vendredi 21 décembre 2012

Sociologie politique 18 - 12 (cours 12, fin)

Le Train à Grande Vitesse (TGV) concurrencera-t-il
les autres moyens de transports rapides ?
L'actuel plan des Lignes à Grande Vitesse (LGV)




Le référentiel d’une politique publique, l’exemple de la politique du TGV


Cette politique publique peut s’analyser sur le long terme. Lancée dans les années 1970, sur inspiration du modèle japonais, cette politique a bénéficié d’une grande visibilité. Ces politiques ont plus transformées le pays que les discours politiques eux-mêmes.


I.                   La construction d’une politique publique

1.      Historique

Le vieux réseau de chemins de fer français date de 1827. Sa particularité, c’est l’étoile Legrand, un réseau stellaire dont le centre est la capitale. En France, ce réseau s’est longtemps retrouvé confronté à la concurrence de la voiture et de l’avion. Au XX° siècle, la question était de moderniser le réseau et de le rendre plus rapide pour être plus compétitif vis-à-vis des autres transports. Profitant du choix du nucléaire et de l’électricité, on a pu développer le train électrique dans les années 1960. S’inspirant alors du bench marking, des inspirations venus de pays étrangers, le Japon en 1964 annonce avoir le réseau de train le plus performant avec le Shin Kansen, ce qui prend de cour tout le monde. En revanche, cela pousse plus avant la politique publique des trains en France. Plusieurs projets émergèrent (trains à essence avant 1973, trains à coussins d’air, …).
Cette politique vient donc de loin et est un héritage complexe d’où un chemin de dépendance influent. Aujourd’hui aussi nous sommes dans une dépendance au sentier assez forte vis-à-vis de cette politique ambitieuse.

Ce train a plusieurs impératifs, du fait de sa vitesse et de la force centrifuge, le train ne peut pas trop tourner, il doit surtout aller tout droit. Autre souci, il faut peu s’arrêter car cela est une grande perte de temps et d’énergie. Enfin, cette politique est couteuse, le TGV ne peut rouler que sur ses propres rails. De nombreux acteurs participent à ce projet : la SNCF, Alstom, EDF, …

2.      La stabilisation d’un référentiel

Les référentiels sont multiples, un référentiel politique, une référentiel stratégique puisque les lignes de l’Est ont servi face à l’Allemagne. Un référentiel public limité puisque le prix est assez cher et que les dessertes sont limitées. Un référentiel d’aménagement du territoire est à rejeter puisque cela se centre avant tout sur Paris. Le référentiel commercial avec la rentabilisation du train est assez certain. Le référentiel technique n’est pas négligeable. Le référentiel écologique est douteux, certes il pollue moins directement mais consomme beaucoup d’énergie.
C’est donc un outil dont le référentiel est métropolitain puisque ce sont surtout les grandes villes de province qui sont desservies. Il y a alors un enjeu sur le fait d’avoir un arrêt de TGV dans sa ville, d’où la présence de certaines villes de taille très moyenne (Laval, Béziers, …).
L’idéologie de cette politique reste la vitesse et c’est de là que découle les autres référentiels (commercial, métropolitain, …).

La première Ligne à Grande Vitesse (LGV) relie Paris à Lyon. En 1981, ???. En 1990, on agrandit le réseau à l’Ouest dans le cadre du développement atlantique en augmentant les vitesses de pointe jusqu’à 515 km/h, le 18 mai 1990. Il y a sur ce succès, la volonté de démontrer que le TGV va aussi vite qu’un avion. Le 26 mai 2001 un record d’endurance se déroule reliant Calais à Marseille en 3h29. Second record intéressant, le 16 mai 2006, pour organiser un évènement autour du TGV Méditerranée et du Da Vinci Code, on souhaite relier Cannes à Londres ce qui se fait en 5h00 pour 1420 km. Ultime record, on atteint un pic de 575 km/h.




