dimanche 16 décembre 2012

Amérique du Sud 14 - 12 (cours 12, fin)

 Dilma Rousseff et Barack Obama trinquent ... à l'Amérique du Sud ?





La politique de Washington vis-à-vis de l’Amérique Latine est celle d’une distanciation, d’une distance fragmentée. Il y a d’abord une constante, celle d’avoir une influence toujours moins directe en Amérique Centrale et dans les Caraïbes. On l’a brièvement aperçu lors de l’affaire du Honduras, où en dépit des propos de non-intervention d’Obama, on a perçu une influence indirecte. De même, avec les actions en Colombie. Auparavant, en 1989 et plus tôt, les actions des USA se font dans les Caraïbes et en Amérique Centrale (Grenade, Panama, …). La tradition américaine est aussi d’une certaine influence au Mexique, le voisin le plus proche. A partir de 2007, les USA ont proposé l’initiative de Merida, qui se rapprochait du plan Colombie, un rapport entre un partenaire et son subordonné. Les Mexicains acceptent mais cela vire à la maladresse. Les USA calquent le plan Colombie au Mexique, certes ils ont tous deux des problèmes avec les narcotrafiquants et parlent la même langue, mais sur le reste, tout est différent. Ainsi le narcotrafic en Colombie a développé son influence sur la politique tandis qu’au Mexique, d’emblée, le narcotrafic est dans les affaires politique. Le Mexique sous le pouvoir du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), contenait en son sein même plusieurs narcotrafiquants.
La politique des USA à l’égard de l’Amérique du Sud a été revue par Octavio Paz dans son ouvrage, Le labyrinthe de la solitude. Jusqu’alors, la vision marxiste dominait avec une influence indirecte des USA sur les l’Amérique Latine économiquement, politiquement, culturellement, … Les USA achetait à un prix dérisoire les matières premières du Sud pour revendre les produits manufacturés à haute valeur ajoutée dans ce même Sud. Ces interprétations furent nuancées par Paz. En particulier la domination culturelle des USA se justifie d’autant moins qu’ils n’ont pas de supériorité culturelle. Le matérialisme des USA est inférieur à l’intellectualisme des pays catholiques d’Amérique latine. Il nuancera de nouveau ce propos puisque les USA ont tout de même une forme culturelle et intellectuelle non négligeable. Il finira par dire que les pays d’Amérique du Sud sont surtout orientés dans une logique spirituelle et familiale contre la pensée individualiste américaine. Le complexe d’infériorité face à la situation économique des USA et face à sa réussite politique s’affirme nettement dans la position de Paz. L’ensemble des complexes nourris par les États d’Amérique Latine à l’égard des USA est décrit dans Du bon sauvage au bon révolutionnaire. Selon Rangel, auteur de l’ouvrage, ces pays s’affirment à travers des schémas envoyés par l’Europe jusqu’aux années 1970, ils pensaient produire eux-mêmes des schémas qui étaient en fait envoyés du Vieux Continent. On peut les voir s’autovictimiser en se donnant cette image du bon sauvage. L’orientation philosophique proprement latino-américaine viendra suite à la Révolution Cubaine qui remplace l’image du bon sauvage à celle du bon révolutionnaire. L’identité latino américaine vient du nom qui lui ait donné « Amérique Latine », terme donné par les Français pour les différencier des USA, donc ces pays se définissent toujours vis-à-vis des USA.

Les USA se sont toujours définis dans une position contre la politique européenne, politique jugée polémogène selon eux. Leur position anticolonialiste les poussera à prononcer la dite « doctrine Monroe », doctrine énoncée dans un discours du président Monroe en 1823. Le contexte est important, les pays ibéro-américains sont tout récemment indépendants et les USA reconnaissent ces indépendances. En revanche, ils se heurtent à une politique coloniale renouvelée des pays d’Europe vis-à-vis du monde, en particulier la France, la Prusse, l’Autriche ou encore la Russie. Tous ces pays veulent réinstaller les Bourbons au pouvoir en ibéro-Amérique. En réponse, la Grande-Bretagne accepte de donner son soutien à Washington, s’affirmant comme un allié des USA comme aujourd’hui. La Grande Bretagne propose aux USA ses moyens de guerre, que ces derniers refusent pour ne pas être trop dépendants des moyens de Londres. De plus, en cas de retrait brutal des troupes britanniques, les USA seraient en situation dangereuse. Le secrétaire général de Monroe, Adams, rédige donc un discours clairement anticolonialiste. Ce discours perdurera par la suite, comme chez Eisenhower.
Dans ce discours, il est dit que l’ibéro-Amérique ne peut être recolonisée par les pays européens. Ainsi Santander prend connaissance de ce soutien défensif avec pour l’ibéro-Amérique une réserve de secours, l’armée de Bolivar. La doctrine Monroe est donc anticolonialiste mais aussi panaméricaine. Le panaméricanisme est donc un fonctionnement qui repose sur une communauté d’intérêts et sur des régimes politiques.

