Eugène Delacroix, Femmes d'Alger dans leurs appartements.
L'orientalisme est aussi présent dans la peinture.
La relation
déséquilibrée entre Orient et Occident est fondatrice du Moyen-Orient. Cela fut
énoncé par un autre penseur de cette problématique : Edward Saïd. Il a rédigé L’orient
créé par l’Occident. Il est à la fois américain et palestinien, et a,
au départ, une spécialisation sur la littérature comparée (une spécialité
étatsunienne). Cela le place tout de suite dans l’axe des Orientalistes, d’anciens
spécialistes du Moyen-Orient. La thèse
de Saïd est que l’Orient, au sens le plus large du monde arabo-islamique, est
une création factice des Européens mis en place à partir du XIX° siècle et toujours opératoire. Le but de
cette démarche occidentale de création de l’Orient est de conquérir et de
contrôler les pays arabes pour exploiter leurs richesses, en légitimant cela
par des « schémas faux et efficaces ».
Le groupe des
Orientalistes évoqué par Saïd peut être composé en France : d’Ernest
Renan, de Louis Massignon et de Jacques Berque. Il s’agit moins d’un courant de pensée que des noms rattachés à des
études sur le Moyen-Orient. On peut mettre dans ce groupe des sociologues, des
historiens, des géographes, des artistes, … Ils sont à la fois des piliers
des institutions du Moyen-Orient mais aussi des relais de ces institutions dans
les pays Occidentaux. Les Orientalistes
peuvent être datés du début du XIX° siècle jusqu’au
début des années 1970. Aujourd’hui, les Orientalistes n’existent plus
vraiment mais ils ont longtemps formés des étudiants, des agents d’Etat
occidentaux ou orientaux, …
Du
coté anglais, on peut noter Lane et Burton.
Le
prisme principal des Orientalistes est qu’ils ont analysé l’Orient sous un
angle religieux. Quelques soient leurs
valeurs, selon Saïd, ces Orientalistes sont victimes de préjugés en plaçant au
cœur de leurs analyses la religion. Peu de temps avant de mourir, Saïd en
2003, fait dans une préface à une réédition d’un de ses ouvrages, un vibrant
hommage à l’humanisme en opposition à la vision d’Huntington. Il faut briser ces préjugés notamment
religieux pour ne pas tomber dans les conflits. Tous les analystes
contemporains sur le Moyen-Orient sont fondamentalement imprégnés par cette
thèse d’Edward Saïd.
Cependant, la façon
dont Saïd conçoit l’orientalisme tend à faire entrer dans l’Occident un
sentiment de culpabilité. C’est le classique « fardeau de l’homme blanc » (Kipling). Une approche complexe du Moyen-Orient est
nécessaire pour éviter les préjugés. C’est le propos de De Gaulle « Je
partais avec des idées simples pour un Moyen-Orient complexe ».
Dans
un article d’un jeune géographe français publié en ????, titre, son auteur
a recensé toutes les expressions possibles pour qualifier le Moyen-Orient et le
Proche-Orient. Il en tire plus de 30
définitions différentes pour caractériser cet espace. Il y a donc un flottement
net de cette notion qu’il faut dépasser pour pouvoir véritablement l’étudier.
Cette aire géopolitique se définit donc surtout par des dynamiques et des
évolutions. Le Printemps Arabe est peut être l’annonce de la disparition de
cette aire géopolitique.
Le conflit (et ses guerres) le plus tristement célèbre du Moyen-Orient : Israël et Palestine.
La
guerre, une imprégnation globale définissant un arc de crises ?
I.
Le poids et la
signification des données conflictuelles
Pourquoi
la Guerre caractériserait cette région ? Et au-delà, de quelle Guerre
parlons-nous ?
(Texte
de Thual sur la conflictualité)
1.
Une imprégnation globale
Cette imprégnation
globale prend deux sens : l’omniprésence des guerres au Moyen-Orient
et leur portée mondiale.
Dans les années 2000, on a un total de 8 guerres
internationales dont 6 ou 7 relèvent du Moyen-Orient : la seconde intifada en
Israël en septembre 2000, l’opération
« liberté immuable » en Afghanistan en 2001,
l’opération « liberté en Irak » en 2003,
la guerre entre Israël et le Hezbollah durant l’été
2006, la guerre de Gaza en 2007 – 2008,
l’opération « aube de l’odyssée » en Lybie (limite ultime du
Moyen-Orient) en 2011. La seule guerre
internationale qui ne fut pas dans le Moyen-Orient concernait la Russie et la
Géorgie en 2008.