II.                Les significations de la politique publique TGV

1.      Les logiques d’une territorialisation politique contestée

Le TGV s’est organisé autour de 5 grandes étapes historiques.
Tout a débuté avec le TGV Sud-Est inauguré en 1981. Immédiatement, on a eu des oppositions de la part des écologistes. Souvent ces oppositions ont eu des conséquences comme la non-circulation de trains de nuit, l’évitement des parcs naturels, … Depuis 1976, on a des travaux non-stop sur les LGV. Actuellement, cela touche le tronçon vers Rennes et celui entre Dijon et Mulhouse. Les NIMBY se sont concentrés à Saulieu, qui ne voulait pas du TGV,  et à Dijon qui le réclamait. Du coup, cela ne passe pas par Dijon, ce qui a assuré des critiques vis-à-vis du TGV qui ne dessert que certaines grandes villes.
Seconde période, le TGV Ouest ou TGV Atlantique dans les années 1980. Il fut plus complexe de le mettre en place avec de fortes mobilisations des NIMBY et avec un effet de démocratisation des acteurs. Si la Bretagne fut favorisée, c’est parce qu’à l’époque, la Bretagne était une région isolée et peu développée contrairement à aujourd’hui. C’est aussi l’instauration d’un trajet Paris – Bordeaux qui a mit du temps à s’installer et Bordeaux n’est toujours pas complètement désenclavé puisque la LGV est incomplète et en travaux.
Troisième étape, la ligne Nord qui doit rattacher Londres, Bruxelles et Amsterdam tout en permettant à Lille d’en profiter. Cette recherche de l’international révèle les dimensions commerciales et européennes du TGV dans les années 1990.
Quatrième étape, le TGV Méditerranée avec 12 ans d’études et de concertations et de nombreuses oppositions pour finalement, faire de Marseille une ville à 3h de Paris plutôt que 5h. En dépit des oppositions (domaines viticoles coupés, centrales nucléaires sur le trajet, …), cela s’est fait.
Cinquième étape, la liaison Paris – Strasbourg, le TGV Est qui entre plus dans une logique de réaménagement des lignes existantes plutôt que dans la construction de nouvelles lignes. De nouveau, cela cristallise les oppositions et coûte cher en débats, en négociations et en aménagements. Le débat questionne sur la question de la gare : Nancy ou Metz ? Au final, une gare est créée entre les deux villes, la gare Lorraine TGV. L’objectif sur le très long terme sera que le TGV se rend jusqu’à Stuttgart puis Munich.
Les prochaines étapes sont surtout dans la modernisation des réseaux déjà en place. Les projets comme Paris – Le Havre, desservant la Normandie sont mises de coté. Idem pour les projets comme Lyon – Turin, … L’imminence sera de compléter les travaux de Paris – Rennes et Paris – Bordeaux. Troisième perdant en dehors de la Normandie et du Sud, c’est le Sud – Est. Les villes qui profiteront du TGV seront Rennes, Bordeaux, Strasbourg et Montpellier. Soit toujours les mêmes grandes villes françaises.

2.      Perspectives : l’internationalisation

Une première internationalisation directe a déjà eu lieu : les réseaux Thalys ou Eurostar. Mais une seconde internationalisation indirecte peut avoir lieu avec la construction à l’étranger de réseaux TGV par la SNCF. Un des possibles projets d’exportation du modèle, ce serait la liaison Tanger – Rabat au Maroc. Enfin, une seconde forme d’exportation a lieu avec des politiques indépendantes de pays pour installer des réseaux de transports comme en Chine depuis les Jeux Olympiques de 2008. Le réseau y serait énorme et les bénéfices pourraient être gigantesques.

Histoire des idées politiques 17 - 12 (cours 12, fin)

"La démocratie est un mauvais système,
mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes"





On assiste au développement mondial de l’État de droit. Tous les systèmes n’ont pas l’air aussi démocratiques les uns que les autres, mais cette idée demeure. La démocratie semble se diffuser sur la planète entière et séduit beaucoup de régimes. Seules deux constitutions ne se sont pas dites démocratiques : celle de Salazar et celle de Pinochet. Cela ne veut pas dire que la démocratie n’est pas pour autant corrompue. On trouve autant de corruption dans ce régime que dans les autres. En revanche, en démocratie, les corruptions peuvent être révélées et jugées ensuite. On peut alors espérer que la corruption se fasse plus discrète. Lorsque la corruption est affichée dans un régime, elle tend à se faire moins grande car les gens corrompus ont honte. La démocratie est le moins pire des régimes comme disait Churchill. Face aux dictatures, la tendance générale est plutôt de se diriger vers une démocratie.

