Dilma Rousseff et Barack Obama trinquent ... à l'Amérique du Sud ?
La politique de
Washington vis-à-vis de l’Amérique Latine est celle d’une distanciation, d’une
distance fragmentée.
Il y a d’abord une constante, celle
d’avoir une influence toujours moins directe en Amérique Centrale et dans les
Caraïbes. On l’a brièvement aperçu lors de l’affaire du Honduras, où en
dépit des propos de non-intervention d’Obama, on a perçu une influence
indirecte. De même, avec les actions en Colombie. Auparavant, en 1989 et plus tôt, les actions des USA se font dans
les Caraïbes et en Amérique Centrale (Grenade, Panama, …). La tradition américaine est aussi d’une certaine influence au Mexique,
le voisin le plus proche. A partir de 2007,
les USA ont proposé l’initiative de Merida, qui se rapprochait du plan
Colombie, un rapport entre un partenaire et son subordonné. Les Mexicains
acceptent mais cela vire à la maladresse. Les USA calquent le plan Colombie au
Mexique, certes ils ont tous deux des problèmes avec les narcotrafiquants et
parlent la même langue, mais sur le reste, tout est différent. Ainsi le
narcotrafic en Colombie a développé son influence sur la politique tandis qu’au
Mexique, d’emblée, le narcotrafic est dans les affaires politique. Le Mexique
sous le pouvoir du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), contenait en son
sein même plusieurs narcotrafiquants.
La politique des
USA à l’égard de l’Amérique du Sud a été revue par Octavio Paz dans son
ouvrage, Le labyrinthe de la solitude.
Jusqu’alors, la vision marxiste dominait avec une influence indirecte des USA
sur les l’Amérique Latine économiquement, politiquement, culturellement, … Les USA achetait à un prix
dérisoire les matières premières du Sud pour revendre les produits manufacturés
à haute valeur ajoutée dans ce même Sud. Ces
interprétations furent nuancées par Paz. En particulier la domination
culturelle des USA se justifie d’autant moins qu’ils n’ont pas de supériorité
culturelle. Le matérialisme des USA est inférieur à l’intellectualisme des
pays catholiques d’Amérique latine. Il nuancera de nouveau ce propos puisque
les USA ont tout de même une forme culturelle et intellectuelle non négligeable.
Il finira par dire que les pays
d’Amérique du Sud sont surtout orientés dans une logique spirituelle et
familiale contre la pensée individualiste américaine. Le complexe d’infériorité face à la situation économique des USA et
face à sa réussite politique s’affirme nettement dans la position de Paz.
L’ensemble des complexes nourris par les États d’Amérique Latine à l’égard des
USA est décrit dans Du bon sauvage au
bon révolutionnaire. Selon Rangel, auteur de l’ouvrage, ces pays
s’affirment à travers des schémas envoyés par l’Europe jusqu’aux années 1970, ils pensaient produire eux-mêmes des
schémas qui étaient en fait envoyés du Vieux Continent. On peut les voir
s’autovictimiser en se donnant cette image du bon sauvage. L’orientation philosophique proprement latino-américaine viendra suite
à la Révolution Cubaine qui remplace l’image du bon sauvage à celle du bon
révolutionnaire. L’identité latino américaine vient du nom qui lui ait
donné « Amérique Latine », terme donné par les Français pour les
différencier des USA, donc ces pays se définissent toujours vis-à-vis des USA.
Les USA se sont toujours
définis dans une position contre la politique européenne, politique jugée
polémogène selon eux. Leur position anticolonialiste les poussera à prononcer
la dite « doctrine Monroe »,
doctrine énoncée dans un discours du président Monroe
en 1823. Le contexte est important, les pays
ibéro-américains sont tout récemment indépendants et les USA reconnaissent ces
indépendances. En revanche, ils se heurtent à une politique coloniale
renouvelée des pays d’Europe vis-à-vis du monde, en particulier la France, la
Prusse, l’Autriche ou encore la Russie. Tous ces pays veulent réinstaller les
Bourbons au pouvoir en ibéro-Amérique. En réponse, la Grande-Bretagne accepte
de donner son soutien à Washington, s’affirmant comme un allié des USA comme
aujourd’hui. La Grande Bretagne propose aux USA ses moyens de guerre, que ces
derniers refusent pour ne pas être trop dépendants des moyens de Londres. De
plus, en cas de retrait brutal des troupes britanniques, les USA seraient en
situation dangereuse. Le secrétaire général de Monroe, Adams,
rédige donc un discours clairement anticolonialiste. Ce discours perdurera par
la suite, comme chez Eisenhower.
