vendredi 7 décembre 2012

Amérique du Sud 06 - 12 (cours 8)

Vous reprendrez bien un peu de narcotrafic ?




La limitation est donc réelle en Colombie et le pouvoir reste autant fragmenté que contesté. En 2002, pour la première fois depuis la constitution de 1991, est élu un homme qui n’est pas de la capitale Bogota. La réaction des élites en dit long sur la fragmentation politico-géographique. Les élites sont très surprises de ce provincial à la présidence. Uribe prend alors comme vice-président un représentant de l’élite bogotienne pour éviter toute contestation déstabilisante. De cette manière, on voit un relatif renforcement du pouvoir du président. La présidence a donc tout au long du XX° siècle connue une évolution qui renforce sa position dans les institutions politiques. Mais en même temps, tandis qu’Uribe va renforcer son propre pouvoir en termes de pouvoirs absolus tandis que les pouvoirs institutionnels seront bloqués par la Cour Institutionnelle. La présidence s’affirme mais reste donc limitée y compris sous Uribe.

Les forces locales viennent aussi contrebalancer le pouvoir présidentiel, de même que les cours suprêmes et la société civile en particulier l’Eglise.
Le pouvoir local trouve ses fondements dans le municipe, équivalent de nos municipalités en légèrement plus vaste. Au dessus des municipes sont les départements puis enfin la nation. Les pouvoirs locaux sont importants dans un cadre de fragmentation territoriale. Ils sont en effet, peu contrôlés, ont à plusieurs occasions renforcé leur emprise notamment lors de la Constitution de 1991 qui accentue le pouvoir des maires. Au XIX° siècle, le fédéralisme important a contribué à la faible emprise du pouvoir central sur les municipes. Cette indépendance des municipes était contrebalancée par le fait que l’État nommait lui-même les maires et les gouverneurs. Mais ces maires et gouverneurs ne pouvaient être choisis parmi des individus qui n’étaient pas connus du public local, car dans ce cas, la population les rejetait. Du coup, le pouvoir central a cessé de se leurrer dans son rôle d’emprise et a autorisé une élection au suffrage universel direct des maires et des gouverneurs. De plus, on a des relations de type personnel qui prennent place dés cette époque. Ces structures de dépendances personnelles forment une sorte de pyramide très serrée qui relie l’ensemble des acteurs. Le pouvoir central ne peut donc s’immiscer facilement dans cette structure.
Le Congrès bicaméral (Sénat et Chambre des Représentants) contribue à garantir le principe de la division du pouvoir. A quelques exceptions près, son existence est aussi longue que la République colombienne (si on excepte la dictablanda de Pinilla). En 1991, César Gaviria révoque le Congrès mais pour mettre en place un processus constituant qui est bien encadré constitutionnellement, mais en plaçant un nouveau Congrès sous le cadre de la nouvelle Constitution de 1991. Donc les épisodes de réelle influence de l’exécutif sur le législatif sont rares. Le Président a même souvent du démissionner face à une trop forte opposition dans l’organe parlementaire. Ainsi Uribe, fin 2009, lorsque ses partisans tentent une nouvelle réforme constitutionnelle pour réélire le Président une 3° fois, le ministre de l’intérieur se rend au Congrès, ce qui est perçu comme une intrusion de l’exécutif dans le législatif. Sa présence obligatoire met bien en évidence la faiblesse de l’exécutif face au législatif. En revanche, la crise du système bipartisan a permis de renforcer le statut présidentiel. Uribe a contribué à cette crise dans la mesure où il a lui-même affirmé son autorité, fin des années 1980 en sortant du parti libéral et créant une branche dissidente et en privilégiant la dispersion du système bipartisan au point de déstructurer ce système dans les années 1980. Cela a contribué à l’affirmation du pouvoir du président. Or cette affirmation de l’autorité du président repose aussi sur les dérives du Pôle Démocratique (parti de gauche le plus important) et celui du Parti Communiste : départ du guerillero Petro du Pôle Démocratique qui voulait une position claire de refus de compromission avec les FARC, … Tout cela favorise un multipartisme plus fort.
Cette fragmentation est aussi favorisée par le système judiciaire qui effectue des contrôles sur l’activité gouvernementale. A partir de 1991, la Cour Constitutionnelle prend une place particulière. Ainsi, les Colombiens accèdent au contrôle de constitutionnalité seulement en 18?? Soit bien après les USA, premier pays à fixer ce contrôle de constitutionnalité. En France cela est mis en place dans la Constitution de 1958 mais ne s’est appliquée qu’assez tard. Ce système en Colombie permet ainsi de limiter les pouvoirs de l’exécutif.
La société civile possède elle aussi un certain nombre de possibilités d’action si on la considère comme « l’ensemble des organisations volontaires de citoyens, autonomes, différents de l’État et dont la conduite obéit à des critères de civilité ». Cette société civile est apparue clairement il y a deux ou trois décennies lors de la mobilisation pour les élections. La société civile, en particulier les associations, sont créées spontanément. Au XIX° siècle, ces sociétés pullulent notamment les associations patriotiques que Santander finira par juger utiles et avantageuses puisqu’elles stimulent la liberté de la presse, la création de l’école, … Cela pousse a des avancées sociales. Et puis on a l’Eglise, un acteur particulier qui dés la post guerre d’indépendance produit un message clair de limitation du pouvoir temporel. L’Eglise ne cesse de répéter que la souveraineté ne réside pas dans le pouvoir du Congrès ou dans l’exécutif, mais dans la nation. Elle a contribuée à la mobilisation régulière des électeurs en répétant à plusieurs reprises que les citoyens avaient une mission à remplir, celle de juger en dernière instance la politique et la législation du pays. Cet acteur sera constitutionnalisé en 1886, ce qui va rendre les relations entre l’exécutif et l’Eglise ambigües mais qui n’empêche pas l’Eglise de se placer comme contrepouvoir notamment sous la dictablanda. Mais l’Eglise est loin d’être un corps homogène ne serait-ce que par la multiplicité des niveaux hiérarchiques. De plus les Jésuites ont développé la théologie de la libération, théorie mélangeant des conceptions religieuses et du marxisme poussant des curés à quitter l’Eglise, poussant l’institution a intégré des marxistes et qui a fini par faire exploser l’Eglise révélant la diversité des opinions qui la traversait. La forte présence des représentants de l’Eglise sur tout le territoire, représentants qui connaissent leur public, on la considère comme le premier service de renseignement pour l’État.


