vendredi 7 décembre 2012

Histoire des idées politiques 05 - 12 (cours 10)

Mitterrand où la fin de la pure doctrine socialiste en 1984




Lénine parlait d’une masse inorganique, une foule désorganisée qui ne sait pas ce qu’elle veut et qu’il fallait diriger. Ce n’est pas la conception des Socialistes. Pour ces derniers, il faut convaincre par un discours mais aussi par l’exemple. C’est là la difficulté principale que de montrer l’exemple. De plus, le Socialisme ne va pas convaincre la population. En effet, c’est un moment où, lors des Trente Glorieuses, la consommation donne l’impression qu’on s’enrichit et où on souhaite s’enrichir personnellement. Les Socialistes parlent à cette époque d’une austérité en pleine période de croissance économique où les gens s’affranchissent de certaines contraintes par la consommation (frigidaire, lave-linge, …). Jusqu’aux années 1980, le discours socialiste ne prend pas, d’autant que plus le prolétariat devient petit bourgeois, moins il souhaite faire la Révolution. Les Socialistes vont donc attendre patiemment.
En 1981, les Socialistes savent qu’une partie de la population les hait. Lors des nationalisations, ils se modèrent pour ne pas aller trop loin. Cela s’arrête face au mouvement de 1984, souhaitant sauvegarder « L’école Libre ». Les Socialistes se refusent nettement à forcer un peuple réticent. La Révolution pacifique est la seule possible, mais celle-ci n’a jamais lieu. A partir de là, les Socialistes n’auront plus la volonté de leur idéologie, seulement quelques aspects.



La plupart des idéologies du siècle subissent un paradoxe fort, elles font le contraire de ce qu’elles prônent. Ainsi les Socialistes ont une doctrine à l’état pur et ne l’ont jamais réellement appliquée. On ne peut alors imputer au Socialisme son absence de théorie. Si l’on regarde toute les périodes depuis, on constate qu’il y a toujours un pays dont on espère qu’il réalisera le socialisme. Ce fut un temps la Yougoslavie de Tito qui détachée de l’Union Soviétique semblait faire cette image du Socialisme Libéral. Mais on réalisa vite que les prisons de Tito étaient plus pleines que ses écoles. Est ensuite arrivée la Tchéquoslovaquie qui devait réaliser le Socialisme libéral après la petite Révolution de 1968. L’entrée des chars russes dans Prague fit détourner les regards du monde entier vers de nouveaux pays cristallisant les espoirs (Cuba, pays d’Amérique du Sud, d’Afrique ou d’Asie, …). En même temps, les partis socialistes arrivaient au pouvoir durant cette époque. Ils avaient en charge de « changer la vie », un réel espoir touchait une grande partie de la population. Un des derniers espoirs après le Vietnam et le Cambodge fut la chute du mur de Berlin. Les Socialistes pensaient que les pays qui avaient quitté l’emprise de l’URSS deviendraient socialistes. Ce fut une des dernières lueurs d’espoir des socialistes surtout que ces pays s’empressèrent de supprimer les traces du Socialisme assez rapidement. D’ailleurs cela a profondément touché ces pays avec entre autres une corruption généralisée. Le Socialisme ne semble donc qu’enviable mais pas réalisable. Le Socialisme en passant a accéléré le processus de providence de l’État et l’égalité en général. Les régimes socialistes sont systématiquement des régimes instables. Le Socialisme au pouvoir tombe souvent soit du coté du bolchévisme, soit de celui du libéralisme. La rupture de 1984 avec Mitterrand a d’ailleurs révéler cela puisqu’on ne voulait pas tomber dans le communisme et donc on revint au libéralisme. Sur son histoire longue, concilier économie totalitaire et ??? est impossible car il y a beaucoup de gens qui sont anti-égalitaristes et qu’on ne peut les contraindre à changer. L’économiste allemand Hayek disait d’ailleurs que ???. Il fut remis en cause par la situation chinoise. En nationalisant la pensée, on nationalisait l’industrie, telle était l’idée. Or la Chine a une nationalisation de la pensée forte mais une économie assez libérale. D’une manière générale, les peuples n’ont pas envie d’un système collectif. Collectiviser les profits c’est souvent devoir user de la contrainte … Et cela gêne.
Les Socialistes ont donc multiplié les bémols sur leurs théories. On a là une contradiction interne au Socialisme. Schumpeter disait que seuls des demi-dieux pourraient mener la politique socialiste, la nature humaine n’y est pas prête. Le Socialisme est donc devenu ce que Durkheim avait annoncé, un cri d’indignation, un combat moral mais pas une véritable politique. Quand le Socialisme décide de ne plus combattre le capitalisme, il devient une utopie, un rêve moral qui délaisse sa société parfaite et s’intègre aux autres politiques pour pouvoir moraliser ces tendances. L’économie libérale fonctionne avec des valeurs mais pas uniquement avec celles-ci. Le libéralisme est plus pragmatique et le socialisme plus idéaliste.

