Salazar ... Serpentard ... Mais lui aussi, c'est un méchant de l'histoire.
Etre instinctif,
c’est être dans des groupes naturels, solidaires où les gens ont des liens
d’amitié entre eux de manière naturelle. Ces groupes existent avant vous
(famille, voisinage, …). Les groupes de contrat permettent uniquement aux plus
forts et au moins timides de s’intégrer et donc de s’en sortir. Dans cette pensée, l’homme est
toujours un débiteur, il doit toujours des choses aux autres et nous ne sommes
rien si nous sommes seuls. D’ailleurs un individu seul serait malheureux, il
n’existe qu’intégré à un monde, à une société ou à un groupe.
La politique est
alors une traduction des voies naturelles qui justifient qu’on soit installé
dans certains groupes. Tout indique pour ces auteurs qu’on ne peut vivre qu’au
travers de communautés naturelles sinon, l’individu est malheureux. Les citoyens et les politiques
doivent respecter la nature. Par exemple, avant de voter pour les réformes de
société, dans ce courant, on va se demander ce qui est naturel, ce qui ne l’est
pas, …
On a là le courant
de « l’empirisme organisateur », c'est-à-dire regarder les faits et
organiser le monde à partir de là.
Si on rejette les faits, on rend les populations malheureuses. Selon cette
exigence, on n’a jamais d’idéologie mais des faits à la base de ces théories,
faits qu’il faut encore interpréter correctement. Le retour des groupes et des communautés est prôné par ce mouvement qui
veut détruire la loi qui a brisé cette société des communautés, la loi Le
Chapelier de 1791. Tout le long du XX° siècle, ce courant défend les corps
intermédiaires.
Les personnes qui
défendent ce point de vue sont à l’époque des monarchistes ou
pseudo-monarchistes mais toujours antidémocrates. Or à cette époque, la
démocratie est fortement rejetée par les sociétés occidentales. En effet, la
démocratie se révèle corrompue,
les voix des parlementaires sont achetées, … Et plus que tout, on ne savait pas
ce qu’il se passerait si on détruisait la démocratie. On pensait réellement que supprimer la démocratie pour une bonne
dictature serait bénéfique. On n’avait jamais tenté de détruire la
démocratie, on ne savait pas ce que seraient les conséquences. Aujourd’hui par
le vécu, on sait qu’une démocratie même corrompue vaut mieux qu’une dictature.
Tout ce courant se développe contre les parlements, contre la démocratie, pour
la dictature. Et comme chez Salazar, on
prône un chef politique qui ait tous les pouvoirs, où les individus ne
s’occupent que des affaires privées et de leurs groupes (villages, voisins,
métiers, …) mais pas de politique, la politique est l’affaire du chef. La
politique est une science exacte, non pas l’occasion de débattre pour
déterminer ce qu’il vaut mieux faire. C’est la vieille théorie romaine de la
« bonne dictature ».
Les Romains ont
longtemps eu des rois, dont la dynastie des
Tarquins qui au départ était fiable. Mais un des Tarquins devenu roi, viola plusieurs
femmes romaines. Pour le punir, on l’installa sur une barque qu’on envoya en
mer. Les Romains installèrent une République dirigée par deux consuls qui
s’autolimitaient, aidés d’un Sénat et d’autres organes. Cette forme de
démocratie républicaine discutait tout le temps, mais entourée de peuples
ennemis, lorsqu’une troupe menaçait
Rome, les temps de discussions s’avéraient trop long et la ville était rasée
avant la décision des organes républicains. Face à ce risque, les Romains
instaurent la dictature, un système politique d’urgence où en cas de danger
ultime, Sénat et consuls se réunissent et nomment un dictateur qui cumule tous
les pouvoirs pour agir rapidement. Le
dictateur a tous les pouvoirs mais pour 6 mois avant d’être poussé dehors par
les assemblées. Ce n’est que 5 siècles plus tard, que des dictateurs
commenceront à abuser de leurs pouvoirs. La
dictature est donc une mesure de salut public. C’est cette conception que
défendent les groupes fascistes de l’époque. Le pays est dans un tel
délabrement qu’il faut des hommes forts pour le salut public.
Le corporatisme de Salazar et le fascisme de Mussolini
vont s’enraciner dans cette thèse dictatoriale de Maurras. Tous deux perçoivent
un danger dans le pays,
chez Mussolini, il y a une humiliation nationale et le regret d’un vaste et
puissant Empire. Au Portugal, on regrette l’Empire brésilien et l’Empire
africain. Mussolini en appelle alors aux grands ancêtres dans ses discours pour
venir aider la nation. Cette hantise de la faiblesse est typique des fascismes.