Avant la Seconde Guerre Mondiale, on craignait l’apparition de dictatures dures qui auraient révélé la faiblesse de la démocratie au milieu. Entre le Nazisme au centre de l’Europe et le Communisme à l’Est, la démocratie face à deux régimes aussi terribles et durs n’avait que peu de chances. D’où la réflexion de certains avant la guerre de savoir lequel des deux régimes était le pire, pour choisir l’autre. Aujourd’hui on récuserait les deux.
La guerre froide qui a suivi fut marquée par la bombe atomique qui menaçait le monde suite aux évènements de Nagasaki et Hiroshima. Ce jeu d’équilibre de la Terreur n’était pas forcément non plus la meilleure solution. De nombreux auteurs parlent d’une forme de fin du monde liée à cette menace atomique (Jaspers par exemple). Ainsi Anders, bref mari d’Hannah Arendt, se fit prophète de l’apocalypse. A ce moment là, on n’est toujours pas dans des idées démocratiques mais Anders comme Jaspers, estiment que la démocratie ne survivra pas car l’État de droit est faible. Cette faiblesse tient aux tergiversations interminables, au suicide du régime qui ne prend jamais parti, sa mauvaise conscience permanente vis-à-vis de ses actions, ses disputes puériles, … En face se trouvent des totalitarismes qui représentent tout le contraire : sur de lui, fort, décidé, … Dans cette ambiance très lourde, les années 1950 – 1960 déploient des justifications de la démocratie et ce d’autant mieux qu’on redoute de la perdre. Les idéologies, en dépit des moyens mis en place, ne se réalisent pas dans leurs sociétés et n’aboutissent qu’à des tyrannies qui ne réalisent pas leurs objectifs premiers, excepté le Socialisme qui ne veut pas risquer la tyrannie. Pour l’État de droit, la démocratie est le contraire, c’est un système politique qui ne dit rien mais qui fait beaucoup. Ce système fait, mais ne dit pas. La démocratie n’a pas de maître à penser, elle en a de multiples. La démocratie n’est donc pas une idéologie puisque c’est un type d’organisation qui est hanté par ses imperfections, qui veut toujours s’améliorer. La pensée démocratique est celle de la Terre, une pensée lourde attachée à l’observation, l’expérience et l’imperfection.
Pourtant cette pensée relègue la politique au second rang. En effet, dans les régimes précédents, on imagine changer la politique, l’homme et la société. On pense qu’on va tout changer dans les autres régimes mais la démocratie n’y croit pas, elle ne veut pas changer l’homme. Elle part de la certitude que la vie échappe à la politique. L’homme n’est pas tant un démiurge qu’un jardinier, il ne crée pas quelque chose depuis rien mais au contraire, aide au développement de ce qui existe déjà. L’homme politique en démocratie est ce jardinier face à un peuple qu’il doit écouter pour mieux le développer. La démocratie reste donc un système modeste.

