mardi 2 avril 2013

Politique du risque 28 - 03 (cours 7, fin)



 José Bové, céréales-killer ?


En Norvège, au Danemark, et en Autriche, les opinions publiques vont s’élever contre l’utilisation des OGM. Au même moment en France, le ministère de l’agriculture a la main, surtout en 1994, via Syngenta, grand groupe de l’industrie alimentaire qui propose de vendre un certain type de maïs, résistant à la pyrale, permettant aux agriculteurs de ne pas utiliser de pesticides contre cette maladie. Sans qu’il y ait de difficultés, Syngenta vend librement ces OGM. Mais en 1996, alors que le soja OGM peut être importé en Europe avec Monsanto, la réaction de Libération provoque une grande crainte dans la population et un lien est établi entre les OGM et la consommation de vache folle. Ce climat d’incertitude et de défiance renvoie à la recreancy, la parole scientifique n’est plus suffisante et produit davantage d’incertitudes que de certitudes. Greenpeace parle des envahisseurs biotech et tient en général un discours qui repose sur la logique médiatique où l’on simplifie le message. Les biotechnologies sont considérées comme des envahisseurs et Greenpeace rejette fondamentalement tout ce qui a trait aux biotechnologies puisqu’il s’agirait d’envahisseurs. Si la vision est réductrice, elle va frapper la population et sera transmise facilement dans les médias. On a parlé de Greenpeace comme un néostalinisme qui refusait de discuter avec les autres acteurs, braqué sur son discours et rejetant toute tentative de dialogue.
Dans le discours des activistes de Greenpeace, on perçoit une parole qui n’est pas véritablement irrationnelle. Les OGM ne sont pas rejetés parce qu’ils sont dangereux (Greenpeace comme les scientifiques n’en sait rien) mais parce qu’ils étaient imposés par les grands groupes industriels sans concertation. Arnault Apoteker n’est pas opposé à l’utilisation des biotechnologies mais bien à l’irréversibilité du fait d’accepter les OGM. C’est l’irréversibilité qui pose problème. En effet, comme on l’a dit, accepter les OGM c’est risquer de transmettre les gènes des plants d’OGM à d’autres cultures (par le moyen de la pollinisation notamment).
Corine Lepage alors ministre de la culture va reprendre ce discours et y ajoutant l’argument du respect des générations futures. Ainsi, selon elle, l’irréversibilité de l’ouverture aux OGM se double d’une forme de manque de respect des générations futures qui ne pourront pas revenir en arrière sur cette décision. Elle s’oppose donc au ministre de l’agriculture de l’époque, Philippe Vasseur. On voit donc s’opposer deux courants d’experts chacun ayant un ministre dans son bord. Du coup, il faut s’intéresser à la question des expertises. La Commission du Génie Biomoléculaire (CGB) dirigée par Albert Kahn, en charge d’émettre les avis d’experts sur toutes les questions concernant les OGM.
Lorsque José Bové décide de faucher des champs de colza transgéniques, il s’engage dans un type d’action qui illustre bien la désobéissance civile. Il veut envoyer au gouvernement un signal en vue d’améliorer la loi. Cette désobéissance civile a un objectif, celui d’améliorer le contenu de la loi, pour que ceux qui souhaitent cultiver sans OGM puissent le faire. Il déclare alors [approximatif] « Je sais qu’en agissant comme je l’ai fait, j’ai fait quelque chose d’illégal, mais c’était nécessaire et nous n’avions pas d’autres choix. En effet, la façon dont les produits OGM ont été imposés à l’espace européen, jamais les agriculteurs et ??? n’ont été consultés ». Par ces propos, Bové illustre parfaitement ce but de désobéissance civile.

