Colin Farrell incarne Alexandre dans le film éponyme.
Si on voit la constitution d'un Empire uni,
l'échec du film tient sans doute à la coloration de Farrell.
La
pensée libérale
Théorie des relations
internationales : histoire des idées et relations internationales, Dario Batistella.
En
se tournant vers l’histoire des idées politiques, on peut remonter au traité de Wespthalie, avec de la pensée
de Richelieu, c'est-à-dire celui qui introduit en politique la pensée politique
de Machiavel. Pour la première fois, on
voit entrer la notion centrale des Relations Internationales : les États.
Selon Richelieu, les relations
Internationales sont exclusivement déterminées par leur caractère statocentré.
La pensée de Richelieu est pluraliste
avec des États dans un équilibre des pouvoirs. Cette conception se retrouve
face à une conception cosmopolitique de Ferdinand
II. Le modèle proposé par les Français face à celui du Saint Empire
Germanique revient à opposer la conception moderne de Richelieu à une
conception plus ancienne qui estime qu’il doit y avoir un Empire, qui doit
constituer un État englobant la totalité du cosmos. Ce modèle cosmopolite en apparence statique et désuet s’avère en
réalité s’appuyer sur l’Empire d’Alexandre et sur l’Empire Romain. Or ce modèle
peut être compris comme une première approche universaliste.
Kissinger
montre que Ferdinand II développe un modèle césaro-papiste : un pouvoir
sans partage détenu par un empereur et qui s’impose au reste du monde. Ferdinand II souhaitait revenir
à l’unification du pouvoir temporel et spirituel. Lorsque la France s’oppose à
la constitution d’un Empire, elle reprend Thucydide en voulant contrebalancer
le pouvoir du Saint Empire. Richelieu, à
titre personnel ne défend au niveau des Relations Internationales aucune
intervention de la morale, uniquement l’intérêt de l’État. A l’inverse,
Ferdinand II estime que l’intérêt national va de pair avec un intérêt
religieux. Ferdinand II pense en
termes de moralité et d’universalité. C’est ce qui va le conduire à faire l’objet
d’une intransigeance totale à l’égard des régions protestantes, le roi s’opposant
à des princes protestants, et s’affaiblissant tout seul. En effet, le roi
estime que la sainteté de l’empereur est le critère de légitimité qui lui
permet d’exercer son pouvoir. Pour Richelieu, ces notions de sainteté et autres,
lui semblent être des notions complètement inappropriées en politique. Dans un
régime de monarchie absolutiste, Richelieu estime que le droit divin du
monarque français peut intervenir, pas dans les relations internationales. En ne reconnaissant pas la liberté de
conscience des Princes protestants, Ferdinand II perd in fine, la Guerre de
Trente Ans avant de perdre son trône.
Derrière le fanatisme
de Ferdinand II, il apparaît un modèle qui est la première apparition de l’universel.
C’est une conception où la Cité (polis)
devient une forme du monde. Par cette conception d’universel, on fixe une
certaine égalité et on développe alors un individualisme, qui est le fondement
du libéralisme. Ce libéralisme considère que les individus ont tendance à
coopérer les uns avec les autres plutôt que de se confronter les uns aux
autres.
L’Empire selon Pierre Manent est le rassemblement de tout le
monde connu sous un pouvoir unique. Sous
Alexandre
Le Grand,
la politique s’est transformée et accouche d’une nouvelle forme de conception
politique. En premier lieu, on change de dimensions en passant de Cités
autonomes à un Empire uni. Du coup, dans cet Empire uni, les individus ont
moins de chance de se retrouver en confrontation mais ils ont aussi moins de
chance de se rencontrer. On a une sorte de fossé qui se creuse entre les
gouvernants et les gouvernés, chacun connaissant moins bien l’autre dans un
Empire que dans une Cité. Lorsqu’apparaît la première cosmopoliste, on a une
première forme de pouvoir. Ce que permet aussi Alexandre, c’est qu’en agrandissant son Empire, il fait voler
en éclat la division des Cités entre Grecs et Barbares. Dorénavant, Grecs,
Perses et autres barbares sont tous citoyens égaux d’un même régime. Les
stoïciens parlent alors de « citoyens du monde ». Alexandre a révélé
les rapports d’égalité entre Grecs et non-Grecs.
Zenon
sera le premier à reprendre cette idée de citoyens du monde. Tous sont membres
d’une res publica, tous sont
concitoyens. Il y a une ambivalence entre une hiérarchie inégalitaire entre l’empereur
et ses sujets alors même que le système défend l’idée d’une égalité entre ses
membres.
