mardi 2 avril 2013

Moyen-Orient 29 - 03 (cours 6, fin)



Le minaret reste un point commun aux différents courants de l'Islam.



Les facteurs religieux


Sur l’islamisme : François Burgat, sociologue spécialiste de la question religieuse et de l’Islam.

Le premier problème géopolitique des religions c’est l’essor des islamismes surtout à partir des années 1970. Ce poids est difficile à mesurer, il n’existe pas réellement un seul islamisme mais il en existe quatre familles (cf le texte de George Mutin). De plus, l’islamisme est une nébuleuse qu’il faut étudier au travers des cellules qui s’en réclament, de leurs activités, … Les logiques islamistes sont évolutives et rappelons-le, les islamismes sont minoritaires chez les Musulmans, bien qu’ils aient souvent une forme de sympathie pour certains aspects de l’islamisme.

L’islamisme est relativement ancien avec le wahabbisme au XVIII° siècle. Mais c’est au XIX° siècle que les autres familles se sont développées. Ces familles se sont diffusées de manières nouvelles depuis la fin des années 1960 jusqu’au milieu des années 1970. Les raisons sont nombreuses, même si non insiste plus volontiers sur l’influence financière et idéologique de l’Arabie Saoudite avec son envoi de pétrodollars dans les autres pays, notamment musulmans et africains. Cela lui permet du coup, de promouvoir par la construction de mosquées, d’aides aux plus démunis, de scolarisation, … Cette influence passe par l’argent et les œuvres mais n’est pas systématiquement un succès.
Il y a aussi un développement de l’islamisme par l’opposition à l’Occident et tout particulièrement aux USA. Pour de nombreux individus, on ne peut régler la question d’Israël que par le conflit car l’ONU est bloquée par les USA et la Grande-Bretagne. Cette opposition à l’Occident va cristalliser les pensées islamiques. Il y a alors une substitution progressive d’un monde arabo-musulman à une volonté panarabique. Au panarabisme, l’islamisme tend à vouloir prendre sa place.
Enfin, il y a la question du chiisme révolutionnaire qui réussit à prendre le pouvoir en Iran en 1979. L’Arabie Saoudite n’est plus le seul État islamique, l’Iran l’est aussi. En plus, l’Iran a une autre forme d’islamisme avec une pensée religieuse et politique assez poussée. On a notamment une pensée économique construite. De plus, l’Iran se construit aussi contre les USA (cf Argo de Ben Affleck). D’un coup, l’Occident voit plusieurs faces à l’islamisme. De la fin des années 1970 aux années 1980, on voit la faillite des grands modèles d’État, dont notamment, selon Bertrand Badie : celui de la modernisation conservatrice (En Iran et au Maroc). Ces États sont des anciennes dynasties qui veulent avancer dans la modernisation (émancipation des femmes, armée modernisée, …) mais se retrouvent toujours avec une misère persistante qui va se confronter aux courants religieux. Dans le cas marocain, le roi incarne à la fois la nation mais est aussi rattaché à la religion, ce qui fait qu’il a pu éviter la chute du régime. Le Shah d’Iran n’ayant pas de dignité religieuse, cette religion s’est retrouvée contre le pouvoir. Les régimes qui se voulaient panarabiques (Égypte puis Irak) furent aussi des régimes modernisateurs qui ont chuté.

Texte de Burgat :
Burgat est questionné sur le succès inattendu des Salafistes en Égypte. Il explique que si nous sommes surpris par le score des frères musulmans, lorsqu’on connaît le pays, ce succès est logique. Les deux courants se définissent, entre autres, par leur évolution historique. Les Frères Musulmans furent persécutés par Nasser et durent faire des concessions à Nasser et au pouvoir pour conserver une modeste place politique. Les Salafistes eux furent littéralement marginalisés par le pouvoir et par leur auto-exclusion. Un schéma d’évolution et de progression vers le pouvoir place en périphérie les Frères Musulmans tandis que les Salafistes se sont auto-exclus du système électoral.
La convergence est assez forte entre les familles islamiques par leur entrée dans le jeu politique. Pour eux, prendre les armes pour s’affirmer leur semble logique et Burgat les compare aux Chrétiens en Palestine. La question de prendre les armes n’est pas propre à L’islam ni même aux Islamistes, c’est une attitude lorsqu’une communauté se sent menacée. Leur point de convergence étant tout de même un conservatisme moral, donc plutôt une forme d’intégrisme et de fondamentalisme comme retour aux sources originelles. Bien que l’islamisme demeure une doctrine politique.
Le Hezbollah est un parti chiite envers lequel beaucoup de chiites refusent d’y adhérer, même s’ils sont majoritaires au Liban. Dans ce pays, on a aussi le Hamal, parti chiite différent du Hezbollah. D’ailleurs au Liban, le Hezbollah s’est associé à un parti chrétien dirigé par le Général Michel Aoun.



Gaz ou pétrole ?