Sous la présidence de Théodore Roosevelt, avec le corollaire Roosevelt à la doctrine Monroe, on assiste à la déformation de cette doctrine déclarant en substance que la sécurité des USA dépend de la sécurité du monde et que la sécurité du monde dépend de celle des USA.
L’idéalisme viendra avec Woodrow Wilson qui parviendra à convaincre ses collègues politiciens par l’idée que le monde doit être démocratisé. Or matériellement, les USA sont attaqués par les Allemands lors d’une guerre sous-marine à outrance, d’où leur position. Wilson n’est pas hypocrite dans son désir, il veut réellement démocratiser le monde pas seulement par purs intérêts.
Par rapport à l’Amérique du Sud, l’attitude des USA est au moins double, elle pose une doctrine d’intervention et fait l’objet d’une utilisation parfois déformante. Le corollaire Roosevelt donne lieu à l’alternance entre intervention et relative indifférence vis-à-vis de l’Amérique Latine, ce qui est toujours le cas aujourd’hui. C’est aussi faire de l’Amérique du Sud, une inclusion de l’arrière cour des USA. On a une utilisation et une trahison de la doctrine Monroe puisqu’elle devient ambivalente. A l’origine, la doctrine Monroe dit le contraire de cette attitude interventionniste, mais les propos interventionnistes de Roosevelt changent la donne.

L’attitude des USA n’est donc pas forcément cohérente, certains s’en plaignent (Micheal Mann), d’autres y percevant une forme de force (Edward Luttwack) qui permet une déstabilisation des ennemis. Face à l’indifférence feinte en Amérique du Sud, il y a tout de même un intérêt pour les USA puisqu’ils sont intervenus en Colombie. En revanche, la première sphère d’influence en Amérique Centrale est si bien intégrée dans leur esprit qu’ils n’en parlent pas dans leur politique étrangère. Cette attitude met en évidence que l’Amérique Centrale et les Caraïbes sont considérées comme des extensions des USA plus que comme une région du monde à part. D’ailleurs le commandement Sud des USA implanté à Miami considère véritablement ces deux zones comme une sphère d’influence si proche des USA que c’est une partie du pays, avec des États souverains en quelques sortes. Dans leurs documents, l’Amérique Latine ne fait pas partie des grands centres de puissance globale. Du coup, ils délèguent leur rôle au Brésil car cette région attire dorénavant moins leur intention. En Amérique Centrale cependant, la Guerre Froide pousse à une intervention systématique des USA dans la région (comme l’arrivée de la CIA lors du conflit des années 1980 au Nicaragua). L’interventionnisme plus ou moins cohérent, fait que les USA soutiennent Pinochet, soutiennent un peu moins officiellement les colonels argentins et les abandonnent dés que Londres réplique lors de la Guerre des Malouines. Leur politique extérieure est donc très peu cohérente si ce n’est que durant la guerre froide, il fallait éviter l’installation d’un régime communiste en Amérique. A force d’aider n’importe qui, leur politique est très incohérente et la seule politique cohérente sera après la Guerre Froide, c’est le Plan Colombie. « L’indifférence bienveillante » à l’égard de l’Amérique Latine vient aussi du nombre d’hommes d’origine latino dans les institutions américaines, ces Latinos étant la plus grosse minorité des USA. En conséquence, les agissements des USA en Amérique Latine sont plus perçus comme des actions de politique intérieure. La fin de la Guerre Froide est donc marquée par ce phénomène d’éloignement et de progressif désintérêt des affaires d’Amérique du Sud, d’où le royal dédain et l’ignorance totale vis-à-vis du Venezuela.

L’histoire commune qui relie les deux régions donne un poids prépondérant à cette géographie historique sur la politique globale entre les deux espaces. Certes les Usa par leur incohérence ont touché voire blessé des pays d’Amérique du Sud mais le problème principal n’est pas tant ce détail que le fait que les USA n’ont pas proposé de politique de développement cohérente pour cette région du monde, comme ce qu’ils ont fait pour l’Europe après la Seconde Guerre Mondiale. Il semble selon ??? que ce soit bien là le problème central des USA vis-à-vis de l’Amérique du Sud.

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