Caravane de dromadaires aux abords de Nouakchott, Yann Arthus Bertrand.
Certes c'est en Mauritanie, mais ça m'évoquait plus le Moyen-Orient.
Certes c'est en Mauritanie, mais ça m'évoquait plus le Moyen-Orient.
Introduction
Diplomate
libanais célèbre dans le milieu du Moyen-Orient, ministre des affaires
étrangères de ce pays, Fouad Boutros était un homme reconnu par les
chefs d’Etats arabes et même internationaux avec des liens avec les présidents
occidentaux notamment. Boutros a déclaré « Ici c’est le Tiers-Monde. Chez nous dans le
Tiers-Monde, c’est le politique qui commande l’économique ». Si
ses propos furent beaucoup décriés, notamment chez les économistes, il
sous-entendait que le politique dans les décisions prenait le dessus sur
l’économie. Boutros luttait entre autres contre la corruption et le
paternalisme. Le Printemps Arabe fut d’ailleurs présenté comme un effondrement
économique avec des inflations sur les ressources dans les deux ou trois années
avant ce Printemps Arabe. La paupérisation fut donc un paramètre économique
largement signalé lors de ces évènements.
Fin 2011,
Chindan
Baram, ancien ministre indien des finances, déclarait « La
démocratie coûte deux points de croissance ». Un acteur de premier
plan sur le plan politique, souligne que la démocratie réduit l’émergence et le
développement du Tiers-Monde.
En
1960 fut publié l’ouvrage Stages of growth, traduit comme Les étapes de la croissance, et écrit
par l’américain Walt
Rostow. Il a développé la notion de take
off. Cet économiste plutôt développementaliste (on peut appliquer les
étapes du développement pour à peu près tous les pays) a conservé un schéma
prégnant dans les mentalités des dirigeants des pays du Moyen-Orient. Nasser
qui lors de cette publication se disait socialiste et commençait alors à se
rapprocher de l’URSS, va suite à cet
ouvrage recommander sa lecture à ses ministres, puisqu’il pense qu’on y
trouvera des solutions de développement. Rostow n’est pas un simple
universitaire, il fut aussi un des premiers conseiller de l’administration
américaine sur le Moyen-Orient.
Ibn
Khaldoun est
souvent considéré comme un précurseur de la sociologie puisqu’il donne quelques
outils sociologiques dès le XIV° siècle. Il
écrit « Chez les peuples animés d’un même esprit de corps, le commandement ne
saurait appartenir à un étranger ». Il part ainsi de l’idée que le
monde arabe tel qu’il est né dans le monde du désert et des villes du désert,
est caractérisé par l’Asabiyya,
l’esprit de clan. Toute son idée, toujours reprise par de nombreux
sociologues, c’est que les sociétés arabes se sont structurées depuis cette
cellule de base qu’est l’Asabiyya. Il
y a cette idée que dans le monde musulman, on constate un rejet de la
domination extérieure et des influences extérieures. Selon lui, « Une nation
s’affaiblit lorsque s’altère et se corrompt le sentiment religieux ».
S’il existait déjà des villes et des grandes villes, les sociétés bédouines ont
connu un phénomène de détribalisation, une perte d’importance de l’Asabiyya initiale. La base de
l’évolution de ce monde là a amené une plus grande richesse. Cette richesse est
liée à la sédentarisation qu’elle rend possible et facilite (par le bâti, les
infrastructures, …). La sédentarisation
apparaît alors comme une perte de courage, on ne fait plus face aux risques du
désert. On perd tant du courage qu’une forme de sauvagerie jusqu’alors
valorisée. Au sens wébérien, la société se rationalise y compris dans le monde
arabe. Ce phénomène de rationalisation semble pour certains membres de la
société, bafouer les sources de cette même société. Il y a une altération du
sens des origines et des valeurs. D’où les sens donnés dans certaines branches
de l’islamisme d’un rejet de l’avilissement des nouvelles formes de sociétés
dans les pays arabes.
Enfin
Michel
Foucher, qui a travaillé essentiellement sur la question des
frontières européennes a écrit « Les réseaux sociaux ne sont que des outils,
des mediums à langage. Les mots et les contenus sont eux politiques et
sociaux ; ces vecteurs créent l’illusion d’une communauté virtuelle de
protestataires ». Cela fait fortement écho aux révolutions arabes
mais aussi en Syrie ou en Lybie. Les mouvements de ces pays sont partis des
forums et des réseaux sociaux sur internet. Croire que ces internautes forment
une identité réelle et unie est un leurre selon Michel Foucher. Au printemps 2011, l’ancienne secrétaire américaine
d’Etat aux Affaires Etrangères, Hilary Clinton a énoncé dans son discours le
« droit à la connexion et au
rassemblement virtuel ». Cela fut un des axes des politiques de
Barack Obama, la connectivité triomphante, cette capacité à fédérer et emporter
dans son sens l’opinion publique. Cela a confirmé à l’hyperpuissance qu’il y
avait une nouvelle concurrence mondiale dont le terrain s’est aussi déplacé. En
Égypte, le directeur du marketing de Google, d’origine égyptienne, a eu un rôle
primordial, il a libéré les réseaux sociaux durant cette révolution. Ceci dit,
en Chine, Google a accepté de rester en étant filtré par les autorités
chinoises. La stratégie de la société est variable selon les situations.
La géopolitique est
le « jeu des conflits sur des
territoires et pour les territoires » selon Yves
Lacoste. C’est alors une méthode géographique d’analyse des conflits. On peut alors se demander où et
comment bougent les frontières dans le Moyen-Orient au cours de dernières
décennies ? Eh bien en fait, elles ne bougent pratiquement pas, sauf
depuis 1948 avec la Palestine et Israël. On a donc une stabilité partielle si
l’on ne regarde que les frontières.