Dans ce discours,
il est dit que l’ibéro-Amérique ne peut être recolonisée par les pays
européens. Ainsi Santander prend connaissance de ce soutien défensif avec pour
l’ibéro-Amérique une réserve de secours, l’armée de Bolivar. La doctrine Monroe est donc anticolonialiste mais aussi panaméricaine.
Le panaméricanisme est donc un fonctionnement qui repose sur une communauté
d’intérêts et sur des régimes politiques.
Sous la présidence
de Théodore Roosevelt, avec le corollaire
Roosevelt à la doctrine Monroe, on assiste à la déformation de cette doctrine déclarant en substance que la
sécurité des USA dépend de la sécurité du monde et que la sécurité du monde
dépend de celle des USA.
L’idéalisme
viendra avec Woodrow Wilson qui parviendra à
convaincre ses collègues politiciens par l’idée que le monde doit être
démocratisé. Or matériellement, les USA sont attaqués par les Allemands lors
d’une guerre sous-marine à outrance, d’où leur position. Wilson n’est pas
hypocrite dans son désir, il veut réellement démocratiser le monde pas
seulement par purs intérêts.
Par
rapport à l’Amérique du Sud, l’attitude des USA est au moins double, elle pose
une doctrine d’intervention et fait l’objet d’une utilisation parfois
déformante. Le corollaire Roosevelt
donne lieu à l’alternance entre intervention et relative indifférence vis-à-vis
de l’Amérique Latine, ce qui est toujours le cas aujourd’hui. C’est aussi faire de l’Amérique du Sud, une
inclusion de l’arrière cour des USA. On a une utilisation et une trahison de la
doctrine Monroe puisqu’elle devient ambivalente. A l’origine, la doctrine
Monroe dit le contraire de cette attitude interventionniste, mais les propos
interventionnistes de Roosevelt changent la donne.
L’attitude des USA n’est
donc pas forcément cohérente, certains s’en plaignent (Micheal
Mann), d’autres y percevant une forme de force (Edward
Luttwack) qui permet une déstabilisation des ennemis. Face à l’indifférence feinte en
Amérique du Sud, il y a tout de même un intérêt pour les USA puisqu’ils sont
intervenus en Colombie. En revanche, la première sphère d’influence en Amérique
Centrale est si bien intégrée dans leur esprit qu’ils n’en parlent pas dans
leur politique étrangère. Cette attitude met en évidence que l’Amérique Centrale et les Caraïbes sont
considérées comme des extensions des USA plus que comme une région du monde à
part. D’ailleurs le commandement Sud des USA implanté à Miami considère
véritablement ces deux zones comme une sphère d’influence si proche des USA que
c’est une partie du pays, avec des États souverains en quelques sortes. Dans leurs documents, l’Amérique Latine ne
fait pas partie des grands centres de puissance globale. Du coup, ils délèguent
leur rôle au Brésil car cette région attire dorénavant moins leur intention.
En Amérique Centrale cependant, la Guerre Froide pousse à une intervention
systématique des USA dans la région (comme l’arrivée de la CIA lors du conflit
des années 1980 au Nicaragua). L’interventionnisme plus ou moins cohérent, fait
que les USA soutiennent Pinochet, soutiennent un peu moins officiellement les
colonels argentins et les abandonnent dés que Londres réplique lors de la
Guerre des Malouines. Leur politique extérieure est donc très peu cohérente si
ce n’est que durant la guerre froide, il fallait éviter l’installation d’un
régime communiste en Amérique. A force d’aider n’importe qui, leur politique est très incohérente et la
seule politique cohérente sera après la Guerre Froide, c’est le Plan Colombie.
« L’indifférence bienveillante » à l’égard de l’Amérique Latine vient
aussi du nombre d’hommes d’origine latino dans les institutions américaines, ces
Latinos étant la plus grosse minorité des USA. En conséquence, les agissements des USA en Amérique Latine sont plus
perçus comme des actions de politique intérieure. La fin de la Guerre Froide
est donc marquée par ce phénomène d’éloignement et de progressif désintérêt des
affaires d’Amérique du Sud, d’où le royal dédain et l’ignorance totale
vis-à-vis du Venezuela.
L’histoire
commune qui relie les deux régions donne un poids prépondérant à cette
géographie historique sur la politique globale entre les deux espaces. Certes
les Usa par leur incohérence ont touché voire blessé des pays d’Amérique du Sud
mais le problème principal n’est pas tant
ce détail que le fait que les USA n’ont pas proposé de politique de
développement cohérente pour cette région du monde, comme ce qu’ils ont fait
pour l’Europe après la Seconde Guerre Mondiale. Il semble selon ???
que ce soit bien là le problème central des USA vis-à-vis de l’Amérique du Sud.
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