vendredi 25 janvier 2013

Moyen-Orient 25 - 01 (cours 2)


Eugène Delacroix, Femmes d'Alger dans leurs appartements.
L'orientalisme est aussi présent dans la peinture.


La relation déséquilibrée entre Orient et Occident est fondatrice du Moyen-Orient. Cela fut énoncé par un autre penseur de cette problématique : Edward Saïd. Il a rédigé L’orient créé par l’Occident. Il est à la fois américain et palestinien, et a, au départ, une spécialisation sur la littérature comparée (une spécialité étatsunienne). Cela le place tout de suite dans l’axe des Orientalistes, d’anciens spécialistes du Moyen-Orient. La thèse de Saïd est que l’Orient, au sens le plus large du monde arabo-islamique, est une création factice des Européens mis en place à partir du XIX° siècle et toujours opératoire. Le but de cette démarche occidentale de création de l’Orient est de conquérir et de contrôler les pays arabes pour exploiter leurs richesses, en légitimant cela par des « schémas faux et efficaces ».
Le groupe des Orientalistes évoqué par Saïd peut être composé en France : d’Ernest Renan, de Louis Massignon et de Jacques Berque. Il s’agit moins d’un courant de pensée que des noms rattachés à des études sur le Moyen-Orient. On peut mettre dans ce groupe des sociologues, des historiens, des géographes, des artistes, … Ils sont à la fois des piliers des institutions du Moyen-Orient mais aussi des relais de ces institutions dans les pays Occidentaux. Les Orientalistes peuvent être datés du début du XIX° siècle jusqu’au début des années 1970. Aujourd’hui, les Orientalistes n’existent plus vraiment mais ils ont longtemps formés des étudiants, des agents d’Etat occidentaux ou orientaux, …
Du coté anglais, on peut noter Lane et Burton.
Le prisme principal des Orientalistes est qu’ils ont analysé l’Orient sous un angle religieux. Quelques soient leurs valeurs, selon Saïd, ces Orientalistes sont victimes de préjugés en plaçant au cœur de leurs analyses la religion. Peu de temps avant de mourir, Saïd en 2003, fait dans une préface à une réédition d’un de ses ouvrages, un vibrant hommage à l’humanisme en opposition à la vision d’Huntington. Il faut briser ces préjugés notamment religieux pour ne pas tomber dans les conflits. Tous les analystes contemporains sur le Moyen-Orient sont fondamentalement imprégnés par cette thèse d’Edward Saïd.
Cependant, la façon dont Saïd conçoit l’orientalisme tend à faire entrer dans l’Occident un sentiment de culpabilité. C’est le classique « fardeau de l’homme blanc » (Kipling). Une approche complexe du Moyen-Orient est nécessaire pour éviter les préjugés. C’est le propos de De Gaulle « Je partais avec des idées simples pour un Moyen-Orient complexe ».

Dans un article d’un jeune géographe français publié en ????, titre, son auteur a recensé toutes les expressions possibles pour qualifier le Moyen-Orient et le Proche-Orient. Il en tire plus de 30 définitions différentes pour caractériser cet espace. Il y a donc un flottement net de cette notion qu’il faut dépasser pour pouvoir véritablement l’étudier. Cette aire géopolitique se définit donc surtout par des dynamiques et des évolutions. Le Printemps Arabe est peut être l’annonce de la disparition de cette aire géopolitique.




Le conflit (et ses guerres) le plus tristement célèbre du Moyen-Orient : Israël et Palestine.




La guerre, une imprégnation globale définissant un arc de crises ?


I.                   Le poids et la signification des données conflictuelles

Pourquoi la Guerre caractériserait cette région ? Et au-delà, de quelle Guerre parlons-nous ?
(Texte de Thual sur la conflictualité)

1.      Une imprégnation globale

Cette imprégnation globale prend deux sens : l’omniprésence des guerres au Moyen-Orient et leur portée mondiale.

Dans les années 2000, on a un total de 8 guerres internationales dont 6 ou 7 relèvent du Moyen-Orient : la seconde intifada en Israël en septembre 2000, l’opération « liberté immuable » en Afghanistan en 2001, l’opération « liberté en Irak » en 2003, la guerre entre Israël et le Hezbollah durant l’été 2006, la guerre de Gaza en 2007 – 2008, l’opération « aube de l’odyssée » en Lybie (limite ultime du Moyen-Orient) en 2011. La seule guerre internationale qui ne fut pas dans le Moyen-Orient concernait la Russie et la Géorgie en 2008.
Suivant les instituts de polémologie, il y a quatre fois plus de guerres civiles que de guerres internationales. Le Moyen-Orient est alors l’espace où le polemos (logique de guerre) prend le pas sur la paix.