Suivant les
instituts de polémologie, il y a quatre fois plus de guerres civiles que de
guerres internationales. Le Moyen-Orient est alors l’espace où le polemos (logique de guerre) prend le pas
sur la paix.
Seconde idée, il y
a une dimension et une portée mondiale de la guerre au Moyen-Orient. Ainsi dans
pratiquement toutes les guerres internationales de cette région et même
au-delà, on trouve une pluralité d’autres acteurs étatiques (services de
renseignement, intervention humanitaires, …). De plus, on constate des logiques
axiales, comme
celui de la Mer Rouge qui jouent dans les guerres. On trouve aussi des pivots géopolitiques dans les conflits. C’est
le cas du Liban, pivot politique et géoéconomique du fait de l’arrivée de
nombreux pipelines (venus de Bayrouth, …), de la présence de plus de 80
banques, des passages, … Israël est aussi un pivot pour la politique des USA,
l’Arabie Saoudite pour les monarchies pétrolières, l’Iran pour les pays
chiites, …
Enfin le
Moyen-Orient a une portée médiatique particulière, de même qu’une portée
économique. Les
grands évènements économiques depuis les années
1970 ont souvent venus du Moyen-Orient : premier choc pétrolier en 1973 avec la guerre du Kippour, second choc pétrolier
en 1979, contre-choc pétrolier en 1989, guerre d’Irak en 1990,
…
2.
Quelle guerre ?
Définition
manquante.
On peut définir
trois points importants aux guerres. D’abord, il s’agit d’une activité violente.
Ensuite c’est une activité collective
(pour différencier des bagarres qui opposent quelques individus). Enfin, il s’agit d’une activité rationnelle,
c'est-à-dire qu’elle se fait en fonction d’un but. Pour le troisième point
on peut prendre le cas de la Première Guerre d’Irak dont le début est parfois
flou. Ainsi, certains analystes fixent le départ de cette guerre le 2 août 1990, lors de l’invasion du Koweït par l’armée
irakienne, d’autres ne fixe le départ qu’avec l’intervention américaine en 1991. Les justifications du début de la guerre en 1990 s’expliquent par le fait que le Koweït
appelle l’ONU à l’aide au nom de la « légitime défense collective »,
ce qui est un argument légal-rationnel au sens wébérien du terme.
Chez Clausewitz, la guerre est un moyen en vu d’une
fin, comme il l’écrit lui-même « la
guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ».
D’autres tentatives
pour définir la guerre furent faites sur la base d’indicateurs, notamment des
indicateurs dans le temps. Ainsi l’université du Michigan avaient fixé deux points
importants. La guerre était un affrontement armé durant 12 mois consécutifs et
qui induisait la mort d’au moins 1 000 personnes. Cette définition fut très
largement critiquée et a donc subit beaucoup de modifications.
Le SIPRI (Stockholm International Peace Research
Institute) estimait qu’une guerre était un conflit armé majeur avec au moins 1 000
morts sur une année civile. La différence tient surtout au terme « majeur »
qui questionne sur la portée de la guerre. Là encore, la définition est
contestable.
II.
Une typologie des
guerres
Parmi les
différents critères pour illustrer les guerres, on peut commencer par déterminer
l’ancienneté de la guerre, leur durée, le niveau d’extension (acteurs, catégories,
…) et les données idéologiques au sens large (part du religieux, …).
L’ancienneté
conditionne plusieurs éléments. Longtemps au Moyen-Orient les conflits furent
très restreints spatialement.
Ainsi les Druses ont connu une
guerre. Les Druses sont un groupe humain essentiellement caractérisé par leur confession,
pour le reste, c’est un grand mystère. On les trouve sur plusieurs pays (Irak,
Jordanie, Israël, Liban, Syrie, Turquie, …). Ce sont des musulmans chiites d’un
type particulier puisqu’ils sont dans l’ordre de l’ésotérisme avec un
fonctionnement sous forme de classes. Ils sont très fortement structurés par la
religion. En revanche, ils furent toujours une population minoritaire réfugiée
dans les montagnes car elle était persécutée par les peuples majoritaires. Ce
groupe à part a des valeurs guerrières très poussées ce qui en fait des meneurs
d’armées particulièrement performants. Ainsi, le Tsahal possède des groupes
internes exclusivement composés de Druses.
Ils sont à l’origine
de guerres notamment en 1860 et 1925.