Vaclav Havel fait parti de ces hommes qui sont passés en 1989 de la prison à la présidence. Élu presque directement au pouvoir, Vaclav Havel était un philosophe porté au pouvoir. Il fit un discours à l’Académie des Sciences Morales et Politiques de l’Institut de France. Il estimait que la démocratie fonctionnait tel un totalitarisme comme un autre, qu’il fallait se diriger vers une société parfaite par ce régime. C’est exactement comme la pièce de théâtre En attendant Godot, sauf que Havel a réalisé qu’en démocratie, on ne pouvait attendre cette société parfaite. La démocratie n’est plus dans l’attente de la perfection. La politique devient une force inquiétante à domestiquer. Le gouvernement est une forme de pouvoir qu’il faut maitriser car quiconque s’en empare souhaitera en abuser. Proudhon disait d’ailleurs que les peuples ne devaient jamais rien faire que contrôler leur gouvernement. Il fallait lier la force par le droit, ce qui est le fruit d’un état d’esprit long et fastidieux. Montesquieu disait que le principe essentiel de la démocratie est l’engagement de chaque citoyen. Cet engagement est tacite et se trouverait dans l’origine symbolique de la démocratie dans l’idée d’un contrat social. Cette notion du XVIII° siècle souligne que pour vivre en société les individus signent un contrat où ils lui donneraient leur force et échange de quoi, le gouvernement promet de ne pas en abuser. Ce contrat est avant tout symbolique mais fait en sorte que la force dont nous sommes capables nous la déléguons à l’État. A nous donc d’obéir aux règles fixées par ce contrat. Certes toutes les sociétés vivent avec des règles, mais dans les sociétés autocratiques, lorsqu’on ne respecte pas les règles, le pouvoir n’est pas en péril puisqu’il utilise immédiatement la force. Dans l’État autocratique, le pouvoir a toujours de quoi se défendre. En revanche, dans l’État démocratique tout repose sur notre volonté de citoyen à jouer le jeu. Dans le cas où nous ne jouerons plus le jeu, le pouvoir risque de s’effondrer de lui-même. Ce pouvoir ne tient donc que sur une volonté commune. En Allemagne de Weimar, lorsque le gouvernement fut remis en cause par un grand nombre de citoyens, la république de Weimar a chuté. La démocratie ne peut rien contre les tricheurs car elle ne repose pas sur la force. La démocratie est fragile et demande une certaine forme de vertu citoyenne. Montesquieu réclamait d’ailleurs cette vertu morale. Le citoyen est quelqu’un qui réprime volontairement ses penchants à la violence et à l’arbitraire. Cela va à tel point que Burdeau exagère en parlant du citoyen comme un saint laïc. En effet, il sait qu’en agissant à l’état de nature, il sera réprimé. Du coup, il se soumet volontairement aux règles.
Mais la démocratie ne se contente pas de demander aux citoyens de ne pas tricher mais aussi d’être un stimulateur positif en agissant lors des élections. En étant confiant dans le droit, la démocratie ?? et à les inconvénients des ??? de civilisation. L’État de droit demande une société cultivée, une raison développée par une éducation populaire avec un fonctionnement très complexe qui échappe aux simples rapports de domination. Montesquieu disait que pour avoir une démocratie modérée, il fallait un peuple modéré et tempérant, même si cela n’est jamais acquis et qu’il faut le protéger constamment.

La défense de la démocratie est récente, elle date du XIX° siècle, c’est un régime historique. Inventée par les Grecs, mais pas seulement. On avait trois sources d’influence en Europe : la démocratie grecque, la démocratie nordique dix siècles plus tard et enfin au sein d’un conglomérat occidental (monastère, villes italiennes et charte de 1215 en Angleterre). La démocratie nordique est gouvernée par une assemblée qui cumule les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires, apparemment sans influence grecque ce régime s’est développé de lui-même. Toujours est-il que la démocratie grecque a fini par chuter dés les années 420 et s’effondre en 443 avec l’invasion d’un pays voisin. Le désordre et la corruption dans Athènes fut assez terrible et Philippe de Macédoine fut longtemps considéré comme l’homme qui avait révélé que la démocratie ne fonctionnait pas. Pendant ce temps, les monarchies du continent européen se constituent peu à peu en monarchies parlementaires, de plus en plus limitée et surveillée par des Parlements (les États en France, les Cortes en Espagne, les Vece en Russie, les Diétes en Pologne, …). Cet esprit démocratique montait mais n’était pas usité. Le mot démocratie tombe après la Révolution Française. Mais la démocratie qui s’instaure, révèle que les mêmes maux qu’à l’époque grecque sont toujours présents.