Seconde idée, il y a une dimension et une portée mondiale de la guerre au Moyen-Orient. Ainsi dans pratiquement toutes les guerres internationales de cette région et même au-delà, on trouve une pluralité d’autres acteurs étatiques (services de renseignement, intervention humanitaires, …). De plus, on constate des logiques axiales, comme celui de la Mer Rouge qui jouent dans les guerres. On trouve aussi des pivots géopolitiques dans les conflits. C’est le cas du Liban, pivot politique et géoéconomique du fait de l’arrivée de nombreux pipelines (venus de Bayrouth, …), de la présence de plus de 80 banques, des passages, … Israël est aussi un pivot pour la politique des USA, l’Arabie Saoudite pour les monarchies pétrolières, l’Iran pour les pays chiites, …
Enfin le Moyen-Orient a une portée médiatique particulière, de même qu’une portée économique. Les grands évènements économiques depuis les années 1970 ont souvent venus du Moyen-Orient : premier choc pétrolier en 1973 avec la guerre du Kippour, second choc pétrolier en 1979, contre-choc pétrolier en 1989, guerre d’Irak en 1990, …

2.      Quelle guerre ?

Définition manquante.
On peut définir trois points importants aux guerres. D’abord, il s’agit d’une activité violente. Ensuite c’est une activité collective (pour différencier des bagarres qui opposent quelques individus). Enfin, il s’agit d’une activité rationnelle, c'est-à-dire qu’elle se fait en fonction d’un but. Pour le troisième point on peut prendre le cas de la Première Guerre d’Irak dont le début est parfois flou. Ainsi, certains analystes fixent le départ de cette guerre le 2 août 1990, lors de l’invasion du Koweït par l’armée irakienne, d’autres ne fixe le départ qu’avec l’intervention américaine en 1991. Les justifications du début de la guerre en 1990 s’expliquent par le fait que le Koweït appelle l’ONU à l’aide au nom de la « légitime défense collective », ce qui est un argument légal-rationnel au sens wébérien du terme.

Chez Clausewitz, la guerre est un moyen en vu d’une fin, comme il l’écrit lui-même « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ».

D’autres tentatives pour définir la guerre furent faites sur la base d’indicateurs, notamment des indicateurs dans le temps. Ainsi l’université du Michigan avaient fixé deux points importants. La guerre était un affrontement armé durant 12 mois consécutifs et qui induisait la mort d’au moins 1 000 personnes. Cette définition fut très largement critiquée et a donc subit beaucoup de modifications.
Le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute) estimait qu’une guerre était un conflit armé majeur avec au moins 1 000 morts sur une année civile. La différence tient surtout au terme « majeur » qui questionne sur la portée de la guerre. Là encore, la définition est contestable.


II.                Une typologie des guerres

Parmi les différents critères pour illustrer les guerres, on peut commencer par déterminer l’ancienneté de la guerre, leur durée, le niveau d’extension (acteurs, catégories, …) et les données idéologiques au sens large (part du religieux, …).

L’ancienneté conditionne plusieurs éléments. Longtemps au Moyen-Orient les conflits furent très restreints spatialement. Ainsi les Druses ont connu une guerre. Les Druses sont un groupe humain essentiellement caractérisé par leur confession, pour le reste, c’est un grand mystère. On les trouve sur plusieurs pays (Irak, Jordanie, Israël, Liban, Syrie, Turquie, …). Ce sont des musulmans chiites d’un type particulier puisqu’ils sont dans l’ordre de l’ésotérisme avec un fonctionnement sous forme de classes. Ils sont très fortement structurés par la religion. En revanche, ils furent toujours une population minoritaire réfugiée dans les montagnes car elle était persécutée par les peuples majoritaires. Ce groupe à part a des valeurs guerrières très poussées ce qui en fait des meneurs d’armées particulièrement performants. Ainsi, le Tsahal possède des groupes internes exclusivement composés de Druses.
Ils sont à l’origine de guerres notamment en 1860 et 1925. La première fut importante puisque les Druses ont massacré de nombreux chrétiens. Dans un conflit commercial entre Français et Anglais, les Druses furent l’outil de la sanction anglaise envers les Français. Ainsi quand Napoléon III envoie une armée protéger les Chrétiens et Maronites attaqués par les Druses, il renoue avec la politique de François I qui avait entamé la grande politique française vers le Levant (devenu aujourd’hui le Moyen-Orient). En intervenant de manière directe dans les montagnes du Liban, qui sont comprises dans l’Empire Ottoman, Napoléon III cherche à intervenir sur le trajet de la route de la soie, à rivaliser avec le commerce anglais, à affaiblir l’Empire Ottoman, … Cette intervention française va commencer à fonder les bases d’une identité libanaise qui se construira par la suite. Comme souvent, les Français s’appuient sur des identités locales pour intervenir et raffermir leurs intérêts. Mais cela reste une guerre localisée.

