dimanche 16 décembre 2012

Amérique du Sud 13 - 12 (cours 11)


 Le logo de l'AUC



VII.                   Les groupes paramilitaires

Les groupes paramilitaires ne sont plus censés exister depuis la loi Justice et Paix. La contradiction principale chez ces groupes est qu’ils sont hors la loi et combattus par les forces de l’ordre alors qu’ils revendiquent défendre l’État de droit, en luttant contre les guérillas.
Ce ne sont pas des paramilitaires au sens classique du terme. Dans l’Amérique du Sud, ce sont des créations de l’État, comme Chavez qui a créé des parapoliciers armés par sa main. En Colombie, il y a certes eu des alliances provisoires et spatialement définies entre l’État et les paramilitaires, mais jamais cela ne fut une véritable politique de coopération. Dans les années 2000, une série de démobilisations de paramilitaires eurent lieu, liées à l’arrestation des chefs des groupes, mais laissant des dizaines de milliers d’individus armés mais sans patrons pour les diriger, du coup, ils se sont réorganisés en d’autres groupes militaires. Carlos Castaño a publié en 2002, Mi confesion, un ouvrage bibliographique. Ce grand chef de l’AUC, un groupe paramilitaire, tend à annoncer sa future disparition. Effectivement il a disparu par la suite. Pour certains de ses amis, il a été assassiné, mais selon son ouvrage, on peut croire qu’il a disparu de lui-même. En effet, il a aidé la CIA dans sa lutte contre les paramilitaires et a peut être été exfiltré.
Du fait de leur fragmentation et de leur faiblesse, les paramilitaires ont décidé au nom de la patrie d’agir contre les guérillas. De plus, l’État était aussi trop faible pour combattre ces groupes armés illégaux souhaitant défendre la patrie. Castaño voulait défendre l’État en marge de la loi mais aura un problème lié au grand souci des AUC. Réuni en 1994, Castaño a rassemblé les paramilitaires dans un ensemble qu’il nommera Autodéfense de Colombie (l’AUC). Leur stratégie est d’abord subjective, puis préventive et donc offensive. La pénétration de l’agent de la drogue dans les groupes paramilitaires est une de ses grosses angoisses, dans les années 1990, cela se fera réellement. Les paramilitaires ont beaucoup d’origines dont une avec le MAS, un groupe ultraviolent qui se décompose parce que la guérilla M19 avait eu la maladresse tactique de prendre en otage un membre de la famille d’un gros narcotrafiquant. Des groupes du MAS ont terrorisé la population pour se venger du M19. Une fois leur vengeance réussie, ile ont eu des métastases comme avec les Escadrons de la mort. Ils auront même des ramifications jusque dans les membres politiques.
Leur impact en politique va se voir avec leur infiltration entre 1994 et 1998 lors de la présidence d’Ernesto Samper qui a financé une partie de sa campagne électorale avec les fonds de narcotrafiquants. Les paramilitaires continuent de pénétrer les structures de l’État. Un clientélisme de guerre se met en place pour posséder des contacts dans l’ensemble du système politique. A partir du noyau des AUC, un véritable réseau se développe.

Or de cette origine liée à une réponse contre les guérillas et à une défense de l’État, on a une seconde origine aux paramilitaires liée au développement des gardes des éleveurs de bétail pour éviter que la guérilla ne leur extorque de l’argent, du bétail, … Ces groupes vont finir pour certains par s’émanciper des propriétaires qui les ont payé.