Excès et perversions démocratiques demeurent toujours. L’État providence par l’ampleur de ses droits créances, finit par compter plus que n’importe quelle liberté. Du coup, cela tend à dépolitiser le citoyen.
La démocratie se fonde sur une croyance quant à l’homme. C’est une croyance sur la condition humaine ou sur ce qu’il peut être. Lorsqu’on donne le droit de vote à tous, cela signifie qu’on présuppose que tous les individus à partir d’un âge sont capables de prendre une décision pour le bien commun. Dans la société, on a des disparités de cultures, d’informations, de spécialisations, … Du coup, il y a des gens qui sont plus capables que d’autres d’avoir un avis sur la question du nucléaire. La question n’est pas tant d’avoir un avis sur le nucléaire que d’avoir une direction personnelle dans la vie. Il s’agit de prendre son propre destin en main. Ainsi, un individu qui prend son destin en main devra choisir de se marier à quelqu’un, d’avoir un enfant, … Là on choisit son propre destin. Un individu peut-il prendre son destin en main ? Cela dépend des cas, en Occident, on est parti du principe que oui, les individus peuvent prendre leur destin en main. On n’a jamais marié les petits enfants, même si on a des bémols (promettre deux enfants, quelques exceptions de mariages arrangés, …). Ce qui compte au final, n’est pas tant l’intelligence des sphères, les diplômes, … Ce qui compte en priorité c’est le bon sens, la responsabilité du père ou de la mère de famille, la prudence, la bienveillance, … Autant de qualités morales que tout le monde possède à divers degrés. Comme tout le monde a ses qualités, tout le monde peut voter. Les différences intellectuelles n’entravent pas la démocratie, c’est ce qu’espèrent les démocrates.

Une autre question est celle de savoir si on trouve sur le terrain une culture démocratique. Si l’on est près à user de violences systématiquement, alors rien ne sert de penser à instaurer une démocratie. Il existe alors d’autres systèmes dans certaines régions qui sans être démocratiques permettent de rendre les gens heureux, on parle de systèmes autocratiques.

De plus, notre système est imparfait. Il est loin d’être l’unique bon système. Aujourd’hui, de multiples critiques de la démocratie sont faites. Ces critiques sont virulentes mais tout de même fondées. Ainsi, la Chine ou les pays musulmans se démarquent dans certains cas. 4 pays musulmans ont rédigés des droits de l’homme islamique. Les critiques portées contre la démocratie sont très poussées, elles sont établies de manière construite. L’orthodoxie russe démonte elle aussi la démocratie pour proposer des régimes vivables.

La démocratie n’est pas la fin de l’Histoire comme ont pu l’écrire des gens comme Fukuyama ou Hegel. La démocratie est un régime qui a fait ses preuves, qui a satisfait une partie des peuples mais qui a ses défauts et qui ne convient pas forcément à toutes les cultures. Dante a longtemps pensé que la monarchie était le seul régime possible, il n’en est rien aujourd’hui. Les actuels antidémocrates qui forment des courants y compris en France, mettent en évidence les failles et les premières traces d’effacement de la démocratie.

dimanche 16 décembre 2012

Amérique du Sud 14 - 12 (cours 12, fin)

 Dilma Rousseff et Barack Obama trinquent ... à l'Amérique du Sud ?