Reprenant l’enseignement
de Zenon, Cicéron propose une formulation de
l’universalisme.
Dans son extrait Cicéron cherche à faire entrer dans les idéaux que la raison
est partagée par tous les individus et que les pouvoirs institués (aristocrates,
administrations, …) ne peuvent modifier un état de fait qui est de traiter à
égalité toutes les classes sociales. Le discours marxiste dira de même en parlant
de dépasser la lutte des classes. C’est
l’idée qu’il existe une res publica
partagée par tous les individus, théorie reprise par Wilson après la première guerre mondiale en créant
la SDN et en souhaitant une forme de cosmopolisme. Le texte de Cicéron est fondateur d’une approche républicaine, mais en
se référant à une loi vraie et une vérité en politique, on voit en germe une
des conceptions des totalitarismes (qui s’appuis sur des idéologies devant
révéler la vérité de nos sociétés aux yeux de tous).
Chez Cicéron le
peuple est un tout uni dans un intérêt commun, qui forme une communauté d’intérêts.
Le peuple par définition ne peut exister sans intérêt commun, et cet intérêt
commun s’incarne dans la res publica. Cette
vérité est valable en tout lieu et en tout temps selon Cicéron. Lors d’une confrontation avec George W. Bush, les Chinois souligneront que les
Droits de l’Homme et du Citoyen sont particulièrement ethnocentrés selon eux.
Du coup, les adversaires de l’universalisme n’ont pas tort, mais ils entrent
dans une logique relativiste assez risquée.
En se tournant vers
le fonctionnement des institutions romaines, c’est que lorsque cet Empire s’institue,
on constate que le pouvoir de l’empereur doit toujours être considéré comme
étant le représentant de la volonté du peuple. C’est la loi qui assure que tout
ce qui émane de l’empereur doit être ratifié et considéré comme légitime.
Le libéralisme
moderne prendra son essor avec Locke et Kant.
Locke est un anglais et Kant un allemand. Tous
deux vont reparler du cosmopolisme en évoquant un État de droit, qui assure une
égalité entre les différents individus. L’État de droit qui vient de
Cicéron est alors réactualisé par ces deux auteurs.
Pour Locke, à l’État de Nature, les individus ont, non
pas tendance à entrer dans des rapports de force, mais plutôt à coopérer. Cette
coopération vient d’une rationalité où chacun coopère pour atteindre son
objectif individuel.
L’homme est naturellement conscient que les rapports de coopération policés lui
seront certainement plus profitables que des rapports de violence. Mais en étendant cette conception aux États,
cette conception devient plus douteuse.
Kant
va nuancer en
parlant d’une tendance des États à s’engager dans un processus dont l’objectif
est celui d’un État de droit. Dans cet État les individus auraient des liens d’égalité
et la loi naturelle de Cicéron pourrait s’y épanouir. C’est la loi
universelle. Kant démontre donc que le
désordre issu de la guerre doit nécessairement amener par la suite à la paix,
que la violence produit in fine un bien. Le principe de l’anarchie repris
par les réalistes peut être dépassé selon Kant. Mais fondamentalement, l’État
gendarme à l’échelle du monde est avant tout et en premier lieu présente dans
un objectif. Dans un contexte anarchique,
où les États sont complètement libres et luttent en eux, c’est la détresse qui
va les pousser, après avoir pris conscience de cette détresse, à instituer une
société dotée de règles. Pour Kant, le pire produit les meilleurs effets, ce
sont les fruits de l’insociabilité. Mais les États ne peuvent passer par la
raison, seule la mort et la détresse leur ouvrent les yeux. Ce processus peut
être très long et certains peuples ne comprennent pas forcément au premier
naufrage les fruits à tirer de la détresse qui est la leur.
On ne peut pas dire
que le libéralisme et l’idée de l’universel naissent avec la modernité, cela
remonte à plus longtemps avec les Empires (Alexandre puis les Romains) et les écrits de Zénon et de Cicéron. Cette idée
de cosmopolisme est reprise dans le contexte moderne essentiellement par Kant fin XVIII° siècle. Cela en fait le résultat, le
terme d’une histoire caractérisée par la guerre et qui mène à l’insociable
sociabilité. De nouveau, le mal s’avère parfois fécond. Faire des relations
internationales c’est comprendre que l’anarchie peut amener une forme d’ordre
et de régulation particulière.
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