Le facteur énergétique


Le Moyen-Orient est aussi caractérisé par les ressources énergétiques diverses qui peuvent façonner la géopolitique de la région. Si l’on met de coté la question de l’eau au Moyen-Orient (dont le spécialiste sur cette question est Georges Mutin), il reste le sujet des hydrocarbures.
Le Moyen-Orient possède les 2/3 des réserves mondiales de pétrole ainsi que 40% des réserves mondiales de gaz. Au total, la région possède 60% de la consommation énergétique de la planète. L’avenir s’annonce encore radiaeux pour le Moyen-Orient puisque l’exploitation du pétrole continue de grimper, au moment même où les réserves de Mer du Nord vont s’épuiser. Du coup, le pétrole dans les zones moins accessibles du globe devient un vrai enjeu (le partage du pétrole en Antarctique va-t-il devenir source de conflits ? Les nappes pétrolières sous la banquise du Pôle Nord seront-elles exploitables et si oui par qui ? …). A coté de ces enjeux, l’Arabie Saoudite est le pays possédant le plus grand champ pétrolier du monde. Pour le gaz, le principal pays qui en possède reste la Russie, mais le plus grand champ de gaz au monde reste le Golfe Persique qui possède 20% des réserves mondiales.

Existe-t-il des alternatives aux hydrocarbures du Moyen-Orient ? Cette question s’est posée en 2009 lors de la conférence de Copenhague. Les pays en présence ont pris en compte le changement climatique et la nécessité de trouver d’autres sources d’énergie. Parallèlement la conférence s’est terminée sur le constat qu’on ne pouvait pour le moment passer à coté des réserves du Moyen-Orient. C’est le second constat, il n’existe aucune région dans le monde qui permette de proposer une alternative à l’exploitation des hydrocarbures du Moyen-Orient. En effet, cette région possède non seulement les réserves les plus importantes au monde, mais ces réserves sont aussi les plus accessibles et les moins nocives pour l’environnement lors de leur exploitation. En effet, en 2010, la côte Sud des USA fut confrontée à une marée noire importante, du fait de l’exploitation complexe et non totalement maîtrisée des nappes pétrolières dans le Golfe du Mexique par l’entreprise British Petroleum (BP).

Si l’on étudie plus en détail la géopolitique du Moyen-Orient selon les critères de ressources en hydrocarbures, on peut distinguer des pays producteurs (telle l’Arabie Saoudite et l’Irak) et d’autres n’étant que semi-rentiers (comme le Liban). Mais cela peut évoluer à tout instant. En effet, si le Liban est encore un pays rentier, la découverte de potentielles nappes de pétrole dans les fonds marins libanais, relance la question. D’ailleurs plusieurs pays revendiquent ces nappes quand bien même elles semblent dans l’espace libanais (Israël, Syrie, Turquie et Liban).
Au total, 95% des revenus du Moyen-Orient reposent sur cette manne d’hydrocarbures. Seul Dubaï a décidé de se reconvertir pour anticiper l’avenir. Mais l’équilibre de la zone est fragile. Ainsi, si la Chine achète son pétrole au Moyen-Orient, elle regarde énormément vers l’Afrique subsaharienne en dépit des instabilités que connaît cette région.
Au centre du Moyen-Orient, on trouve donc l’Arabie Saoudite, qui s’appuie pleinement sur ses ressources pétrolières. C’est ce qui fait de ce pays un acteur central dans la région. Face à elle, on a longtemps eu un Irak et un Iran suffisamment forts pour lui faire contrepoids. En revanche, depuis l’invasion américaine en Irak en 2003 et l’isolation de l’Iran dans la communauté internationale, cela est devenu discutable. L’invasion de 2003 par les USA visait d’ailleurs à stabiliser la région, en particulier à stabiliser les cours du pétrole. Il semble qu’aujourd’hui, cela est surtout retourner les rapports de force et pas nécessairement en bien.
Concernant  l’Iran, on peut souligner que le pays exploite moins qu’avant 1979 ces ressources pétrolières et gazières. De plus, les sanctions de l’ONU font que la communauté internationale ne peut lui acheter pleinement ses ressources. On verra alors peut être l’Iran relancer son exploitation dans les années à venir, mais la question environnementale influera-t-elle ou sera-t-elle mise de coté ?
Dernier point sur la question du pétrole au Moyen-Orient, ce sont des compagnies nationales qui exploitent les ressources sur place.

L’autre ressource énergétique de la région, c’est le nucléaire. Cette énergie est présente dans plusieurs pays. Au-delà de la question de l’énergie, c’est la question de l’armement nucléaire qui pose des problèmes. Ainsi le Pakistan possède l’arme nucléaire, de même qu’Israël. On trouve aussi une flotte américaine dans le Golfe Persique, possédant elle aussi son armement nucléaire. L’Iran en revanche, la question demeure. L’ONU, les USA et Israël tendent à affirmer que l’Iran va posséder l’arme nucléaire sous peu tandis que le pays concerné ne revendique que son droit au nucléaire civil. Plusieurs observateurs extérieurs estiment que l’Iran est encore bien loin de posséder l’arme nucléaire. Géopolitiquement, on aurait donc un équilibre de la Terreur dans cette région. Si l’Iran venait un jour (lointain) à posséder l’arme nucléaire, le risque d’une course à l’armement dans la région n’est pas à négliger.

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