La politique de Washington vis-à-vis de l’Amérique Latine est celle d’une distanciation, d’une distance fragmentée. Il y a d’abord une constante, celle d’avoir une influence toujours moins directe en Amérique Centrale et dans les Caraïbes. On l’a brièvement aperçu lors de l’affaire du Honduras, où en dépit des propos de non-intervention d’Obama, on a perçu une influence indirecte. De même, avec les actions en Colombie. Auparavant, en 1989 et plus tôt, les actions des USA se font dans les Caraïbes et en Amérique Centrale (Grenade, Panama, …). La tradition américaine est aussi d’une certaine influence au Mexique, le voisin le plus proche. A partir de 2007, les USA ont proposé l’initiative de Merida, qui se rapprochait du plan Colombie, un rapport entre un partenaire et son subordonné. Les Mexicains acceptent mais cela vire à la maladresse. Les USA calquent le plan Colombie au Mexique, certes ils ont tous deux des problèmes avec les narcotrafiquants et parlent la même langue, mais sur le reste, tout est différent. Ainsi le narcotrafic en Colombie a développé son influence sur la politique tandis qu’au Mexique, d’emblée, le narcotrafic est dans les affaires politique. Le Mexique sous le pouvoir du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), contenait en son sein même plusieurs narcotrafiquants.
La politique des USA à l’égard de l’Amérique du Sud a été revue par Octavio Paz dans son ouvrage, Le labyrinthe de la solitude. Jusqu’alors, la vision marxiste dominait avec une influence indirecte des USA sur les l’Amérique Latine économiquement, politiquement, culturellement, … Les USA achetait à un prix dérisoire les matières premières du Sud pour revendre les produits manufacturés à haute valeur ajoutée dans ce même Sud. Ces interprétations furent nuancées par Paz. En particulier la domination culturelle des USA se justifie d’autant moins qu’ils n’ont pas de supériorité culturelle. Le matérialisme des USA est inférieur à l’intellectualisme des pays catholiques d’Amérique latine. Il nuancera de nouveau ce propos puisque les USA ont tout de même une forme culturelle et intellectuelle non négligeable. Il finira par dire que les pays d’Amérique du Sud sont surtout orientés dans une logique spirituelle et familiale contre la pensée individualiste américaine. Le complexe d’infériorité face à la situation économique des USA et face à sa réussite politique s’affirme nettement dans la position de Paz. L’ensemble des complexes nourris par les États d’Amérique Latine à l’égard des USA est décrit dans Du bon sauvage au bon révolutionnaire. Selon Rangel, auteur de l’ouvrage, ces pays s’affirment à travers des schémas envoyés par l’Europe jusqu’aux années 1970, ils pensaient produire eux-mêmes des schémas qui étaient en fait envoyés du Vieux Continent. On peut les voir s’autovictimiser en se donnant cette image du bon sauvage. L’orientation philosophique proprement latino-américaine viendra suite à la Révolution Cubaine qui remplace l’image du bon sauvage à celle du bon révolutionnaire. L’identité latino américaine vient du nom qui lui ait donné « Amérique Latine », terme donné par les Français pour les différencier des USA, donc ces pays se définissent toujours vis-à-vis des USA.

Les USA se sont toujours définis dans une position contre la politique européenne, politique jugée polémogène selon eux. Leur position anticolonialiste les poussera à prononcer la dite « doctrine Monroe », doctrine énoncée dans un discours du président Monroe en 1823. Le contexte est important, les pays ibéro-américains sont tout récemment indépendants et les USA reconnaissent ces indépendances. En revanche, ils se heurtent à une politique coloniale renouvelée des pays d’Europe vis-à-vis du monde, en particulier la France, la Prusse, l’Autriche ou encore la Russie. Tous ces pays veulent réinstaller les Bourbons au pouvoir en ibéro-Amérique. En réponse, la Grande-Bretagne accepte de donner son soutien à Washington, s’affirmant comme un allié des USA comme aujourd’hui. La Grande Bretagne propose aux USA ses moyens de guerre, que ces derniers refusent pour ne pas être trop dépendants des moyens de Londres. De plus, en cas de retrait brutal des troupes britanniques, les USA seraient en situation dangereuse. Le secrétaire général de Monroe, Adams, rédige donc un discours clairement anticolonialiste. Ce discours perdurera par la suite, comme chez Eisenhower.
Dans ce discours, il est dit que l’ibéro-Amérique ne peut être recolonisée par les pays européens. Ainsi Santander prend connaissance de ce soutien défensif avec pour l’ibéro-Amérique une réserve de secours, l’armée de Bolivar. La doctrine Monroe est donc anticolonialiste mais aussi panaméricaine. Le panaméricanisme est donc un fonctionnement qui repose sur une communauté d’intérêts et sur des régimes politiques.