En quoi les arguments scientifiques ont-ils abouti à une contre-expertise ? Si on devait faire un bilan des bénéfices des OGM : la première préoccupation est écologique. Les écolos seront sensibles à l’introduction d’OGM dans l’agriculture, permettant d’économiser non seulement les ressources aquifères, mais évitant aussi l’usage excessif d’intrants. Le second argument, c’est l’utilisation à bon escient des engrais. En effet, on ne risque plus trop de voir les productions agricoles ravagées par les insectes. Jean-Yves Le Déaut souligne que dans les pays où le coton OGM est exploité, il y aurait une réduction de 30 % à 50 % des pesticides dans ces cultures ce qui réduit aussi la mortalité paysanne. D’un autre coté, les grandes firmes internationales y voient aussi le moyen d’améliorer la qualité nutritionnelle des aliments, comme l’illustre l’exemple du riz doré (enrichi en vitamine A). Ce rapport de Jean-Yves Le Déaut porte à 400 millions les enfants atteint d’une carence en vitamine A et que le riz doré pourrait sauver.
A travers l’utilisation des OGM en Afrique, on voit aussi apparaître une toute autre analyse. Ainsi, dans la revue Tiers-Monde, Thierry Raffin souligne que lorsque Monsanto découvre de nouveaux plants transgéniques, alors les brevets de ces innovations sont dans les mains de ces entreprises avec l’aide des Etats. Lorsqu’ils les mettent en application, ils déstructurent l’agriculture de ces pays. Soulignant la révolution verte qui découlerait de la culture de ces OGM, pourtant dans les pays africains, la greffe de ces OGM ne prend pas et constitue un miroir aux alouettes. La principale résistance apparaît à travers les conditions sociales africaines. Les agriculteurs africains n’arrivent pas à s’approprier les OGM du fait de leur savoir faire traditionnel. Les semences génétiquement modifiées ne se combinent pas avec la culture traditionnelle de ces pays. Raffin en conclu que dans l’opposition entre tradition et modernité, les agriculteurs ne saisissent pas bien le principe des OGM  et c’est une forme de néocolonialisme qui s’inscrit dans le cadre de ces OGM en Afrique.

Les risques certains liés aux OGM sont de deux types. Le risque de l’allergie est la conséquence directe de l’introduction de nouveaux éléments dans un ingrédient. D’autres analystes soulignent qu’il existe donc un risque spécifique lié à l’introduction de nouveaux aliments dans un produit. A l’échelle d’une population, le risque potentiel est élevé. Ces scientifiques du coté du ministère de l’environnement, expliquent qu’on ne peut pas simplement juger sur les expériences passées, il faut continuer à faire des recherches pour démontrer qu’on ne risque rien.


Texte sur le principe d'équivalence en substance (p.64 - 68) :
L’équivalence en substance c’est lorsque l’on prouve que les caractéristiques structurelles d’un OGM sont les mêmes que les caractéristiques d’un organisme traditionnel. Mais des scientifiques contestent ce principe. Selon eux, il n’a rien de scientifique dans ce principe et les critères sont insuffisants. Soit d’autres tests doivent avoir lieu, soit il faut parler d’un concept et non d’un principe. Dans l’idée, on ne peut uniquement comparer les aliments dans leur structure chimique, il faut aller bien au-delà dans l’évaluation des risques et prendre en compte un panier de risques plus large que seulement la ressemblance chimique. Du coup, le débat s’enclenche chez les scientifiques, et par ce principe d’équivalence en substance, la parole de certains experts devient en fait, l’expression des intérêts de grandes firmes internationales et d’Etats comme les USA.