III.                   L’antipathie pour les dictatures

Cette antipathie pour la dictature est clairement visible par l’absence d’une dictature nette, de mouvements populistes, de régimes militaires, … dans l’histoire de la Colombie. Le seul véritable populiste potentiellement dictateur, Gaitán, sera assassiné en 1948. La différence est de taille avec des pays comme le Paraguay, pays soumis à plusieurs autocrates, à des pays comme le Mexique ou le Chili, pays soumis à une dictature forte, … La Colombie se démarque en cela des régimes latino-américains. Plusieurs intellectuels considèrent cela comme une vertu. Dans son ouvrage Les idoles du forumFrancis Bacon critique fortement les hommes providentiels avec la tendance de certains de leurs contemporains à attribuer à ces caudillos, le mérite de l’ouvrage collectif. Il défend le respect de la loi, le concept de dignité nationale et le culte sérieux de la liberté. On a là, une position opposée à Vallenilla Lanz qui parlait d’un gendarme nécessaire pour appliquer la loi. Santos, dix ans plus tard, soutiendra la position civiliste de Torres. Ce débat n’évoluera que dans les années 1970 dans la mesure où les Colombiens seront d’autant plus marqués par le marxisme que les Vénézuéliens abandonnent ce système de pensée, critiquant la démocratie formelle.
Le civilisme des Colombiens va empêcher l’instauration d’un populisme, non pas juste avec l’assassinat de Gaitán mais parce que le populisme, notamment en Amérique Latine, s’achève toujours sur une dictature. Ce sont ces dictateurs qui détruisent les intermédiations entre le pouvoir et le peuple. Or cette destruction commence par le démantèlement de l’État de droit qui est le centre de la vie politique des Colombiens. D’où l’assassinat de Gaitán, d’où le fait que les tentatives timides de populisme d’Uribe étaient freinées par les institutions, … L’absence relative da la tradition caudilliste joue donc dans ce pays.

Cette trajectoire témoigne aussi de l’importance du vote populaire et du constitutionnalisme libéral. Mais en dépit de son civilisme et de son attention au droit, la Colombie a connu de nombreux conflits internes et armés.