Sous la présidence de Théodore Roosevelt, avec le corollaire Roosevelt à la doctrine Monroe, on assiste à la déformation de cette doctrine déclarant en substance que la sécurité des USA dépend de la sécurité du monde et que la sécurité du monde dépend de celle des USA.
L’idéalisme viendra avec Woodrow Wilson qui parviendra à convaincre ses collègues politiciens par l’idée que le monde doit être démocratisé. Or matériellement, les USA sont attaqués par les Allemands lors d’une guerre sous-marine à outrance, d’où leur position. Wilson n’est pas hypocrite dans son désir, il veut réellement démocratiser le monde pas seulement par purs intérêts.
Par rapport à l’Amérique du Sud, l’attitude des USA est au moins double, elle pose une doctrine d’intervention et fait l’objet d’une utilisation parfois déformante. Le corollaire Roosevelt donne lieu à l’alternance entre intervention et relative indifférence vis-à-vis de l’Amérique Latine, ce qui est toujours le cas aujourd’hui. C’est aussi faire de l’Amérique du Sud, une inclusion de l’arrière cour des USA. On a une utilisation et une trahison de la doctrine Monroe puisqu’elle devient ambivalente. A l’origine, la doctrine Monroe dit le contraire de cette attitude interventionniste, mais les propos interventionnistes de Roosevelt changent la donne.

L’attitude des USA n’est donc pas forcément cohérente, certains s’en plaignent (Micheal Mann), d’autres y percevant une forme de force (Edward Luttwack) qui permet une déstabilisation des ennemis. Face à l’indifférence feinte en Amérique du Sud, il y a tout de même un intérêt pour les USA puisqu’ils sont intervenus en Colombie. En revanche, la première sphère d’influence en Amérique Centrale est si bien intégrée dans leur esprit qu’ils n’en parlent pas dans leur politique étrangère. Cette attitude met en évidence que l’Amérique Centrale et les Caraïbes sont considérées comme des extensions des USA plus que comme une région du monde à part. D’ailleurs le commandement Sud des USA implanté à Miami considère véritablement ces deux zones comme une sphère d’influence si proche des USA que c’est une partie du pays, avec des États souverains en quelques sortes. Dans leurs documents, l’Amérique Latine ne fait pas partie des grands centres de puissance globale. Du coup, ils délèguent leur rôle au Brésil car cette région attire dorénavant moins leur intention. En Amérique Centrale cependant, la Guerre Froide pousse à une intervention systématique des USA dans la région (comme l’arrivée de la CIA lors du conflit des années 1980 au Nicaragua). L’interventionnisme plus ou moins cohérent, fait que les USA soutiennent Pinochet, soutiennent un peu moins officiellement les colonels argentins et les abandonnent dés que Londres réplique lors de la Guerre des Malouines. Leur politique extérieure est donc très peu cohérente si ce n’est que durant la guerre froide, il fallait éviter l’installation d’un régime communiste en Amérique. A force d’aider n’importe qui, leur politique est très incohérente et la seule politique cohérente sera après la Guerre Froide, c’est le Plan Colombie. « L’indifférence bienveillante » à l’égard de l’Amérique Latine vient aussi du nombre d’hommes d’origine latino dans les institutions américaines, ces Latinos étant la plus grosse minorité des USA. En conséquence, les agissements des USA en Amérique Latine sont plus perçus comme des actions de politique intérieure. La fin de la Guerre Froide est donc marquée par ce phénomène d’éloignement et de progressif désintérêt des affaires d’Amérique du Sud, d’où le royal dédain et l’ignorance totale vis-à-vis du Venezuela.

L’histoire commune qui relie les deux régions donne un poids prépondérant à cette géographie historique sur la politique globale entre les deux espaces. Certes les Usa par leur incohérence ont touché voire blessé des pays d’Amérique du Sud mais le problème principal n’est pas tant ce détail que le fait que les USA n’ont pas proposé de politique de développement cohérente pour cette région du monde, comme ce qu’ils ont fait pour l’Europe après la Seconde Guerre Mondiale. Il semble selon ??? que ce soit bien là le problème central des USA vis-à-vis de l’Amérique du Sud.