Un expert, c’est un scientifique qui est consulté par les profanes (acteurs politiques, …) et qui permet de justifier une décision. En général, les experts sont souvent invoqués dans les débats pour appuyer ou compléter les propos. Mais quand l’expert est convoqué par un politique, a-t-il un rôle de décideur ou est-il plutôt manipulé par le politique ? A chacun son interprétation, l’expert peut avoir une légitimité sociale et être entendu pour guider les politiques, mais il peut aussi se contenter de répondre aux attentes du politique. Ainsi Philippe Roqueplo explique que pour définir la relation d’expertise, il faut passer par la définition du contexte politique. Lorsque la Cité pose une question à un scientifique, l’expertise n’est pas la science, mais la réponse à une question originellement non-scientifique. On exploite donc la légitimité sociale des scientifiques mais plus encore, on leur pose une question en leur demandant de s’engager dans un processus de décision politique. Le problème qui en découle, c’est que les scientifiques appartiennent à un monde un peu à part et que plonger dans ce milieu politique, la question leur devient assez incompréhensible. Les effets pervers qui découlent de l’interface entre ce monde scientifique et ce monde politique ??? Ce qui est proposé de manière complexe dans la solution scientifique, est souvent simplifié par les politiques qui ne tiennent compte que des résultats, mutilant l’analyse scientifique et conduisant à un dialogue de sourds. La réponse complexe du monde scientifique est toujours adaptée au monde politique et paraît en ce sens simplifiée.
Sur la plupart des questions demandées par les politiques, les scientifiques n’ont pas de réponses (ce sont souvent des sujets nouveaux). Poussés par les politiques, les scientifiques doivent donner une réponse et donnent donc leurs certitudes personnelles en tant que scientifiques, ce qui rend leur réponse aussi banale que celles qu’on peut obtenir par un microtrottoir. Jean-Claude Ameisen sur la question du clonage reproductif (qui consiste à donner naissance à un clone à partir de n’importe quelle cellule du corps et une manipulation génétique basique) ne voit rien de choquant à produire artificiellement des jumeaux sans user d’arguments scientifiques.
Sur la question des pluies acides, Philippe Roqueplot rend compte d’un dialogue entre un scientifique et un politique qui est très clair sur cette question (cf texte de Roqueplo p.16-18).
L’affaire Pusztaï (texte p.120-126) consiste en une expérience scientifique où le professeur Pusztaï a testé les OGM sur des rats en faisant manger des OGM à un groupe de rats A et d’autres non-génétiquement modifiés à un groupe de rats B. A la fin de la recherche, Pusztaï a constaté que les rats qui ont mangé des OGM avaient systématiquement une taille plus faible que les autres. Il communique alors ces résultats aux médias avant d’en rendre compte aux autres scientifiques. Le Times titre que les OGM provoquent des problèmes de croissance et dans l’article Pustzaï déclare « Nous sommes tous des cobayes ». Cela provoque un tollé médiatique, mais aussi de la royal Society of Science qui retire son statut de scientifique à Pusztaï. En effet, Pusztaï a voulu répondre à la question sociale et politique avant même de soumettre ses résultats à ses pairs. En oubliant, de passer par le langage des experts avant celui des politiques, Pusztaï a simplifié son discours et l’a discrédité pour les scientifiques.

C’est à propos des OGM qu’il y a eu en 1998 le plus grand forum hybride : l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) organisé par les experts avec les citoyens (texte p.787-788). Cette expérience grandeur nature d’organisation participative a choisi 14 citoyens sélectionnés par l’IFOP et qui reçurent des enseignements sur le sujet pendant quelques jours. 5 débats successifs eurent lieu lors de plus de 10h de débats. Au terme de ces débats, les citoyens se sont retirés pour rédiger un avis qui fut transmis au pouvoir public pour influer les décisions pouvant être prises. Cette expérience inédite en France en 1998 ne fut possible que parce que les organisateurs avaient constitué un panel de la population française et avaient formé des citoyens sur le débat. Suite à cette formation, une phase de délibération a eu lieu. Au final, le panel donne un avis nuancé sur la question des OGM et conseille l’ouverture d’un moratoire sur la question de la consommation des OGM par des humains ou des animaux. C’est sur la base d’une délibération entre 14 citoyens représentatifs qu’on arrive à cette décision. Les 14 sélectionnés ont réussi à se réapproprier le débat, à contester les avis des experts et à révéler leurs contradictions. On a là une nouveauté, une forme d’expertise citoyenne avec des citoyens qui se sont intéressés au débat, se le sont réapproprier et ont finalement produit un avis.



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Partiel : Dissertation, thème général facile à se réapproprier. Deux critères de sélection : expliquer le plus clairement possible les concepts mobilisés (tireurs d’alarmes, recreancy, forum hybride, explication culturelle des risques, …) et la capacité à reconstituer les tenants et les aboutissants des termes du débat sur les biotechnologies. Ne pas oublier de garder la forme classique d’une dissertation : introduction (accroche, interprétation des termes du sujet (montrer la polysémie d’un des termes du sujet, de la pluralité d’interprétation de ce sujet) à problématique à annonce du plan), grandes parties avec des transitions, conclusion (synthèse et ouverture)).
Actions publiques et transformations : actions publiques à Etats / transformation : sur le plan symbolique et sur le fond. Donc comment l’Etat s’est transformé de la prise de décision à la prise d’indécision.

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