samedi 1 décembre 2012

Amérique du Sud 30 - 11 (cours 5)

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Starring B. Obama et H. Chavez




V.                   L’idéologie chaviste

L’idéologie chaviste se réfère à Bolivar puisqu’il s’agit officiellement du bolivarianisme, doctrine revendiquée par Chavez en lieu et place du bolivarisme. Un historien a même parlé du bolivarisme comme un « Bolivar de pacotille ». L’idéologie va en fait phagocyter le régime politique dans ce cas précis. Les règles de fonctionnement du pouvoir sont déterminées par la personnalité du Président. La gana du Président est donc importante dans ce contexte. La difficulté de trouver un successeur à Chavez s’est vue lors de la campagne de 2011. Juste avant le lancement de la campagne, le cancer de Chavez fut annoncé et un successeur lui fut cherché par Caracas. L’influence de Cuba est alors très importante puisque les potentiels successeurs sont le vice Président du pays et le Président de l’Assemblée, deux castristes en plus d’être chavistes. A cela s’est ajoutée l’intervention de proches de Chavez, dont son frère qui sans respecter la constitution a décidé de prendre sa succession en attendant le retour de Chavez lors de son opération à Cuba. Celui-ci fut violemment remis à sa place par Chavez à son retour. Le slogan de Chavez est « La patrie, le socialisme ou la mort ».
Ernesto Laclau qui a écrit La raison populiste, développe qu’il n’y a pas d’idéologie populiste au Venezuela. Le populisme n’est qu’un discours qui remplit un signifiant vide : le peuple. La raison populiste doit en fait meubler ce signifiant vide par un discours qui permet au leader de s’identifier au peuple en lui donnant corps. De plus, cet ameublement du signifiant vide est dans le discours populiste caractérisé par un système de relation « ami ou ennemi ». Du coup, la raison populiste est la raison politique par excellence d’autant plus qu’elle se fonde sur la souveraineté populaire qu’elle réalise pleinement. Laclau est un des premiers à vouloir accoler un signe positif au terme populiste et à ce qui s’y rapporte (notamment la mise en valeur du terme de « peuple »). Cet ouvrage sans jamais le dire est une complète défense de Chavez. La définition du peuple de Laclau est biaisée puisque le peuple social a déjà un discours, un avis et une opinion avant l’arrivée du leader. Un certain nombre de prémisses de Laclau révèle que le populisme n’est jamais qu’un discours et qui empêche parfois de voir les effets pratiques de la politique. Le discours ne fait pas tout, il a des effets pratiques directs ou indirects. Sur le plan théorique et pratique,  ce qui permet de limiter les abus du pouvoir se sont les institutions représentatives qui sont des institutions aux actions indirectes. Laclau fit aussi des discours en faveur de Chavez.

Il y a une idéologie du chavisme dans le sens où il y a une pensée (même simpliste) d’un monde binaire fondé sur les actions politiques. D’un coté on trouve l’Ami (peuple et alliés de Chavez dans son organisation l’ALBA) et le reste, qui sera ami en fonction des circonstances, en particulier ceux qui sont adversaires des USA. Cette idéologie est définie par le bolivarianisme, selon le sociologue Vallenilla Lanz, parle en 1919 d’un césarisme démocratique, sous le mandat de Vincente Gomez, le plus grand tyran vénézuélien. Ce césarisme démocratique défend la théorie de la tyrannie en même temps qu’il y a une description des indépendances des pays hispaniques analysée comme des guerres civiles. Vallenilla développe l’idée du « gendarme nécessaire », un caudillo fort qui a fait régner l’ordre dans les pays indépendant, par la loi bolivienne. Cette loi insiste sur l’enracinement dans le nature même du pays considéré, l’auteur s’oppose radicalement à l’idée d’un constitutionalisme comme cela fut pensé en Europe au XVIII° siècle. Il n’est pas question pour les hispaniques du XVIII° siècle de reprendre les idées européennes d’une séparation des pouvoirs, d’un État de droits, ... C’est au tyran de donner la constitution effective à ces pays. Le rejet de la division des pouvoirs est fait dans les pays d’Amérique du Sud, c’est un fardeau. Est aussi rejeté le constitutionalisme classique pour un constitutionalisme populaire qui est représenté par le Président (Président qui représente le peuple). Au moment où Vallenilla publie son ouvrage en 1919, un auteur libéral fondateur du journal colombien El tiempo, Eduardo Santos a une polémique avec Vallenilla. Santos conteste la défense du tyran jusqu’à pousser Vallenilla à avouer son soutien politique au tyran Gomez, qui assure une bonne politique et permet de guider un peuple qui est d’une ignorance crasse.
Chavez prépare son élection dans les années 1990 en reprenant des personnages politiques dans la lignée de Bolivar : Simon Rodriguez (maître de Bolivar) et Zamora (figure du peuple souverain et du caudillo armé). Le chavisme développe alors un mépris réel pour la démocratie représentative à la fois dans ses discours mais aussi dans ses positions. Ainsi dans l’idéologie chaviste il y a une grande part de réécriture et d’effacement de l’Histoire : depuis la mort de Bolivar et l’accès au pouvoir de Chavez, il a y un vide historique et une grande obscurité. En particulier il va effacer la figure de Romulo Betancourt, incarnation et symbole d’une démocratie réelle instaurée en 1958.