Le
Salazarisme est encore plus proche de Maurras que Mussolini. Salazar est un
intellectuel économiste. Il est profondément endurci, vit en célibataire chez
sa mère et est très attaché à la religion. Mussolini pour sa part est un pantalon italien. Si différents que soient leurs caractères, ils sont marqués par
l’humiliation de leurs nations, détestent la modernité (notamment le
matérialisme ambiant venu de la bourgeoisie et qui corrompt tout le reste de la
société), craignent le déclin,
regrettent la perte des valeurs. L’un et l’autre ont une forte nostalgie des
sociétés communautaires. Cette critique de la modernité est aussi une critique
du libéralisme. Tous les deux
souhaitent replacer la démocratie par la dictature et le libéralisme par le
corporatisme. Salazar est avec Pinochet le seul régime qui se présente
comme antidémocrate et corporatiste. C’est donc une lutte contre l’intérêt
individuel qui selon Mussolini et Salazar dans un contexte de libéralisme
économique fait entrer la société dans une course à la richesse, une course à
la compétition pour gagner plus. Idem pour la liberté politique. La liberté
d’opinion fait lire n’importe quoi à n’importe qui. Comme tout est défendable,
tout est vrai, le libéralisme politique c’est un relativisme. La liberté est
donc toujours à prendre avec des pincettes. Il faut retrouver une société holiste où la solidarité doit primer sur
la liberté.
La notion morale
est aussi prégnante. Tout
le monde ne peut pas faire n’importe quoi, il faut une certaine rigueur morale.
Ici, on décide de remplacer tous les élus par des fonctionnaires, comme le fit
Pétain en nommant les maires plutôt qu’en les laissant être élus. Pour Salazar et Mussolini, le régime
parlementaire est une erreur énorme qui ne marche pas dans les pays latins. Les
Latins sont avant tout des peuples communautaires. L’ordre moral est donc
dominé par un sentiment de décadence spirituelle qui pousse ces courants à
réinstaurer une forme d’obligation morale. Il y a une forme d’idéalisme
dans ces régimes qui se voient et se projettent dans des mondes fictifs.
Chez
Salazar tout cela s’incarne dans la religion chrétienne, l’humilité, l’austérité,
autant de notions inspirées du Christ. Chez Mussolini au contraire qui est
païen, tout est dans la grandeur et donc passe par un style théâtral.
Ces dictatures qui
se mettent en place s’affichent toujours comme temporaires. Les dictateurs savent que le
peuple n’aime pas les dictateurs, du coup, son installation reste temporaire et
pour le salut public. On sait que le malaise est éthique, donc il faut une
Révolution morale et l’économie passe ensuite. C’est une révolution sans hâte et tranquille qui doit se faire, on ne
veut pas violenter la population. On est prêt à sacrifier le développement
économique pour assurer une transformation progressive des mœurs.
Pendant les 16 ans
(1910 – 1926) du Portugal, il y a 16
révolutions avec 43 gouvernements qui alternent, les finances de l’État
s’enfoncent. Un professeur en économie est appelé à la rescousse, il étudie la
situation et demande les pleins pouvoirs en échange de son aide. Un an plus
tard, on lui donne
les pleins pouvoirs et l’année suivante, il a déjà bien redressé l’économie du
pays. L’austérité de Salazar est impressionnante, il vit dans une
monotonie ennuyeuse, travaille tout le temps dans son cabinet à l’abri des
regards. Il est sur ce point tout le contraire de Mussolini, l’histoire est
tragique, la politique est sérieuse, rien n’est comique. On peut l’associer au
lointain Cincinatus bien qu’il doive répondre à l’enfoncement économique du
pays. Une fois cela fait, il va vouloir
installer les corporations ce qui va compliquer sa tâche. La corporation
devient l’architecture de la société portugaise, doit assurer la moralité, mais
à la fin, elle devient une structure d’encadrement et d’oppression de la
dictature. Là encore, au lieu d’un projet, le fascisme de Salazar devient
le contraire de ce qu’il prônait.