Les Convivir, groupes constitués par les citoyens eux-mêmes sont des groupes de paysans ou de citadins qui se réunissent pour faire baisser l’insécurité dans leurs quartiers et leurs villages pour surveiller leurs espaces. Mais ces Convivirs ne sont pas des origines de paramilitaires puisqu’ils ne sont pas entraînés comme les gardiens de troupeaux ou autres … Ces Convivirs ne sont donc que des milices locales très mal entrainées. Un journaliste colombien virulent, Contreras, a rédigé la Biographie non-autorisée du Président Uribe, dans laquelle on vit le nom d’Uribe lié avec les paramilitaires mais les documents sont souvent douteux ou incomplets et l’ouvrage est à prendre avec des pincettes et une grande dose de méfiance. Uribe a en effet engagé des négociations avec les paramilitaires qui ont abouti à la loi Justice et Paix, ce qui a permis dans la seconde moitié des années 2000 à la démobilisation de 30 000 paramilitaires. Cette démobilisation fut suivie d’une réinsertion qui échoua en premier lieu avec des réinsertions de paramilitaires dans leur région où ils avaient sévis. Ils doivent en échange dire la vérité sur toutes leurs exactions, ne feront pas plus de 9 ans de prison et sont potentiellement éligible ensuite. Trompé par l’équipe d’Uribe, le Président avait extradé des dizaines de chefs de groupes narcotrafiquants vers les USA suite à un accord entre les deux pays. L’extradition devait cacher pour la population les liens entre Uribe et les chefs de groupes. Nombre d’etre eux ne voulaient pas être extradés.
Les paramilitaires sont des militaires ayant des liens avec les forces publiques, des liens d’entrisme dans l’État avec au final la démobilisation d’une partie d’entre eux Aujourd’hui les partis qui ont fréquenté les paramilitaires sont souvent mis en cause.
La démobilisation massive de ces paramilitaires a pour conséquence, une hausse phénoménale des procès pour régler les questions de terres, de crime, … En conséquence, on a immédiatement une hausse du nombre de juges et d’avocats, certes parfois partiellement formé, mais dans un contexte de vide total de lois et de justice, cela ne peut être qu’un net progrès.



 L'Amérique du Sud, coincée entre deux puissances



Le Brésil et les USA en Amérique du Sud


Il y a une nette influence de ces deux pays sur le Venezuela et la Colombie. Lors de la première rencontre entre le Venezuela et la Colombie, c’est le Brésil qui préside l’évènement. Certains commentateurs parlent alors de la fin de la relation particulière entre Chavez et Lula, mais y a-t-il jamais eu une relation entre ces deux pays ? La gauche de Lula et celle de Chavez n’ont jamais eu de vrais points communs. Moises Naim avait opposé assez nettement l’axe de Lula et celui de Chavez. Il y a surtout une question de pragmatisme diplomatique entre les deux, avec une tradition de réalisme, de défense des intérêts du pays avant toute autre chose même lorsqu’il peut exister un lien idéologique entre le parti des Travailleurs de Lula et le PSUV de Chavez. Le Brésil vient encadrer l’action extérieure et se déploie souvent de manière discrète. Une diplomatie très ouverte et efficace est contrebalancée par une destruction minutieuse des projets de Chavez quand le Brésil pouvait discrètement intervenir. Fin septembre 2009, quand il rencontre Uribe, Lula voit son ministre des affaires étrangères déclarer que le Brésil ne se sent menacé par aucun pays au monde encore moins les USA, ce qui revenait à dire que Chavez pouvait se la boucler.

La diplomatie du Brésil, l’Itamarty, est l’œuvre de Rio Branco. Créée début XX° siècle, Rio Branco est un conservateur et fonde dans cette institution une forme de mépris pour ses voisins frontaliers. En effet, il souligne que ne l’intéresse en aucun cas les rivalités stériles entre pays sud-américains. Le but est surtout de cultiver des relations de cordiale sympathie avec le reste du monde. Il formera ensuite l’institut Rio Branco, équivalent de notre ENA pour diplomates. La formation est de très haute qualité par ses examens et ses sujets de recherches. La méritocratie est assez importante dans ce pays et une forme d’homogénéité sociale domine chez les diplomates brésiliens. Mais leur tempérance et leur calme permet ainsi de conserver des relations avec tous les pays y compris en temps de crise. Rouquié, un spécialiste de l’Amérique Latine parle du rêve de Rio Branco, de voir le Brésil reconnu comme hégémonique en Amérique du Sud, mais aussi doté d’un rôle stabilisateur dans un registre pacifique. Les outils privilégiés par Rio Branco sont toujours le respect du droit international et de la négociation multilatérale. L’un de ses anciens ministres des relations extérieures, Celso Lafer, parle de la modération constructive de la diplomatie brésilienne. Un respect des USA vis-à-vis de la diplomatie brésilienne permet même en période conflictuel de maintenir des relations.
La diplomatie douce du Brésil devient forte avec une actuelle course à l’armement sud-américaine à laquelle le Brésil est parti prenant. Cela est contrebalancé par l’Union des Nations Sud-Américaines (UNASUR), une organisation qui ne réunit que l’Amérique du Sud au sens strict. Son but est clairement d’accélérer l’intégration régionale en Amérique du Sud. On peut d’ailleurs constater que certains propos de diplomates brésiliens qualifient l’Amérique du Sud de leur « île ». C’est pour le Brésil leur puissance qui va lors de leurs déclarations fonder l’influence du pays sur la diversité politique et la maîtrise des ressources naturelles de cette région. La recherche d’identité sud-américaine passerait par un certain nombre de valeurs propres à la diplomatie brésilienne : égalité souveraine de tous les États, souveraineté des nations, droit à l’autodétermination des peuples, ... C’est aussi par l’extraction et l’exploitation des ressources naturelles que ce développement doit passer. Lula ajoute la notion sécuritaire avec la défense de la sécurité par des moyens pacifiques pour régler les conflits entre pays membres. En répliquant avec la création de l’ALBA en 2009 pour contrecarrer l’UNASUR de Lula, Chavez se positionne contre le Brésil. Lula réplique diplomatiquement violemment puisque Chavez va à l’encontre des intérêts brésiliens.
Mais il y a des ralentissements dans cette intégration. Tout d’abord, fin 2008, alors que tout reposait sur des matières premières, l’UNASUR est déstabilisée par sa dépendance à l’égard des matières premières (pétrole au Venezuela, cuivre au Chili, …). Cela se double par un phénomène de vaste corruption en particulier au Venezuela, un des 10 pays les plus corrompus du monde. Troisième facteur de ralentissement, la pauvreté elle-même liée au fait que les pays sud-américains sont très dépendants de leurs exportations à des matières premières. Ultime facteur de ralentissement, la tentation populiste dont le parangon serait à Caracas.

