est un anglais et Kant un allemand. Tous deux vont reparler du cosmopolisme en évoquant un État de droit, qui assure une égalité entre les différents individus. L’État de droit qui vient de Cicéron est alors réactualisé par ces deux auteurs.
Pour Locke, à l’État de Nature, les individus ont, non pas tendance à entrer dans des rapports de force, mais plutôt à coopérer. Cette coopération vient d’une rationalité où chacun coopère pour atteindre son objectif individuel. L’homme est naturellement conscient que les rapports de coopération policés lui seront certainement plus profitables que des rapports de violence. Mais en étendant cette conception aux États, cette conception devient plus douteuse.
Kant va nuancer en parlant d’une tendance des États à s’engager dans un processus dont l’objectif est celui d’un État de droit. Dans cet État les individus auraient des liens d’égalité et la loi naturelle de Cicéron pourrait s’y épanouir. C’est la loi universelle. Kant démontre donc que le désordre issu de la guerre doit nécessairement amener par la suite à la paix, que la violence produit in fine un bien. Le principe de l’anarchie repris par les réalistes peut être dépassé selon Kant. Mais fondamentalement, l’État gendarme à l’échelle du monde est avant tout et en premier lieu présente dans un objectif. Dans un contexte anarchique, où les États sont complètement libres et luttent en eux, c’est la détresse qui va les pousser, après avoir pris conscience de cette détresse, à instituer une société dotée de règles. Pour Kant, le pire produit les meilleurs effets, ce sont les fruits de l’insociabilité. Mais les États ne peuvent passer par la raison, seule la mort et la détresse leur ouvrent les yeux. Ce processus peut être très long et certains peuples ne comprennent pas forcément au premier naufrage les fruits à tirer de la détresse qui est la leur.

On ne peut pas dire que le libéralisme et l’idée de l’universel naissent avec la modernité, cela remonte à plus longtemps avec les Empires (Alexandre puis les Romains) et les écrits de Zénon et de Cicéron. Cette idée de cosmopolisme est reprise dans le contexte moderne essentiellement par Kant fin XVIII° siècle. Cela en fait le résultat, le terme d’une histoire caractérisée par la guerre et qui mène à l’insociable sociabilité. De nouveau, le mal s’avère parfois fécond. Faire des relations internationales c’est comprendre que l’anarchie peut amener une forme d’ordre et de régulation particulière.

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