Avec le fascisme,
on a une collaboration entre les groupes sociaux, ce qui permet aussi de lutter
contre la théorie de la lutte des classes. La société est organisée sous forme
de corps organique où chacun à ses rôles. Ces corporations s’organisent aussi autour du
travail puisque trois pôles dominent la vie des individus : la famille, le
travail et l’appartenance à la patrie. La
corporation est un organisme qui correspond à une branche de la production.
Tous les individus appartenant à cette branche appartiennent automatiquement à
la corporation. Elle s’occupe de tout : formation des jeunes,
définition des horaires, résolution des conflits, … La corporation fabrique des lois où l’État n’est censé être qu’un
modérateur en dernier recours. C’est à la corporation de réguler les
concurrents excessifs, à remonter les salaires des ouvriers, … Elle doit
réguler les effets pernicieux du libéralisme, édicte ses lois et s’autorégule
sans l’intervention de l’État.
Chez Mussolini c’est la même chose, il réorganise des
corporations mais l’État joue un rôle plus grand que chez Salazar. Dans la
corporation, la liberté individuelle est niée puisqu’il faut se plier aux
règles de la corporation.
Chez Mussolini, l’État intervient davantage dans les corporations.
Par
contre, dans les deux pays, les corporations ont un rôle politique puisqu’on
estime que ???. Du coup, au Portugal, 22 grandes corporations sont dans un
conseil pour définir l’orientation du pays dans certains aspects (économie, …).
Ce système est hérité presque directement de l’Ancien Régime.
Les corporations
n’ont pas fonctionné puisqu’elles sont devenues des groupes qui n’entrent pas
dans le libéralisme économique et surtout qu’elles ne se sont occupées que des
salariés. Du coup, elles instaurent une
non-concurrence qui est dommageable aux consommateurs. Une nouvelle
technique plus efficace qui réduit le nombre de travailleurs est refusée par
les corporations puisqu’elles devraient licencier leurs salariés. Le doge de
Venise a passé son temps à tenter de moderniser l’État quand les corporations
s’y opposaient. Alors certes les salariés se portent bien mais les
consommateurs n’y trouvent pas leur compte. Il faut trouver un juste milieu.
Donc sur le long terme, les corporations
ne tiennent pas la route dans un contexte économique moderne.
Face à un État
économique et social vieillot, les Portugais ont émigré en masse vers des États
voisins plus modernes. D’un point de vue politique, ne pas supporter la démocratie
passe encore, dénoncer des partis politiques irresponsables et incompétents
admettons, mais de la interdire les partis politiques, c’est tomber directement
dans la dictature dure. En
effet, les opposants au régime ne peuvent pas rester impunis et doivent être
sanctionnés. Salazar est ainsi tombé dans une dictature dure en remplissant les
prisons d’opposants politiques.
La
démocratie
Face
à tous les autres systèmes, il est difficile de rester neutre et la démocratie
semble être le seul régime à peu près fiable.
La notion qui
domine en démocratie, c’est celle de la garantie. En démocratie, l’État est un
garant. Le
garant est celui qui ne porte pas la valeur mais qui la désire. Garantir, c’est
s’effacer derrière quelque chose qui vaut. L’État
garant protège un autre que soi, c’est à nous de désigner ce que nous désirons
et c’est l’État qui va faire en sorte de réaliser nos désirs. L’État est au
second plan derrière les citoyens. Le paradoxe est alors flagrant : il
n’est pas au premier plan et doit se contenter de réaliser nos désirs alors
qu’il est très puissant, qu’il est celui qui a le monopole de la force
légitime. L’État démocratique c’est le tenant de la force mais aussi le
gentleman qui agit dans le sens de son peuple. Tout cela ne peut se faire que
sous un gouvernement surveillant notre peuple. Il n’est probablement possible
d’instaurer la démocratie que dans un certain milieu culturel où personne n’est
prêt à tricher. Il faut pour avoir une démocratie que tout le monde la désire.
Sinon, cela ne risque pas de marcher.
Le pouvoir de l’État
démocratique définit donc ses ennemis toujours dans l’optique de garantir les
droits de son peuple, d’où l’État de droit. Au départ, on a donc un État soumis
à la loi. On
voit les prémices de ce régime dans la Bible, dans la Grèce, dans les villes
italiennes du XI° et du XII° siècle, … Quoiqu’il
en soit, la force est première y compris dans ce régime, il fut rare que le
chef lui-même se soumette aux lois. C’est ainsi que nous avons en occident
depuis plusieurs siècles, des formes constitutionnelles diverses qui se
développent peu à peu. Dans notre continent, le droit compte.
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