Toujours concernant l’ancienneté, la logique de conflit est ancienne au Moyen-Orient, mais elle possède ses propres caractéristiques. Il y a une logique traditionnelle aux conflits de cette région. L’Arabie Saoudite s’est construite autour de la famille Saoud, une famille à la tête des tribus du désert et qui a entamé la conquête de la Péninsule Arabique au XVIII° siècle. Cela abouti à toute une série de petites guerres au XIX° siècle pour que les Saoud mettent la main sur l’ensemble de cette Péninsule Arabique. C’est donc un hégémonisme ancien qui aboutit en 1932 à l’Arabie Saoudite avec le soutien de puissances occidentales.
Autre exemple, les indépendances déclenchées par la fin de la première Guerre Mondiale. Cette guerre se termine dans cette région sur la défaite de l’Empire Ottoman. Avant cette guerre, il y avait trois pays souverains ou censés l’être : Turquie, Iran et Afghanistan. Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, un processus d’émancipation a lieu que ce soit avec l’appui de puissances étrangères ou celui de grandes familles. Entre 1918 et 1939, quatre pays naissent : Arabie Saoudite, Yémen, Irak et Égypte (qui était sous domination anglaise). En 1943, le Liban devient pays souverain après avoir été sous mandat français. La Syrie suit en 1945, la Jordanie en 1946, la Lybie en 1951.

En 1945 est créée alors la Ligue des États Arabes (LEA), dans le cadre des indépendances en cours. A ce moment, l’ONU proclame l’État d’Israël. La concordance de la LEA et d’Israël doit être notée. Immédiatement et par anticipation, la LEA fait un front d’opposition à Israël au nom du fait que les Européens ont commis la Shoah en Europe, que les pays Arabes n’étaient pas concernés et que l’Europe installe au Proche-Orient un État juif en excluant un peuple arabe déjà présent, les Palestiniens.

1.      Les guerres israélo-arabes

La première eu lieu en 1948, les pays arabes interviennent contre l’ensemble des armées israéliennes. La seconde guerre est nommée la Crise de Suez en 1956. Dans ce conflit, parachutistes français et anglais interviennent tandis qu’Israël s’oppose à l’Égypte. En 1967, c’est la guerre des Six Jours, dont l’impact au Moyen-Orient fut immense. Enfin en 1973, c’est la Guerre du Kippour au déclenchement du premier choc pétrolier.
Cette chronologie est limitée puisqu’en 1982 a lieu l’opération « Paix en Galilée » déclenchée par Israël pour diminuer et faire partir l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat. Mais dans cette situation, il n’est pas toujours possible d’évoquer une guerre.

L’évolution de ces guerres israélo-arabe est caractérisée par l’épuisement de l’influence britannique dans la région. Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, en dépit de son prestige, le Royaume-Uni est épuisé surtout financièrement. Son retrait des troupes se fit très rapidement. En deux jours, les troupes britanniques quittent la région laissant les tensions latentes entre Israël et pays arabes exploser. Jusqu’en 1961 les troupes britanniques viennent régulièrement s’interposer dans la région pour empêcher une guerre menaçante. Ils ont pu y parvenir car Saddam Hussein n’est pas encore là et que l’Irak menaçait d’envahir le Koweït.
Mais les Britanniques seront tout de même à l’origine de la Déclaration 181 de l’ONU signée en novembre 1947, qui partage la Palestine en trois entités : un État juif, un État palestinien et la ville de Jérusalem. La même année la LEA refuse cette résolution et entre donc dans un conflit généralisé dont la dimension internationale est immédiate et perdure de nos jours.

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