Le Socialisme devient alors une sociale démocratie avec une consonance sur l’État providence qui se rattache à l’égalité dans la société et avec une idée morale derrière.



A l'origine, le faisceau est cette arme, portée par les licteurs (sorte de garde du corps) des consuls (chefs d'Etat) romains.
On le retrouve en France, notamment sur le préambule de la Constitution ou les passeports.



Les fascismes


Dans le cours, on distingue nazisme et fascisme, comme on a différencié socialisme et communisme. Souvent on a associé les deux : fascisme et nazisme étaient des démocraties perverses, perverties et corrompues. De plus, les deux systèmes apparaissent dans des régimes libéraux corrompus. Ce sont là deux points de naissance similaires. En dehors de cela, les deux régimes sont tentaculaires, nazisme hitlérien et fascisme mussolinien se sont alliés idéologiquement durant la Seconde Guerre Mondiale. On peut nuancer cela à la manière dont Hitler reniait personnellement Mussolini. Leur proximité fait qu’on associe le nazisme comme une sous-catégorie de fascisme. Le nazisme ne peut pas s’apparenter à autre chose de par la politique d’anéantissement qui est sa raison d’être.

Parler de fascisme, c’est souvent commencer par se référer à l’Italie. On pense au fascisme italien mené par Mussolini qui souhaitait instaurer un régime totalitaire selon ses propres mots. Or il n’a jamais fait de réel totalitarisme, contrairement à Hitler ou Staline. Peut être dans un dernier temps avec les lois fascistissimes. Chez Mussolini, on avait une logique de césarisme. Les régimes italiens ne se sont jamais guéris de la nostalgie de l’image de César. Le fascisme de Mussolini véhicule le racisme et l’antisémitisme comme dans l’Europe toute entière sauf en Allemagne où cela est décuplé. Le seul pays qui ait un jour été aussi antisémite qu’Hitler est la Roumanie.

Au départ, le faisceau est un mot latin référant à un ensemble de hampes de drapeaux, symbole de puissance politique. Mussolini avait créé son mouvement en 1919 et avait pris le pouvoir en Italie grâce à lui. Le mot fascisme a ensuite commencé a désigné tous les mouvements de style dictatorial. D’où le fait que fascisme a englobé le nazisme par la suite. Ce mot a décuplé les haines, son sens fut exagéré si bien qu’après guerre, le mot devient une injure pour tout dictateur. Le fascisme nait en 1919 autour d’un groupe de mouvements et de régimes très nombreux et proches de lui. C’est pour ça que lorsqu’on parle de fascisme, on évoque souvent des nébuleuses. Le courant de pensée dominant provoque un malaise économique, un malaise démocratique (puisque les démocraties sont souvent corrompues), un malaise religieux et moral, … Face à tous les malaises nés du libéralisme, on voit apparaître partout en Europe une volonté d’obtenir une « bonne dictature ». A cette époque, on croyait encore en l’héroïsme, on voulait un homme fort face aux excès du libéralisme politique (exode rurale, destruction des liens familiaux, individualisme croissant, …). Ce courant est donc multiforme tant sur ses fondements que sur ses thèmes essentiels. Les origines de ce fascisme se retrouvent dans le bonapartisme, le boulangisme, l’anarchisme de Sorel, les idées de Barrès, le corporatisme de la Tour du Pin, les conceptions de Charles Maurras, le futurisme, la jacobinisme, le populisme, l’élitisme, des croyances chrétiennes et d’autres païennes, … Le mélange est tout à fait détonnant.
Le fascisme mussolinien a donné son nom au fascisme mais n’est pas forcément caractéristique de celui-ci. Pour mieux s’en rendre compte, on va comparer le fascisme de Mussolini et celui de Salazar. Ce sont les fascismes, plus que le fascisme. Dans les deux exemples pris, ce sont surtout des fascismes corporatifs.