Lorsqu’il arrive au pouvoir en 2003, le Parti des Travailleurs de Lula va immédiatement révéler sa modération pour dissiper les inquiétudes de Washington pour pouvoir maintenir la diplomatie douce propre à Brasilia. Le succès sera si efficace que les relations entre Brasilia et Washington s’accoiseront. Les deux puissances vont alors chercher à identifier clairement leurs intérêts communs. Comme si l’Amérique du Sud déléguait sa puissance au Brésil pour traiter avec le reste du monde. Grâce à cela, le Brésil ne cède jamais sur ces intérêts sans négocier. Brasilia va alors toujours privilégier la multipolarité à l’exception de son île où se voulant hégémonique, elle favorise le multilatéralisme. Pour le Brésil, la création de l’UNASUR doit devenir la plateforme de projection de la puissance brésilienne vers le reste du monde. C’est là qu’on trouve une base de la politique mondiale du Brésil qui repose avec les rapports plus forts avec l’Afrique subsaharienne. Washington soutient la position de puissance du Brésil. Le Venezuela va provoquer des crises dans lesquelles le Brésil agit de manière systématique.
Il y a cependant des limites en particulier, des limites géographiques. La puissance du Brésil s’appuie sur l’Amérique du Sud mais pas sur l’Amérique Centrale. Du coup, on a une incapacité diplomatique brésilienne dans l’Amérique Centrale, surnommée l’arrière-cour de la politique américaine. L’influence des USA est trop importante dans cette région du monde, même si les USA ne sont pas omnipotents. Toujours est-il que le Brésil butte sur cette région du monde. Le coup d’État contre le président Zelaya dans le Honduras en juin 2009, fait suite à l’élection du parti centre droit. L’année suivante une guérilla proclame le Honduras chaviste. Le double jeu de Caracas est révélé puisque Chavez dans ses propos demande aux USA d’intervenir, ce qu’Obama refusera préférant agir plus subtilement. L’évènement est condamné par toue l’Amérique, mais personne n’agit puisque Zelaya entrait dans la sphère d’influence de Chavez, alors que cette influence se réduisait. Trois ans après, on constate que le coup d’État à ralenti l’effondrement du Honduras, d’où l’inaction générale après la condamnation générale. Le Brésil est alors en situation difficile puisque Zelaya pensait que Brasilia était un allié de Caracas, se réfugiant donc dans l’ambassade du Brésil. En conséquence, le Brésil a très difficilement agit lors de cet évènement révélant l’incapacité d’influence du Brésil dans l’Amérique Centrale.
En revanche, sur la stabilisation sud-américaine, la rencontre entre Lula et Uribe permet au Président brésilien de remettre la plus haute distinction brésilienne, la Croix du Sud, qui encourage Uribe a assurer de bonnes relations avec le Brésil. Chavez ne l’a évidemment jamais reçu. Au moment où Uribe est en train de rénover son accord avec les USA, Lula remercie Uribe, révélant par là, la recherche de stabilité en Amérique du Sud.

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