Les textes de Chavez sont traversés par ses idéologies et doivent donner place à l’action avec un présentisme et un immédiatisme propres à Chavez. En rejetant le constitutionalisme classique avec la séparation des pouvoirs et l’État de droit, on rejette les institutions intermédiaires. Or dans son discours, l’idéologie chaviste est une idéologie de la palabra, de la parole qui doit donner lieu immédiatement à l’action. De plus, avec son constitutionalisme populaire dont se réclame Chavez, il n’y a plus aucun contrôle des productions de l’exécutif (lois, décrets, …). On efface le passé historique en renommant le parc Betancourt, …

Est aussi révélateur de l’idéologie chaviste le fait qu’en signant la charte démocratique américaine, le représentant vénézuélien va émettre des contestations en soulignant que dans son pays ils vont plus loin que ça avec une démocratie participative. La démocratie représentative serait plus fragile car elle fut créée sous la Guerre Froide pour déstabiliser les régimes de démocratie populaire. Le premier propos est mensonger ou ignorant puisque la création de cette démocratie représentative date du XIX° siècle au plus tard. De plus, il fait un parallèle textuel en opposant démocratie représentative à la démocratie populaire et à la démocratie participative. Du coup, il tend à associer démocratie participative et démocratie populaire. La démocratie participative doit être distinguée du principe de participation. La démocratie participative est comprise par les chavistes comme un régime politique distinct du principe de participation. Cette démocratie participative consiste à supprimer les intermédiations, à stimuler l’activisme citoyen, à appeler et à contraindre les citoyens à la politisation. Sartori dans son ouvrage Qu’est ce que la démocratie ?, fait à moment donné une critique de la démocratie participative ou participationniste. Née dans les années 1960, cette figure politique nous renvoie à la démocratie athénienne où le citoyen consacrait toute sa vie à la politique et y était obligé. Sartori met en évidence le caractère insupportable de cette participation permanente, qui aujourd’hui idéologiserait complètement les citoyens sous un joug. C’est un élément qui tend au totalitarisme puisqu’il y a une inclusion forcée de toute la population dans un système où ils doivent défendre coute que coute l’idéologie.

Comme référence et outil, Chavez utilise l’armée tant dans l’idéologie que dans la pratique. Cette armée est censée porter les espérances du peuple. L’armée vénézuélienne ne fut organisée qu’au début du XX° siècle sous la tyrannie de Gomez. Cette  se fait à tel point que le premier conseiller de Chavez, Ceresole, un « rouge brun » (communiste et aussi nazi) qui fut renvoyé par Chavez en 2001 lorsqu’il s’avéra trop nazi, fit développer certains points vis-à-vis de la politique ???. Enrique Krauze, un historien chaviste décrit Ceresole comme un individu membre de plusieurs organisations extrémistes voire terroriste. En 2000, Ceresol rédige Caudillo, armée, peuple. Le Venezuela sous Hugo Chavez, avec l’accord du pouvoir à cette époque.
L’armée est l’outil du héros caudillo tout en étant censée être au service du peuple. Comme Chavez incarne puis devient le peuple lui-même, l’armée en agissant pour Chavez, agit pour le peuple. Cette trinité caudillo, armée et peuple fait que pour certains historiens on peut considérer qu’il s’agit d’un populisme autoritaire ou un bolivrianisme militariste, … Un second conseiller de Chavez, un Allemand nommé Dieterich, parle en 2005 du « socialisme du XXI° siècle », ce que Chavez reprendra tel quel. Pour Dieterich, le socialisme de Marx a connu de gros problèmes au XX° siècle et il faut aller plus loin que l’URSS en combattant le capital. L’objectif est d’aller vers une civilisation plus humaine. Dieterich fait une généalogie du socialisme du XXI° siècle telle que Chavez l’incarne. Il remonte le socialisme depuis le socialisme chrétien (inspiré de Platon et de Jésus qui a démocratisé l’économie) pour arriver à Bolivar (qui libère les peuples du continent américain), évoque ensuite Napoléon incarnation de l’esprit mondial (mais dont Chavez dépasse la grandeur puisque ce dernier n’est pas d’origine bourgeoise comme Napoléon), … Il y a un changement d’acteur central puisque Bolivar était auparavant l’inspirateur de Chavez, mais avec le temps, Chavez a dépassé Bolivar qui n’était en fait qu’un précurseur. Bien évidemment Chavez mélange un corps de doctrines qui a pour mot-clé la Révolution permanente. Le changement de terminologie des chavistes est aussi significatif, Bolivar a effectué la libération des peuples, mais c’est à Chavez que revient l’acte final que Bolivar n’a pas produit, celui d’émanciper les peuples. Chavez est l’émancipateur.
Un intellectuel chaviste, Juan Barreto, maire de Caracas récemment destitué de son poste après des élections, s’avère s’être enrichi de manière astronomique. Il défend bien évidemment le chavisme en soulignant ce qui fait le cœur de la révolution chaviste. Il évoque à moment donné une subjectivité commune, sous-entendu, il n’y a qu’un peuple incarné dans la subjectivité du caudillo Chavez, dans un constitutionalisme qui ne dépend que de la volonté de Chavez.

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