Le fascisme italien se caractérise par son étatisme et son paganisme. C’est aussi l’époque des appels aux héros comme l’a souligné Thomas Carlyle dans Le Héros. Les fascismes sont des mouvements moraux. Primo de Rivera en Espagne, Salazar au Portugal, les généraux Pangalos et Nataxas en Grèce, le mouvement ordre et tradition en Suisse (qui ne prend pas le pouvoir), le gouvernement de Dollfuss en Autriche, le gouvernement Hlinka puis Tiso en Tchéquoslovaquie, en Roumanie, la légion de l’archange Saint Michel dirigé par Codreanu, en Bulgarie le régime de Boris III, en Yougoslavie le mouvement autoritaire du roi de Yougoslavie, en Pologne avec le général Pilsudski, en Belgique avec le Parti Rexiste de Léon Degrelle, en France le Parti Populaire de Jacques Doriot puis du Maréchal Pétain, … Tous se revendiquent du fascisme dans cette immense nébuleuse où l’on voit dominer une xénophobie ambiante avec un désir de dictature notamment doctrinal ainsi qu’une critique du libéralisme économique ou politique. La presque totalité du vieux continent a vu ces courants s’imposer dans l’entre-deux-guerres. Etudier cette nébuleuse est peut être plus intéressant que de prendre les fascismes au sens strict du terme.
Pour tous ces courants plusieurs points reviennent : la modernité est une décadence, la dictature est proclamée pour un salut public, un État moral est réclamé depuis des valeurs chrétiennes parfois païennes et enfin un État autoritaire et doctrinal est ardemment souhaité.

Tous ces mouvements sont inspirés par le mouvement de pensées inspiré depuis La Tour du Pin à Charles Maurras. Toutes les intelligentsias conservatrices de l’Europe admirent le prestige de Maurras, seule pensée structurée autour du nationalisme et de l’ordre moral. Le symbolisme de Maurras était païen, antique et fasciné par la Grèce antique. C’est aussi tout un groupe de gens qui se connaissent : intellectuels et politiques. Entourant Mussolini, ces groupes le soutiennent tout du moins partiellement. Mais nazisme et fascisme se rejettent, d’où le fait qu’on les différencie. Maurras vilipendait le nazisme mais faisant l’éloge de Mussolini. Le régime de Vichy pour sa part est une forme de dictature mais c’est surtout un corporatisme plus qu’un fascisme. La variété de cette nébuleuse est très grande.