La première fut importante puisque les Druses ont massacré de nombreux
chrétiens. Dans un conflit commercial entre Français et Anglais, les Druses
furent l’outil de la sanction anglaise envers les Français. Ainsi quand Napoléon III envoie une armée protéger les
Chrétiens et Maronites attaqués par les Druses, il renoue avec la politique de
François I qui avait entamé la grande politique française vers le Levant (devenu
aujourd’hui le Moyen-Orient). En intervenant de manière directe dans les
montagnes du Liban, qui sont comprises dans l’Empire Ottoman, Napoléon III
cherche à intervenir sur le trajet de la route de la soie, à rivaliser avec le
commerce anglais, à affaiblir l’Empire Ottoman, … Cette intervention française va commencer à fonder les bases d’une
identité libanaise qui se construira par la suite. Comme souvent, les
Français s’appuient sur des identités locales pour intervenir et raffermir
leurs intérêts. Mais cela reste une guerre localisée.
Toujours concernant
l’ancienneté, la logique de conflit est ancienne au Moyen-Orient, mais elle
possède ses propres caractéristiques. Il y a une logique traditionnelle aux
conflits de cette région. L’Arabie Saoudite s’est construite autour de la
famille Saoud, une famille à la tête des tribus du désert et qui a entamé la
conquête de la Péninsule Arabique au XVIII° siècle.
Cela abouti à toute une série de petites guerres au XIX°
siècle
pour que les Saoud mettent la main sur l’ensemble de cette Péninsule Arabique.
C’est donc un hégémonisme ancien qui aboutit en 1932
à l’Arabie Saoudite avec le soutien de puissances occidentales.
Autre exemple, les
indépendances déclenchées par la fin de la première Guerre Mondiale. Cette
guerre se termine dans cette région sur la défaite de l’Empire Ottoman. Avant
cette guerre, il y avait trois pays souverains ou censés l’être :
Turquie, Iran et Afghanistan. Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, un
processus d’émancipation a lieu
que ce soit avec l’appui de puissances
étrangères ou celui de grandes familles. Entre
1918 et 1939, quatre pays naissent : Arabie Saoudite, Yémen, Irak
et Égypte (qui était sous domination anglaise). En 1943,
le Liban devient pays souverain après avoir été sous mandat français. La Syrie
suit en 1945, la Jordanie en 1946, la Lybie en 1951.
En 1945 est créée alors la Ligue des États Arabes
(LEA), dans le cadre des indépendances en cours. A ce moment, l’ONU proclame l’État
d’Israël. La concordance de la LEA et d’Israël doit être notée. Immédiatement
et par anticipation, la LEA fait un front d’opposition à Israël au nom du fait que les Européens
ont commis la Shoah en Europe, que les pays Arabes n’étaient pas concernés et
que l’Europe installe au Proche-Orient un État juif en excluant un peuple arabe
déjà présent, les Palestiniens.
1.
Les guerres israélo-arabes
La première eu lieu
en 1948, les pays arabes interviennent contre l’ensemble
des armées israéliennes. La seconde
guerre est nommée la Crise de Suez en 1956.
Dans ce conflit, parachutistes français et anglais interviennent tandis qu’Israël
s’oppose à l’Égypte. En 1967, c’est la guerre des Six Jours, dont l’impact
au Moyen-Orient fut immense. Enfin en 1973,
c’est la Guerre du Kippour au déclenchement du premier choc pétrolier.
Cette
chronologie est limitée puisqu’en 1982 a
lieu l’opération « Paix en Galilée » déclenchée par Israël pour
diminuer et faire partir l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat. Mais dans cette situation, il n’est
pas toujours possible d’évoquer une guerre.
L’évolution de ces
guerres israélo-arabe est caractérisée par l’épuisement de l’influence
britannique dans la région.
Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, en dépit de son prestige, le Royaume-Uni
est épuisé surtout financièrement. Son retrait des troupes se fit très
rapidement. En deux jours, les troupes britanniques quittent la région laissant
les tensions latentes entre Israël et pays arabes exploser. Jusqu’en 1961 les troupes britanniques viennent
régulièrement s’interposer dans la région pour empêcher une guerre menaçante. Ils
ont pu y parvenir car Saddam Hussein n’est pas encore là et que l’Irak menaçait
d’envahir le Koweït.
Mais les
Britanniques seront tout de même à l’origine de la Déclaration 181 de l’ONU
signée en novembre 1947, qui partage la
Palestine en trois entités : un État juif, un État palestinien et la ville
de Jérusalem. La même année la LEA refuse cette résolution et entre donc dans
un conflit généralisé dont la dimension internationale est immédiate et perdure
de nos jours.
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