Le Moyen-Orient est
difficile à définir. Cette région du monde est associée au monde arabe et au
Proche-Orient.
Le monde arabe
qualifie un espace plus qu’un territoire. Le territoire est délimité, approprié et organisé.
Ce monde arabe est un espace de peuplement qui s’étire pendant la conquête
arabo-musulmane du Cachemire jusqu’à la Péninsule Ibérique. Ce peuplement s’est
fait par la guerre, par la conquête et la conversion des peuples adversaires. Si c’est un territoire, on peut le
qualifier par l’agriculture, par les institutions, par la religion, … Et
pourtant, en analysant de plus près ses facteurs, ils sont fortement
contestables. Par exemple, le monde arabe s’est unifié sous les Turcs qui
ne sont pas arabes du tout. Il est donc difficile d’utiliser le terme
« monde arabe ».
Le Proche-Orient est une expression créée par les
intellectuels français au XIX° siècle. De
plus, ce terme qualifie l’Orient comme une porte d’entrée vers l’Asie, mais
dans le cadre des délimitations c’est très flou.
Le Moyen-Orient pour sa part croise deux notions
depuis le début du XX° siècle. Ce mot est
une projection sémantique anglaise qui prend de bout en bout ce territoire.
Ensuite, la signification géopolitique forte en fait un espace charnière,
ouvert et dépourvu de frontières naturelles. Nadine Picaudou qualifie cette
« zone de carrefour géographique et
humain, il se définit plus par les réseaux qui le parcourent que par les
limites qui l’enserrent ». Un élément d’unité physique de ce
monde, c’est la dominante semi-aride, cadre de l’association entre le monde
nomades et les paysanneries sédentaires. De ce point de vu là, le basculement
se situe dans la période de conquête et d’expansion du monde musulman. Cette
expansion va renforcer les activités et les administrations dans cette région.
Dans ce Moyen-Orient,
on a trois groupes humains
qui grosso-modo correspondent à trois territoires :
·
Les Turcs sur le plateau anatolien,
population relativement homogène.
·
Le monde irano-afghan beaucoup plus diversifié que la
population turque. Par exemple, la moitié des iraniens ne sont pas
persanophones. L’Afghanistan est organisé autour d’une ethnie principale les
Pachtouns, mais il existe une pluralité d’ethnies dans ce pays.
·
L’Orient Arabe avec trois sous ensemble :
la zone Égypto-soudanaise sur la vallée du Nil, le croissant fertile entre le
littoral méditerranéen et le Tibre et l’Euphrate ; et enfin la Péninsule
Arabe, espace mouvant désertique et ouvert. La Péninsule Arabe est cependant centrale,
par la religion, puisque c’est le berceau de l’Islam, et par les valeurs
bédouines.
Le Moyen-Orient est
donc divers dans sa population mais on peut caractériser ses peuples. Il est
parfaitement identifiable d’un point de vue physique (Delanole ??? a montré qu’on
trouvait des vignes de bout en bout de cet espace). Ultime facteur unitaire, la religion islamique.
Le Moyen-Orient est
donc une considération quelque part d’histoire culturelle, c'est-à-dire de
réfléchir en termes de représentations que les peuples ont d’eux-mêmes. De
plus, dans les pays situés dans l’espace du Moyen-Orient, l’expression
« Moyen-Orient » s’y est imposée collectivement et y est très
employée.
On notera tout de
même que cette expression est occidentale et paradoxale. Il s’agirait d’une
« entité géopolitique créée et
pérennisée par les Occidentaux ». Les
Européens l’ont créé, les Américains l’ont pérennisé.
Il y a l’idée d’une
tradition dramatique et multiséculaire entre le Moyen-Orient et l’Occident dans
les écrits de Georges Corm. En accentuant
davantage cette idée de dramatisme, il constate que cela se lit à l’ouverture
de chaque siècle.
Au XIX° siècle, Napoléon entre dans la
campagne d’Égypte et la retire de la domination de l’Empire Ottoman. Le XX° siècle est celui du double partage : les
accords de San Remo (1920) qui instaurent
des mandats de la SDN au nom des vainqueurs de la Première Guerre
Mondiale ; et les accords pétroliers (1925 –
1928) qui permettent aux grands pays occidentaux de prendre une partie
du marché pétroliers du Moyen-Orient notamment avec Callouste
Gulbenkian. Enfin, le XIX° siècle
commence avec le 11 septembre 2001,
c'est-à-dire la réplique américaine avec l’invasion de l’Afghanistan en 2001 et de l’Irak en 2003.
Pour Georges Corm, cela permet de justifier l’expression de « choc des
civilisations » comme l’avait dit Huntington.
Selon Corm, la
perception européenne de cet espace se caractériserait par « la religion islamique y joue le rôle de
repoussoir fantasmatique des peurs européennes » et « ce repoussoir serait la justification de la
volonté hégémonique occidentale sur le Moyen-Orient ». La pensée de
Corm doit être analysée avec deux grandes précautions. D’une part, chez Corm,
il y a une obsession anti-étatsunienne
politique très nette mais aussi du fait que cela se constate à 95% dans la population
du Moyen-Orient. De plus, les USA sont pour lui, depuis
les années 1980, la base du gouvernement mondiale et de la globalisation
financière. D’autre part, il a une
vision profane des sociétés du Moyen-Orient, il prend en compte le
religieux mais avec un regard laïc car il serait trop réducteur de tout
analyser d’un point de vue purement religieux.
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