Le régime de Salazar est un corporatisme. Le courant corporatiste commence au XIX° siècle avec René de La Tour du Pin, qui était un précurseur du fascisme. Il est officier français de la fin du XIX° siècle et ne se préoccupe que de la manière dont il faut sauver les ouvriers des villes françaises qui mènent une vie d’extrême pauvreté. Conséquence de la Révolution Industrielle rapide, ces classes ouvrières ont grandi rapidement et donc se sont entassées dans des conditions de vie plus que difficile. Les Chrétiens, les Socialistes ainsi que La Tour du Pin se préoccupent de ces classes. Certains posent les problèmes dans les journaux, d’autres font les premières enquêtes sociologiques sur ces classes (Le Play, …). Mais La Tour du Pin était un monarchiste pur jus, il souhaitait un retour à la monarchie d’avant Louis XIV. Il nous décrit alors une société moyenâgeuse dans ses idéaux. Or on peut regretter le passé ou s’en inspirer, mais on ne peut absolument pas y revenir. La politique fondée sur la nostalgie que rédige La Tour du Pin influence un groupe d’individus et devient un courant de pensée qui rejette totalement le présent en décrivant la situation qu’on a sous les yeux comme un désastre absolu (ouvriers des fabriques, moralité disparue, philosophie déconstruite par le subjectivisme, recul des religions, hausse de l’individualisme, …). C’est une forme de constat de décadence qui est fait par ce courant.
C’est ce constat de décadence qui sera le pivot des idées corporatistes et fascistes. La Tour du Pin va faire un travail militant sur le terrain pour créer des mouvements à vocation sociale. Toute sa théorie est que la Révolution française a fondé une société qui ne fonctionne pas, sans rapport avec l’humain, plus des individus sans idées, une forte critique des Lumières qui aboutie au rejet du Libéralisme et du Socialisme, deux théories abstraites. Puisque l’Humain est nié dans ces deux régimes et courants de pensée, alors il y a un malheur pour les individus. Ce constat s’enracine dans un présupposé religieux pour ces hommes.

Pour les hommes influencés par la pensée de La Tour du Pin, la société est comme un organisme, les individus sont les organes d’un corps. Dans ce genre de société, on a que des rôles, aucune fonction. Cette conception doit lutter contre l’individualisme alors que la société s’est dirigée d’elle-même vers l’individualisme et ne souhaite pas revenir dessus. On part du principe que l’homme est un animal social et politique, comme chez Aristote puis Thomas d’Aquin, puis les fédéralistes allemands. Les groupes sociaux s’organisent de façon autonome d’abord en famille puis en corporations. La société corporative est organisée de manière organique, avec des corporations qui certes vous protégeaient dans la corporation mais reposait tout son système sur des inégalités dans la corporation. La Tour du Pin voulait qu’on supprime la Loi Le Chapelier de 1791, qui avait interdit ces corporations.
On a aussi une demande de retour d’un monarque comme chef. Ce type de pensée est tiré directement de Platon, un Prince doit connaître ses sujets mieux qu’eux–mêmes ne se connaissent. Les sujets sont comme des enfants qui ont besoin de protection et d’affection. D’où l’importance de la famille, d’un système reposant sur la hiérarchie, l’autorité, la solidarité et le travail. C’est le schéma classique du corporatisme : travail, famille, patrie (soit la devise du régime de Vichy).

Maurras n’a pas de connivences avec le nazisme, il en a en revanche avec le fascisme. Ce que Maurras rejette dans la modernité, c’est la théorie du contrat. Dans la société d’avant la Révolution, nous avions des devoirs qui nous précédaient. On naissait avec des devoirs. La société moderne est celle du contrat, on est responsable de ce que l’on choisit. Etre libre ce n’est pas temps faire ce qu’on veut, mais bien choisir ce pourquoi on est responsable. Cela ouvre la porte à l’individualisme. Or le courant dont descend Maurras récuse ce contrat. Maurras souligne à quel point nous sommes tous des débiteurs. Tout le courant du corporatisme de Salazar fonde sa pensée sur l’observation sociale, l’individu ne peut pas vivre comme un zombie. Il doit naître, se développer et prospérer dans un milieu où il n’aura pas à choisir ses devoirs. Toutes ces évidences prouvent à Maurras qu’on ne peut que rejeter les théories de Locke. L’homme que l’on sort de son appartenance est un homme abstrait et l’homme abstrait est vide, n’a pas de sens à sa vie, n’a pas de références, bref il n’existe pas.

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