IV.                Le système politique actuel de la Colombie

Le Président Gaviria propose une nouvelle Constitution en 1991, où les guérillas peuvent participer à la Constituante. Ainsi Quintin Lame se démobilise de sa guérilla, dans laquelle on trouvait quelques indigènes mais surtout des gens se revendiquant des indigènes. Mais on a eu d’autres mouvements de guérillas : le M19, l’ELN, l’EPL et surtout les FARC. Dans la Constitution de 1991, on a aussi des droits accordés aux trois représentants des Indigènes. C’est d’autant plus surprenant que c’est surtout une constitution libérale. Une entaille majeure est faite avec ces trois groupes, particularité de la Constitution colombienne. Malgré la réussite partielle de Gaviria, le contexte politique est particulièrement tendu puisque les années 1990 qui ont vu croitre en puissance des groupes armés illégaux devenant plus puissants que l’État lui-même. Le narcotrafic est une des raisons de cela. Apparu en 1980, il prend son essor sous Pablo Escobar, qui est aussi le second d’un sénateur alors même que tout le monde connaît ses activités. Il y a un style narco qui en a résulté, avec un goût pour l’architecture qui en jette, une recherche d’argent facile, … Cela s’est diffusé dans le milieu politique puisqu’il est probable que 80% des hommes politiques ont été à moment donné mêlés au narcotrafic. Les années 1990 voient pourtant une réduction des narcotrafiquants avec la mort d’Escobar. Mais cette mort révèle la faiblesse de la police qui s’est alliée aux adversaires d’Escobar les frères Rodriguez (Medellin et Cali) pour l’éliminer. Au cours de ces années, on a plus de grand chef, mais les bandes se fragmentent et se multiplient. De plus, profitant de cette fragmentation, les groupes criminels se sont emparés de ces petits narcotrafiquants disloqués. Aujourd’hui, ce sont surtout de gros mouvements qui se forment. L’argent des narcotrafiquants a donné une puissance de feu qui dépasse celle de l’État colombien. On en est à tel point que la guérilla a disparu pour une forme de guerre classique en face à face.
Cette déliquescence des forces de l’État ont entrainé le Président Pastrana, à tenter de négocier avec les FARC en 1998. L’État met en balance dans les négociations, la question de l’amnistie qui profite à une réinsertion sociale des groupes armés mais qui s’avère un obstacle à la construction de la mémoire nationale. On est au fait de la puissance criminelle des FARC sous Pastrana, il tente de négocier avec les FARC mais échoue. C’est une défaite pour Pastrana, mais aussi pour Marulanda (surnommé tirofigo) le leader des FARC. Ce dernier a stoppé les négociations mais a provoqué au sein de la guérilla une perte énorme, puisque pendant plus de 3 ans la démilitarisation d’un territoire de plus de 40 000 km².était laissée à la charge des FARC. Les populations ont donc connu un gouvernement FARC qui s’est révélé contraire au discours tenu, notamment par la soumission aux humeurs du chef.
Du coup, on a en mai 2002, l’arrivée d’un outsider en politique, Alvaro Uribe qui prend une prise de position inverse à celle de Pastrana. Uribe a dans sa campagne un axe principal, l’extermination des groupes armés illégaux en particulier des FARC (qui ont tué son père lorsqu’il était jeune). A coté, il envisage aussi de diminuer la corruption, même s’il usera personnellement de mesures clientélistes pour faire baisser la corruption. L’État est donc au bord de l’effondrement et Uribe met en place une politique de contre-insurrection avec l’aide des USA. En dépit des bavures et des erreurs du gouvernement d’Uribe, celui-ci a tiré la Colombie hors des groupes extrémistes et partiellement hors de la corruption.

IV.     Le plan Colombie

Ce plan est proposé par les USA au Président Pastrana, il est accompagné par la suite de la politique uribienne de défense et de sécurité démocratique. Cette politique est un succès et les Colombiens deviennent une référence dans la lutte contre le grand banditisme. On a donc un aspect sécuritaire et militaire de formation de la police et de l’armée colombienne et l’aspect réforme politique qui allie en accord avec la politique d’Uribe un renforcement de institutions de l’État en particulier celle de surveillance et de défense des respects des droits fondamentaux.

Le plan apparait donc sous Pastrana entre un pays superpuissant et un État en déliquescence. La Colombie a tout de même réussit à faire valoir ses points de vue et ses exigences dans les négociations avec les USA. Ces derniers empêtrés dans leur lutte contre la drogue voulaient juste faire valoir leurs intérêts en luttant avec la Colombie contre les narcotrafiquants, source du problème de la drogue. La Colombie fit comprendre qu’on ne pouvait lutter que contre le narcotrafic, qu’il fallait élargir le champ de lutte contre les groupes armés qui soutenait ces narcotrafics. Les Colombiens ont réussi à faire valoir leur point de vue, les USA débloquèrent les fonds pour lutter contre l’ensemble des groupes armés illégaux qui tous trempaient dans le narcotrafic.
L’erreur de Pastrana est de négocier avec un groupe aux marges de la légalité, de le considérer comme un groupe comme un autre. Or les militaires vont souligner que les FARC sont un groupe dont la particularité doit être prise en compte. C’est Uribe qui adoptera cette idée de l’armée. Uribe va appuyer une réforme de l’armée avec les fonds des USA. La formation des militaires colombiens évolue de manière radicale, passant d’une formation douteuse à une formation beaucoup plus pointue. Cette aide américaine va être définie par trois domaines. Le cœur de l’aide concerne l’appui militaire en termes de formation et d’appui logistique. Le second volet concerne le renforcement des institutions publiques, la reconstruction de l’État. Enfin en dernier lieu, cela concerne les pays voisins puisque le narcotrafic et les groupes armés de Colombie entrent dans des sphères de migrations, les USA parlent de l’Initiative Régionale Andine. 65% de l’enveloppe budgétaire de cette initiative est allouée à la Colombie, 7 milliards de dollars y passeront. L’Europe devait aider financièrement la Colombie mais n’a finalement presque rien donné et les USA ont du compenser cette défection.
En conséquence, aujourd’hui plus que jamais, les institutions étatiques colombiennes sont consolidées. Des collaborateurs du Président sont aujourd’hui poursuivis par les institutions du pays, dont trois se démarquent. Le Défenseur du Peuple a en charge de poursuivre les infractions aux règles de ???, la Procurature étudie toutes les réclamations concernant la corruption et la violation des droits fondamentaux et la Tutelle permet à tous les citoyens d’envoyer une réclamation lors d’une violation de n’importe quelle loi dans des affaires.

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